Visibiliser, cristalliser, dénoncer : Lampedusa dans le Figaro, une approche discursive

Visibility, Crystallization, Denunciation: Lampedusa According to Le Figaro, a Discursive Approach

DOI : 10.52497/kairos.971

Abstracts

Nous nous proposons d’interroger les constructions discursives, prédiscursives et interdiscursives de la figure du migrant lors de la « crise de Lampedusa ». Cet événement survenu en septembre 2023, avec l’arrivée de 11 000 migrants sur les côtes italiennes et 2 500 personnes disparues en mer, a fait l’objet d’un traitement médiatique important. Nous nous intéressons aux discours de l’hebdomadaire Le Figaro, journal français positionné comme libéral conservateur, et en particulier aux discours publiés dans et par le site en ligne lefigaro.fr. Il s’agit de montrer que derrière ces représentations convergentes contre les migrants émerge un macro-discours de dénonciation politique qui laisse entrevoir un discours fondamentalement décliniste. Les cristallisations représentationnelles vi/lisibles reflètent alors des crispations sociopolitiques qui autorisent la mobilisation d’un imaginaire de désordre civilisationnel chez les lecteurs.

“Lampedusa has become a nightmare for the authorities,” “we are facing a civilizational challenge”… This paper aims to examine the discursive, pre-discursive, and interdiscursive constructions of the migrant figure during the so-called “Lampedusa crisis.” This event, which occurred in September 2023 with the arrival of 11,000 migrants on the Italian coasts and 2,500 people missing at sea, received significant media coverage. Our focus will be on the discourse produced by Le Figaro, a French weekly newspaper with a liberal-conservative orientation, and more specifically on the texts published on its online platform, lefigaro.fr. We will show that behind these convergent representations opposing migrants emerges a macro-discourse of political denunciation that reveals a fundamentally declinist rhetoric. The visible and legible representational crystallizations thus reflect tangible socio-political tensions, while the use of contextual references enables certain speakers to mobilize an imaginary of civilizational disorder.

Index

Mots-clés

énonciation, dénonciation, migrants, stéréotypes, cristallisation

Keywords

enunciation, denunciation, migrants, stereotypes, crystallization

Outline

Text

Introduction

La crise de Lampedusa survenue en septembre 2023, avec l’arrivée de 11  000 migrants sur les côtes italiennes et 2 500 personnes disparues en mer, a fait l’objet d’un traitement médiatique important : du 15 au 24 septembre 2023, les trois grands titres de presse quotidienne nationale française (Le Monde, Le Figaro, Libération) publient 86 articles sur le sujet. Cet événement médiatique peut s’analyser selon la démarche de Ricœur (Ricœur, 1983), où le caractère disruptif du moment est réduit par sa mise en récit (Dubied, 2004) et sa configuration narrative au sein d’une intrigue plus large. L’inscription de cet événement au sein de l’intrigue qui serait celle de la « crise migratoire » (Calabrese, Gaboriaux, Veniard, 2022) impose un cadrage médiatique spécifique.

La narration médiatique d’un événement, entendue ici au sens de Lits et al. (2017), a pour enjeu principal la restitution des faits et leur transmission au lecteur. Elle s’appuie sur une mise en intrigue, c’est-à-dire une mise en ordre du monde et une inscription de l’événement dans du déjà connu par le lecteur de l’actualité médiatique. Le récit de cette « crise » par Le Figaro présente une des positions où les journalistes « s’efforcent de définir et de maîtriser des situations problématiques » (Céfaï, 2016). Le travail journalistique s’inscrit ainsi dans un processus d’événementialisation qui repose sur un « sujet-être social qui juge cette modification saillante et qui l’insère dans un réseau de significations sociales » (Calabrese, 2013 : 99). Or, au sein de ce réseau, la figure du migrant constitue précisément un nœud, un point de cristallisations représentationnelles fortes et circulantes de discours sur les étrangers, de stéréotypes associés, d’images qui ont circulé intertextuellement depuis des années dans l’espace public (de gens en désarroi qui quittent leur pays, mais aussi de bateaux chargés, d’enfants noyés, de foules d’hommes qui attendent, etc.).

En effet, la mise en sens de l’événement semble s’accompagner d’un estompage de sa dimension inédite, afin de le rattacher à du déjà connu, et d’une catégorisation par la formule de « crise migratoire » l’insérant dans un interdiscours qui « fait de la crise un événement exogène que l’Europe ne ferait que constater et tenter de gérer » (Calabrese, Gaboriaux, Veniard, 2022). La figure du migrant y ressort, se visibilise et se cristallise au fil des discours. Les cristallisations de la figure du migrant arrivé à Lampedusa vont véhiculer des imaginaires prédiscursifs (stéréotypes, doxa, événements antérieurs…) et, en même temps, se forger dans un interdiscours synchronique par l’accumulation d’articles dans une période resserrée.

Afin d’observer ce processus, l’analyse portera dans un premier temps sur la médiatisation de l’événement et la façon dont un acteur médiatique le donne à voir. À partir d’un corpus d’articles publiés sur le site lefigaro.fr1 du 15/09/2023 et le 20/09/2023 lors de la « crise de Lampedusa », nous étudierons la façon dont Le Figaro produit une figure de migrant représenté à travers certains traits implicitement donnés comme essentialisants.

L’important volume des commentaires à la suite de ces articles (4473 commentaires2) montre que ces posts fonctionnent comme des lieux sociaux où les interactions dialogales convergentes finissent par faire émerger un macro-discours de rejet de la migration et des politiques publiques. Par le prisme d’une analyse actancielle (Greimas, 1966 ; Propp, 1970 ; Amossy, 2014), nous montrerons que cette construction entre dans un processus discursif qui tient d’une visibilisation du migrant, tantôt appréhendé comme victime, tantôt constitué en tant qu’acteur de l’événement ou représenté comme partie d’un problème public (la migration illégale) que d’autres acteurs doivent résoudre. Cette exploration du corpus interroge la construction de la représentation du migrant en tant qu’acteur de la crise ou comme sujet d’une crise politique. Parce que les études sur le cadrage médiatique de la migration (Boomgaarden, 2010 ; Schneider-Strawczynski, 2025) soulignent l’importance de la couverture dans la production d’attitudes vis-à-vis des migrants, nous interrogerons ici la façon dont Le Figaro propose un cadrage médiatique d’un événement migratoire et comment celui-ci est réactivé par les lecteurs-commentateurs du forum. Nous aborderons la mise en visibilité des migrants par la double focale de ce média d’une part, et de son forum d’abonnés, d’autre part. Il s’agit de comprendre comment les lecteurs interprètent ce cadrage en reproduisant ou non les stéréotypes proposés dans ce récit journalistique de l’événement.

Dans un second temps, nous étudierons la production d’une figure type de migration qui aboutit à la construction d’une image repoussoir du migrant, notamment par le passage d’une mise en visibilité du migrant à celle des migrants. La figure discursive du migrant se trouve alors associée à des stéréotypes (Amossy et Herschberg-Pierrot, 1997/2021) qui l’intègrent dans un problème politique. L’analyse des paradigmes désignationnels (Mortureux, 1994) permettra de souligner que ces représentations stéréotypiques sont des stigmatisations de la figure de l’immigré africain arrivant illégalement.

Cette approche conduira, dans un troisième temps, à étudier les mises en œuvre discursives d’une double dénonciation : celle d’une idéologie politique et celle d’un interdiscours médiatique. Ces deux postures de stigmatisation et de dénonciation semblent se nourrir l’une l’autre.

Mise en intrigue et enjeux d’une visibilité médiatisée

Les 12 et 13 septembre 2023, environ 7 000 personnes en provenance d’Afrique du Nord rejoignent l’île italienne de Lampedusa ; le nombre d’arrivées augmentera au cours de la semaine pour parvenir à 11  000 migrants sur les côtes italiennes et 2 500 personnes disparues en mer. Dans la presse nationale française, les différents acteurs politiques réagissent successivement et dans un temps court : le 14, Marion Maréchal (Reconquête)3 affirme se rendre sur place ; le 15, Emmanuel Macron prend la parole et appelle à un « devoir de solidarité européenne ». Dans le même temps, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur (LREM4), organise une réunion d’urgence place Beauvau, tandis que l’Union européenne, sous l’impulsion d’Ursula Von der Leyen, présente le 17 un plan d’urgence à Lampedusa. La façon dont Le Figaro relate Lampedusa en tablant sur un effet disruptif et une mise en intrigue spécifique témoigne d’une ligne éditoriale et de réalisations discursives que nous allons à présent explorer.

Faire de Lampedusa un événement : un effet de saillance

Cette actualité conduit les médias français à produire une couverture médiatique intense : celle des trois plus grands quotidiens nationaux généralistes français en ligne – en nombre de consultations selon les chiffres de l’ACPM5 – se concentre du 15 septembre au 20 septembre. Dès l’observation quantitative, nous notons une grande dissemblance au sein de ces trois couvertures. Le Monde et Libération produisent respectivement 13 et 26 articles contenant le nom propre Lampedusa sur la période, tandis que Le Figaro en publie 47.

Fig. 1. : Nombre d’articles publiés du 15 au 20 septembre 2023 contenant le mot Lampedusa, données extraites à partir d’Europress.fr.

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Média libéral-conservateur, Le Figaro choisit dès le départ de faire de cette arrivée un événement par une surproduction face à ses concurrents. La répartition des signataires des articles est intéressante à cet égard : sur la période identifiée, 11 articles sont accolés de la mention « AFP », 6 sont signés de personnalités extérieures (de toutes fonctions : du philosophe à l’économiste), 3 sont issus des brèves matinales (que nous excluons de la suite de l’analyse) et 27 directement signés par les journalistes du Figaro. Le surinvestissement du sujet s’explique en partie par l’importance du nombre de parutions de dépêches d’agence. Seuls 3 articles de Libération ont recours à cette pratique, tandis que Le Monde ne l’emploie pas pour couvrir cette actualité. Cette utilisation de dépêches de la part du Figaro souligne la saillance (Calabrese et Roig, 2015) que le quotidien attribue à cette actualité : dès le premier jour, l’arrivée de migrants est produite comme un événement, dont il faut informer rapidement le lecteur. Pour asseoir la cohérence de cette multitude d’articles, Le Figaro inscrit l’événement dans l’interdiscours de la « crise des migrants ». Il met en place les jalons d’une intrigue singulière par le rattachement à plusieurs axes thématiques qui concourent à l’insertion de l’événement dans un récit déjà en cours. Le premier thème, celui de la migration en Italie, concerne l’ensemble des articles qui se concentrent sur l’arrivée des migrants à Lampedusa et les conditions de vie dans le pays. Le second, celui de la politique européenne, repose sur les articles qui traitent de la façon dont l’Union européenne tente de réagir face à l’arrivée des migrants. Le troisième concerne la politique française et la façon dont les personnalités politiques répondent à cette arrivée. Enfin, le quatrième thème touche à la société civile française, ce sont les articles qui traitent des conditions d’accueil des migrants en France.

Axe thématique Nombre d’articles Nombre de commentaires Article générant le plus de commentaires
Migration en Italie 11 2178 « Crise des migrants à Lampedusa : 11  000 personnes arrivées sur l’île depuis lundi » (606)
Politique européenne 12

1672

« Lampedusa : Von der Leyen appelle les pays européens à accueillir les migrants arrivés en Italie » (704)
Politique française 12 3558 « “La France n’accueillera pas de migrants qui viennent de Lampedusa”, annonce Darmanin » (699)
Société française 8

829

« “L’idée est bien de les renvoyer ” : à Menton, un espace supplémentaire pour faire face à un afflux de migrants de Lampedusa » (203)

Ces axes thématiques disposent d’un nombre d’articles similaire, mais ils produisent des volumes de commentaires différents. Ils reposent sur des modèles actanciels (Greimas, 1966 ; Propp, 1970 ; Amossy, 2014) mis en œuvre par le locuteur journalistique qui ont pour effet de réduire peu à peu la visibilité du migrant-acteur au profit d’une couverture médiatique de la migration comme « problème public ». D’acteur, le migrant devient sujet politique de la crise.

Les quatre axes thématiques de mise en intrigue

Commençons par le premier axe, celui de la migration en Italie. Ce sous-corpus est constitué pour moitié d’articles issus de dépêches AFP et se consacre principalement à l’événement déclencheur de la crise : l’arrivée des migrants. Les premiers articles configurent l’événement selon le modèle suivant : un acteur (les migrants) génère un problème (gestion de l’accueil) que doivent traiter des protagonistes (les pouvoirs politiques). Néanmoins, rapidement, le schéma actanciel opère une modulation : l’actantialité des migrants est peu à peu invisibilisée. De personnages du récit médiatique, ils deviennent problèmes que doivent traiter d’autres acteurs, perdant ainsi leur protagonisme. Or, constituer un problème public, c’est identifier l’anormal d’une situation (Neveu, 2022). Dans son récit, Le Figaro produit une problématicité qui ne se concentre pas sur les conditions de vie des migrants, mais sur les perturbations que ceux-ci entraînent au sein des sociétés européennes. Ainsi, on retrouve des constructions comme « La cheffe du gouvernement italien nationaliste Giorgia Meloni a assuré le 15 septembre que la pression migratoire subie par son pays avec l’arrivée quotidienne de milliers de migrants était "insoutenable"6 ». Pour montrer l’importance de ce point de vue, cet énoncé est extrait de son énonciation première pour devenir titre d’article (procédé d’aphorisation). L’intrigue ne porte plus alors sur le parcours migratoire, la traversée des migrants, mais sur la gestion par l’Italie du problème de « la pression migratoire ». Ce tournant se trouve également dans les désignations utilisées : l’isotopie dominante bascule des migrants (sujet) à la migration (objet).

Un glissement actanciel se réalise alors vers le second axe, celui de la politique européenne, et se prolonge dans la mise en intrigue de l’événement par l’adjonction d’un nouvel acteur dans ce récit de la crise. L’élargissement du spectre médiatique conduit ainsi à infléchir l’intrigue : le problème et son diagnostic ne se concentrent plus sur le parcours migratoire, mais sur les logiques et les moyens avec lesquels les politiques peuvent faire face à une arrivée massive de migrants, faisant naitre une interrogation sur les politiques migratoires nationales et européennes. La problématique se centre alors sur la gestion de l’accueil, non de la migration elle-même. Lampedusa est réduit à n’être qu’un « test […] guère concluant sur les quelques parties du pacte d’ores et déjà à l’œuvre7 ». Peu à peu le migrant se trouve invisibilisé, car même lorsque le journaliste se focalise sur la ville de Lampedusa, il visibilise d’abord les acteurs politiques sur le terrain, en gros plan sur les photographies de presse, avec, parfois, un attroupement de migrants en arrière-plan.

Le glissement se renforce dans le traitement français de la crise par le troisième axe thématique, celui de la politique française. Là encore, l’enjeu s’infléchit : il ne s’agit plus de la question de l’accueil, mais de la confrontation de politiques français à propos d’un modèle migratoire. Le migrant rejoint l’arrière-plan au profit de la confrontation politique. Deux lignes directrices apparaissent dans ce cadrage : d’un côté les réponses du gouvernement français, de l’autre celles que proposerait la coalition de partis politiques de la NUPES8. G. Darmanin (ministre de l’Intérieur) est un acteur principal de cette intrigue, « en quête de résultats tangibles9 ». La fermeté qu’il propose est mise en confrontation avec celle des membres de gauche de la coalition de la NUPES, si bien que la conflictualité de la crise devient celle entre personnalités politiques françaises antagonistes par rapport à la migration : le migrant se réduit au statut d’objet de discours des uns et des autres.

Le dernier axe, celui de la société civile française, apparaît dans les articles qui s’intéressent aux conditions d’accueil en France. Toutefois, une fois de plus, l’événement de Lampedusa semble réduit à un rôle d’amorce qui laisse émerger une réflexion d’ordre civilisationnel. Cette mise en intrigue regroupe les deux tiers des contributions de personnalités extérieures et est un lieu de surcadrage de l’événement. Cette fois, Lampedusa paraît éloignée, les réflexions portent sur le « déclin » de la société française et les risques d’un accueil trop généreux de migrants. Les articles se concentrent sur l’« "anticipation" afin de contenir une éventuelle explosion des arrivées irrégulières10 ». La problématisation de la situation se concentre sur les réactions des Français vis-à-vis des migrants, l’actantialité de ces derniers est alors, de fait, réduite, n’existant dans le récit médiatique que comme problème, non plus comme acteur. L’événement-occurrence de Lampedusa s’efface au profit d’un traitement émotionnel et dramatisant de la crise migratoire comme emblématique d’une décadence de la France. Les articles les plus commentés dépendent de cette dramatisation de l’événement où ce qui génère une réaction de la part du lecteur concerne l’accueil des migrants lorsque celui-ci affecte son quotidien. La problématisation de la crise et les commentaires qu’elle provoque porte sur la gestion d’un problème migratoire par les autorités, non pas sur les migrants eux-mêmes, invisibilisés par le glissement narratif.

D’un parcours de migrants à un problème migratoire

Le cadrage du Figaro, qui mobilise des discours génériquement hétérogènes de « reportage », d’« analyse », de « décryptage » ou d’« éditorial », interroge la construction médiatique de la figure du migrant au sein d’un espace public où la crise migratoire est un sujet de controverse politique (Monnier, Boursier, Seoane, 2022). Lorsqu’il introduit le concept de « visibilité médiatisée », Voirol (2005) se réfère à l’action d’un « médiateur [qui] traduit sa manière de voir une situation singulière et l’objective sous forme de récit ». Ici, la narration proposée s’attarde sur l’aspect politique de la situation et tend à fixer une figure du migrant stigmatisante. Or, cette représentation de la crise implique une prise de position au sein des cadrages possibles d’une situation, car le journaliste tend incidemment à présenter un futur anxiogène en France en cas d’échec des politiques dans la gestion de la crise. Ce positionnement est ensuite abondamment repris dans le forum, nous y reviendrons.

Le régime de visibilité pour lequel Le Figaro opte ici apparaît quantitativement dans le volume d’articles et qualitativement dans la stratégie d’inscription de l’événement dans une intrigue plus large. Dans le journal, l’événement « Lampedusa » est approprié selon une montée en généralité (Bostanski, 1984 ; Lemieux, 2018), où ce qui constitue l’enjeu de ce moment médiatique n’est pas le traitement de l’arrivée de migrants, mais bien l’interrogation sur les pratiques d’accueil de la migration que cette arrivée induit. Cette montée en généralité s’opère par un glissement narratif et la visée argumentative qui s’ensuit. La visibilisation des politiques migratoires se fait au détriment de la représentation du migrant, grand absent de ce récit où il n’apparaît quasiment que sous des données chiffrées et des photographies de groupes, reproduisant le cliché d’une vague submersive qui atteindrait l’Europe, comme nous le montrerons plus loin.

Lorsqu’il est question des relations entre les Français et les migrants, la crise de Lampedusa devient un motif de dramatisation qui rend tangible le cadrage général de la migration proposé par Le Figaro : Lampedusa comme indicateur d’une crise politique dans laquelle le rôle du migrant est réduit à un objet de controverse puisqu’il y est (re)présenté quasiment seulement comme un élément exogène principal facteur de bouleversements négatifs et comme un révélateur des faiblesses (logistiques, politiques, morales) d’une société occidentale à la dérive.

Étudier sa visibilisation selon tel ou tel traitement journalistique, c’est donc à la fois prendre en compte la production potentielle d’un migrant-type au sein d’un interdiscours médiatique, mais c’est également porter un regard analytique sur certains effets de saillance : « ces expressions événementielles reposent sur un réseau interdiscursif épais qui se construit progressivement dans les discours et les images publics, créant des référents communs relativement complexes qui les rendent plus saillantes » (Calabrese, Roig, 2015 : 104). La visibilité médiatisée (Thompson, 2005) n’est ainsi pas une action passive, mais une production au cours de laquelle le média choisit ce qu’il représente et façonne ce qui est vu et lu. Nous rejoignons ici la pensée de Brighenti lorsqu’il fait de la question de la visibilité une question « pratique et politique » (2007 : 327). Le processus de visibilisation repose ainsi sur la perception d’un désordre, mais également sur son organisation en vue de sa médiatisation. Les cristallisations représentationnelles vi/lisibles reflètent des crispations sociopolitiques tangibles et l’utilisation du contexte peut permettre à certains locuteurs de mobiliser un imaginaire de désordre civilisationnel.

Représentations du migrant et des migrants

Si le cadrage médiatique du Figaro tend à invisibiliser le migrant en tant qu’actant de la crise migratoire européenne, cette invisibilisation se cristallise par la mobilisation de certains paradigmes désignationnels qui témoignent d’une appréhension biaisée de la figure du migrant : biaisée en fonction de la visée argumentative sous-jacente du journal et biaisée selon le cadrage communicationnel et générique de ces discours : articles de presse quotidienne nationale ou commentaires de forums. Ces paradigmes soulignent la construction politisée de représentations stéréotypiques du migrant et la visibilisation qui en découle. La politisation au sens de Bacot s’entend comme un processus de « construction sociale de la conflictualité » et de mise en œuvre de « clivages matriciels », qui entrent dans « une dialectique de l’union et de la division » (Bacot, 2002), c’est cette dialectique endogroupe vs exogroupe (in/out) qui affleure ici.

Paradigmes désignationnels mobilisés

Procédons à une analyse des paradigmes désignationnels mobilisés (au sens de Mortureux, 1993), d’abord dans les articles puis dans les espaces de forum, allant des désignations les plus neutres aux catégorisations les plus axiologisées. Pour rappel, le concept de paradigme désignationnel est lié aux formes discursives paraphrastiques et aux reformulations in absentia de segments co-référents. Dans ce corpus, ces paradigmes concernent les migrants, le phénomène de la migration et les incidences de cette migration.

Dans les articles

Dans les articles journalistiques, le système désignationnel mis en œuvre se fonde en premier lieu sur des données factuelles, chiffrées et géographiques. Les « migrants » (175 occurrences sur 14  600 mots) sont ainsi catégorisés comme des « personnes [qui sont] des réfugiés européens ou issus du Moyen-Orient », des « migrants africains » (10 occ.), des « Subsahariens » (6 occ.), « Ces migrants sont donc ivoiriens, égyptiens, guinéens, tunisiens » et sont régulièrement dénombrés : « Les quelque 8 000 migrants arrivés dans une trentaine de bateaux à Lampedusa », « L’île touristique italienne a accueilli 10  000 personnes en une semaine selon la Croix-Rouge. Dimanche soir, 1 500 migrants étaient abrités dans le hot spot de l’île ». Ces données concrètes portent également sur la légalité de la situation des migrants, qualifiés de « demandeurs d’asile » (4 occ.) puis de « clandestins » (13 occ.) et, plus marginalement, d’« immigrés illégaux » (4 occ.), ou encore par l’euphémisme de « candidats à l’immigration » (2 occ.).

Les catégorisations des migrants se poursuivent sur un plan plus subjectivant par l’insistance sur le volume de migrants arrivés : « nombre important », « un afflux important », « cet afflux, massif », la « masse énorme de migrants », « l’explosion des flux migratoires en 2015 ». Ce volume souligne le travail des pouvoirs publics « confrontés de nouveau à des demandes d’asile en forte hausse (+52 % en 2022) » et à la « pression migratoire ». « Le nombre de primo-demandeurs en Europe est passé de 563 000 en 2014 à près de 1,3 million en 2015 et la pression est devenue trop forte ». Le contraste entre le grand nombre d’arrivées mis en exergue et la petite taille de l’île illustre l’engorgement : « Près de 8 000 clandestins ont débarqué en deux jours sur l’île méditerranéenne d’un peu plus de 6 000 habitants », « Plus de 7 000 migrants ont été débarqués par 120 navires en deux jours sur la petite île italienne de Lampedusa, à 150 kilomètres des côtes africaines », ou encore « environ 4 500 personnes ont déjà pu être, par avion et par bateau, envoyées vers le reste de l’Italie […] Or, selon Frontex, l’agence européenne en charge de la défense des frontières, 114  300 clandestins sont arrivés en Italie depuis janvier, soit près du double par rapport à l’année 2022 ». L’abondance de données chiffrées accentue alors l’idée de « pression » et d’« envahissement » (« les migrants qui ont envahi l’île de Lampedusa »).

Le phénomène de la migration se trouve ainsi désigné – explicitement ou non – comme un « problème » à résoudre, une migration « subie » qui donne lieu à des métaphores conceptuelles (Lakoff et Johnson, 1980 ; Prandi, 2002) comme « l’explosion des traversées illégales » ou la « gestion des frontières » et des métaphores récurrentes autour de l’eau. La métaphore de la « vague » (étudiée par Giglio, 2019) se construit sur les schémas « vague + épithète » ou « vague + préposition + nom » : « la vague migratoire de 2015 », « une vague migratoire hors norme », « la vague de débarquements sur l’île de Lampedusa ». La métaphore est ainsi filée pour montrer le trop-plein qu’il faut s’efforcer de contenir : « retenir les flux », « Le flot d’arrivées a submergé la petite île », « cette arrivée massive a débordé l’île », « endiguer la migration. » Ces métaphores « conflictuelles » (Prandi, 2002 : 13), filées interdiscursivement, forgent au fil de leurs utilisations la représentation d’une « Europe passoire » (Giglio, 2019) qui tend à « accréditer le caractère inexorable des migrations et ainsi rendre compte d’une situation incontrôlée, voire incontrôlable, dont l’adversaire politique est l’artisan ou le complice » (Calabrese et Veniard 2018 : 101).

Cependant, au discours alarmiste qui émerge vient répondre une volonté affichée de distanciation, selon la routine du contrat de communication journalistique (Charaudeau, 2006, Bernier, 2006), et ce, d’abord par du fact checking (Bigot, 2017), comme dans l’article catégorisé génériquement comme « la vérification » (« Lampedusa : l’Italie est-elle confrontée à la pire vague migratoire africaine de son Histoire ? », 16/09) : « Aussi impressionnantes soient-elles, les images de Lampedusa ne disent pas nécessairement que la crise actuelle est sans précédent. Il existe des exemples de grands mouvements de population de l’Afrique vers l’Europe […] Mais même si les flux augmentent sur cette période, on ne parle pas alors de "crise migratoire" ». Ensuite, la factualité mise en avant peut donner lieu à une mise à distance énonciative par le journaliste, qui fait appel à du discours rapporté pour apporter des précisions de genre et d’origine : « Qui sont vraiment ces 12  000 migrants arrivés en une semaine sur l’île de Lampedusa ? À en croire les images qui ont circulé sur les réseaux sociaux et les télévisions, ce sont majoritairement de jeunes hommes d’Afrique subsaharienne » (15/09). Enfin, le recours à des discours rapportés attribués permet également de montrer un métadiscours politique complexe, qui peut varier selon les représentants sociaux ou politiques : Emmanuel Macron, Georgia Meloni, Gérard Darmanin, l’eurodéputé de gauche Raphaël Glucksmann, le républicain Éric Ciotti, la députée de Reconquête (extrême droite) Marion Maréchal, mais aussi des représentants de la Croix rouge et d’associations d’aide aux migrants. Ces discours peuvent alors s’ancrer dans une axiologie assumée par l’énonciateur cité (« la pression migratoire de ces milliers de migrants était "insoutenable», 15/09).

La survenue de l’événement entraîne une mise en retrait des individus au profit d’un traitement par les données chiffrées de la migration mettant en exergue une massification. L’individualité du parcours migratoire est invisibilisée. Le migrant n’existe que sous la forme de chiffres, perdant au sein du récit médiatique son visage (Nouss, 2015). D’ailleurs, Emcke (2017 : 12), lorsqu’elle analyse les discours de haine par rapport aux migrants, note l’importance de la perte de visage de l’exilé dans l’éclosion d’un ressentiment vis-à-vis de celui-ci. Le choix de se concentrer sur les commentaires des abonnés-lecteurs du Figaro constitue alors un intérêt heuristique fort car les commentaires de lecteurs ayant fait le choix de l’abonnement (seuls 11 % des Français paient pour l’information en ligne, selon le Reuters Institute Digital News Report 2024) font surgir une articulation entre représentations individuelles et un certain récit de la migration avec un soubassement collectif inhérent au cadre générique de ce corpus.

Par le commentaire, le lecteur devient curateur d’information (Piponnier, 2019) et réactualise le récit médiatique, il produit la « configuration » de l’actualité au sein d’une « intrigue » (Ricœur 1983 : 128). De surcroît, les liens entre discours de haine, réactionnaires et méfiance à l’égard du média ont souvent été mis en évidence (Udupa, 2020) ; ici, l’étude des commentaires uniquement ouverts aux abonnés nous permet de considérer les discours de récepteurs qui, a priori, n’auraient pas un rapport de défiance vis-à-vis du média puisqu’ils y sont eux-mêmes abonnés. Cette posture à la fois individuelle et partagée se retrouve en particulier dans l’espace communautaire et polyphonique du forum du journal en ligne.

Dans les forums

Dans les espaces d’interaction qui suivent ces articles, la démarche diffère de celle des articles journalistiques, car chaque locuteur exprime son propos selon les contraintes du médium : la modération du forum et celui de la brièveté du post. Commençons par explorer le paradigme concernant les migrants. On y retrouve les désignations objectivantes du forum : « migrants » (360 occurrences sur 98  000 mots, soit 0,36 %, un quart de moins que dans les articles journalistiques), « immigré(s) » (7 occ.), « clandestins » (73 occ.), « les étrangers » (27 occ.). Les adjectifs apposés divergent cependant par rapport aux articles puisqu’ils dénotent une axiologie forte : « inassimilables » (1), « trop nombreux » (2) :

(1) La solution ? Qu’il fasse comme les Tchèques, les Slovaques, les Hongrois, etc. Fermer et pas un kopek, résultat pas d’immigrés inassimilables11 (17/09).

(2) La vérité que personne n’ose affirmer est que nous ne pouvons plus traiter le problème de manière pacifique ou politique (immigrés trop nombreux, depuis trop longtemps, avec l’aide de trop de traîtres) (19/09).

À l’instar des journalistes du Figaro, de nombreux locuteurs utilisent également des catégorisations topographiques relatives à l’origine, attestée ou supposée, des personnes arrivées : « subsahariens » (8 occ.), « Africains » (47 occ.). De là, dans certains posts, s’opère un glissement vers l’assignation à la religion musulmane (« musulmans » 8 occ., et « islam »/« islamistes » : 28 occ.). Cette généralisation relève d’une extrapolation sur base d’une donnée statistique, puisque 98 % de la population d’Afrique du Nord et 30 % en Afrique subsaharienne est musulmane12.

Ainsi, contrairement aux articles qui tablaient surtout sur le volume des arrivées et cherchaient à rationaliser ces arrivées avec des données factuelles attestées, les désignations utilisées dans ce forum mettent en avant le caractère illégal et imposé de ces arrivées, laissant très vite la porte ouverte à un discours conspirationniste et décliniste. L’adjectif du GN « immigrés illégaux » (1 occ.) devient ainsi par exemple substantif (26 occ.) :

(3) La solidarité c’est d’accepter des illégaux dont personne ne veut, sauf des ONG qui ne s’en occupent plus après les avoir débarqués dans les ports de nos états(16/09).

(4) La France est entrain13 de sombrer vers des abysses inconnues, la population s’y appauvrit progressivement pour que l’état providence puisse loger et nourrir des centaines de milliers d’illégaux qui ne contribuent en rien à la croissance et y pompent la majorité des aides sociales et médicales. La fermeture de nos frontières est devenue une nécessité (15/09).

La clandestinité de ces personnes est dénoncée (« clandestins », « OQTF » [personnes dans l’obligation administrative de quitter le territoire]), autant que l’incapacité des politiques à la réguler ou l’empêcher (5, 6). Plusieurs désignations présentes dans les articles sont reformulées (reformulations correctives) afin de mettre en avant un discours du parler vrai, énoncé comme sans langue de bois comme « clandestin » au lieu de « migrants » (7) :

(5) La Tunisie organise le trafic pour alléger le contingent de clandestins sur son territoire et l’Europe laisse faire sans réagir ! (16/09)

(6) Ces migrants recevront peut-être une OQTF et puis resteront… et puis c’est tout. Alors autant accueillir les 8500 puis les milliers qui vont suivre, ce sera plus simple (17/09).

(7) Souvenons-nous que le terme « migrant » a été créé pour remplacer « clandestin », ce dernier étant connoté trop dur par le camp du bien. Arrêtons donc de parler de migrants et utilisons le mot adéquat (20/09).

Cette critique des discours circulants et des politiques publiques, française ou européenne, se cristallise autour de certaines désignations comme « (ces) chances » (9), formulation qui renvoie ironiquement à une parole politique de gauche concevant l’immigration comme une chance pour la France (cette formule vient de l’ouvrage de Bernard Stasi L’Immigration, une chance pour la France, publié 1992 puis repris par la gauche politique dans les années 1990 et 2000).

(8) Combien de chances allons-nous récupérer ? Beaucoup trop (15/09)

(9) Que faire de ces gens ? Ils n’ont aucune formation ou métier. Ou les mettre (15/09) ?

Certains locuteurs ont recours à une désignation floue, générique, comme « ces gens » (10) (52 occurrences), pour dépersonnaliser les personnes arrivées, réduites à des entités qu’il faut « mettre » quelque part (9), renvoyer ou « trier » (10), ce qui peut mener à une hiérarchisation des migrants, dont certains seraient acceptables et d’autres non (11). Cette indétermination se retrouve également dans l’utilisation récurrente de « ils » sans référent explicité (10, 12, 13, 15) : « ils générique anaphorique : une occurrence précise (ou des occurrences) d’une classe X est perçue dans la situation d’énonciation, mais le pronom renvoie à la classe générique X » (Kleiber, 1990 : 32). Là encore se construit un discours de rejet par généralisation implicite : le pronom ils réfère aux migrants mentionnés dans l’article ainsi que, par un élargissement métonymique, à tous les migrants venant d’Afrique qui charrient une série de stéréotypes dont il sera question plus loin (14 à 16, 24).

(10) Les raccompagner de l’autre côté et trier. Sinon on ne s’en sortira jamais (15/09).

(11) Il faut préciser de qui on parle. Pour ma part, pas de souci pour accueillir des migrants chinois japonais, vietnamiens, ukrainiens, polonais, argentins, brésiliens, etc. (15/09).

(12) Ils prennent les aides européennes et ne font pas le boulot : air bien connu (16/09).

Ensuite, par métonymie, les personnes qui immigrent sont assimilées aux bateaux (13) sur lesquels elles ont navigué (et que le commentateur dans l’extrait ci-dessous suggère de « couler ») ou aux « tentes Quechua » (14) utilisées par les sans-logis dans les rues :

(13) Il faudrait chercher d’où viennent tous ces bateaux ! Et agir contre les fournisseurs.
Il est aussi possible de les intercepter à quelques kilomètres des côtes et de les redébarquer sur la côte puis couler les bateaux (18/09).

(14) Les tentes Quechua vont fleurir devant l’hôtel de ville de Paris (16/09)....

Les navires peuvent être personnifiés (16) tandis que les migrants sont amenés à se « déverser » :

(15) « Pourquoi ne saisit-on pas les navires dont l’activité principale consiste à déverser à longueur d’année en Europe des personnes au mépris des lois (15/09) ?

Cette métaphore du liquide se retrouve dans le second paradigme mobilisé, celui qui concerne le phénomène de la migration. L’image de la « vague » est omniprésente, accompagnée par des qualificatifs et compléments axiologiques (« scélérates », « organisées »). La « vague » décrite dans l’article journalistique est reformulée en « marée de grande ampleur » et la métaphore filée jusqu’à la « submersion » (117 occ.) et à « notre naufrage » :

(16) L’humanisme béat est en passe de détruire l’Europe… Stop et re stop… Stop et re stop aux vagues organisées et à la démographie explosive (15/09).

(17) Et ce n’est qu’une vague, dans une marée de grande ampleur (16/09) !

(18) À terme, Poutine vise l’effondrement de l’U.E. par submersions migratoires, afin de la dominer ensuite (16/09).

(19) Le résultat est là, tout à fait remarquable et démonstratif de la vanité, pour ne pas dire la nocivité, des dirigeants européens. Ils dirigent quoi, au fait ? Notre naufrage (15/09) ?

L’immigration devient ainsi un péril, un « débarquement » qui fait « changer » voire « sombrer » la France :

(20) La France est entrain de sombrer vers des abysses inconnues, la population s’y appauvrit progressivement pour que l’état providence puisse loger et nourrir des centaines de milliers d’illégaux qui ne contribuent en rien à la croissance et y pompent la majorité des aides sociales et médicales (15/09).

Cette altérité posée comme inconciliable laisse alors envisager le phénomène d’immigration comme une « guerre » (50 occ.), avec des « ennemis » (7 occ.), une « invasion » (29 occ.) :

(21) Ce sont les peuples européens qui doivent mater l’invasion. Il n’y a rien à attendre des politiques, que des catastrophes. Il faut que les peuples résistent dès maintenant sans retenue. L’ennemi est aisément identifiable (16/09).

L’immigration y devient une « colonisation » qui « tue » et qui appelle donc à une « décolonisation » ou « recolonisation », une « re-migration » (re- comme préfixe du retour en arrière et rectificatif) et une « immigration zéro » (14 occ.) :

(22) La colonisation tue. C’était vrai dans le passé. C’est vrai au présent. Ce sera vrai à l’avenir (15/09).

(23) Il faut sérieusement penser a la recolonisation (16/09).

(24) Une seule solution : – re migration – immigration zéro (15/09) !

Cette saisie du réel selon un prisme politique, explicité ou non, s’observe également dans le dernier paradigme désignationnel mobilisé, celui qui rend compte des incidences de cette migration : « grand remplacement » qui « défigure la France et l’Europe », la menace de « chaos », « basculement démographique », « refoulement nécessaire pour notre survie », etc.

(25) Allez on continue à défigurer la France et L’Europe qui sombre dans le chaos. Désolé, mais le grand remplacement gros mot pour les rois du déni est bien en route à vitesse grand V.
C’est traîtres devrons être jugés Macron, Veran. Philippe Dupont Moretti, Hollande et sans oubliez SARKOZY (17/09).

(26) Un tel aveuglement va les desservir électoralement jusqu’en 2050 lors du basculement démographique (20/09).

La réponse souhaitée et associée très régulièrement à la figure des migrants consiste en un « renvoi », « un retour à domicile », « un retour à l’envoyeur », une « reconduction aux frontières », « hors de nos frontières », « dans leur pays d’origine ».

Un discours alarmiste se consolide au fur et à mesure, de post en post, par des commentaires qui se répondent interdiscursivement, à partir d’un terreau idéologique commun et partagé : une opposition aux migrants de Lampedusa d’une part, une critique contre les discours et les actions politiques. Malgré la modération, certains de ces commentaires ouvrent la voie à un discours de dramatisation extrêm(ist)e. Comme nous l’avons signalé en fin de la partie précédente, Le Figaro fait de Lampedusa un élément exogène source de conflits publics et politiques, un événement déclencheur d’une crise politique où les migrants sont réduits au rôle d’objet de controverse. Cette logique d’invisibilisation du migrant singulier pour une visibilisation du volume des migrants érigés en problème public se trouve intensifiée dans les commentaires, ce qui génère alors une réponse violente face à un autrui objectivé comme problème et non plus comme un autrui-relationnel.

Représentations stéréotypiques du migrant vs des migrants

Analysons à présent les représentations stéréotypiques des migrants. L’étude des désignations mobilisées a montré des divergences selon le cadrage générique, mais également certaines récurrences, comme le recours à des métaphores qui forgent des représentations en voie de stabilisation. Selon Yurchenko (2018 : 19) :

Le comportement d’un sujet migrant en tant que représentant d’un groupe culturel étranger (« outgroup ») peut causer le sentiment d’hostilité chez un représentant d’une communauté « ingroup ». Ce dernier cherchera donc à expliquer un comportement qui lui est incompréhensible en attribuant à des personnes étrangères des qualités et des motivations sur la base des caractéristiques stéréotypiques associées aux migrants (en général), et aux membres de certains groupes ethniques (en particulier), qui circulent dans la société et notamment dans les médias.

Yurchenko identifie plusieurs sphères conceptuelles de l’expansion métaphorique dans les syntagmes nominaux et verbaux avec les termes migrants ou migration (Yuchenko, 2018 : 35-43). Elle met en évidence des modèles métaphoriques avec les « sphères-sources » suivantes : « guerre », « économie » (« marchandises »), « crime », « théâtre » (« tragédie »), une spatialité (retour, arrivée…), « maladie », zoomorphie, phénomènes naturels particulièrement hydronymiques : le filtrage, la pression, la masse, la dynamique des flux, les déplacements de fluides (les vagues, le flot, le déferlement, etc.). Ces catégories métaphoriques s’ancrent dans des stéréotypes autant qu’elles contribuent à les consolider.

Or, ce stéréotypage, en tant que « processus de construction du sens subordonné aux formes d’une mémoire culturelle » (Ducard, 2010 : 2) et donc processus de figement, tend à distinguer la représentation du migrant (au singulier) de celle des migrants (au pluriel). En effet, la figure discursive du migrant cristallise la stigmatisation de la figure de l’Africain arrivant illégalement et charriant des stéréotypes (Amossy et Herschberg-Pierrot, 1997/2021), qu’il s’agit de mettre en évidence soit pour étayer une critique sociale et politique, soit pour répondre aux attendus d’une ligne éditoriale portée par le journal. Comme l’ont montré Molinier, Vidal et Payet (2018), les migrants sont d’ailleurs le plus souvent montrés comme des hommes, en groupes importants, photographiés en extérieur.

Dans les commentaires du forum, les représentations les plus fréquentes font émerger par amalgame cognitif (Breton, 2000) la figure du musulman dans le rejet des valeurs occidentales, l’immigré attentiste, feignant (3), profiteur du système social français (4, 20). Ces formulations font des commentaires des discours de haine, oscillant entre une logique endogène et une logique exogène (in/out) (Monnier et al., 2020, 2021, 2022). L’immigré est stéréotypé comme un homme noir africain incapable de contrôler sa sexualité et sa procréation (27) :

(27) Il faut apprendre aux Africains à utiliser un préservatif (20/09)…

Les représentations des migrants (au pluriel) se construisent également à travers des désignations et des caractérisations axiologiques. Ainsi, on critique l’octroi (et le supposé abus) d’aides d’un système social français, jugé trop complaisant, et on dénonce les liens entre immigration et délinquance :

(28) Avec le regroupement familial, beaucoup peuvent avoir des points de chute ! Honte à Mélenchon de mettre de l’huile sur le feu (16/09) !

(29) c’est dramatique pour la France et pour ces migrants qui n’ont que la délinquance et la drogue pour survivre en France. Honte à ce gouvernement (17/09) !

À la désingularisation stigmatisante et stéréotypée des migrants semble se superposer la critique d’une idéologie politique, avec la dénonciation d’un interdiscours médiatique jugé complaisant, faible ou aveugle. Ces deux postures de stigmatisation et de dénonciation étudiées sous un angle oppositif par Bazin, Lambert et Sapio (2020), Brugidou et Kaufmann (2020) notamment, nous semblent ici plutôt contiguës, s’alimentant l’une l’autre au cours de cette arrivée massive à Lampedusa. Les cristallisations de cette double figure du migrant/des migrants à Lampedusa opèrent par capillarité dialogique pour dénoncer collectivement une idéologie qualifiée « de gauchiste », d’« extrême-gauche », voire de « wokiste », tout en l’articulant à la critique d’une action gouvernementale jugée vaine, hypocrite ou fruit d’une incompétence et au rejet d’une politique européenne posée comme antagonique aux intérêts et aux valeurs de la France, voire qualifiée de « traître » (2). La question de « la crise de Lampedusa » devient alors le prétexte à forger une radicalité en adoptant ouvertement une perspective décliniste : les jalons d’une rhétorique réactionnaire (Hirschman, 1991) sont posés.

En tant que démarche politisée et politisante (Bacot, 2002), la dénonciation se légitime en se fondant sur des critères de « valeurs » comme autant de principes sous-tendant cette évaluation (Heinich, 2017) : des valeurs morales comme l’honnêteté (« Pinocchio-Darmanin »), la loyauté (« Il est incroyable de voir comment un parti en vient à trahir son pays »), la dignité (« Honte à Mélenchon ! » (28) ; des valeurs éthiques qui renverraient à des compétences attendues : valeur de pertinence (le bon sens), d’efficacité, de capacité anticipatoire. Ces principes contribuent à asseoir une norme. Leur rôle dans l’arène publique consiste ainsi à être des piliers argumentatifs du discours, des « boussoles axiologiques » (Kaufmann et Gonzalez, 2017 : 172-173). Ces « valeurs normatives » ou « normes axiologiques » constituent en effet des « méta-valeurs » (id.) : des valeurs qui permettent de cimenter les relations énonciatives et pragmatiques entre les actants du discours au sein d’un forum d’abonnés.

Conclusion

Les différents niveaux d’analyse ont permis de montrer que le migrant fraîchement arrivé à Lampedusa est d’emblée invisibilisé dans sa représentation d’humain singulier aux conditions de vie précaires, cherchant asile ou une meilleure vie : il n’est rendu visibilise que dans le stéréotype de l’étranger parasite et venu en masse sur les terres européennes. L’individu disparaît derrière la masse ; l’humain migrant, derrière le phénomène de migration. Cet estompage de l’individualité se retrouve à différents égards chez tous les locuteurs du corpus, inscrits dans des pratiques distinctes, de loisirs (les forums) ou professionnelles (articles), dans des logiques génériques et communicationnelles différentes. Tous ont recours à des ressources comme les paradigmes désignationnels, les procédés tropiques, à des outils infradiscursifs comme la stéréotypisation et l’assise sur des (méta-)valeurs pour visibiliser ou invisibiliser le migrant. Si la question de la migration illégale polarise ainsi la société, notre double corpus du figaro.fr souligne surtout que, au fil des jours et des articles, le migrant est invisibilisé dans le débat qu’il génère où l’acteur principal demeure le politique. Les migrants, au pluriel, deviennent, eux, objets : ils sont régulièrement objectisés (traités comme des objets à placer ou renvoyer) dans les forums, ils le sont aussi mais discursivement, dans les articles où, peu à peu, ils perdent leur fonction de sujet jusqu’à ne constituer qu’un objet de confrontation entre responsables politiques.

L’événement médiatique se place dès lors dans un interdiscours de condamnation plus large, plus ou moins revendiqué par le récit médiatique construit par Le Figaro ou dans les commentaires d’abonnés, qui n’hésitent pas à se poser comme désinhibés du politiquement correct. Lampedusa permet ainsi de mettre en place un cadre mobilisateur enjoignant une réaction et légitimant une violence contre les discours des responsables politiques. Toutefois, le cadrage médiatique d’un quotidien institutionnalisé comme Le Figaro suit un cheminement moins direct et rudimentaire : le migrant est montré, catégorisé et même singularisé parfois dans un premier temps, mais très vite l’effet de masse le transforme en figure de la migration, dépouillé de son humanité propre et cristallisé en problème public.

Ce récit de la migration est renforcé et validé par les commentaires d’abonnés, qui se désinhibent du politiquement correct auquel doit se confirmer déontologiquement le journal. La mise en récit de la « crise de Lampedusa » par certains acteurs de presse comme ici Le Figaro se transforme en levier de mobilisation, enjoignant une réaction et légitimant une violence contre un corps politique jugé inefficace et néfaste.

Dans de précédents travaux sur les discours de haine (Monnier, Boursier et Seoane, 2022), nous avons pu identifier la posture que prennent les énonciateurs vis-à-vis des médias accusés de cacher la réalité et dont les opportunités offertes par les réseaux sociaux sont identifiées comme des moyens d’« évangéliser » (Schrardie, 2019 : 167) leur parole. Ici la démarche est autre : le commentateur n’exprime pas une défiance (Jost, 2020) envers le récit médiatique, mais y a recours comme gage d’une preuve matérielle venant nourrir le surcadrage de la migration. Les commentateurs se servent d’un potentiel narratif implicite dans le récit médiatique pour cadrer la « crise migratoire » comme un danger et proposer un traitement violent au problème. Cette reprise polarisante de l’information dans les commentaires des abonnés-lecteurs délaisse la défiance (routinière dans les forums) vis-à-vis des médias pour laisser place à une communication âpre envers la migration comme problème exogène et envers les politiques gouvernementales ou européennes, jugées contraires aux intérêts de la France. La question de « la crise de Lampedusa » devient alors l’objet-prétexte à forger une radicalité en adoptant ouvertement une perspective décliniste. La dénonciation publique et collectivement partagée par une majorité de commentaires dans ce forum contribue à faire communauté. Cette mobilisation se met en discours par des cristallisations représentationnelles du migrant/des migrants, mais aussi, et surtout, de l’(in)action politique en place. Dans Le Figaro et son forum, l’altérité stéréotypée et mise à distance n’est pas uniquement celle de l’étranger débarqué sur la petite île de Lampedusa.

1 Journal français positionné comme libéral-conservateur.

2 Au travers de cet espace, désigné par l’expression « espace communautaire » dans lefigaro.fr, les abonnés peuvent commenter l’article et interagir

3 Ceci montre la réactivité de l’extrême droite dans le cadrage des affaires liées aux migrations. Marion Maréchal est d’ailleurs invitée sur BFM (

4 La République en marche, Centre, parti du Président.

5 « Classement audience presse quotidienne nationale 2025 », ACPM https://www.acpm.fr/Les-chiffres/Audience-Presse/Resultats-par-etudes/OneNext2/

6 « La pression migratoire subie par l’Italie "est insoutenable", dit Giorgia Meloni », Le Figaro, 15/09/2023 [En ligne] URL : https://www.lefigaro.fr

7 « Les Européens incapables de s’unir sur un nouveau pacte migration et asile », Le Figaro, 17/09/2023, [En ligne] URL : https://www.lefigaro.fr/

8 La Nouvelle union populaire écologique et sociale est une coalition de partis politiques de la gauche française créée en 2022.

9 Titre de l’article d’« analyse » : « Sur l’immigration, l’automne de vérité de Gérald Darmanin », Le Figaro, 19/09/2023 [En ligne] URL : https://www

10 Titre de l’article « "L’idée est bien de les renvoyer" : à Menton, un espace supplémentaire pour faire face à un afflux de migrants de Lampedusa »

11 Nous respectons l’orthographe des extraits.

12 « Mapping the Global Muslim Population », Pew Research Center, 7/10/2009 [En ligne] URL : https://www.pewresearch.org/religion/2009/10/07/

13 Nous respectons l’orthographe initiale des posts.

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Notes

1 Journal français positionné comme libéral-conservateur.

2 Au travers de cet espace, désigné par l’expression « espace communautaire » dans lefigaro.fr, les abonnés peuvent commenter l’article et interagir entre eux. Cet espace est modéré et restreint aux abonnés du journal pour la rédaction, mais non pour la lecture des commentaires.

3 Ceci montre la réactivité de l’extrême droite dans le cadrage des affaires liées aux migrations. Marion Maréchal est d’ailleurs invitée sur BFM (chaîne privée d’information TV en continu) ce jour-là, ce qui lui permet de prendre la parole : « Marion Maréchal se rend à Lampedusa, submergée par un afflux de migrants », Le Figaro, 14 septembre 2023 [En ligne] URL : https://video.lefigaro.fr/figaro/video/marion-marechal-se-rend-a-lampedusa-submergee-par-un-afflux-de-migrants/.

4 La République en marche, Centre, parti du Président.

5 « Classement audience presse quotidienne nationale 2025 », ACPM https://www.acpm.fr/Les-chiffres/Audience-Presse/Resultats-par-etudes/OneNext2/Presse-Quotidienne-Nationale

6 « La pression migratoire subie par l’Italie "est insoutenable", dit Giorgia Meloni », Le Figaro, 15/09/2023 [En ligne] URL : https://www.lefigaro.fr/international/lampedusa-la-pression-migratoire-subie-par-l-italie-est-insoutenable-dit-giorgia-meloni-20230915.

7 « Les Européens incapables de s’unir sur un nouveau pacte migration et asile », Le Figaro, 17/09/2023, [En ligne] URL : https://www.lefigaro.fr/international/les-europeens-incapables-de-s-unir-sur-un-nouveau-pacte-asile-et-migration-20230917.

8 La Nouvelle union populaire écologique et sociale est une coalition de partis politiques de la gauche française créée en 2022.

9 Titre de l’article d’« analyse » : « Sur l’immigration, l’automne de vérité de Gérald Darmanin », Le Figaro, 19/09/2023 [En ligne] URL : https://www.lefigaro.fr/vox/politique/sur-l-immigration-l-automne-de-verite-de-gerald-darmanin-20230919.

10 Titre de l’article « "L’idée est bien de les renvoyer" : à Menton, un espace supplémentaire pour faire face à un afflux de migrants de Lampedusa », Le Figaro, 18/09/2023 [En ligne] URL : https://www.lefigaro.fr/nice/lampedusa-la-prefecture-des-alpes-maritimes-reflechit-a-un-terrain-pour-accueillir-des-migrants-20230918.

11 Nous respectons l’orthographe des extraits.

12 « Mapping the Global Muslim Population », Pew Research Center, 7/10/2009 [En ligne] URL : https://www.pewresearch.org/religion/2009/10/07/mapping-the-global-muslim-population/

13 Nous respectons l’orthographe initiale des posts.

Illustrations

Fig. 1. : Nombre d’articles publiés du 15 au 20 septembre 2023 contenant le mot Lampedusa, données extraites à partir d’Europress.fr.

Fig. 1. : Nombre d’articles publiés du 15 au 20 septembre 2023 contenant le mot Lampedusa, données extraites à partir d’Europress.fr.

References

Electronic reference

Annabelle SEOANE and Axel BOURSIER, « Visibiliser, cristalliser, dénoncer : Lampedusa dans le Figaro, une approche discursive », K@iros [Online], 8 | 2025, Online since 22 October 2025, connection on 17 December 2025. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=971

Authors

Annabelle SEOANE

CREM, Université de Lorraine

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Axel BOURSIER

LT2D, CY Cergy Paris Université

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