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Le savoir de l’Autre : un naturaliste français en Nouvelle-Grenade au xixe siècle

Knowledge of the Other: A French Naturalist in New Granada in the 19th Century
Daniel López

Résumés

Le naturaliste français Charles Saffray a visité la Nouvelle-Grenade (actuelle Colombie) vers le milieu du xixe siècle. Le récit de son voyage à travers le pays andin a été publié pour la première fois dans la célèbre revue Le Tour du Monde entre 1872 et 1873 en plusieurs fascicules, ornés de quelques cartes et plusieurs images, sous le titre de « Voyage à la Nouvelle-Grenade par M. Le Docteur Saffray ». Les observations sur les vestiges, les mœurs et les savoirs médicinaux et botaniques des indigènes sont un trait marquant dans son récit. C’est ce dernier aspect en particulier que nous voudrions aborder dans cet article, dans le but de déceler la manière dont le voyageur français s’est approché du savoir que ces peuples détenaient d’un habitat riche en ressources naturelles.

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Texte intégral

  • 1 Plusieurs auteurs mettent en relief ce mouvement de redécouverte de l’Amérique au xixe siècle init (...)

1Le récit de voyage de Charles Saffray en Nouvelle-Grenade s’inscrit dans un mouvement de redécouverte de l’Amérique ayant eu lieu au xixe siècle1. De nombreux voyageurs européens notamment, de tous horizons et aux buts variés, s’y sont rendus pour explorer ces terres désormais affranchies du contrôle espagnol. C’est dans ce contexte que le médecin et naturaliste français Charles Saffray a parcouru une partie de la Nouvelle-Grenade vers le milieu du siècle, nous laissant un récit qui rend compte d’un sincère intérêt pour la nature tropicale et les usages et savoirs indigènes. Certes, le récit de Saffray est tributaire d’une manière de regarder et de raconter les Autres qui s’était consolidée notamment dès le xviiie siècle : la volonté des sociétés occidentales de rationaliser ressources et savoirs en vue de les contrôler. Or, à travers son récit, Saffray fait à la fois preuve d’une relative décentration, d’une sensibilité anthropologique pourrait-on dire, au moment de l’émergence de disciplines comme l’ethnologie. Cette démarche particulière, également dictée par une curiosité épistémologique propre au voyageur français, aurait rendu visibles, à son tour, d’autres contenus, d’autres formes et lieux de production des savoirs.

2De cette façon, quelques données relatives au voyageur, au voyage en lui-même et à la publication du récit nous permettront de cerner dans un premier temps, ne serait-ce que partiellement, les enjeux de cette expérience de voyage. Quelques passages du récit illustreront par la suite le souhait permanent du voyageur de révéler au lecteur aussi bien les richesses naturelles de la zone équatoriale qu’il parcourait, que la manière dont les indigènes en tiraient profit dans leur quotidien. À cet égard, l’abondante imagerie accompagnant le texte serait non seulement une composante décorative mais aussi une façon de rassembler graphiquement ces richesses et de représenter les êtres exotiques qui peuplaient ces terres. Dans tous les cas, l’approche singulière du voyageur scientifique oscillant entre le besoin d’objectivisation et de validation des savoirs indigènes d’une part, et une sincère curiosité épistémologique associée à une relative ouverture d’esprit à leur égard, d’autre part, démontrerait que, pour lui, l’Autre et son savoir, plus qu’un élément accessoire enrichissant son récit, constituait un principe fondamental dans son projet de voyage.

Saffray, voyageur scientifique

3Les données biographiques sur Charles Saffray sont plutôt rares. Né à Ploërmel (Morbihan) en 1833 et mort à Paris en 1890, ce médecin et naturaliste est décrit par le géographe Richard Cortambert, son contemporain, comme un « botaniste distingué », « enthousiaste des beautés de la nature » sans pour autant tomber dans l’exagération, « excellent juge des mœurs et du type des habitants qu’il étudie, sans parti pris », tout à la fois touriste et anthropologue2. En plus de son métier de médecin et de botaniste, il a été officier de l’Académie, secrétaire de la Société française d’hygiène et membre de la Société des gens de lettres, et aurait participé à divers congrès scientifiques dans les Amériques. Le Voyage à la Nouvelle-Grenade aurait été vraisemblablement son seul récit de voyage ; en revanche, sa production scientifique est beaucoup plus importante. En effet, Saffray est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles, aussi bien spécialisés que de divulgation scientifique3.

  • 4 Saffray le reconnaît lui-même dans un passage de son récit : « Je faisais exploiter une mine d’or (...)

4À l’image des données concernant sa vie, les dates et raisons de son voyage en Nouvelle-Grenade demeurent elles aussi incertaines, ce qui rend d’emblée difficile l’explication des fondements et des procédés de sa démarche singulière. Dans son récit, Saffray ne précise pas les dates de son voyage, mais grâce aux événements qui y sont rapportés, on peut supposer qu’il a eu lieu vers la fin de la décennie de 1850, et que le voyageur a séjourné dans le pays environ six ans. Il se serait rendu en Nouvelle-Grenade peut-être à la recherche de gisements miniers4, ou bien tout simplement porté par sa passion pour la botanique. Pour certains chercheurs, Saffray aurait en effet voyagé en Nouvelle-Grenade

  • 5 Margot Andrade, L’Influence française en Colombie, thèse de doctorat sous la direction de Bertrand (...)

d’abord dans le but d’étudier les plantes que les Indiens colombiens utilisent dans leurs traitements curatifs, et ensuite dans le but de recueillir des échantillons des espèces végétales, de minéraux et de matériaux qui seront rapportés en France, afin d’augmenter les collections déjà existantes dans le Muséum d’Histoire naturelle de Paris5.

  • 6 La remontée du fleuve s’effectuait, jusqu’au milieu du xixe siècle, dans de rudimentaires embarcat (...)
  • 7 Notons simplement au passage la présence prépondérante de voyageurs français dans le pays au xixe  (...)
  • 8 Marie Estripeaut-Borjac dresse un parallèle entre Humboldt et Saffray à propos des parcours des de (...)

Quoi qu’il en soit, le voyageur débarque sur la côte caraïbe du pays, puis il se rend à un village sur les bords du fleuve Magdalena afin d’entreprendre sa remontée pour accéder à l’intérieur des terres6. À la différence de la plupart des voyageurs étrangers7 qui se rendaient directement à la capitale en passant par la ville de Honda, Saffray s’arrête dans un village plus au nord sur le fleuve. De là, il remonte la Cordillère centrale pour arriver à la ville de Medellín et explorer la région minière occidentale, où il séjournera dans une tribu afin d’étudier ses usages et connaissances naturelles. Il part ensuite pour le sud du pays jusqu’à la ville de Popayán. Le projet de poursuivre son voyage vers le sud-est avorté à cause de l’un des nombreux conflits internes du pays, raison pour laquelle le voyageur décide de se rendre à la capitale pour revenir finalement sur ses pas dans la région sud-est du pays et s’embarquer pour le Panama, puis pour l’Europe8.

  • 9 Deuxième semestre de 1872, chapitres i à iv (pages 81 à 144) ; premier semestre de 1873, chapitres (...)
  • 10 Il faudra noter le processus de transition de l’imagerie de ces récits de voyage : l’expérience in (...)

5Le récit des péripéties de Saffray en Nouvelle-Grenade paraît en plusieurs fascicules entre 1872 et 1873 dans le célèbre hebdomadaire Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages9, agrémenté d’une iconographie très riche. Les gravures (d’après les croquis majoritairement attribués à Saffray) qui accompagnent profusément le récit, sont dues pour la plupart à Alphonse de Neuville et Édouard Riou, et adaptées en quelque sorte pour combler les attentes éditoriales et celles du public10.

6Le texte et les images dans le récit de Saffray font ressortir, dans tous les cas, un intérêt constant de la part du voyageur français pour la nature tropicale et les usages qu’en font les locaux, notamment les peuples indigènes. Cet intérêt se manifestera dans un regard propre au voyageur qui oscillera entre deux pôles : d’un côté, une attitude prolongeant le projet d’intégration et de rationalisation du monde dans un vaste et unique réseau dominé par l’Occident comme guide et parangon ; de l’autre, une relative ouverture d’esprit envers l’Autre et ses modes singuliers de connaissance, à un moment où l’on assistait à l’émergence des savoirs ethnologiques. Précisons brièvement ces deux tendances.

  • 11 Ventura signale que cette transformation commençait déjà à se dessiner au xviie siècle lorsque mis (...)
  • 12 Sur la coémergence et l’intrication des sciences, de l’histoire et de la modernité, voir Dominique (...)
  • 13 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes. Travel Writing and Transculturation, Londres/New York, Routledge (...)
  • 14 Angela Pérez Mejía, La Geografía de los tiempos difíciles: escritura de viajes a Sur América duran (...)
  • 15 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes. Travel Writing and Transculturation, op. cit., p. 27.
  • 16 Juan Pimentel, Testigos del mundo: Ciencia, literatura y viajes en la Ilustración, Madrid, Marcial (...)
  • 17 À ce sujet, Raj et Sibum mettent en relief la consolidation de la « perception de la science comme (...)
  • 18 Samir Boumediene, La Colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du Nouveau Monde (...)

7La démarche scientifique déployée par Saffray dans son récit est, dans une bonne mesure, tributaire d’une manière particulière d’approcher la nature, de la regarder et de la raconter qui prend forme au xviiie siècle11 et qui va se prolonger et évoluer jusqu’au début du xxe siècle12. Au xviiie siècle on assiste en effet à l’instauration d’une conscience européenne planétaire13, à l’expansion de l’Occident dans sa recherche de matières premières et de marchés14. L’exploration scientifique mobilise alors un vaste réseau intellectuel et commercial et devient centre d’intérêt public, un appareil idéologique grâce auquel l’Europe va se définir elle-même par rapport aux autres peuples de la planète en tant que porteuse du discours de la science. Dès lors, l’ambition de décrire la nature en termes scientifiques devient une composante conventionnelle, à différents degrés, des récits de voyage15. Dans ce projet planétaire de systématisation de la connaissance, le caractère scientifique du voyageur allait l’investir d’une légitimité qui avait éventuellement pu lui faire défaut auparavant : au xviiie siècle, on assiste à la consolidation de l’idée du voyageur en tant que témoin du monde, compilateur fiable des faits naturels, par opposition à son ancien statut d’imposteur16. L’autorité de l’observateur européen allait ainsi se baser sur le discours scientifique. Les voyageurs jouaient le rôle d’apôtres de ce discours, d’agents de premier ordre dans sa légitimation et son expansion. Deux traits, qui évolueront au fil du temps, seront particulièrement marquants dans ce processus : le besoin de validation du savoir de l’Autre habitant des espaces riches mais sauvages, et l’appel à l’action de l’homme occidental dans le but de mettre ces richesses naturelles au profit de la civilisation17. Investi de la validité octroyée par la science, le voyageur scientifique a la faculté de produire un discours censé être objectif et objectivable sur la nature qu’il découvre et va jusqu’à s’attribuer fréquemment le rôle de juge du savoir de l’Autre habitant cette nature. Le discours scientifique porté par la plupart des naturalistes de l’époque, voire ultérieurement, tend en effet à discréditer ces hommes trop proches de la nature pour nier non pas leurs savoirs, mais leur capacité à raisonner : ils sont représentés en tant qu’êtres dont la réflexion peut être réduite à un réflexe ; le savoir récupéré auprès d’eux « doit donc être validé par l’expérience pour devenir utile », et « seuls les blancs peuvent élever ces connaissances à un degré supérieur18. » Le récit de Saffray, comme nous le verrons par la suite, a été en partie tributaire de cette vision ; cependant, il a en même temps témoigné d’une attitude de relative décentration permettant d’accueillir l’Autre et son savoir.

  • 19 Sylvaine Camelin et Sophie Houdart, L’Ethnologie, Paris, Presses universitaires de France, « Que s (...)
  • 20 Sylvaine Camelin et Sophie Houdart, L’Ethnologie, op. cit., p. 16.
  • 21 John Tresch, « Des natures autres. Hétérotopies de la science du xixe siècle », trad. Franck Lemon (...)

8Il serait en effet possible de déceler dans l’approche de Saffray ce que l’on pourrait qualifier d’ambition ethnologique avant l’heure, du fait que sa démarche tentait de « connaître, comprendre, faire comprendre19 » l’Autre indigène dans son milieu naturel. Certes, le regard de Saffray en tant que scientifique européen était principalement basé sur le projet de recensement encyclopédique de la nature ; il n’en reste pas moins vrai que l’Autre habitant la nature tropicale a également fait l’objet de ses observations et réflexions, surtout depuis une perspective épistémologique. C’est en ce sens que la démarche de Saffray est singulière : il reste l’observateur investi de l’autorité scientifique dont il est porteur tout en faisant preuve d’une relative disposition au décentrement, notamment par rapport aux contenus et aux lieux de savoir et de production de savoir20. Cette attitude chez le voyageur français mettrait à son tour en relief « la coexistence de l’unité et de la fragmentation dans la science du xixe siècle », la possibilité d’hétérotopies scientifiques en opposition à la science comme monotopie : des sites séparés contredisant l’ordre dominant et normatif, l’espace « unifié, homogène, obéissant partout aux mêmes lois21. » Ces autres cosmologies, des ordres alternatifs de la nature, pouvant se développer aussi bien dans des sociétés éloignées des métropoles européennes qu’au sein de celles-ci, dévoilent une tension permanente entre contestation et alignement à la conception monolithique de la science. Cependant, il arrivait souvent que, dans les hétérotopies scientifiques,

  • 22 John Tresch, « Des natures autres. Hétérotopies de la science du xixe siècle », dans Histoire des (...)

de nouvelles connaissances et expériences p[uss]ent être engendrées, mais avec l’impératif de les aligner sur les connaissances et les valeurs existantes : la certitude technique, la vérité scientifique, le progrès historique. Ces sites ne différaient de l’ordre existant que pour finalement le réaffirmer. Un fait remarquable au sujet de l’Occident du xixe siècle était sa capacité à faire proliférer à travers le globe, comme des spores, des hétérotopies qui rencontraient la nouveauté afin de renforcer l’impression de monotopie22.

  • 23 Ibid., p. 149.

La volonté de Saffray d’aller à la rencontre de l’Autre, d’observer ses modes de construction de la connaissance, aurait ainsi permis l’émergence d’une hétérotopie scientifique, hétérotopie que lui-même alignait souvent, mais pas systématiquement, sur une vision monolithique et un discours standardisé de la science dans lequel la nature apparaissait en tant qu’entité « unique progressivement cartographiée, inventoriée, rassemblée et ordonnée23. »

Sur les traces du savoir de l’Autre

9La double dimension caractérisant le regard de Saffray sera présente dès les premières pages de son récit. Le premier chapitre du récit se termine, en l’occurrence, sur ses remarques concernant les Taïronas, peuple indigène de la côte nord du pays. Leurs méthodes de culture et de chasse, notamment à l’aide du curare, ainsi que leur utilisation de diverses plantes attireront l’attention du voyageur. C’est le cas de la coca :

  • 24 Charles Saffray, op. cit., p. 85 (2e semestre de 1872). Alvaro Mutis, célèbre écrivain colombien c (...)

Les Indiens avaient reconnu dans cette plante des principes nutritifs et toniques. Grâce à son usage, ils pouvaient supporter les fatigues du travail des mines et l’abstinence forcée de longs voyages. Dans un extrait de coca préparé avec soin, j’ai constaté la présence de chlorophylle, de gomme, de cire, et d’un alcaloïde spécial, la cocaïne, que j’ai réussi à combiner avec la chaux, puis à isoler sous forme de cristaux et aiguilles rayonnantes. Administrée à haute dose à des animaux, la cocaïne produit une excitation de la sensibilité, suivi d’abattement profond et de phénomènes tétaniques. Je regrette de ne pas avoir eu l’occasion de faire sur l’homme des expériences suivies24.

Cet extrait met en relief le fait qu’il ne s’agissait pas pour Saffray de méconnaître les savoirs indigènes par rapport à cette plante ; bien au contraire, ils lui serviraient de prétexte pour approfondir son étude à l’aide de méthodes rationalisant le savoir empirique des Indiens.

10La curiosité scientifique de Saffray continuera à s’afficher à plusieurs reprises dans le récit. Dans la remontée du fleuve, il s’attarde sur la description d’une plante dont les vertus médicinales faisaient la renommée parmi les locaux :

  • 25 Charles Saffray, op. cit. p. 110 (2e semestre de 1872).

[…] j’ai eu la bonne fortune de voir en pleine floraison un arbuste célèbre dans tout le pays par les propriétés médicinales de ses cotylédons : c’est le cédron (Simaba Cedron), de la famille des Simaroubées. Sachant que cette espèce n’était figurée nulle part d’une manière satisfaisante, j’en ai fait un dessin aussi fidèle que possible et j’en ai étudié avec soin les propriétés25.

Figure 1 : « Cedrón. — Dessin de A. Faguet, d’après un croquis de l’auteur », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 2e semestre de 1872, p. 111.

Figure 1 : « Cedrón. — Dessin de A. Faguet, d’après un croquis de l’auteur », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 2e semestre de 1872, p. 111.

Source : gallica.bnf.fr/BnF.

  • 26 Lorraine Daston et Peter Galison proposent une riche étude sur l’évolution de la notion d’objectiv (...)
  • 27 Toutes ces opérations mettraient en évidence un processus d’appropriation : « Dans le long process (...)

11Le scientifique français, du fait de l’autorité de sa condition, vise donc non seulement à décortiquer l’objet en lui-même en rendant une représentation la plus convenable possible graphiquement et textuellement selon les paramètres de l’époque26, mais il se dispose également à mettre à l’épreuve les témoignages des locaux concernant ses vertus27. La poudre ou la teinture obtenues du fruit de ces arbustes était un antidote très efficace contre les morsures des serpents les plus venimeux, ainsi qu’un remède puissant contre divers types de fièvre, selon les « dires » des Indiens et des locaux. Saffray procède donc à une vérification de ce savoir local et confirme son efficacité comme antidote contre les morsures de serpents, mais surtout en tant qu’anti-fébrifuge, plus efficace même que la quinine. Puis l’invitation à l’étude et à l’exploitation de cette ressource est lancée de manière explicite par le scientifique :

  • 28 Charles Saffray, op. cit., p. 110 (2e semestre de 1872).

Après des épreuves de toute nature et dans les conditions les plus diverses, je n’hésite pas à croire que le cédron est appelé comme tonique fébrifuge et alexipharmaque, à occuper une place d’honneur dans nos pharmacopées. Mais il faut que des personnes compétentes fassent, sous des latitudes et des climats divers, des expériences suivies. Plus tard, la culture de cette précieuse Simaroubée deviendra une source facile de richesses pour les habitants des rives de la Magdalena. Il est à souhaiter qu’une association scientifique envoie sur les lieux étudier le cédron et donne le programme des expériences à faire. […] Il y a là une conquête à faire pour le soulagement de l’humanité ; espérons que notre pays en prendra l’heureuse initiative28.

  • 29 Santiago Muñoz Arbeláez, art. cit., p. 192.
  • 30 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes. Travel Writing and Transculturation, op. cit., p. 7.
  • 31 Marie Estripeaut-Borjac, « D’un voyage l’autre en Nouvelle-Grenade : création/imitation chez Ch. S (...)

12Si, dans son plaidoyer, Saffray inclut les Autres possédant à l’origine le savoir sur l’utilisation de cette plante, c’est seulement après l’avoir validé lui-même, validation qui suppose donc une certaine élévation de la plante qui devait devenir objet d’étude et ressource exploitable par l’entremise des hommes de science occidentaux. Ce passage véhicule à son tour un type particulier de liens transatlantiques : la périphérie fournit ressources et main-d’œuvre, et l’Europe, centre civilisé, met en place l’appareil financier et scientifique pour l’exploitation et la commercialisation des produits29. Dans cet appel à l’action déterminée de l’homme occidental en vue de l’exploitation de ressources américaines, le voyageur jouerait le rôle du « “seeing-man” […] he whose imperial eyes passively look out and possess30. » Or, cette attitude certes aisément identifiable chez Saffray et la plupart des voyageurs de l’époque, pouvait également comporter un enthousiasme sincère pour les bontés de la nature américaine, « rationnellement exploitée », en tant que promesse de bonheur et d’harmonie pour l’humanité : « C’est sous la forme d’un nouvel Éden que Saffray dépeint la Nouvelle-Grenade. Sa foi en le progrès et la science lui font présenter le pays comme un Paradis à conquérir par l’industrie31. »

13La visée pratique sera donc un trait saillant dans le récit du scientifique français. C’est pourquoi la culture du tabac, relativement développée dans le pays, fait également l’objet des réflexions du voyageur. Les centres et réseaux de production et consommation internes sont ainsi détaillés par Saffray, qui consigne aussi les flux du produit vers l’Europe, devant se consolider grâce à l’ouverture de chemins. Un nouvel appel est lancé par le Français encourageant l’intervention de l’homme occidental pour tirer profit de cette plante, l’insérant définitivement dans les marchés internationaux :

  • 32 Charles Saffray, op. cit. p. 143 (1er semestre de 1873).

Le temps n’est pas éloigné où la Nouvelle-Grenade pourra devenir un centre important de la production du tabac. Cette culture est une de celles qui méritent de fixer l’attention des étrangers ; elle demande peu d’avances, et le prix de cette denrée permet de supporter des frais de transport élevés32.

Or, les remarques du voyageur concernant le tabac permettent aussi d’entrevoir un décentrement de sa part, certes relatif, les enjeux utilitaristes étant manifestes. Dans son exhortation à prendre en main la culture du tabac en Nouvelle-Grenade, Saffray prend appui sur des chroniqueurs espagnols pour attaquer leurs propres jugements. Les méthodes d’aspiration et les usages associés à cette plante chez les Indiens font l’objet des critiques des chroniqueurs qui les qualifient de vice et de superstition. Saffray riposte alors :

  • 33 Ibid, p. 142-143.

Les Indiens des deux Amériques […] recherchaient dans la fumée du tabac les mêmes sensations que les peuples policés de notre temps […] le tabac survit à toutes les injures. Il paraît être devenu un besoin définitif pour un grand nombre de peuples, dans la même mesure que le coca du Péruvien, le bétel de l’Hindou, le chanvre et l’opium des Asiatiques33.

  • 34 Todorov oppose cette attitude à l’ethnocentrisme pur, où l’on part du particulier, du familier pou (...)

14Dans une certaine mesure, Saffray fait preuve d’une sorte d’universalisme non ethnocentrique34, car il essaie de fonder ses jugements sur l’observation et la déduction, au lieu de condamner instinctivement les pratiques et comportements étrangers à sa propre culture. Cette attitude sera spécialement visible lors de son séjour chez les Indiens de rio Verde.

Chez les Indiens de rio Verde

15Les exemples précédents soulignent en particulier l’intérêt manifeste de la part du voyageur français pour la possibilité d’exploiter les richesses naturelles du pays, en mettant en œuvre une démarche de rationalisation des ressources et des savoirs. Il était néanmoins aussi mû par une curiosité scientifique et une relative ouverture d’esprit à l’égard non seulement des connaissances et pratiques botaniques des indigènes, mais aussi de leur mode de vie, proche de la nature. Saffray décide ainsi de se rendre dans la jungle à l’ouest du pays, vers la région de l’océan Pacifique, pour faire la connaissance de tribus indiennes vivant encore en pleine nature :

  • 35 Charles Saffray, op. cit. p. 114 (1er semestre de 1873).

[…] je voulais les connaître et étudier de près au milieu d’eux cette vie de nature trop vantée par les uns, mais aussi trop rabaissée par les autres. J’espérais également apprendre d’eux les propriétés d’un grand nombre de plantes35.

  • 36 Concernant les liens et différences entre ethnologie, ethnographie, anthropologie ou encore sociol (...)
  • 37 Marc Augé indique que, en opposition au voyageur, qui « ne fait que passer », « l’ethnologue est s (...)

Ce projet ferait ressortir l’aspect particulier de la démarche du scientifique français, à la croisée de l’ethnologie et l’ethnographie36, au moment de l’émergence de ces disciplines : Saffray cesse d’être un simple voyageur37 pour se faire ethnographe par son travail sur le terrain ; et, dans son travail d’écriture, il devient en quelque sorte ethnologue scientifique.

  • 38 Charles Saffray, op. cit. p. 118 (1er semestre de 1873).

16Après sept journées d’une marche pénible à travers la forêt tropicale, Saffray et son guide et interprète indien, Miguel, arrivent au village des natifs. Une fois sur place, le scientifique essaie de gagner la faveur de son hôte, le cacique Fichihuacu, en louant ses connaissances naturelles : « J’ai beaucoup entendu parler de vous et de votre tribu […] Vous passez pour un cacique sage et puissant, un chasseur adroit et un connaisseur des plantes38. » La méfiance des Indiens envers les hommes « blancs » sera cependant actée par Saffray qui, malgré tout, persévère dans son entreprise d’apprentissage auprès d’eux :

  • 39 Ibid.

L’Indien n’aime pas les questions. Avec lui, la curiosité doit rester très circonspecte. Il est toujours sur ses gardes, même dans l’intimité, même dans l’ivresse. […] Il se défie du blanc, même quand il l’accueille. Cependant j’étais venu pour voir et apprendre39.

  • 40 Saffray lui-même le reconnaît : « La conversation n’était pas des plus faciles, mais avec l’aide d (...)
  • 41 En effet, les images « ne sont donc pas redondantes par rapport au texte mais tout bonnement indic (...)
  • 42 Ce type d’images mettrait en relief un « exotisme primitiviste », pour lequel les autres peuples s (...)

17À cette méfiance venaient s’ajouter les limitations imposées par la langue qui entravaient la communication40. Les images présentes dans le récit pallieraient d’une certaine manière l’insuffisance dans les échanges et assureraient sa recevabilité à l’égard du public lecteur : faute d’une vraie interaction verbale scientifique entre natifs et voyageur, elles permettaient de poursuivre l’inventaire détaillé des ressources de ces contrées ; elles figeaient aussi le portrait exotique de ces Indiens, composante caractéristique du récit de voyage41. Ces peuples primitifs, dont la nudité et les rites rudimentaires les rapprochaient de la riche nature environnante, ne sauraient pourtant pas tirer tout le profit que cette même nature mettait à leur disposition42.

Figure 2 : « Habitation sur le rio Verde. — Dessin de A. de Neuville d’après un croquis de l’auteur », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 1er semestre de 1873, p. 116.

Figure 2 : « Habitation sur le rio Verde. — Dessin de A. de Neuville d’après un croquis de l’auteur », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 1er semestre de 1873, p. 116.

Source : gallica.bnf.fr/BnF.

18Quoi qu’il en soit, la disposition d’ouverture, d’aller à la rencontre de ses congénères, fera que le voyageur gagnera une relative confiance auprès de ses hôtes, comme l’illustre l’épisode suivant :

  • 43 Charles Saffray, op. cit. p. 119 (1er semestre de 1873).

Un jour, on apporte chez lui [le guérisseur de la tribu] un Indien mordu à la jambe par un serpent venimeux. L’homme de science était absent. J’apprends ce qui se passe et j’offre de soigner le blessé. En campagne j’avais toujours sur moi de la poudre de cédron43.

Cet événement ferait ressortir les deux pôles entre lesquels le regard du voyageur oscillait. Tout d’abord, il est intéressant de noter l’homologation nominale opérée par Saffray à l’égard du médecin de la tribu (Cachinaü) qui, en adéquation avec le milieu, serait quand même un « homme de science », donc son égal. Or, ce qui s’avère pour le moins curieux, c’est que, en même temps, le savoir préalablement récupéré et validé par le voyageur auprès des autochtones sera réutilisé pour asseoir son autorité scientifique, notamment à l’égard de son confrère. Ainsi, après l’intervention réussie du médecin français qu’il explique en détail, il acquiert la condition de confrère de Cachinaü, à qui Saffray apprendra les secrets et méthodes indigènes dont lui-même s’est servi en les adaptant :

  • 44 Ibid. L’animisme, l’une des « voies ontologiques » recensées par l’anthropologue Philippe Descola, (...)

Je lui expliquai l’action de la ligature et de la ventouse, je lui montrai qu’à défaut d’eau-de-vie l’inflammation de substances légères, duvet de bombax ou de melastoma holosericea, produirait un vide suffisant ; je lui fis comprendre comment un tronçon de bambou pouvait remplacer la calebasse, dont je ne m’étais servi moi-même que faute de mieux. Le brave homme paraissait enchanté. J’étais à ses yeux un grand conjureur. Il devint le compagnon de mes promenades dans la forêt, m’indiqua plusieurs plantes utiles et m’initia à sa pratique médicale, sans oser me dévoiler les signes cabalistiques et paroles inspirées, sans lesquelles, à son avis, les plantes ne pouvaient guérir. Chez lui, ce n’était point charlatanisme, mais bien conviction. Les Indiens croient que les plantes agissent par des vertus occultes44.

  • 45 Ibid., p. 151.

L’autorité scientifique du voyageur français domine certes à l’égard des savoirs et pratiques indigènes. Malgré tout, une attitude épistémologique d’ouverture rend possible une relation dialogique, un échange de savoirs basé sur une curiosité réciproque, en définitive, l’émergence d’une hétérotopie. En effet, Saffray ne disqualifie pas catégoriquement les pratiques scientifiques indigènes imprégnées de superstitions ; au contraire, il semble, peut-être à son insu, embrasser la « conviction anthropologique que d’autres ordres cosmiques pouvaient bien être des modes aussi raisonnables et cohérents […] d’organiser le monde », ce qui mettrait en exergue « la dualité entre la science considérée comme monolithe unifié ou comme mosaïque pluraliste45. »

19Ainsi, Saffray ne cessera d’admettre l’ingéniosité de ses hôtes dans l’utilisation des plantes même si, dans leur monde où le naturel et le surnaturel s’entrecroisaient, le savoir scientifique à proprement parler faisait défaut. C’est pour cela qu’il fallait objectiver ces pratiques énigmatiques, nommer scientifiquement les plantes auxquelles les Indiens attribuaient des « vertus occultes ».

20Si la démarche de Saffray permet l’apparition d’ordres alternatifs dans l’explication des faits naturels, elle peut aussi les contraindre, à son tour, à s’aligner sur une vision univoque de la science. Lors d’une « pêche miraculeuse », comme Saffray lui-même nomme cette expérience, les indigènes utilisent des plantes que le voyageur finit par reconnaître. Le phénomène est ainsi privé de son aura de mystère par le regard du scientifique :

  • 46 Charles Saffray, op. cit. p. 119 (1er semestre de 1873).

Mon hôte le cacique m’avait proposé une partie de pêche. Nous partîmes, accompagnés de quelques hommes portant des corbeilles, une hache, un machete [sic] ; je n’aperçus ni pièges, ni lignes, ni filets. En route, ces hommes coupèrent des lianes minces et cueillirent des rameaux et la racine d’une plante nommée dans le pays barbasco, et que je reconnus être le Theophrasia emarginata. Je compris alors pourquoi nous n’emportions pas d’engins de pêche : on engourdirait le poisson, on ne lui tendrait pas d’embûches46.

  • 47 Ibid., p. 122. Il s’agit de José Celestino Mutis, scientifique espagnol à l’origine de la Real Exp (...)

Encore une fois, il ne s’agissait pas de méconnaître le savoir indigène, brouillé et enfoui dans l’exubérante nature environnante, mais de le transposer en langage scientifique pour le valider. Saffray reconnaît aussi avoir fait de nombreuses observations sur les serpents, grâce au guide et aux indications de Cachinaü, ainsi que sur grand nombre de contrepoisons connus par les Indiens du pays. Or, leur efficacité devait nécessairement être sanctionnée par l’homme de science occidental. Saffray prend alors appui sur ses devanciers : « La plus célèbre des plantes antivenimeuses du pays est le guaco, classifié pour la première fois par Mutiz [sic] » ; ou bien c’est lui-même qui valide leurs propriétés : « Parmi toutes ces plantes, il y en a trois qui méritent une confiance spéciale : le cédron, l’Aristolochia ringens et le guaco47. »

Figure 3 : « Le guaco. — Dessin de A. Faguet, d’après nature », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 1er semestre de 1873, p. 123.

Figure 3 : « Le guaco. — Dessin de A. Faguet, d’après nature », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 1er semestre de 1873, p. 123.

Source : gallica.bnf.fr/BnF.

21La fabrication du curare, venin auquel Saffray s’était intéressé dès le début de son séjour dans le pays, nous fournit un dernier exemple de cette démarche du scientifique français :

  • 48 Ibid., p. 123.

Cachinaü me réservait une surprise. Il avait appris que les chefs de la tribu voisine, les Chocoes, allaient se réunir pour préparer le poison dont les Indiens induisent les petites flèches qu’ils lancent avec la sarbacane. Le vrai but de son voyage, c’était précisément d’approvisionner sa tribu de curare. Ainsi se nomme cette redoutable préparation48.

Saffray explique soigneusement la préparation de la substance, qui comprend des araignées, des grains de sablier et des crochets de serpents, mais dont l’essence fondamentale est, finalement, désignée scientifiquement par lui-même, qui écarte lapidairement les ingrédients relevant à sons sens plutôt du domaine de la superstition :

  • 49 Ibid.

J’ai dit que Cachinaü connaissait presque tous les ingrédients du curare. Il me montra plus tard la liane vénéneuse, que j’ai reconnu être le Strychnos toxicaria. On peut faire bon marché des graines de sablier et des araignées, et considérer le curare des Chocoes comme formé d’extrait de strychnos mêlé à une petite quantité de venin de serpent49.

  • 50 Ibid.

À nouveau, le scientifique ne rejette pas catégoriquement le savoir de son guide indigène, mais c’est lui qui aura le dernier mot quant à la véritable composition scientifique de la préparation. Par ailleurs, Saffray invalide en même temps un remède indigène contre le puissant poison : « Le tabac passe chez les Indiens pour le contre-poison du curare. Il est certain cependant que le tabac ne guérit pas l’empoisonnement causé par le curare à base de strychnées50. » Le savoir de l’Autre indigène est ainsi infirmé par le savoir scientifique.

  • 51 Sylvaine Camelin et Sophie Houdart, L’Ethnologie, op. cit., p. 35. Il ne faudra cependant pas oubl (...)

22Pour le reste, ces expériences et bien d’autres ayant eu lieu lors du séjour de Saffray chez les Indiens de rio Verde mettraient en relief l’approche ethnologique avant l’heure du scientifique français. En effet, Saffray n’est pas un simple témoin, mais il participe à quelques manifestations de la vie de la communauté. Cette articulation entre observation et participation peut être lue comme un antécédent de ce que Malinowski nommera plus tard « l’observation participante51 ».

23Enfin, la cohabitation avec ce peuple indigène qui a permis au voyageur d’élargir ses connaissances scientifiques aurait aussi créé un certain lien affectif avec cet Autre primitif, porteur à sa manière des secrets d’une riche nature. Ainsi, Saffray conclut cette partie du récit parlant de son séjour chez ses hôtes sur un ton qui laisse certes transparaître une supériorité condescendante, mais aussi une empathie sincère :

  • 52 Charles Saffray, op. cit. p. 125 (1er semestre de 1873).

J’aurais voulu rester longtemps avec mes excellents amis le cacique et le conjureur, au milieu des simples habitants du rio Verde qui me dévoilaient chaque jour des trésors nouveaux ; mais il fallait partir. Dire adieu est toujours triste, et l’on regrette aussi les sauvages quand on vient de les quitter52.

L’approche par Saffray de l’Autre et de son savoir s’avère sans doute particulière. Saffray, homme de son temps, se présente comme témoin crédible contribuant à la consolidation d’un discours scientifique hégémonique. En ce sens, les connaissances sur la nature et les méthodes de son exploitation détenues par les habitants de ces terres exotiques devaient faire l’objet d’une validation de la part de cet émissaire du progrès occidental. Il serait absurde de nier les apports incontestables des voyageurs scientifiques au développement effectif des sciences grâce à la mise en place de cette démarche de légitimation du savoir de l’Autre. Il n’en reste pas moins vrai que ce procédé pouvait également (et peut encore) se lire comme un appel direct ou indirect à la nécessaire intervention de l’homme « civilisé », en vue d’une exploitation « convenable » de la richesse naturelle de ces contrées habitées par des hommes dont le savoir serait encore à un stade primitif. Malgré tout, Saffray a fait preuve d’une curiosité épistémologique le poussant à essayer de comprendre, à « apprendre » les modes de production de savoir de cet Autre, attitude qui serait à l’origine de l’émergence des hétérotopies. Cette démarche oscillant entre ces deux pôles apparaît ainsi comme une composante caractéristique du récit de Charles Saffray en Nouvelle-Grenade.

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Notes

1 Plusieurs auteurs mettent en relief ce mouvement de redécouverte de l’Amérique au xixe siècle initié par Humboldt. Voir par exemple l’ouvrage de Michel Bertrand et Laurent Vidal, À la Redécouverte des Amériques. Les voyageurs européens au siècle des indépendances, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2002 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.pumi.18986. Antoine Ventura parle également d’une « deuxième découverte » caractérisée par une soif de connaissances et la volonté de maîtrise de la nature (Antoine Ventura, « Viajeros y naturalistas (s. xv- xix, Europa-América) o cómo viajar sin precauciones por un tema torrentoso », ELOHI, no 9, 2016, p. 70 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/elohi.981).

2 Propos rapportés par Chantal Edel et Robert Sctrick dans l’introduction de l’édition française de 1990 de Voyage à la Nouvelle-Grenade (Charles Saffray, Voyage à la Nouvelle-Grenade. Un voyageur français découvre le monde indien 1869-1879, Paris, Phébus, « d’ailleurs », 1990, p. 15-16). Ces propos signalent ainsi l’intérêt de Saffray non seulement pour la nature mais aussi pour les peuples qu’il observait.

3 Voir la base de données de la BnF sur les œuvres de Saffray : https://data.bnf.fr/fr/15287949/charles_saffray/ [consulté le 12/05/2022].

4 Saffray le reconnaît lui-même dans un passage de son récit : « Je faisais exploiter une mine d’or près de la rivière Naré » (Charles Saffray, « Voyage à la Nouvelle-Grenade », Le Tour du Monde. Nouveau journal de voyages, Paris, Librairie Hachette, 1er semestre de 1873, p. 106).

5 Margot Andrade, L’Influence française en Colombie, thèse de doctorat sous la direction de Bertrand Joly, Université de Nantes, 2009, p. 182. Selon Andrade, il s’agissait d’une mission qui aurait eu le soutien du Musée d’Histoire naturelle de Paris, mais Saffray n’en fait aucune mention dans son récit, même s’il est vrai qu’il parle de ses collections (dont la plupart se seraient finalement perdues lors du voyage) dans plusieurs passages du texte.

6 La remontée du fleuve s’effectuait, jusqu’au milieu du xixe siècle, dans de rudimentaires embarcations poussées à force de bras par des bogas, habitants métis, noirs et indiens des rives du fleuve, les seuls à se prêter à cette rude tâche. Saffray a réalisé ce voyage intentionnellement en partie en bateau à vapeur, en partie dans ces embarcations, afin de pouvoir observer plus en détail la nature des environs du fleuve.

7 Notons simplement au passage la présence prépondérante de voyageurs français dans le pays au xixe siècle (environ une cinquantaine), ce qui fait des Français le plus grand groupe parmi les visiteurs étrangers d’alors (Gabriel Giraldo Jaramillo, Bibliografía colombiana de viajes, Bogotá, Editorial ABC, 1957).

8 Marie Estripeaut-Borjac dresse un parallèle entre Humboldt et Saffray à propos des parcours des deux voyageurs en Nouvelle-Grenade, ainsi que de leurs intérêts et regards scientifiques, soulevant également des enjeux pragmatiques. Ainsi, pour Saffray, à l’image de Humboldt, il s’agit de connaître pour prospecter ; le voyage de Saffray, qui reprend le parcours de Humboldt dans le pays en l’élargissant, est un « parcours de reconnaissance qui propose à ses lecteurs de le suivre dans un but pratique : coloniser, s’installer, produire, exploiter » (Marie Estripeaut-Borjac, « D’un voyage l’autre en Nouvelle-Grenade : création/imitation chez Ch. Saffray et Enrique Grau, lecteurs de Humboldt », dans Le Voyage dans le monde ibérique et ibéro-américain […], Philippe Meunier et Jacques Soubeyroux (dir.), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1999, p. 405-407).

9 Deuxième semestre de 1872, chapitres i à iv (pages 81 à 144) ; premier semestre de 1873, chapitres v à vii (pages 97 à 144) ; deuxième semestre de 1873, chapitres viii à x (pages 65 à 112).

10 Il faudra noter le processus de transition de l’imagerie de ces récits de voyage : l’expérience individuelle propre au voyageur, grâce à la médiation des artistes travaillant pour les publications grand public, devient objet de consommation massive répondant aux attentes d’un public avide d’exotisme et de connaissances (Santiago Muñoz Arbeláez, « Las imágenes de viajeros en el siglo xix. El caso de los grabados de Charles Saffray sobre Colombia », Historia y Grafía UIA, n° 34, 2010, p. 199 [En ligne] URL : http://www.scielo.org.mx/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S1405-09272010000100007&lng=es&nrm=iso). Sur le rôle des publications scientifiques et grand public en tant que l’un « des vecteurs majeurs de la redécouverte de l’Amérique », voir Mona Huerta, « Les voyages aux Amériques et les revues savantes françaises au xixe siècle », dans Michel Bertrand et Laurent Vidal (dir.), À la Redécouverte des Amériques. Les voyageurs européens au siècle des indépendances, op. cit., p. 74-75.

11 Ventura signale que cette transformation commençait déjà à se dessiner au xviie siècle lorsque missionnaires et naturalistes sont passés de l’expérience perceptive de l’inconnu à un processus de description, classification et systématisation de la nature américaine (Antoine Ventura, art. cit., p. 17-26).

12 Sur la coémergence et l’intrication des sciences, de l’histoire et de la modernité, voir Dominique Pestre (dir.), Histoire des Sciences et du Savoir,– Tome 2 : Modernité et globalisation, Kapil Raj et H. Otto Sibum (dir.), trad. P. Dubouchet et al., Paris, Seuil, 2015.

13 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes. Travel Writing and Transculturation, Londres/New York, Routledge, 1992, p. 9.

14 Angela Pérez Mejía, La Geografía de los tiempos difíciles: escritura de viajes a Sur América durante los procesos de independencia, 1780-1849, Medellín, Editorial Universidad de Antioquia, « Clío », 2002, p. 5.

15 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes. Travel Writing and Transculturation, op. cit., p. 27.

16 Juan Pimentel, Testigos del mundo: Ciencia, literatura y viajes en la Ilustración, Madrid, Marcial Pons Historia, 2003, p. 104-105.

17 À ce sujet, Raj et Sibum mettent en relief la consolidation de la « perception de la science comme la source principale de légitimité de l’autorité et de l’action » (« Globalisation, science et modernité. De la guerre de Sept Ans à la Grande Guerre », trad. Franck Lemonde, dans Histoire des Sciences et du Savoir, Dominique Pestre (dir.), op. cit., p. 18). Au sujet des voyageurs occidentaux au xixe siècle, Pratt parle d’« advanced scouts for European capital », dont les intérêts pragmatiques seront en partie étayés par un discours partageant des traits communs : observation de la nature en tant que ressource à exploiter au-delà du seul intérêt scientifique, dénonciation du retard des peuples observés à tous les niveaux (mauvais état des chemins, paresse des gens, manque de productivité, etc.) et donc appel manifeste ou latent à l’intervention de l’homme civilisé (Mary Louise Pratt, Imperial Eyes. Travel Writing and Transculturation, op. cit., p. 148).

18 Samir Boumediene, La Colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du Nouveau Monde (1492-1750), Vaulx-en-Velin, Éditions des Mondes à faire, 2016, p. 299.

19 Sylvaine Camelin et Sophie Houdart, L’Ethnologie, Paris, Presses universitaires de France, « Que sais-je ? », 2010, p. 3. À cet égard, s’il est vrai que « les récits de voyage centrés sur l’observation des richesses et l’ébauche d’inventaires de ressources naturelles et humaines – tous à relents néocoloniaux fort prégnants – se multiplient tout au long du xixe siècle […], dès la seconde moitié de ce même siècle émergent des observations qui s’intéressent de plus en plus au fonctionnement des sociétés locales » (Michel Bertrand et Laurent Vidal, À la Redécouverte des Amériques. Les voyageurs européens au siècle des indépendances, op. cit., p. 9).

20 Sylvaine Camelin et Sophie Houdart, L’Ethnologie, op. cit., p. 16.

21 John Tresch, « Des natures autres. Hétérotopies de la science du xixe siècle », trad. Franck Lemonde, dans Histoire des Sciences et du Savoir, Dominique Pestre (dir.), op. cit., p. 144-145. Notons que la notion d’hétérotopie a été développée à l’origine par Michel Foucault. Voir également l’article de Jan Galinsky à propos de la construction de l’idée de la science comme une entité singulière, « asserted as a component of European cultural hegemony in the nineteenth and early twentieth centuries » (Jan Golinski, « Is it time to forget science? Reflections on singular science and its history », Osiris, vol. 27, n1, 2012, p. 20 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.1086/667821).

22 John Tresch, « Des natures autres. Hétérotopies de la science du xixe siècle », dans Histoire des Sciences et du Savoir, Dominique Pestre (dir.), op. cit., p. 153.

23 Ibid., p. 149.

24 Charles Saffray, op. cit., p. 85 (2e semestre de 1872). Alvaro Mutis, célèbre écrivain colombien contemporain qui déclarait que ce récit était l’un de ses livres de voyage préférés, remarque cette « observation plus inquiétante que curieuse de Saffray » à propos de la coca : « À quelles étranges et secrètes sources naît le destin d’un pays » (Saffray, op. cit., éd. 1990, p. 13-14).

25 Charles Saffray, op. cit. p. 110 (2e semestre de 1872).

26 Lorraine Daston et Peter Galison proposent une riche étude sur l’évolution de la notion d’objectivité. Les textes illustrant le récit de Saffray correspondraient, grosso modo, à la vérité d’après nature, vertu épistémique dominante au xviiie siècle et au xixe siècle en partie, qui cherchait la fidélité tout en opérant des améliorations. Les images tributaires de cette notion « étaient créées pour servir un idéal de vérité – et souvent aussi de beauté – et non un idéal d’objectivité […] » (Lorraine Daston et Peter Galison, Objectivité, trad. Sophie Renaut et Hélène Quiniou, Dijon, Les presses du réel, « Fabula », 2012, p. 130).

27 Toutes ces opérations mettraient en évidence un processus d’appropriation : « Dans le long processus de compréhension et appropriation européenne du Nouveau Monde, certaines pratiques concrètes ont eu un rôle central. Nommer et collecter des spécimens, traduire les connaissances indigènes dans une terminologie scientifique unifiée, décrire et dessiner des plantes et des animaux, toutes ces actions ont permis l’appropriation européenne du Nouveau Monde » (Santiago Muñoz Arbeláez, art. cit., p. 175 ; nous traduisons). Les propos de Boumediene réaffirment cette lecture : « En s’appropriant les plantes médicinales du Nouveau Monde, les Européens objectivent les manières de vivre des habitants de l’Amérique. Cette objectivation […] permet […] de distinguer dans un mode de relation aux choses l’utile à prendre, du nuisible à rejeter ou à détruire » (Samir Boumediene, op. cit., p. 427).

28 Charles Saffray, op. cit., p. 110 (2e semestre de 1872).

29 Santiago Muñoz Arbeláez, art. cit., p. 192.

30 Mary Louise Pratt, Imperial Eyes. Travel Writing and Transculturation, op. cit., p. 7.

31 Marie Estripeaut-Borjac, « D’un voyage l’autre en Nouvelle-Grenade : création/imitation chez Ch. Saffray et Enrique Grau, lecteurs de Humboldt », dans Le Voyage dans le monde ibérique et ibéro-américain […], Philippe Meunier et Jacques Soubeyroux (dir.), op. cit., p. 412.

32 Charles Saffray, op. cit. p. 143 (1er semestre de 1873).

33 Ibid, p. 142-143.

34 Todorov oppose cette attitude à l’ethnocentrisme pur, où l’on part du particulier, du familier pour universaliser. En fait, l’universalisme non ethnocentrique serait une variante « positive » de l’ethnocentrisme pur, puisqu’il s’agirait « de fonder en raison la préférence » que l’on ressent pour certaines valeurs au détriment d’autres, et même d’abandonner ce qui nous est familier pour embrasser des pratiques étrangères (Tzvetan Todorov, Nous et les Autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Seuil, « La Couleur des idées », 1989, p. 19-20).

35 Charles Saffray, op. cit. p. 114 (1er semestre de 1873).

36 Concernant les liens et différences entre ethnologie, ethnographie, anthropologie ou encore sociologie, voir Sylvaine Camelin et Sophie Houdart, L’Ethnologie, op. cit. Certes, on ne saurait parler d’une méthode et d’une réflexion ethnologique stricto sensu chez Saffray, mais son approche particulière suggère cette volonté manifeste d’aller à la rencontre de l’Autre.

37 Marc Augé indique que, en opposition au voyageur, qui « ne fait que passer », « l’ethnologue est supposé rester longtemps sur place. […] Il doit être attentif à la manière dont les autres perçoivent eux-mêmes leur société, leurs relations et leur environnement » (Marc Augé, « Voyage et ethnographie. La vie comme récit », L’Homme. Revue française d’anthropologie, tome 39, n° 151, Récits et rituels, 1999, p. 11 [En ligne] URL : https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1999_num_39_151_453617 DOI : https://doi.org/10.3406/hom.1999.453617 [consulté le 17/07/2022]).

38 Charles Saffray, op. cit. p. 118 (1er semestre de 1873).

39 Ibid.

40 Saffray lui-même le reconnaît : « La conversation n’était pas des plus faciles, mais avec l’aide de mon compagnon [Miguel], nous nous entendions suffisamment » (ibid., p. 116-118).

41 En effet, les images « ne sont donc pas redondantes par rapport au texte mais tout bonnement indicatives de leur étrangeté » (Odile Gannier, La Littérature de voyage, Paris, Ellipses, « Thèmes et études », 2016, p. 63). Pour le reste, les images vont « donner au récit l’aura du vrai et du vécu » et affirmer l’autorité du voyageur : Saffray apparaît comme un vrai voyageur qui a peint ce qu’il a vu, il n’est pas l’un de ces voyageurs qui voyagent sans sortir de leur cabinet, il n’est pas un conteur de voyages, mais un scientifique qui se lance à l’aventure (Marie Estripeaut-Borjac, « D’un voyage l’autre en Nouvelle-Grenade : création/imitation chez Ch. Saffray et Enrique Grau, lecteurs de Humboldt », dans Le Voyage dans le monde ibérique et ibéro-américain […], Philippe Meunier et Jacques Soubeyroux (dir.), op. cit., p. 410). Par ailleurs, le vécu effectif sera rehaussé par des éléments romanesques, également présents dans le récit de Saffray. Au sujet des liens entre le récit de voyage scientifique au xixsiècle et le genre romanesque, voir Anne-Gaëlle Weber, À beau mentir qui vient de loin. Savants, voyageurs et romanciers au xixe siècle, Paris, Honoré Champion, « bibliothèque de littérature générale et comparée », 2004.

42 Ce type d’images mettrait en relief un « exotisme primitiviste », pour lequel les autres peuples sont jugés comme plus simples, plus naturels, en opposition aux sociétés européennes, plus complexes et artificielles (voir Tzvetan Todorov, op. cit., p. 299). Ajoutons que la représentation graphique était parfois complétée par des collections botaniques et entomologiques, destinées aussi bien à consolider les connaissances européennes sur l’Amérique qu’à « produire une véritable “imagerie” exotique pour les gens du Vieux Monde » (Pierre Vayssière, « D’Orbigny et la redécouverte des Amériques », dans Michel Bertrand et Laurent Vidal (dir.), À la Redécouverte des Amériques. Les voyageurs européens au siècle des indépendances, op. cit., p. 256).

43 Charles Saffray, op. cit. p. 119 (1er semestre de 1873).

44 Ibid. L’animisme, l’une des « voies ontologiques » recensées par l’anthropologue Philippe Descola, pourrait expliquer la croyance dans ces vertus secrètes des plantes : dans cette voie qui établit les connexions « entre la réalité intérieure et extérieure des humains et celle des êtres non humains », « les non-humains sont considérés comme ayant une autre sorte de corps que les humains, tout en ayant le même genre de subjectivité interne » (John Tresch, « Des natures autres. Hétérotopies de la science du xixe siècle », dans Histoire des Sciences et du Savoir, Dominique Pestre (dir.), op. cit., p. 146).

45 Ibid., p. 151.

46 Charles Saffray, op. cit. p. 119 (1er semestre de 1873).

47 Ibid., p. 122. Il s’agit de José Celestino Mutis, scientifique espagnol à l’origine de la Real Expedición Botánica en Nouvelle-Grenade (1783-1813).

48 Ibid., p. 123.

49 Ibid.

50 Ibid.

51 Sylvaine Camelin et Sophie Houdart, L’Ethnologie, op. cit., p. 35. Il ne faudra cependant pas oublier les problèmes liés à la langue et à la quantité de temps passé chez les Indiens, que Saffray ne précise pas. Malgré tout, force est de constater que Saffray, à la différence de beaucoup d’autres voyageurs, privilégie l’expérience directe et ne se contente pas simplement de rapporter les propos de ses devanciers ou d’autres informateurs au sujet des Indiens.

52 Charles Saffray, op. cit. p. 125 (1er semestre de 1873).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : « Cedrón. — Dessin de A. Faguet, d’après un croquis de l’auteur », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 2e semestre de 1872, p. 111.
Crédits Source : gallica.bnf.fr/BnF.
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Titre Figure 2 : « Habitation sur le rio Verde. — Dessin de A. de Neuville d’après un croquis de l’auteur », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 1er semestre de 1873, p. 116.
Crédits Source : gallica.bnf.fr/BnF.
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Fichier image/jpeg, 303k
Titre Figure 3 : « Le guaco. — Dessin de A. Faguet, d’après nature », Le Tour du Monde. Nouveau journal des voyages, publié sous la direction de M. Édouard Charton, 1er semestre de 1873, p. 123.
Crédits Source : gallica.bnf.fr/BnF.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Daniel López, « Le savoir de l’Autre : un naturaliste français en Nouvelle-Grenade au xixe siècle »Viatica [En ligne], 10 | 2023, mis en ligne le 01 mars 2023, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/viatica/2565 ; DOI : https://doi.org/10.52497/viatica2565

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Auteur

Daniel López

IHRIM Clermont-Ferrand (UMR 5317), Université Clermont Auvergne

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