La médiatisation des discours politiques sur la migration invisibilise-t-elle les étrangers dits « méritants » ?

Does the Media Coverage of Political Discourse on Migration Make So-called “Deserving” Foreigners Invisible?

DOI : 10.52497/kairos.933

Abstracts

Cet article étudie comment la surreprésentation médiatique des étrangers jugés « peu méritants » invisibilise les étrangers perçus comme « méritants » (Holmes & Castañeda, 2016 : 13) durant la crise migratoire de 2015-2017. Une récente recherche atteste que les acteurs politiques non seulement dominent les médias d’information sur les thématiques migratoires, mais aussi que ce sont eux qui utilisent le plus de dénominations négativement connotées et que c’est via leur circulation dans les médias que ces dernières entrent dans le discours commun (Mistiaen, 2025). Partant de cette affirmation, nous étudions, à l’aide de l’analyse de discours et de la linguistique de corpus, le discours rapporté des responsables politiques dans le discours médiatique belge de mars 2015 à juillet 2017 afin de comprendre en quoi la médiatisation des étrangers jugés peu méritants domine le discours et contribue à invisibiliser ceux perçus comme méritants. Ce focus sur les étrangers jugés « peu méritants » se manifeste notamment par une surmédiatisation des menaces qu’ils représentent, occultant les récits positifs d’intégration. L’analyse révèle que cette dichotomie en entraine une autre : la division des acteurs politiques qui soutiennent cette opposition et ceux qui refusent tout simplement l’arrivée d’étrangers, peu importe le motif.

This article examines how the media’s over-representation of foreigners deemed “undeserving” has rendered “deserving” foreigners (Holmes & Castañeda, 2016: 13) invisible during the 2015-2017 migration crisis. Recent research shows that not only do political actors dominate the news coverage of migration issues, but they are also the ones who use the most negatively connoted terms, and that it is through their circulation in the media that these terms enter lay discourses (Mistiaen, 2025). Based on this assertion, using discourse analysis and corpus linguistics, we analysed the reported speech of politicians in Belgian media discourse from March 2015 to July 2017 in order to understand how the mediatisation of foreigners deemed “undeserving” dominates media discourse and contributes to the invisibilisation of “deserving” foreigners. This focus on the foreigners deemed “undeserving” leads to the over-mediatisation of the threats they represent, overshadowing positive stories of integration. The analysis further reveals a secondary dichotomy: between politicians who endorse this distinction and those who reject the arrival of foreigners altogether, regardless of the reason.

Index

Mots-clés

Étrangers jugés méritants, étrangers jugés peu méritants, discours médiatique, discours politique, dénominations

Keywords

deserving foreigners, undeserving foreigners, media discourse, political discourse, denominations

Outline

Text

Introduction

Alors que les responsables politiques, experts et acteurs militants développent des argumentations qui polarisent les débats, les médias d’information jouent un rôle significatif dans la popularisation et la visibilité du problème public de la migration (Neveu, 2015). Celui-ci pénètre ainsi la sphère publique (Habermas, 1993). Les médias attirent l’attention sur la question migratoire et ils la mettent en scène d’une manière spécifique qui reflète les pratiques sociales (Fairclough & Wodak, 1997). Même si le rôle des médias ne doit pas être surestimé (Arquembourg, 2011 : 161), ces derniers participent activement à la construction de l’actualité en documentant les événements, en les classant et en les nommant (Calabrese, 2013 : 115).

Pour mettre le problème public de la migration en récit, les responsables politiques et les médias utilisent des stratégies spécifiques. Parmi celles-ci, la nomination est une opération cruciale dans la constitution du sens de la crise migratoire et la perception de ses acteurs. En effet, « la manière dont les migrants et la migration sont décrits, catégorisés et représentés importe1 » (Berry, Garcia-Blanco & Moore, 2016 : 13). Si les êtres humains ont besoin de catégoriser– et, par conséquent, de dénominations pour nommer ces catégories – pour appréhender le monde (Hall, 1997), les dénominations font alors partie des processus qui donnent du sens à la question et leur étude permet de saisir le problème public lui-même et les luttes qui se jouent dans la société (Krieg-Planque, 2017 [2012] : 97 ; Wodak & Meyer, 2016 : 5 ; Veniard, 2013).

D’une part, cette catégorisation implique la construction d’un « autre » souvent opposé à « nous » (KhosraviNik, 2010 ; van Dijk, 1995). C’est dans et par les représentations, par exemple, « que l’audience des médias est […] invitée à construire un sens de qui “nous” sommes par rapport à qui “nous” ne sommes pas » (Cottle, 2000 : 2). Cette construction, souvent basée sur la peur et la « culture de l’ennemi » (Wihtol de Wenden, 2022 : 8), se reflète également dans les dénominations utilisées pour nommer l’« autre ». D’autre part, cette catégorisation classe les personnes en déplacement entre étrangers « méritants » et « peu méritants » (Holmes & Castañeda, 2016 ; Crawley & Skleparis, 2018 : 52) générant « une hiérarchie entre différents types de non-nationaux arrivant dans le pays sur la base du prétendu caractère méritant de leurs demandes » (Bennett, 2018 : 152). Selon cette catégorisation, les réfugiés (politiques) qui sont dans le besoin sont implicitement reconnus comme méritants, contrairement aux migrants (économiques) dont la demande n’est pas reconnue comme légitime (Akoka, 2020). En fait, « le langage du méritant et du peu méritant capture une foule d’autres divisions sociales » (Newton, 2008 : 137-138).

Cette contribution analyse les dénominations utilisées pour nommer les personnes en déplacement dans les médias belges francophones et néerlandophones pendant la crise migratoire2 de 2015-2017. L’objectif étant de comprendre comment les médias d’information participent à la construction des catégories sociales (Gauffman, 1979), l’analyse du discours semble être une approche pertinente pour étudier ce phénomène. En effet, cette discipline conceptualise le langage comme une forme de « pratique sociale » (Fairclough & Wodak, 1997), avançant que les relations sociales déterminent les discours et qu’à leur tour, les discours ont un impact sur les relations sociales. L’étude du contexte de production des discours est donc importante, car c’est par ce biais qu’on peut « légitimer (ou délégitimer) des relations de pouvoir particulières sans en être conscients » (Fairclough, 2001 : 33).

Les médias associent non seulement les dénominations des personnes en déplacement à de nombreux chiffres (KhosraviNik, 2009 : 489), à des menaces économiques (KhosraviNik, 2010 : 17), culturelles ou de sécurité (Blumell et al., 2019 : 6 ; De Cleen et al., 2017 ; Bolte & Chee Keong, 2014 ; KhosraviNik, 2009 : 494), mais font aussi circuler des dénominations négativement connotées par le biais du discours rapporté des responsables politiques (Mistiaen, Calabrese & De Cleen, 2023). Les dénominations positivement connotées sont moins nombreuses et le plus souvent issues du discours militant ou spécialisé (Mistiaen, 2025). Ainsi, les médias contribuent et accentuent cette opposition entre les personnes « méritantes » et « peu méritantes ».

Le fait que les dénominations positivement connotées soient moins nombreuses dans le discours médiatique contribue à l’invisibilisation, voire à la non-reconnaissance ; la « non-existence au sens social du terme » de ces individus (Honneth, 2004). Si la visibilité des groupes sociaux est nécessaire dans la construction de la réalité sociale (Bourdieu, 1979), le degré de cette visibilité peut également refléter les relations de pouvoir entre les différents groupes sociaux, certains étant plus visibles que d’autres (Goffman, 1975). Dans cet ordre d’idées, cet article montre que l’invisibilité des étrangers perçus comme méritants (dû à l’hypervisibilité des étrangers jugés peu méritants) participe à cette stratégie de non-reconnaissance, permettant de justifier le non-accueil des demandeurs d’asile en Europe.

Cette stratégie d’invisibilisation couplée aux nombreuses dénominations négativement connotées discréditent la légitimité des demandeurs d’asile (Bennett, 2018 : 152) et répondent à l’agenda des responsables politiques (de droite) qui visent également à augmenter leur base électorale (Calabrese, Gaboriaux & Veniard, 2022 : 15). Cette dichotomie renforce la figure du migrant illégitime et aide à justifier une politique punitive de contrôle des frontières et de renforcement de la sécurité nationale (Newton, 2008 : 137-138). Elle suscite également de nombreux débats médiatiques (Aprile & Diaz, 2020 : 29 ; Calabrese, 2018) et influence les opinions et les sentiments du public (De Coninck, 2020 ; Lee & Nerghes, 2018). En fait, « de grandes différences dans les attitudes à l’égard de l’immigration » (Ford, 2011 : 1026) sont générées à partir de cette hiérarchie. Les réfugiés et les demandeurs d’asile dénotent principalement de la sympathie, tandis que le migrant, l’immigrant et la crise de l’immigration indiquent une antipathie relative (Ibidem).

Si nous pouvions nous attendre à ce que les étrangers perçus comme « méritants » bénéficient d’une plus grande visibilité dans les médias, cette recherche montre le contraire : la représentation négative des étrangers jugés « peu méritants » prend le pas sur celle des étrangers dont la demande d’asile semble légitime. Pour le prouver, nous menons une recherche sur un corpus exhaustif composé d’articles de presse et de journaux télévisés du soir issus des communautés francophone et néerlandophone de Belgique (16 881 articles/séquences de JT ; 7 607 449 mots). En mobilisant une analyse lexicale du discours mise en œuvre par une combinaison de l’analyse du discours avec la linguistique de corpus, le but est de montrer comment les médias façonnent et structurent la visibilité et l’invisibilité des personnes en déplacement durant la crise migratoire de 2015 à 2017.

La catégorisation, un instrument de pouvoir

Bien que la catégorisation soit un processus naturel et nécessaire (Canut et al., 2018 : 183), la division binaire entre migrant et réfugié3 domine les discours politiques et médiatiques et engendre des implications politiques substantielles (Zetter, 2007). La catégorisation, en simplifiant la réalité (Wood, 1985), ne reflète ni la complexité de la situation ni les raisons de la migration, qui sont beaucoup plus épineuses (Crawley & Skleparis, 2018 ; Holmes & Castañeda, 2016 : 17). Ces opérations discursives reflètent à la fois le pouvoir et les craintes concernant l’avenir de l’Europe et renforcent la responsabilité des personnes déplacées (Berry, Garcia-Blanco & Moore, 2016).

En outre, la transformation de l’étiquette de « réfugié » conduit à une fragmentation tacite : « demandeurs d’asile » est devenu « le label principal, institutionnalisé dans les lois, les politiques et les pratiques d’immigration de la plupart des États européens », tandis que les « réfugiés authentiques » diffèrent implicitement des réfugiés sans ce préfixe (Zetter, 2007 : 181). Les politiques et les pratiques des États « criminalisant les réfugiés qui demandent l’asile […] génèrent encore plus d’étiquettes telles que “clandestins” ou, pire encore, “illégaux” ou “faux” demandeurs d’asile » (Ibid. : 183). Ces étiquettes dégradantes illustrent le pouvoir de plus en plus pernicieux de l’étiquetage et donnent un aperçu des transformations subverties et politisées du label « réfugié » (Ibid. : 184). En d’autres termes, « il est clair […] que les catégories juridiques et […] [politiques] associées aux migrations internationales n’ont rien de “naturel” ou de “fixe” : ces catégories sont au contraire dans un état constant de changement, de renégociation et de redéfinition. Les catégories “réfugié” et “migrant” n’existent pas simplement, elles sont plutôt […] créées. Choisir d’étiqueter – ou également de ne pas étiqueter – quelqu’un comme “réfugié” est un acte puissant et profondément politique […] » (Crawley & Skleparis, 2018 : 52).

Comme le souligne Howard S. Becker (1991 : 178-180) en ce qui concerne la déviance, le processus de désignation (labelling) est parfois plus important que l’acte lui-même. Les catégories sociales sont construites en tant qu’objet assigné de l’extérieur. Ce processus d’étiquetage « se réfère à une relation de pouvoir dans la mesure où les étiquettes de certains sont plus facilement imposées aux personnes et aux situations que celles d’autres. Il s’agit donc d’un acte politique impliquant un conflit ainsi qu’une autorité » (Wood, 1985 : 347). Dans le cas précis des personnes en déplacement, les catégories sociales se construisent « grâce à un travail bureaucratique d’assignation identitaire » (Noiriel, 1997 : 27). Ces catégories sont portées par les « grands pourvoyeurs » de l’opinion publique tels que les intellectuels, les journalistes (Ibid. : 33) et les responsables politiques (Neveu, 2015).

Existe-t-il des étrangers acceptables et non acceptables ?

L’Histoire montre que certaines nationalités obtiennent plus facilement l’asile que d’autres. Ce fut le cas par exemple, des huguenots en France au xviie siècle, des Polonais au début du xixe (Noiriel, 1997 : 34), des Russes après la Première Guerre mondiale, des ressortissants des pays sous domination soviétique pendant les années 1970, des Hongrois en 1956 (Akoka, 2020) et récemment des Ukrainiens. Ces derniers ont, en effet, la possibilité de demander l’asile via une procédure raccourcie et obtiennent rapidement un titre de séjour valable un an et renouvelable4. Une récente recherche montre que les ressortissants ukrainiens sont systématiquement nommés réfugiés dans le discours médiatique, et ce même avant l’obtention officielle du statut (Calabrese, Balty, Mistiaen, Van Neste-Gottignies, 2023), ce qui a suscité de nombreux débats.

Ces débats sont courants dans les médias (Calabrese, 2018) et montrent que les discours liés à la migration créent une tension évidente entre les demandeurs d’asile économiques et politiques (Ford, 2011). Selon Karen Akoka (2018 : 185), cette distinction découle de la définition même du réfugié telle qu’elle fut adoptée lors de la Convention de Genève en 1951. À cette époque, il semble essentiel aux Européens que les personnes fuyant Staline puissent demander l’asile. En conséquence, la persécution politique est mise au centre du débat, écartant de facto la violence économique : « La définition du réfugié comme persécuté telle que retenue dans la Convention de Genève garantit ainsi aux dissidents soviétiques d’obtenir une protection internationale, dont elle écarte les exclus des démocraties libérales. Elle confirme la hiérarchie propre aux démocraties libérales, qui place les droits civiques au-dessus des droits collectifs et les violences politiques au-dessus des violences économiques, rarement nommées comme telles, mais euphémisées sous le qualificatif d’“inégalités”. […] Les “réfugiés de la faim” ou les “réfugiés de la pauvreté” sont [ainsi] restés des “causes orphelines” » (Ibid. : 43).

Aujourd’hui, nous observons que la nationalité semble souvent primer sur les motifs de persécution. Elle semble, effectivement, être utilisée comme un outil diplomatique pour gérer les migrations ; oscillant entre une interprétation large et une interprétation restrictive de la convention de Genève en fonction des bonnes ou mauvaises relations diplomatiques avec chaque pays (Ibid. : 169). En témoignent les listes (très discutées) des « pays d’origine sûrs » (Crawley & Skleparis, 2018 : 52) que les États européens utilisent pour gérer l’asile. Les ressortissants des pays figurant sur cette liste se voient presque automatiquement refuser leur demande d’asile : « pour les demandes d’asile émanant de personnes originaires de pays d’origine sûrs, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides peut traiter la demande dans le cadre d’une procédure accélérée et la considérer comme manifestement infondée lorsqu’il ne ressort pas clairement des déclarations de ces personnes qu’il existe une crainte fondée de persécution ou des motifs sérieux de croire qu’elles courent un risque réel de subir des atteintes graves »5. Et ce, malgré l’article 3 de la Convention de Genève qui interdit la discrimination fondée sur le pays d’origine.

De la même manière, les discours politiques restreignant la migration vers l’Union européenne génèrent une démarcation entre le « réfugié méritant » et le « migrant non méritant » (Calabrese & Veniard, 2018 : 156). Ces discours trouvent écho dans le discours médiatique, et ce de manière encore plus marquée depuis l’été 2015 (Canut, 2016 ; Holmes & Castañeda, 2016). Les analyses de contenu et les études de cadrage6 soulignent que présenter certains arrivants comme des victimes les rend plus acceptables (Chouliaraki & Zaborowski, 2017) alors que d’autres sont suspects, intrus (Van Gorp, 2005) ou profiteurs du système social, comme l’a évoqué le président du parti nationaliste flamand N-VA, Bart De Wever, en septembre 20157.

Lors de la crise migratoire de 2015-2017, de nombreux qualificatifs pour nommer les personnes en déplacement ont été trouvés dans le discours médiatique : illégitimes, bidons, volontaires, économiques, faux, tricheurs par opposition à légitimes, involontaires, forcés, politiques, authentiques, de bonne foi, etc. (Mistiaen, 2025 ; Berry, Garcia-Blanco & Moore, 2016 : 15 ; Holmes & Castañeda, 2016 : 16). Cette distinction faite au niveau des adjectifs qualificatifs vaut aussi pour les dénominations8 elles-mêmes puisque les qualificatifs qui accompagnent de manière récurrente une dénomination sont bien souvent intériorisés dans la dénomination. En effet, « chaque fois que nous rencontrons un mot […], nous gardons inconsciemment une trace du contexte et du co-texte de ce mot, de sorte qu’au fur et à mesure que nous rencontrons à nouveau ce mot […], nous accumulons une trace de ses collocations. […] Lorsque nous utilisons le mot […], nous reproduisons de manière caractéristique le contexte dans lequel nous l’avons rencontré précédemment » (Hoey, 2007 : 7-8). Le co-texte réfère à l’environnement lexical proche du terme que l’on étudie et les collocations sont des associations habituelles d’un ou plusieurs termes » (Firth, 1968 : 181).

Corpus et méthodologie

De la même façon que l’acte d’étiqueter (Becker, 1991 ; Wood, 1985) et les discours exercent du pouvoir (Fairclough, 2001), la dénomination apparait comme la marque du pouvoir (en tant que construction sociale) que la société exerce sur les individus (Krieg-Planque, 2017 : 92). Ces enjeux sont observables dans l’acte de nommer qui génère et fixe historiquement, ou normativement, la dénomination d’une personne, d’un lieu, d’un événement ou d’une organisation.

Ainsi, cette recherche s’attache à analyser les processus d’étiquetage et/ou de désignation dans le discours médiatique en y étudiant les dénominations de personnes. Et pour comprendre ce qui se cache sous ces processus de (dé)nomination, il est intéressant de s’intéresser aussi bien aux « inclus » qu’aux « exclus » (Akoka, 2020 : 13). Nous étudions donc comment la surmédiatisation des « exclus » – donc des migrants « peu méritants » ou « non désirables » – invisibilise les étrangers dits « méritants ». La question de recherche qui guide ce travail est la suivante : comment la surmédiatisation des étrangers « peu méritants » invisibilise-t-elle les étrangers « méritants » ?

Pour répondre à cette question, un corpus exhaustif composé d’articles de presse et de journaux télévisés du soir a été collecté dans les communautés francophone et néerlandophone de Belgique. Pour chaque communauté, les journaux de référence et populaires à plus grand tirage ainsi que les chaînes publiques et commerciales ayant la plus grande audience ont été analysés (voir Tableau 1). Le corpus a été collecté à l’aide d’une requête lexicale (dans la base de données GOpress pour la presse et dans les bases de données des chaînes de télévision pour les journaux télévisés du soir) avec les lemmes réfugié* et migrant*. Le corpus comprend 13 391 articles de presse et 3490 journaux télévisés (7 637 986 mots au total) et s’étend de mars 2015 (début du battage médiatique après plusieurs naufrages meurtriers) à juillet 2017 (moment où les arrivées de personnes sur le territoire européen commencent à diminuer ; Mistiaen, 2025). L’analyse de ce corpus combine la sémantique discursive et la linguistique de corpus.

Tableau 1. Description du corpus.

CORPUS Nombre de mots Nombre d’articles et de séquences de JT
Total 7 607 449 16 881
Corpus francophone (CF) 4 126 842 8227
Le Soir (LS) 2 800 352 4509
La Dernière Heure-Les Sports (La DH) 767 531 2073
RTBF 319 814 765
RTL-TVi 239 145 880
Corpus néerlandophone (CN) 3 480 607 8654
De Standaard (DS) 1 039 764 1738
Het Laatste Nieuws (HLN) 1 907 550 5071
VRT 286 837 951
VTM 246 456 894

La Belgique offre un cadre d’analyse particulièrement riche à étudier. Démocratie parlementaire fédérale, trilingue (français, néerlandais et allemand) où deux langues principales (le français et le néerlandais) coexistent, le pays est politiquement divisé entre le nord (la Flandre, néerlandophone) et le sud (la Wallonie, francophone), Bruxelles se trouvant entre les deux. Les partis politiques flamands de droite ont largement capitalisé sur le thème de la migration, bien plus que les partis francophones. Par conséquent, « le “débat sur les migrants” a toujours été plus vif en Flandre, où le nombre d’étrangers est le plus faible, que dans les deux autres régions » (Blommaert & Verschueren, 1998 : 44).

Lors de la crise migratoire de 2015-2017, la Belgique est dirigée par une coalition de centre droit composée du parti nationaliste la N-VA (Nieuw-Vlaamse Alliantie ; Nouvelle Alliance flamande), du CD&V (Christen-Democratisch en Vlaams ; Chrétiens-démocrates et flamands), de l’Open VLD (Open Vlaamse Liberalen en Democraten ; libéraux et démocrates flamands ouverts) et du MR (Mouvement réformateur, libéral francophone). De 2014 à 2018, la N-VA a occupé plusieurs postes clés avec des compétences liées à la migration : Theo Francken était le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Jan Jambon le ministre de l’Intérieur et Elke Sleurs la secrétaire d’État à la Réduction de la pauvreté et à l’Égalité des chances.

L’analyse du discours (AD), et plus particulièrement la sémantique discursive (SD), offre un cadre particulièrement adapté à l’étude de la trajectoire des mots puisqu’elle conçoit le langage comme une forme de « pratique sociale » (Fairclough & Wodak, 1997). La SD renvoie à un ensemble d’approches méthodologiques ainsi qu’à un cadre théorique visant à étudier des segments discursifs plutôt brefs. L’opposition traditionnelle entre langue et discours s’efface au profit d’une « articulation dynamique » (Lecolle, Veniard & Guérin, 2018 : 35), s’appuyant sur les genres discursifs et textuels ainsi que sur le contexte, l’histoire des mots et leurs usages. Puisque les phénomènes sémantiques sont par nature instables, la SD prête attention à la polysémie, à l’ambiguïté et à la reconfiguration du sens. Elle étudie la « construction du sens » selon des « unités de rangs différents (mot, syntagme, énoncé, séquence textuelle) » dans le but de décrire « comment les usages se fixent, comment les formes émergentes se routinisent pour devenir des ressources partagées » (Ibid. : 36). La SD permet d’articuler le contexte situationnel avec le co-texte linguistique. Le co-texte est l’élément central qui permet de comprendre la construction du sens d’un mot. En d’autres termes, ce qui précède et/ou suit un mot contribue à lui donner un sens (Veniard, 2013).

Le corpus étudié étant significatif, les outils de la Linguistique de Corpus (LC) sont utilisés pour identifier les dénominations ainsi que pour étudier leur sens. La LC est une méthode assistée par ordinateur qui « décrit la variété des usages discursifs au moyen [d’une analyse de] corpus » (Lebart, Pincemin & Poudat, 2019 : 16). Elle permet aux chercheurs « d’établir quelles sortes de stratégies langagières sont les plus fréquentes ou les plus populaires » (Baker & McEnery, 2005 : 223), de mesurer des phénomènes discursifs récurrents (Baker et al., 2008 : 284-285), d’objectiver la manière dont les acteurs sociaux produisent du sens (en analysant, par exemple, les cooccurrences, les concordances, etc.) ainsi que les différences et les similitudes. Dans l’approche quantitative de la LC, comme dans cette recherche, l’unité comptée est le mot.

Le premier outil de LC utilisé dans cette recherche est l’index lexical. Il liste tous les mots du corpus et permet donc d’identifier toutes les dénominations utilisées pour nommer les personnes en déplacement. Ensuite, les dénominations sont analysées à l’aide des outils de concordance et de cooccurrence, car ces outils permettent d’étudier l’environnement lexical d’un terme. L’outil de concordance affiche toutes les occurrences d’un mot choisi dans son co-texte immédiat (Lebart, Pincemin & Poudat, 2019 : 95). L’indice de cooccurrence indique les mots qui apparaissent habituellement avec le mot étudié (Ibid. : 113). Le logiciel libre choisi pour mener cette recherche est TXM (Heiden, Magué & Pincemin, 2010).

Les étrangers « non méritants », une stratégie discursive propre aux responsables politiques

Une précédente recherche sur le même corpus (Mistiaen, 2025) a montré que réfugié était la dénomination la plus utilisée dans les deux corpus et qu’elle était chargée positivement. Cependant, dans le corpus francophone (CF), migrant, une dénomination qui est assez souvent chargée négativement, arrive en deuxième place et clandestin se trouve à la 34e place. Le corpus néerlandophone (CN) n’est pas en reste puisque la dénomination illégal, qui inclut un topos d’intrus et de menace, est mentionnée 737 fois (9e place).

Il a aussi été démontré que les ethnonymes étaient mentionnés de manière significative dans les deux corpus, mais encore plus dans le CF (Ibidem). De plus, les références aux nationalités apparaissent fréquemment lorsqu’il s’agit de délit ou de menace sécuritaire (Saeys et al., 2007), et de manière encore plus marquée quand ces personnes ont la nationalité afghane ou irakienne (contrairement à la nationalité syrienne qui est souvent associée au prototype du réfugié politique méritant et acceptable ; Mistiaen, 2025 ; Akoka, 2018). De surcroît, la mention de la religion islamique est souvent associée au terrorisme et à l’État islamique (De Cock, Sundin & Mistiaen, 2019 : 320), dépeignant les personnes de religion musulmane de manière négative (Mistiaen, 2025 ; Mertens & de Smaele, 2016).

L’étude des termes négativement connotés en concordance a révélé que, la plupart du temps, ils étaient utilisés dans le discours rapporté ou dans des citations et commencent à circuler dans la société par le biais de leur utilisation dans les médias (Mistiaen, 2025). Ainsi, en utilisant l’index lexical, nous avons d’abord relevé les formes en lien avec le discours rapporté (direct et indirect) ainsi que les noms des intervenants mentionnés plus de 200 fois dans chaque corpus (Tableau 2). Ensuite, nous avons analysé les cooccurrents de ces formes en discours dans les deux langues.

Tableau 2. Personnalités (politiques) citées plus de 200 fois dans un des deux corpus.

Nom CF CN
«  3979 39 829
» 3945
(Theo) Francken, secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration belge (N-VA) 1464 2111
(Angela) Merkel, chancelière allemande 1027 1342
(Premier/Charles) Michel, Premier ministre belge (MR) 755 566
(Donald) Trump, président des États-Unis (2017-2021) 845 753
(Bart) De Wever, président de la N-VA et bourgmestre d’Anvers 792 961
(François) Hollande, président français 320 179
(Jean-Claude) Juncker, président de la Commission européenne (2014-2019) 569 326
(Tarik) Erdogan, président turc 449 448
(Viktor) Orbán, président hongrois 430 353
(Marine) Le Pen, présidente du Front national français (parti d’extrême droite) 320 243
(David) Cameron, président du Royaume-Uni 221 238
(Jan) Jambon, ministre belge (néerlandophone) de l’Intérieur (N-VA) 264 368
(Barack) Obama, président américain (2009-2017) 262 228
(Didier) Reynders, ministre belge (francophone) des Affaires étrangères (MR) 235 68
(Donald) Tusk, président du Conseil européen (2014-1019) 217 178
(Vladimir) Poutine, président russe 212 136
(Bashar) El-Assad, président syrien 193 407

Le Tableau 2 montre l’importance des discours rapportés dans le corpus. Les intervenants les plus cités dans les médias belges lors de la crise migratoire de 2015-2017 sont les responsables politiques, suivis des journalistes et enfin des experts et des militants. À titre d’exemple, François De Smet, président du centre interfédéral de l’Égalité des chances (Unia) à cette époque, n’est mentionné que 48 fois dans le CF et 22 fois dans le CN. Outre les personnalités dont les compétences sont en lien avec la migration (Theo Francken, Jan Jambon, Didier Reynders), le Tableau 2 montre que le président de la N-VA, Bart De Wever, et Donald Trump, alors en campagne pour la présidence des États-Unis, apparaissent de manière significative dans le corpus.

Responsables politiques nationaux

Ce n’est bien sûr pas un hasard si Theo Francken, alors secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, est l’homme politique le plus cité dans l’actualité en lien avec la migration entre 2015 et 2017 (Mistiaen, Calabrese & De Cleen, 2023 ; Van Leuven et al., 2018). Les mentions de Francken dans les deux corpus font référence aux mêmes événements : son refus de visa humanitaire à une famille syrienne réfugiée au Liban en décembre 2016 et les astreintes dont l’État belge est redevable suite à ce refus, la polémique qui a suivi son tweet du 14 septembre 2017 dans lequel il propose de « nettoyer » le parc Maximilien9, la polémique qui a suivi ses déclarations concernant le probable « appel d’air » que constituent les sauvetages en Méditerranée et bien sûr les places d’accueil qui ouvrent et qui ferment en fonction des flux et les personnes renvoyées dans leur pays.

Si dans le cadre de ses fonctions Theo Francken utilise tout d’abord la dénomination asielzoeker (« demandeur d’asile ») pour désigner les personnes en déplacement, illegalen (« illégaux », score de cooccurrence de 3 dans le CF et de 2 dans le CN) et criminels sont également deux dénominations cooccurrentes de Francken. Demandeur d’asile (et, dans une moindre mesure, réfugié) est utilisé pour parler de la gestion des flux changeants de demandeurs d’asile, sa principale compétence :

[1] L’afflux de demandeurs d’asile a, pour la première fois depuis près de deux mois, diminué de 38 % au cours de la semaine écoulée, a déclaré dimanche à la VRT le secrétaire d’État à l’Asile Theo Francken (N-VA). Le nombre de nouveaux arrivants est passé de 1900 il y a quinze jours à 1180 cette semaine (LS, 28/09/2015).

Notons tout de même que l’association de Francken avec le terme afflux rappelle les métaphores de l’eau qui donnent l’impression d’être inondé par le nombre d’arrivées (Threadgold, 2006 : 231 ; Wodak, 2006 : 186). Par ailleurs, si la dénomination demandeur d’asile est la plus utilisée par Francken, elle est aussi souvent accompagnée des adjectifs qualificatifs débouté (score de cooccurrence de 2) et criminel (score de cooccurrence de 6), faisant référence aux discours visant à rejeter les demandeurs d’asile criminels ou déboutés (exemples 2, 3 et 4). En effet, en 2016,

[2] Theo Francken entend augmenter le nombre de places dans les centres fermés et engager du personnel supplémentaire dans les bureaux de retour volontaire et forcé afin d’accélérer le processus de retour des demandeurs d’asile déboutés vers leur pays d’origine (La DH, 02/01/2016).

[3] Exclusion permanente des demandeurs d’asile criminels ? Theo Francken, secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, a déclaré ce week-end qu’il souhaitait davantage de sanctions pour les demandeurs d’asile qui commettent des délits ou des crimes graves (LS, 23/02/2016).

Dans son discours, cet adjectif accompagne aussi d’autres dénominations plus classiques telles qu’étranger et immigrant :

[4] Francken souligne à nouveau qu’il veut se concentrer sur le retour des étrangers criminels. Il opte également pour un retour volontaire si possible, et un retour forcé seulement si nécessaire (DS, 10/03/2015).

[5] Son objectif est d’organiser un vol spécial par semaine. Avec 21 vols en 24 semaines, il n’en est pas loin. Mercredi, il y avait « des immigrants criminels illégaux de différents États membres, dont la Belgique », écrit Theo Francken (La DH, 15/06/2017).

Cette association de demandeur d’asile à l’adjectif criminel (exemple 3) implique que les demandeurs d’asile ne bénéficient pas de l’exception judiciaire et qu’ils sont souvent présentés comme une menace pour la société (Saeys et al., 2007 : 8 ; Van Gorp, 2005 : 491). Il convient toutefois de noter que lorsque l’on analyse le terme criminel dans le concordancier, de nombreuses occurrences font également référence au fait que les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants ne sont pas tous des criminels, idée également défendue par Francken :

[6] Theo Francken a ajouté : « Seul un petit groupe de demandeurs d’asile est concerné. Je veux être très clair : tous les demandeurs d’asile ne sont pas des criminels » (LS, 23/02/2016).

Dans les dénominations que Francken utilise régulièrement, on trouve également gelukzoeker (« chercheur de fortune ») et echte vluchteling (« vrai réfugié »), ce qui lui permet d’insister sur le fait que de nombreux demandeurs d’asile traversant la mer sont des « réfugiés économiques » :

[7] Francken : « Tout d’abord, parce que beaucoup de ces réfugiés de bateaux [bootvluchtelingen] ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention de Genève. Ce sont des réfugiés économiques, non éligibles à l’asile. On peut penser que c’est dommage, mais l’alternative, c’est l’ouverture des frontières et on ne sait pas du tout dans quoi on s’engage. Ils viendront alors non seulement d’Afrique et du Moyen-Orient, mais aussi de Russie, d’Ukraine, des Balkans, de Tchétchénie. L’idée d’ouvrir les frontières peut sembler sympathique, mais elle est incompatible avec une sécurité sociale de qualité. Si vous n’avez pas de chance dans la vie, vous êtes mieux loti dans notre pays qu’aux États-Unis. Si vous voulez que cela reste ainsi, vous devez surveiller vos frontières » (DS, 25/04/2015).

[8] Les réfugiés d’aujourd’hui sont principalement des chercheurs de fortune [gelukzoeker] et ils ne retournent pas dans leur pays d’origine (HLN, 16/06/2015).

Selon Francken, il faut distinguer les vrais réfugiés qui peuvent bénéficier des programmes de réinstallation, contrairement aux migrants économiques :

[9] Pour distinguer les vrais réfugiés des chercheurs de fortune, il faudrait mettre en place des sortes de salles d’attente en Italie et en Grèce. Francken le défendra demain lors d’un sommet européen sur les réfugiés (VTM, 19/07/2015).

La note de politique générale de 2015 rédigée par Francken rend les conditions de reconnaissance et d’accès au territoire plus compliquées et supprime le permis de séjour permanent pour les réfugiés. Par ailleurs, il augmente la communication sur les retours volontaires et les moyens financiers alloués pour encourager la politique de retour. Sa note politique d’octobre 2017 témoigne d’une « vision particulièrement fermée, pour ne pas dire hostile, à l’égard des demandeurs d’asile […]. Le retour forcé [est] décrit comme la priorité des priorités10 ». Si les médias néerlandophones semblent plus neutres dans la couverture du discours politique du gouvernement, les médias francophones lui réservent un accueil mitigé (Mistiaen, Calabrese & De Cleen, 2023 : 81-82), en témoigne la liste des cooccurrents de Francken dans le CF qui inclut facho et néo-nazi (tous deux ont un score de 3) et sont utilisés pour qualifiés ce dernier.

Le ministre de l’Intérieur de l’époque (2014-2018), Jan Jambon (score 36 dans le CN et 15 dans le CF) et le président issu du même parti nationaliste, Bart De Wever, (score 16 dans le CN et 3 dans le CF) sont tous les deux des cooccurrents forts de Theo Francken. L’analyse de leurs cooccurrents respectifs révèle qu’ils sont cités dans des événements spécifiques, Jan Jambon est principalement associé aux contrôles de police qui ont lieu en Flandre-Occidentale, à la frontière française dans le but d’intercepter les migrants en transit qui tentent de rejoindre le Royaume-Uni via la frontière maritime belge. Il est d’ailleurs le premier à utiliser ce syntagme nominal en mars 2016, lors de questions parlementaires au sein de la commission des affaires intérieures de la Chambre parlementaire (« Nous avons […] une crise de la transmigration »11) (Mistiaen, 2021) :

[10] « Aujourd’hui, le secrétaire d’État Theo Francken et le ministre de l’Intérieur Jan Jambon viennent à Koksijde pour faire le point. Nous insisterons sur la demande de notre chef de police Paelinck de fournir vingt policiers supplémentaires. Nous mettrons également sur la table les autres problèmes de sécurité. L’accueil sur une base active tant à Koksijde qu’à Lombardsijde, les transmigrants qui migrent par la côte ouest vers Calais pour se rendre ensuite en Angleterre et la situation d’urgence des réfugiés à Dunkerque », a déclaré Vanden Bussche (HLN, 23/09/2015).

[11] Les contrôles effectués en Flandre-Occidentale à la frontière française portent leurs fruits, a déclaré mardi le ministre de l’Intérieur Jan Jambon devant une commission de la Chambre. Depuis le lancement de l’opération Méduse le 23 février, 717 « transmigrants » ont été interceptés (La DH, 16/03/2016).

Si ce terme transmigrant est nettement plus mentionné dans le CN (113 occurrences comparées à 30 dans le CF), il désigne les mêmes personnes dans les deux corpus. Toutefois, certains journalistes francophones évitent d’utiliser le terme transmigrant qui selon certains experts déshumanise les personnes qu’il désigne (de Massol de Rebetz, 2018). Nous l’observons d’ailleurs dans l’exemple (11) où il semblerait que ce soit le journaliste lui-même qui ait ajouté les guillemets. Dans le cas où il ne s’agit pas d’un discours rapporté, les guillemets pourraient affirmer une hésitation du journaliste (le terme est-il correct ? Est-il correct de l’utiliser ?) ou la distance qu’il a prise avec lui.

L’analyse des cooccurrents du président de la N-VA, (Bart) De Wever, montre que les deux corpus font référence à au moins quatre déclarations qui ont suscité pas mal de débats : la déclaration selon laquelle il faut revoir le statut de réfugié (26/08/2015), celle sur la révision de la convention de Genève lors de l’ouverture de l’année académique de 2015 à l’Université de Gand12, la déclaration selon laquelle « Schengen est cliniquement mort » (22/09/2015) et son passage dans l’émission Terzake de la VRT dans laquelle il dit que « le racisme est une conséquence – et non une cause – des problèmes de notre société13 » :

[12] Revenons donc à « Terzake ». Qu’a dit le leader de la N-VA sur la politique migratoire ? « Nous n’avons pas agi de manière sélective, nous avons régularisé en masse. Parfois en incluant des criminels. Nous en payons le prix. Nous avons trop tardé à mettre en place des politiques d’intégration. En conséquence, nous avons beaucoup d’immigration passive. Et, de fait, cela crée une forme d’apartheid » (LS, 25/03/2015).

Dans ses discours, De Wever remet en question la véracité du statut de réfugié accordé par l’État et accuse les réfugiés de profiter de la sécurité sociale belge :

[13] Un « dortoir » n’est pas un dortoir ! « Le gouvernement espérait une ruée vers le centre pour faire croire qu’il venait au secours des réfugiés, sachant qu’ils n’apprécieraient pas les conditions. On les fera ainsi passer pour des profiteurs ingrats aux revendications illégitimes » (LS, 08/09/2015).

L’association entre migrant et profiteur n’étant pas nouvelle et constitue un stéréotype durable (Martiniello & Rea, 2012). Les journalistes y répondent ironiquement en s’interrogeant sur la nécessité de distinguer les réfugiés « méritants » et « peu méritants » :

[14] S’il s’agit de vrais réfugiés politiques, nous avons un devoir moral envers eux. Et l’Europe est là pour trouver progressivement des solutions afin que nous puissions supporter ce fardeau de manière solidaire (LS, 3/10/2015).

Le fait qu’il existe de vrais réfugiés implique que certains soient de faux réfugiés. L’utilisation de l’adjectif faux justifie le fait qu’une protection d’asile peut être facilement rejetée. Dans la CN, le syntagme nominal valse vluchteling (« faux réfugié ») est souvent lié à l’État islamique et désigne de potentiels terroristes infiltrés parmi les demandeurs d’asile :

[15] Les documents de voyage seraient utilisés pour envoyer de « faux réfugiés » en Europe. Il est possible que l’EI [État Islamique] ait également réussi à mettre la main sur des machines pour fabriquer ses propres papiers d’identité, selon un autre journal allemand (HLN, 21/12/2105).

Charles Michel et Didier Reynders apparaissent dans le corpus en raison des fonctions qu’ils occupent à ce moment-là. Charles Michel est principalement cité dans les deux corpus en sa qualité de Premier ministre. Certains attendent de lui qu’il abrite les différents points de vue concernant la gestion de la crise migratoire14, d’autres souhaiteraient qu’il se positionne. Aucune dénomination de personne en déplacement n’est trouvée dans les cooccurrents, ce qui montre qu’il parle probablement de la politique belge de manière générale, et non des protagonistes eux-mêmes. Didier Reynders, alors ministre des Affaires étrangères, est souvent en cooccurrence avec Jan Jambon, le ministre de l’Intérieur et avec Theo Francken étant donné la convergence de leurs compétences respectives.

Charles Michel et Didier Reynders ne critiquent pas la politique (répressive) menée par Theo Francken dans le corpus. Au contraire, ils semblent la soutenir, et ce, contrairement à d’autres responsables politiques qui ne sont pas dans la majorité gouvernementale de l’époque :

[16] Dès jeudi matin, Didier Reynders parlait de « maladresse ». Un argument trop ténu pour faire taire l’opposition qui s’est déchaînée toute la journée. En soirée, Charles Michel, invité sur le plateau de la RTBF, faisait un pas de plus que son ministre des Affaires étrangères. Pour le Premier, Francken « a commis une faute de communication ». Mais Michel refuse d’aller plus loin, ajoutant : « Qu’est-ce qui vous permet de parler de dérapage ou de dire que la ligne rouge du racisme a été franchie ? » Certains, dans l’opposition, ont un avis tranché sur cette question, comme Yvan Mayeur qui a déclaré au Standaard : « Ce qui se passe, c’est la conséquence d’une politique xénophobe et d’ultradroite menée depuis Anvers par Bart De Wever. » Olivier Maingain, dans un entretien qu’il nous a accordé, affirme lui que « dans le disque dur, le logiciel de la N-VA, il y a une tendance d’extrême droite » (LS, 11/09/2015).

Les études précédentes prouvent que nous parlons souvent des personnes en déplacement en termes de problèmes ou de menaces (Holmes & Castañeda, 2016 : 20 ; Baker & McEnery, 2005 : 208) ou qu’elles sont dépeintes de manière négative (Berry, Garcia-Blanco & Moore, 2016 : 22-23). Il en va de même durant la crise migratoire de 2015-2017, un ton globalement hostile a dominé le gouvernement belge contrôlé par le parti nationaliste flamand N-VA.

Par ailleurs, dans les deux corpus étudiés, les dénominations négativement connotées ne font pas toujours l’unanimité chez les journalistes (ils utilisent souvent des guillemets pour prendre de la distance) et donnent parfois lieu à des métadiscours sur le choix de la dénomination. Ni d’ailleurs entre les partis politiques belges dont certains dénoncent le « double langage de la N-VA », entre le président de parti, Bart De Wever, qui se positionne contre l’Europe et contre l’aide à la Grèce et Theo Francken, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration qui dit qu’il faut aider la Grèce (LS, 02/03/2016). Les réactions respectives de Theo Francken (exemple 17) et de Bart De Wever (exemple 18) suite à la mort d’Alan Kurdi le 3 septembre 2015 font écho à ce double discours :

[17] Lorsque Theo Francken a tweeté hier qu’il se sentait si petit face à la tragédie d’Aylan Kurdi, beaucoup ont trouvé le tweet déplaisant et invraisemblable. Comment pourrait-il en être autrement, après tout Francken est le « Franckenstein » de la politique d’asile ? Pourtant, je veux croire qu’il le pensait, que l’homme et le père en lui peuvent transcender le politicien et le militant nationaliste (DS, 04/09/2015).

[18] Le père d’Aylan (sic) aurait dû être mieux informé. « Cet enfant n’est donc pas mort parce que ses parents fuyaient la violence. Il est mort parce que ses parents sont partis à la recherche d’une vie meilleure », déclare le président de la N-VA dans le journal (HLN, 12/09/2015).

Ce double discours permet à Charles Michel, Premier ministre, de soutenir Theo Francken, en conformité avec la ligne et l’accord de la majorité gouvernementale. En revanche, le discours de Bart De Wever, profondément enraciné dans la tradition nationaliste flamande, peut être perçu comme une stratégie politique afin ne pas perdre de l’électorat, voire de titiller l’électorat du Vlaams Belang (extrême droite flamande). Une divergence apparait également dans le traitement médiatique au nord et au sud du pays : les médias flamands semblent plus neutres, tandis que les médias francophones sont plus critiques envers la gestion de la crise par les ministres en fonction (Mistiaen, Calabrese & De Cleen, 2023).

Responsables politiques européens

Outre la politique belge, l’Europe est également un acteur important du corpus. Les discussions politiques sur la répartition des réfugiés en Europe sont nombreuses, tout comme les références à l’Allemagne et au nombre élevé de réfugiés qu’elle accueille. Jean-Claude Juncker et Angela Merkel sont principalement cités pour ces deux raisons.

Le président de la Commission européenne de l’époque, Jean-Claude Juncker15, a déclaré dans son discours sur l’état de l’Union du 14 septembre 2016 : « Notre Union européenne traverse, du moins en partie, une crise existentielle. Jamais auparavant je n’avais vu autant de fragmentation et si peu de points communs dans notre Union ». Il a souligné que « de nombreux dirigeants ne parlent que de leurs problèmes nationaux » et que les « forces populistes » ont affaibli de nombreux États membres. Il a mis en garde contre le risque que le populisme finisse par entraver la collaboration entre les États membres (p. 54). En effet, le clivage entre les pays d’Europe de l’Est et de l’Ouest concernant l’arrivée des demandeurs d’asile s’est accentué. Une forte opposition a été observée entre l’encouragement de Merkel et de la Suède à accueillir des réfugiés et la Hongrie et les pays d’Europe de l’Est qui ont refusé le système de quotas proposé par Juncker.

Bien que la dénomination principale utilisée par Jean-Claude Juncker est réfugié, il emploie aussi des syntagmes nominaux très négativement connotés pour différencier les réfugiés des autres personnes en déplacement moins désirables :

[19] La Commission européenne présentera sa nouvelle stratégie en matière de migration en mai. Dans ce contexte, le président Jean-Claude Juncker a précédemment appelé à renforcer le poids de Frontex, l’agence européenne de protection des frontières, pour éviter un « afflux incontrôlé de migrants illégaux ». Son budget annuel de 90 millions d’euros devrait être augmenté pour mieux surveiller les frontières (DS, 20/04/2015).

Tout comme montré dans la première partie de cet article, cette distinction se retrouve dans de nombreux exemples du corpus :

[20] Ils [Jean-Claude Juncker, Angela Merkel et François Hollande] avouent la couleur face à une opinion publique qui s’interroge légitimement ou qui est dissuadée par le flot d’images et d’opinions dures, de slogans, de jurons qui lui parviennent dans des déclarations publiques qui mélangent souvent réfugiés, terroristes, profiteurs, demandeurs d’asile (DS, 10/09/2015).

Le 31 août 2015, la chancelière allemande Angela Merkel prononcera une phrase mémorable dont les médias discuteront longuement les conséquences :

[21] Les Allemands abordent cette crise comme un problème logistique : héberger, distinguer les réfugiés politiques des migrants économiques, renvoyer la seconde catégorie, intégrer le premier groupe. « Wir schaffen das », déclare Mme Merkel. Nous avons l’argent et la tolérance pour cela (DS, 12/09/2015).

Les mots de cette phrase qui signifie « nous y arriverons » ont d’ailleurs des scores de cooccurrence significatifs avec Merkel (entre 67 et 51 dans le CN et entre 9 et 6 dans le CF). Sans surprise, Merkel utilise principalement la dénomination réfugié pour parler des personnes en déplacement. De même que Juncker, elle se positionne en faveur de l’accueil des réfugiés tout en distinguant ceux qui sont acceptables et ceux qui doivent être renvoyés chez eux. En compagnie du président français François Hollande, elle apparait dans le corpus avec la volonté d’avancer sur le « dossier de l’immigration » ainsi que sur les liens qu’entretient l’Europe avec la Turquie d’Erdogan. Merkel apparait d’ailleurs comme un personnage central dans l’accord signé avec la Turquie en mars 2016 :

[22] « L’UE n’est plus écoutée par le pouvoir turc, estime Ahmet Bekmen, professeur de sciences politiques à l’université d’Istanbul. Peu importent les condamnations du Parlement européen ou du Conseil de l’Europe si, au même moment, la chancelière allemande Angela Merkel – trop occupée à coopérer avec Ankara dans la crise des réfugiés – autorise des poursuites contre un humoriste allemand accusé d’avoir insulté Erdogan » (LS, 22/04/2017).

Comme l’illustrent les exemples de cette section, les responsables politiques internationaux sont souvent cités ou mis en concurrence dans les mêmes articles, différenciant la politique nationale de la politique européenne et internationale. Certains responsables politiques semblent avoir un poids plus important que d’autres, comme en témoigne le couple Merkel-Hollande qui fait front contre le président hongrois Viktor Orbán.

[23] Le président français, M. Hollande, et la chancelière allemande, Mme Merkel, ont convenu à Paris de renvoyer davantage de réfugiés de Grèce vers la Turquie. Merkel et Hollande préparent ensemble le sommet européen sur les réfugiés, qui débutera lundi à Bruxelles. Ils souhaitent y conclure un accord avec la Turquie pour l’accueil de tous ces réfugiés (VTM, 04/03/2016).

Dans les deux corpus étudiés, le président hongrois Viktor Orbán est présenté comme un populiste qui refuse la distribution européenne des réfugiés par pays et construit un mur entre son pays et la Serbie afin d’empêcher l’arrivée de migrants, perçus comme une menace pour l’identité chrétienne de l’Europe. Orbán se distingue des autres responsables politiques cités dans le corpus par son refus d’accueillir qui que ce soit. Selon lui, il n’y a même pas de tri à faire, réfugiés syriens ou non, politiques ou non, ils ne sont pas les bienvenus :

[24] Dans le même journal, aux pages 2 et 3, on trouve un article sur le langage très dur que le Premier ministre hongrois Orbán a tenu à nouveau à l’égard des migrants syriens au même moment : « ce sont des chercheurs de fortune, nous devons défendre nos frontières » (DS, 09/09/2015).

Cette position tranchée se retrouve également dans cet extrait publié après la mort du petit Alan Kurdi, qu’il utilise pour dissuader les migrants de voyager :

[25] Interrogé sur son empathie face à la terrible photo du petit Aylan (sic) mort échoué sur la plage, Orbán a répondu : « Mais nous devons dire aux réfugiés : ne venez pas ici, restez en Turquie, vous y êtes en sécurité ! » Devant les propos du Hongrois, les journalistes n’en croyaient pas leurs oreilles… (LS, 04/09/2015).

L’analyse des discours rapportés des responsables politiques montre une lecture des événements en opposition constante. Cette dualité domine même la couverture de la crise migratoire. D’une part, les migrants économiques ou « peu méritants » sont opposés aux réfugiés politiques « méritants ». D’autre part, les responsables politiques se divisent en deux groupes : ceux qui défendent les valeurs morales de l’Europe et prônent l’accueil des réfugiés, mais uniquement ceux qui le méritent (Merkel, Juncker, Francken), et ceux, souvent nationalistes et de droite, qui refusent l’accueil de toute personne (De Wever, Orbán, et dans une moindre mesure, Jambon). Peu importe ce dernier classement entre responsables politiques, l’usage de dénominations qui soulignent cette différence entre étrangers « méritants » ou non permet de justifier la non-action de l’Europe et de refuser l’accueil :

[26] Ainsi, nos esprits sont façonnés pour mettre un « OK » mental à côté de la case « réfugié de guerre », mais pas à côté de la case « réfugié économique ». Le « chercheur de fortune » a progressivement acquis une connotation négative. Sémantique ? Oui, mais pas innocemment. Des gens se sont noyés en Méditerranée parce que l’Europe a tergiversé dans ses opérations de sauvetage. […] [Chercheur de fortune] est devenu un mot à la mode populiste, du genre de ceux que les maires des communes côtières utilisent en masse. Un mot coûteux pour détourner le regard, refuser l’aide. Et au pire, il sert de couche de vernis à un sentiment raciste (DS, 27/02/2016).

Conclusion

Afin de rallier leur cause, de la légitimer et d’accéder aux cercles décisionnels, les responsables politiques mettent en place une stratégie complexe de jeux de coopération, d’alliances et de conflits (Neveu, 2015 : 92) tandis que les médias sélectionnent ce qui est dit ou non et se font aussi les porte-voix d’une situation, contribuant à mettre en lumière le(s) problème(s) et à contraindre les autorités de réagir (Ibid. : 88). Dans cette mise en récit, la nomination des événements et des protagonistes apparaît comme centrale (Berry, Garcia-Blanco & Moore, 2016 : 13 ; Calabrese, 2013 : 115) car elle donne non seulement du sens aux événements, mais elle cristallise également les tensions qui se déroulent dans la société (Krieg-Planque, 2017 [2012] : 97).

L’analyse des dénominations utilisées par les principaux responsables politiques mentionnés dans le corpus révèle qu’ils abordent la crise migratoire de 2015-2017 de manière binaire, séparant les réfugiés « méritants » (les réfugiés politiques) de ceux qui ne le sont pas (les migrants économiques ou de la faim). Cette distinction s’opère également au niveau des demandeurs d’asile : ceux dont la demande est jugée illégitime (le groupe le plus représenté dans les médias) et ceux dont la demande d’asile est légitime et dont les adjectifs qualificatifs viennent encore réduire ce groupe, brouillant encore plus la catégorie.

La catégorie des étrangers « peu méritants » est extensivement discutée dans les médias, réduisant la couverture médiatique de la crise migratoire à cette dernière. En se concentrant sur les migrants « peu méritants » et les menaces qu’ils peuvent potentiellement représenter, les médias occultent les récits positifs ou optimistes. Les réussites migratoires sont très peu commentées, on ne parle qu’occasionnellement d’une équipe de réfugiés aux Jeux olympiques ou d’une famille « bien intégrée ».

Sans surprise, les chercheurs encouragent à dépasser cette dichotomie migrant/réfugié (De Coninck, 2020 ; Zetter, 2007), réfugié méritant/migrant non méritant (Calabrese & Veniard, 2018 : 156) ou réfugié acceptable/migrant non acceptable (Crawley & Skleparis, 2018 : 52), qui dépersonnalise et déshumanise les personnes déplacées (Esses, Medianu & Lawson, 2013). Néanmoins, dans la pratique, très peu d’auteurs vont au-delà de cette distinction. Bien que certains activistes et des équipes soignantes proposent d’abandonner la binarité réfugié/migrant au profit de termes comme ami, d’invité ou d’artisan (Calabrese & Veniard, 2018 : 11-12), cela ne se reflète pas (encore) dans le discours médiatique. Notons cependant que l’usage des termes relationnels et de parenté ainsi que des noms généraux humains (gens, personne, par exemple) augmente (Mistiaen, 2024).

Cette recherche montre également que les médias adoptent une lecture binaire des événements à deux niveaux distincts. D’une part, l’opposition entre acceptable, et non acceptable et d’autre part, les responsables politiques qui soutiennent cette distinction, et les autres, comme relaté dans cet extrait :

[27] Populiste ? C’est peu dire tant dans la bouche de Bart De Wever, les réfugiés sont un sujet binaire, avec uniquement des bons et des méchants. Les méchants ? Angela Merkel, caricaturée en sainte-nitouche, alors que le hongrois Orbán devient l’allié de De Wever, vantant ses clôtures et ne trouvant que des excuses à ce pauvre Viktor obligé de tirer à balle (non létales) sur des réfugiés que ces incapables de Grecs ont laissé passer (LS, 23/09/2015).

En conclusion, cette lecture binaire des événements simplifie une réalité complexe en deux catégories dont l’une est nettement plus médiatisée que l’autre. Cette médiatisation accrue des étrangers jugés « peu méritants » accentue leur visibilité et tend à invisibiliser ceux dits « acceptables » ou « méritants ».

1 Toutes les traductions sont les nôtres.

2 L’auteure est consciente que le syntagme nominal crise migratoire n’est pas neutre et que le mot crise lui-même est discutable. Néanmoins, crise

3 Ou « réfugié méritant »/« migrant peu/non méritant » ou « réfugié politique »/« migrant économique ».

4 Et ce en vertu de l’application de la Directive Européenne 2001/55/EC du 20 juillet 2001 sur les normes minimales pour l’octroi d’une protection

5 WILMÈS, Sophie et MAHDI, Sami (2021), « Asylum : list of save origin countries. Press release of the Council of Ministers of 10 December 2021 »

6 Le cadrage réfère au fait de choisir une manière spécifique de raconter l’histoire. « Cadrer, c’est sélectionner certains aspects d’une réalité

7 DE WEVER, Bart (22/09/2015), Intervention au Gastcollege Bart UGent, Youtube [En ligne] URL : https://www.youtube.com/watch?v=aWezYUl0n7Q [consulté

8 En linguistique, les dénominations font référence à des mots qui ont un sens établi, plutôt constant même si la polysémie est possible (par exemple

9 La citation exacte était : Vanmorgen 14 mensen aangehouden in Maximiliaanpark en 9 in het Noordstation, 3 verklaarde minderjarigen. Vlgs info

10 CIRE – Coordination et Initiatives pour Réfugiés et étrangers (2017), Perspectives sur la politique migratoire belge en 2018 : lecture critique de

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Notes

1 Toutes les traductions sont les nôtres.

2 L’auteure est consciente que le syntagme nominal crise migratoire n’est pas neutre et que le mot crise lui-même est discutable. Néanmoins, crise migratoire est l’expression la plus mentionnée dans les médias pour référer à la période de 2015-2017 (Balty & Mistiaen, 2022).

3 Ou « réfugié méritant »/« migrant peu/non méritant » ou « réfugié politique »/« migrant économique ».

4 Et ce en vertu de l’application de la Directive Européenne 2001/55/EC du 20 juillet 2001 sur les normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et sur les mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil [En ligne] URL : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A32001L0055 [consulté le 14/02/2023].

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6 Le cadrage réfère au fait de choisir une manière spécifique de raconter l’histoire. « Cadrer, c’est sélectionner certains aspects d’une réalité perçue et les rendre plus saillants dans un texte de communication, de manière à promouvoir une définition particulière du problème, une interprétation causale, une évaluation morale et/ou une recommandation de traitement pour l’élément décrit » (Entman, 1993 : 52).

7 DE WEVER, Bart (22/09/2015), Intervention au Gastcollege Bart UGent, Youtube [En ligne] URL : https://www.youtube.com/watch?v=aWezYUl0n7Q [consulté le 19 mars 2021].

8 En linguistique, les dénominations font référence à des mots qui ont un sens établi, plutôt constant même si la polysémie est possible (par exemple migrant ou réfugié). Il s’agit d’une fixation référentielle résultant d’un acte de dénomination ou d’habitudes associatives (Kleiber, 1984 : 79).

9 La citation exacte était : Vanmorgen 14 mensen aangehouden in Maximiliaanpark en 9 in het Noordstation, 3 verklaarde minderjarigen. Vlgs info politie nauwelijks volk in het park #opkuisen. « Ce matin 14 personnes interpellées au parc Maximilien et 9 à la gare du Nord, 3 déclarées mineures. D’après info police il n’y a presque personne dans le parc #nettoyer ». Belga (14/09/2017). Theo Francken haalt zich de woede van internet op de hals. “Rommel moet je #opkuisen, mensen niet”, Nieuwsblad [En ligne] URL : https://www.nieuwsblad.be/cnt/dmf20170914_03072022 [consulté le 21 mars 2021].

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14 Comme par exemple en désamorçant le conflit entre Theo Francken et Yvan Mayeur à propos de la nécessité d’évacuer le parc Maximilien en septembre 2015.

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Author

Valériane MISTIAEN

ECHO & DESIRE, FWO-VUB Vrije Universiteit Brussel

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