Voyageur, savant, historien : telles sont les qualités qui valurent à Jean Potocki de figurer dans la plupart des dictionnaires biographiques européens du dix-neuvième siècle. Pas un mot, généralement, du Manuscrit trouvé à Saragosse, l’étonnant roman sur lequel repose aujourd’hui la notoriété de son auteur. Au point qu’il est devenu nécessaire de rappeler que Potocki a écrit aussi beaucoup d’autres choses et qu’il a laissé notamment une œuvre d’écrivain du voyage qui se distingue par son ampleur, sa diversité, sa profondeur et son originalité. Une édition récente de ces Voyages redonne un accès aisé à cet important corpus viatique1.
Prélude espagnol
Le 9 mars 1791, au lendemain de son trentième anniversaire, Jean Potocki se met en route, une fois encore. Fidèle au paramètre de la mobilité qu’il se reconnaissait en propre, il avait déjà parcouru l’Europe dans tous les sens, y compris les régions qu’on ne visitait guère, comme les Balkans ou la Sardaigne ; il avait également sillonné la mer Méditerranée deux années durant, au service des chevaliers de Malte (1781-1782), visité l’Égypte avant la vogue du « voyage en Égypte » (1784), expérimenté même l’escapade aérienne en s’élevant au-dessus de Varsovie dans la nacelle du ballon fabriqué par lui-même selon les plans de l’aéronaute Blanchard (1790). Le Maroc, le Caucase, la Chine sont encore devant lui.
Là, il est à Bordeaux où il a rejoint Tadeusz Morski, le nouvel ambassadeur du roi de Pologne qui va prendre ses fonctions à la cour d’Espagne. Le convoi compte cinq ou six hommes et plusieurs voitures surchargées par le trop prévenant ambassadeur qui craignait de manquer de tout à Madrid. C’est un voyage dont on ne connaît quelques détails qu’à travers les lettres envoyées à Varsovie par Morski à son patron, le grand maréchal Ignace Potocki – par ailleurs cousin et beau-frère de Jean. Un voyage qui aurait pourtant été raconté par écrit par ce dernier, si l’on en croit ces mots formulés par Morski une fois arrivé à Madrid : « M. Jean […] a écrit un petit journal de notre voyage qu’il envoyé à Séverin [son frère]2 ». Ce journal n’a toutefois pas été retrouvé à ce jour. Comme les relations de ses pérégrinations en Pologne, en Angleterre, en France, dont certains témoins affirment qu’elles ont existé, le Voyage en Espagne de Potocki reste un texte fantôme. Or ce statut est peut-être encore plus regrettable dans ce cas que dans celui des autres relations disparues.
Trois raisons au moins viennent à l’appui de cette affirmation. Mais avant de les considérer, il faut rapidement rappeler comment s’est déroulé ce voyage espagnol et comment il s’est prolongé. Le convoi de Morski est arrivé à Madrid le 29 mars. Potocki s’est empressé d’obtenir un passeport pour pouvoir librement circuler à travers la péninsule. Le 1er juillet, il prend la mer à Gibraltar pour débarquer le lendemain à Tétouan. Il circulera dans l’Empire du Maroc jusqu’au 7 septembre, date à laquelle on le retrouve à Cadix d’où, via Lisbonne, il se rend en Angleterre. Il est à Paris en novembre, puis, en décembre, sur les routes de l’Allemagne ; en janvier 1792, il est de retour à Varsovie.
L’épisode viatique en Espagne n’est donc en effet qu’une séquence particulière sur un tracé de bien plus large amplitude. Il est aussi le prélude au superbe Voyage dans l’Empire de Maroc, texte brillant où éclatent à la fois la singularité d’esprit du voyageur et la veine de l’écrivain. Quand on a lu les pages marocaines, on voudrait nécessairement connaître le journal espagnol. D’autant qu’à plusieurs reprises, Potocki fait comprendre qu’entre les deux territoires séparés par le détroit de Gibraltar, il y a une complémentarité tendue et complexe, mais irréductible. Le Manuscrit trouvé à Saragosse – dont on sait que la gestation commence précisément au temps de ce voyage – en est une figuration spectaculaire et très élaborée. Alors justement, comment s’effectua, chez son auteur, le passage de l’expérience d’une réalité géographique, humaine, politique et culturelle à la projection romanesque ? Les nombreuses entorses à l’évocation de cette réalité qui apparaissent au fil des pages du roman montrent qu’il y a, chez Potocki, une véritable stratégie de la distanciation, voire de la distorsion. Mais sans la documentation de l’expérience qui était probablement contenue dans les pages du journal perdu, il est difficile de mesurer avec précision toute l’étendue de ces opérations mentales et esthétiques. Le Manuscrit trouvé à Saragosse peut être vu, à bien des égards, comme l’aboutissement ultime du long travail d’écriture qui commence avec les notations quotidiennes du voyageur pour prendre fin vingt-cinq ans plus tard avec la dernière version du roman. Ce qui ne nous est pas donné à voir, du fait de la disparition du document inaugural, c’est l’ensemble du processus de transfiguration de l’Espagne parcourue vers l’univers représenté dans la fiction, à travers le prisme reconnaissable des lectures et des images.
Une deuxième raison qui fait regretter plus spécifiquement cette lacune tient à une découverte récente dans les archives de Poznań3. Il s’agit d’un cahier de grand format, d’une cinquantaine de pages, acheté par Potocki à Paris en 1791 juste avant de quitter la capitale pour retrouver Morski à Bordeaux. On y trouve l’énumération précise des étapes du voyage de Bordeaux à Madrid avec les dates, les noms des localités et les distances parcourues, mais sans autre commentaire, puis une trentaine de dessins de la main de Potocki, qui vont de l’esquisse à peine effleurée à la scène de genre rehaussée à l’aquarelle et enfin, sept pages d’un premier brouillon autographe du conte Le Voyage de Hafez que l’auteur publia en 1792 à la suite de sa relation marocaine. Ce cahier n’est pas extraordinaire en lui-même, car il vient documenter une pratique bien connue chez notre auteur qui, dans tous ses voyages, remplit des liasses du même type avec toutes sortes de notations et de dessins, souvent très beaux. Mais là aussi, on est loin de connaître l’ensemble de ces documents ; on n’en a retrouvé que quelques-uns ; les dessins exécutés au Maroc ou ceux qui illustrent le Voyage à Astrakan et sur la ligne du Caucase procurent autant de bonheur que de regrets par rapport à tout ce qui a été perdu. Dans le cas de ces dessins espagnols, nous voici donc en possession de la partie iconique de la relation, où s’exprime, comme ailleurs, la fibre anthropologique de Potocki, son attention au détail, son talent pour construire des scènes propres à soutenir une histoire à raconter. On a la portée et la clé, une idée de la tonalité, mais il manque la musique. Et celle qui émane des pages du Manuscrit trouvé à Saragosse résonne comme un écho déjà très éloigné, composante d’une polyphonie autonome et complexe.
Enfin, troisièmement, la littérature semble venir à notre secours, mais c’est pour mieux nous décevoir. C’est à Théophile Gautier que revient ce rôle ambigu. Son magnifique Voyage en Espagne est assez troublant pour qui a sous les yeux la liste lapidaire des étapes établies par Potocki pour son voyage presque cinquante ans plus tôt. Gautier, en effet, suit exactement le même chemin, les mêmes localités jalonnant sa relation. Sa bonne humeur, sa causticité, sa sensibilité aux détails de l’architecture, à l’aspect et aux usages des habitants, à la beauté des paysages comme aux difficultés d’une route très accidentée et même dangereuse poussent irrésistiblement à substituer sa voix au mutisme forcé de Potocki. Le cahier de Poznań et les pages de Gautier constitueraient ensemble une hybridation du meilleur effet, autorisée notamment par les innombrables remarques du Français relevant l’immobilisme d’un pays qui semble n’avoir pas évolué, dans ses mœurs, ni dans son habitat, ni dans son équipement routier depuis un siècle au moins. Mais justement, comme on aurait voulu pouvoir comparer les deux textes !…
Voilà comment, du fond de la béance ouverte par un texte absent de Potocki s’ouvrent de larges perspectives pour une réflexion sur les pratiques scripturaires et documentaires des voyageurs : formes et conditions de l’écriture, diffusion et réception, construction biographique, rapports à la fiction, liens d’intertextualité, etc. Mais que dire alors des relations de cet auteur que les aléas du temps ont épargnées ?
Plaisir en Turquie, pensée en Égypte
1784 est pour l’écrivain Jean Potocki un moment inaugural. Son enfance et sa jeunesse, il les avait passées dans l’enchaînement des déplacements, d’abord à la suite de sa mère, ornement apprécié des hauts lieux de la sociabilité aristocratique en Europe, puis sous la garde d’un précepteur en Suisse, puis sous l’uniforme autrichien et bientôt après sur les bateaux de police maritime des chevaliers de Malte. Son départ de Podolie pour la Turquie et l’Égypte, au début du mois d’avril, n’a donc rien de particulier, en tant que départ tout au moins. Car pour ce qui regarde les circonstances de ce nouveau voyage, elles sont encore inédites pour lui : il part seul ou presque (à peine surveillé par un agent du roi qui fait office de domestique) pour des destinations choisies en fonction de ses intérêts personnels et surtout – ceci expliquant sans doute cela – il écrit. Ce sont des lettres adressées à sa mère, la première se terminant ainsi, après une quinzaine de lignes d’observations diverses : « Vous voyez que mes lettres prennent déjà un air de relation. Je souhaite qu’elles vous intéressent assez pour me faire pardonner mon voyage4. » Le jeune homme sait faire la distinction qui s’impose entre correspondance privée et relation de voyage, mais il révèle aussitôt ce qu’il y a de rhétorique, de scolaire et de factice dans cette distinction qui ne tient plus dès lors qu’on a réellement pris la route, tous les sens et l’esprit aux aguets, avec des livres empaquetés dans son coffre et tenant à la main plume, crayons et pinceaux. D’ailleurs, il fait parvenir au roi des copies de ses lettres, dédoublant ainsi la figure du destinataire, avant de la multiplier encore par la publication du texte, quatre ans plus tard (à Paris, puis, l’année suivante, à Varsovie), sous le titre Voyage en Turquie et en Égypte, fait en l’année 1784. Son premier livre est là, rendant compte à la fois d’une expérience vécue dans l’espace réel et d’une prise de conscience des rôles et des fonctions qui s’établissent autour de la parole quand elle est mise en circulation.
Pourquoi la Turquie ? Pourquoi l’Égypte ? La Turquie l’avait toujours fasciné, comme le voisin immédiat de la Podolie où s’étendaient les terres de sa famille et en même temps comme foyer – certes chancelant à ce moment – de la plus proche des civilisations autres. Le monde oriental l’attirait, non pas comme un bain d’exotisme, mais parce qu’il y pressentait une simplicité, une sagesse, un art de vivre, un raffinement très au-delà des clichés sur les cruautés du despotisme et l’envoûtante perversité des sérails. Son éducation à l’occidentale est à peine achevée, mais il s’est déjà approprié une posture critique à l’égard des préjugés et des paramètres dominants de perception du monde : « les plus observateurs [des voyageurs] ont épuisé leur curiosité à visiter les monuments de la Grèce et n’envisagent les Turcs que comme les destructeurs des objets de leur culte5. » Il fera, lui, tout autrement, traînant dans les cours et les bazars, flânant dans les rues, fréquentant les derviches, célébrant avec les autochtones cette jouissance ralentie du temps qui passe sans fracas, recueillant et transcrivant les apologues qu’on raconte dans les cafés, faisant aussi des choses (quelles choses ?) qui ne se disent pas : le journal est suspendu pendant trois semaines à Constantinople sans la moindre explication. Un art de regarder, une disponibilité bienveillante, une attirance pour tout ce qui dérange les certitudes établies, un détachement souriant dans la relation : c’est avec ces acquis qu’il voyagera désormais.
Après la Turquie et la douce célébration du temps présent qui l’a ravi, l’étape suivante qui se profile apporte à la dimension temporelle un renversement absolu : longeant les côtes de la Troade, le voilà transporté en imagination dans l’Iliade. Puis arrivé à Alexandrie, il entre en Égypte comme on ouvre un livre d’histoire, même si la famine, le gémissement des mourants sous ses fenêtres et les troubles qui agitent le pays en perturbent sérieusement la lecture. C’est là, sur les bords du Nil, au pied des pyramides, que se fixera pour toujours sa vocation d’historien porté par la perspective du temps le plus long. Mais il reste un sujet qui voyage, soumis aux aléas, victime de fièvre ou d’insolation, entraîné par la vigueur de son imagination, inspiré par la bibliothèque qu’il a dans sa tête, ralenti dans ses évolutions sur le terrain par sa manie de dessiner ; un sujet qui s’épanche, y compris sur ce qu’il fait ou serait censé faire en relatant son expérience : « Je sens cependant que la plume du voyageur, descriptive comme son crayon, ne doit point aller au-delà de ce qu’il voit, et je m’empresse de faire reprendre à la mienne le caractère qui lui convient6 » – dit-il comme pour se rappeler à l’ordre et s’excuser d’avoir laissé parler son enthousiasme à la vue des pyramides. Car toute la tension de ce texte est là et se retrouvera dans les suivants : la relation de voyage comme oscillation entre l’objectivité attendue dans la description sous le primat de l’empirisme et la subjectivité qui porte l’écriture, entre la fiabilité du témoignage qui est attendue et la liberté de l’homme-témoin doté non seulement d’un appareil sensitif et cognitif, d’une raison, d’une mémoire, d’une maîtrise de la syntaxe et de la rhétorique, mais aussi d’une sensibilité propre, d’une imagination, d’une émotivité autant que d’attirances poétiques. Tout cela en face d’un monde qui révèle son « étrangeté » en synchronie comme en diachronie et dans un acte de parole, la relation elle-même, qui recompose l’expérience sur de nouvelles bases : tous les éléments sont là pour une théorie du récit de voyage7.
Confusion en Hollande
Revenu en Pologne après une quarantaine imposée dans le port de Venise et un détour par Rome, Potocki se marie avant de partir s’installer à Paris. De là, en septembre 1787, il pense aller en Angleterre, mais l’actualité lui fait changer de projet :
Mon dessein comme vous le savez était de passer en Angleterre, mais j’ai cru la guerre civile un spectacle digne d’arrêter un voyageur et je prends le chemin de la Hollande. Ainsi fidèle au plan de n’en point avoir, je veux encore quelques années courir les théâtres des événements et me tenir aussi près de la scène que le peut faire un spectateur8.
Telles sont les premières phrases du Voyage en Hollande, fait pendant la révolution de 1787 qui sera publié à la suite de la seconde édition du Voyage en Turquie et en Égypte (Varsovie, 1789). Là, ce n’est pas l’histoire érigée en monuments dans les sables du désert ou déclinée dans les antiques chronologies qu’il éprouve, mais celle qui est en train de se faire et qu’on peut observer comme au spectacle. Potocki passera un mois à sillonner le pays en ébullition, comme un reporter, mais un reporter lucide et désillusionné :
Jamais un voyageur ne se trouve aussi étranger dans un pays qu’au moment d’une révolution. Il voit un grand mouvement dont il ignore les buts et les causes. Les gens auxquels il est adressé, souvent ne savent rien et ceux qui savent ont autre chose à faire qu’à l’instruire. Les connaissances acquises sur la constitution d’un tel pays ne servent qu’à l’égarer davantage, car il cherche le pouvoir où il n’est plus et trouve les gens qui ordonnent, et non pas ceux qui gouvernent. Il cherche la loi et la raison, et ne trouve qu’inconséquence et animosité, enfin il voit courir et ne sait pas pourquoi l’on court, il voit le peuple s’attrouper et ne sait pas pourquoi l’on s’attroupe. Ne soyez donc point étonné si je ne puis rien vous apprendre aujourd’hui9.
Ce spectateur sceptique tentera néanmoins de suivre le cours confus des événements, jusqu’à leur dénouement malheureux pour les insurgés. Mais cela ne l’empêche pas de parler aussi de tout autre chose : du réalisme d’une mise en scène au théâtre, des paysages qu’il découvre autrement plus intenses et variés que sur la toile des peintres hollandais, du réseau complexe des canaux et aussi de lui-même lorsque, inspiré par la vue du port de Saardam, il se lance, lui qui n’a que vingt-six ans, dans une de ces rêveries rétrospectives propres aux hommes qui ont déjà beaucoup vécu. Le texte s’achève sur des réflexions désabusées au sujet de la liberté des peuples : « Ce journal que je croyais consacrer aux efforts de la liberté s’est trouvé n’être que le bulletin de ses derniers moments, et elle a disparu de dessus la surface de la terre. Les Hollandais étaient un peuple libre et il n’y en a plus aujourd’hui10. » C’est aussi à cette époque que s’ouvre pour lui la période de l’engagement politique en Pologne qui prendra fin sur les mêmes constats mélancoliques en été 1792.
Écart au Maroc
Entre-temps, il y aura eu ce voyage en Espagne et au Maroc dont il a été question. Le Voyage dans l’Empire de Maroc fait en l’année 1791 suivi du Voyage de Hafez Récit oriental fut imprimé à Varsovie en 1792. C’est un texte magnifique où l’on trouve tout à la fois des descriptions et des analyses dignes de l’ethnologie telle qu’elle se développera quelques décennies plus tard11, de passionnantes séquences narratives, des épanchements personnels saisissants, des considérations politiques impitoyables sur les propriétés du despotisme exercé par les empereurs alaouites (considérations qui étaient encore très mal vues à Rabat dans les dernières années du règne d’Hassan II). L’Histoire y est perçue dans toutes ses dimensions avec la question des origines et de l’évolution de la terre suscitée par l’examen des fossiles, l’histoire des peuples telle qu’elle se déduit des observations présentes, la chronologie chahutée de la dynastie régnante, jusqu’à l’actualité du conflit entre le Maroc et l’Espagne qui touche très directement le voyageur : « Pendant que je dessinais, une bombe est venue s’enterrer au pied de ma terrasse12. »
L’écrivain-voyageur a pris de l’envergure et en lisant ces pages, on ne s’étonne pas de constater qu’il y a concordance chronologique entre leur écriture et les premiers éléments du projet qui aboutira aux différentes versions du Manuscrit trouvé à Saragosse. D’ailleurs, le fait que le Voyage dans l’empire de Maroc soit assorti d’un conte original, écrit à la manière orientale tout en traitant indirectement des démêlés de la Pologne avec la Russie, montre bien que l’articulation entre perception du réel, compte rendu critique de cette perception et transposition de l’expérience dans la fiction est déjà bien établie dans l’esprit de Potocki. Mais au moment de prendre congé (provisoirement) de son lecteur, le voyageur « marocain » livre encore quelques confidences personnelles qui peuvent illustrer ce ton d’ironique détachement qui caractérise sa plume et confère à ses propos un potentiel de résonance universelle :
Je termine ici la relation d’un voyage que je n’ai point regardé comme une entreprise dont il dût résulter beaucoup d’instruction, mais plutôt comme une partie de plaisir, une promenade dans une autre partie du monde, un changement de paysage, de ciel et de nature, un projet d’écouter le silence des déserts, les bords agités de la mer, et d’y reporter ma pensée au milieu de ces monuments des anciennes rêveries. Ne rien faire est une occupation si douce qu’il est bien permis de chercher à la varier et à la rendre plus agréable encore. Or les déserts et leur silence, la mer et ses vagues mugissantes, le calme et les orages, le gros temps et ses sifflements aigus, les paysages et la nature, voilà les vrais domaines du rêveur solitaire.
Je sais bien que toutes ces choses font pitié au politique qui les regarde du haut de ses projets relevés ; il n’est sensible, lui, qu’au bruit que les choses font dans les gazettes. Il ne verrait dans les peuples de l’Afrique que des hommes propres à donner de l’embarras à l’assemblée nationale, égorger les marchands français et les faire esclaves ; il ne verrait la mer que comme l’élément témoin naguère de ces beaux armements qui ont fait un si bel effet dans les papiers publics, mais sans produire aucun effet réel que celui de peser sur les peuples, pour entretenir la prétendue balance de l’Europe, et ils croient l’avoir obtenue lorsqu’après des années d’une guerre cruelle, les choses sont dans l’état où elles étaient auparavant. En vérité l’on serait tenté d’en avoir pitié à son tour s’ils ne faisaient pas tant de mal et si leur intrigante activité ne multipliait pour eux les moyens de le faire13.
On ne s’étonne pas qu’à la suite de ces propos, Potocki vienne s’appuyer pour conclure sur l’autorité du poète moraliste persan Saadi, avant de trousser lui-même ce Voyage de Hafez qu’il inscrit explicitement dans la veine édifiante des apologues :
L’intention de cet ouvrage de pure imagination n’est cependant pas qu’il soit de pur agrément. J’ai cherché à y présenter une morale plus appropriée à notre siècle nouveau et difficile, et je l’ai fait dans le désir que de bons esprits en fissent le sujet de méditations plus fréquentes14.
Les voyages qui suivront n’auront pas tout à fait le même caractère. Ils accompagnent de plus près les recherches abyssales que Potocki avait entreprises pour tenter de toucher à une circonscription fiable de l’histoire universelle et, plus précisément, à un examen détaillé de l’histoire des peuples slaves.
Méthode en Basse-Saxe
Aussi, quand il effectue son périple en Basse-Saxe en août-septembre 1794, ce n’est pas dans l’espace géographique et culturel, mais dans le temps qu’il cherche à mesurer des distances. Quelques mois plus tard, il publie à Hambourg une relation au titre très explicite : Voyage dans quelques parties de la Basse-Saxe pour la recherche des antiquités slaves ou vendes. Fait en 1794. C’est un livre qu’il faut lire à la lumière des ouvrages historiques produits par Potocki à la même époque, un exposé de savant qui est pourtant conscient de la nécessité d’approcher les objets de l’étude de toutes les manières possibles : en s’imprégnant du savoir consigné dans les plus riches bibliothèques, certes, mais aussi en se confrontant à la réalité des reliefs, des sols, des climats, des peuples, autant de pourvoyeurs d’une documentation trop souvent négligée. Compte rendu d’une enquête de terrain, ce texte illustre aussi, par sa forme, toute la variété des instruments mis en œuvre par le savant pour tenter de toucher à une quelconque vérité. On y découvre une division en deux parties principales ; dans la première se développe le journal du voyage qui est suivi de manière quasi continue du 13 au 26 août, puis du 8 au 17 septembre. Mais ce journal est entrecoupé de longues citations commentées, tirées de chroniqueurs allemands du Moyen Âge, ainsi que d’autres morceaux incrustés comme l’évocation d’un écrit personnel manuscrit datant de la fin du XVIIe siècle, rédigé « en allemand mêlé de slave ». Apparaît aussi une transcription du Pater noster dans un dialecte caractérisé lui aussi par ce mélange des langues. En annexe à cette première partie, on trouve encore la restitution d’un vocabulaire slave manuscrit comportant une liste d’environ mille mots avec leur équivalent français. Quant à la deuxième partie du texte, elle est occupée entièrement par de longues citations de la chronique de Helmod von Bosau (XIIe siècle), enrichies des commentaires d’un érudit local rencontré par Potocki. Vient ensuite l’inventaire détaillé de cent dix-huit pièces appartenant à la collection d’antiquités slaves conservées par un certain Sponholtz à Neubrandenburg. Chacune des pièces est dessinée et décrite par Potocki comme pour un cabinet de curiosité ; les planches avec les dessins ont été publiées à la suite du texte dans l’édition originale.
Curieuse œuvre donc que ce Voyage dans quelques parties de la Basse-Saxe, texte composite où se mélangent la documentation récoltée par le savant et la relation d’un voyage dépourvu des surprises et des émotions propres à l’expérience immédiate de l’exotisme géographique, climatique et culturel. Mais cela ne veut pas dire que le sujet serait tout abandonné aux objets qu’il traque ; au contraire, on le trouve fidèle à lui-même, c’est-à-dire concentré tout autant sur les objets que sur l’aventure de leur perception. Il en découle toute une série de réflexions méthodologiques où se mêlent curieusement les exigences de rigueur dans l’approche des sources et l’éloge de l’intuition et du bon sens qui devraient toujours guider le savant :
Il y aurait un grand et nouveau parti historique à tirer des anciens, en général, et d’Hésiode en particulier, si l’on voulait substituer à la subtilité des explications, une sorte de bonhomie et de bon sens grossier. Et il faudrait alors renoncer aussi à ces systèmes, qui semblables à l’épée d’Alexandre coupent tous les nœuds d’un seul revers de leur tranchant ; la vérité est que chaque nœud est compliqué de manière différente15.
Bien sûr, s’ils laissent parler l’intuition et renforcent la liberté du savant dans ses cogitations, la « bonhomie » et le « bon sens grossier » l’exposent aussi aux dérives les plus dangereuses. On sait par exemple qu’une bonne partie de ces objets minutieusement observés et dessinés par Potocki étaient en réalité des faux produits dans des circonstances obscures16. Tels sont, dira-t-on en suivant le savant aristocrate, les risques de la liberté. Et en tout état de cause, c’est toujours à la population des érudits qu’il s’adresse, même quand il insère des observations de nature « touristique » :
Hambourg est trop connu dans le monde marchand, pour que j’en parle sous le rapport du commerce, mais les savants ne savent point assez, que la bibliothèque de cette ville a quatre-vingt mille volumes, tenus très en ordre, et des manuscrits précieux, elle est ouverte le mercredi et le samedi17.
Fréquenter les bibliothèques, lire et relire les sources anciennes relèvent de l’évidence pour le savant. Mais parcourir l’espace, creuser dans le sol, flairer le tumulus sous l’ondulation du terrain, prêter l’oreille à la langue pratiquée par les gens simples, percevoir les particularités de l’air et du climat sont autant de correctifs ou d’additifs propres à réévaluer les connaissances acquises. Il faut voyager, non pas seulement par métaphore en se laissant entraîner par les livres, mais réellement, physiquement. Car de l’expérience naissent ces intuitions, ces idées qui permettent de revisiter d’anciennes certitudes et de risquer des explications inédites, au risque de divaguer, comme dans ce passage où le voyageur expose une singulière théorie de l’art issue de la comparaison des différentes observations faites par lui-même :
Aujourd’hui le temps était brumeux et le ciel offrait ces nuances de gris, de violet et de citrin que nous admirons dans les peintres hollandais ; je crois que ces sortes de ciels sont particulières aux côtes de l’Est et du Nord-Zée. Au moins ce qu’on appelle sur la Mer méditerranée aria insciroccata n’y a aucun rapport et ses couleurs vont du bleu au blanc ; j’ai vu dans ce pays-ci plusieurs tableaux assez médiocres, mais dont le ciel était précisément dans ce même genre, et faisait illusion sur leur mérite, en rappelant les grands paysagistes flamands ; partout les artistes ne rendent bien que ce qu’ils ont continuellement sous les yeux, et voilà pourquoi nos sculpteurs ne peuvent atteindre à la perfection des Grecs, qui voyaient sans cesse le nu, grâce au costume et aux exercices de la gymnastique ; c’est ainsi que le plus ignorant barbouilleur, un enfant même, peut dessiner un visage, dont les proportions se fixent dans la mémoire, par le continuel usage de les fixer, et l’on verra plus loin que les Slaves qui étaient des enfants pour l’art, se tiraient assez passablement d’une tête ; mais ils les accompagnaient de corps et de mains effroyables ; il en était de même chez les Égyptiens, leurs têtes en basalte, sont souvent d’une grande beauté et le reste n’y répond point18.
Voyage total dans le Caucase
Potocki retrouvera les vibrations de l’exotisme quelques années plus tard lorsque, partant de Moscou, il se lancera pour un périple de onze mois (de mai 1797 à avril 1798) sur les routes méconnues et aventureuses du Caucase. Comme à son habitude, le voyageur y aura rempli des carnets de notes quotidiennes, de dessins, de relevés et de citations diverses. Il enverra par fragments une relation en direct à son roi qui a perdu son royaume avec le dernier partage de la Pologne en janvier 1795 et qu’il s’agit de distraire autant que possible. Des années plus tard, certainement après 1802, Potocki reprendra ses journaux et ses notes pour en faire un texte plus cohérent, marqué par une double organisation en seize chapitres (selon les étapes du voyage) et suivant les dates du calendrier. L’incipit rend compte à la fois de l’état d’esprit du voyageur qui se met en route et de la distance chronologique de l’écriture par rapport à l’expérience ; l’homme est parti plein d’enthousiasme, mais il en est revenu, le temps s’étant chargé d’entamer ses illusions :
15 mai
Les tours dorées de Moscou se perdent dans un lointain bleuâtre. Adieu, Europe livrée aux troubles ! Je vais me reposer dans la tranquille et paisible Asie. Aujourd’hui je veux imiter les Orientaux chez lesquels la première journée que fait la caravane est toujours la plus courte. Je ne promets au lecteur qu’une chose, c’est de ne pas fermer les yeux. Tout ce que j’aurai occasion de voir, je le raconterai ; j’y joindrai quelquefois des remarques qui, je me plais à me l’imaginer, ne seront pas mal reçues, même des hommes instruits, car je les ai faites non en passant, mais dans un temps où je croyais encore que toute vérité concernant l’histoire de l’homme ou celle de la nature était si importante qu’on devait lui sacrifier volontiers son repos et son plaisir19.
Il y aurait déjà bien des choses à dire, à partir de ces seules lignes inaugurales, sur la perception de l’Orient, la posture du voyageur, son rapport au lecteur, les buts de l’écriture, l’état changeant des convictions épistémologiques, comme sur le travail exercé par le temps dans l’esprit du sujet entre le moment vécu et celui de l’écriture. On retrouvera tout cela dans les pages de ce grand texte qui peut être vu à bien des égards comme le chef-d’œuvre viatique de Potocki. Tout y est : le récit d’aventures souvent poignantes en ces terres de vendetta permanente, l’analyse lucide d’une situation politique des plus embrouillées, l’examen continu des coutumes, des gestes, des cultes et des langues qui caractérisent les peuples rencontrés, la sensibilité aux variations et aux propriétés du paysage, les vagabondages de la rêverie « dont la société est plus agréable que la réflexion20 », la confrontation du réel avec les sources historiques et géographiques les plus anciennes, les réflexions méthodologiques, les pensées parfois très audacieuses sur l’histoire des civilisations, les considérations réflexives sur la pratique même de l’écriture en voyage. Chacune de ces composantes du texte est portée par un homme qui est arrivé à sa pleine maturité d’écrivain, maniant la diversité des formes et des tonalités avec une maîtrise achevée, sans avoir rien perdu de ce détachement ironique que l’on pouvait sentir dès ses premiers essais.
« Je décris ce que je vois et non ce que d’autres ont vu21 », dit-il en parcourant la Russie, puis les pays du Caucase où ce qu’il voit d’abord, c’est une variété d’objets des plus rares et des plus plaisants pour celui qui, de ses nombreux voyages, a retenu en tout premier la diversité comme propriété irréductible des hommes et du monde. Diversité qu’il convient encore de multiplier en considérant l’éloignement chronologique des sources qui nourrissent notre connaissance. Comment illustrer tout cela ? Tant de passages viennent à l’esprit, aussi parlants que celui-ci, par exemple :
Bientôt après, le vent se remit au sud et souffla avec tant de violence que nous fûmes obligés de jeter l’ancre tout au milieu du fleuve, crainte d’être jetés contre le rivage. Les bateliers profitèrent de cette inaction pour aller faire du bois dans une île voisine, et moi pour mettre par écrit mes observations sur Hérodote.
Car Hérodote refait avec moi le voyage de la Scythie vingt-deux siècles après y avoir été en personne. Dans cet intervalle de temps, cent peuples différents y ont habité, les ruines de leurs villes couvrent le désert, mais on ne sait plus le nom de ces villes. Cent rois, mille guerriers fameux ont semé les plaines de leurs sépulcres, mais on ne sait plus le nom de ces rois et de ces guerriers. Cependant Hérodote existe encore tout entier. Il me parle dans sa langue, je pèse chacune de ses paroles, je crains d’en perdre une seule et je l’entends avec plus de plaisir que je n’en trouve dans la conversation de bien des vivants. Bénissons donc l’étude de l’histoire et les historiens qui nous ont légué de pareilles jouissances22.
Échec au voyage sur la route de Chine
Le dernier de ses grands voyages place Potocki dans une situation inédite : il n’est plus libre de ses mouvements, « fidèle au plan de n’en point avoir », pleinement disponible pour l’aventure de la découverte : c’est en tant que chef de la partie scientifique d’une ambassade russe envoyée en Chine qu’il quitte Saint-Pétersbourg en juin 1805. Il a enfin l’impression d’être reconnu par quelqu’un pour ses qualités de savant et la destination le fait rêver, mais il devra rapidement déchanter et c’est pour rendre compte de sa déception comme pour expliquer les circonstances de l’échec de l’ambassade qu’il écrira, sur le chemin du retour, un mémoire destiné au ministre des Affaires étrangères d’Alexandre Ier, Adam-Georges Czartoryski. Il y a de l’amertume à toutes les lignes de ce texte, parfois même de la colère ; Potocki est profondément affecté parce que tout ce en quoi il a cru jusqu’ici, en tant que voyageur instruit des particularités des peuples visités, en tant qu’esprit des Lumières, s’est trouvé contredit par les tares d’un ambassadeur gravement incompétent. Golowkine, le chef de cette mission diplomatique aux proportions inusitées, entendait faire voir à l’empereur de Chine la puissance et la richesse de son maître et de son pays. Il n’avait pas compris, faute d’instruction élémentaire, que les hôtes chinois, guidés par leurs propres usages, avaient tout lieu d’en attendre le contraire. D’offenses en malentendus, de rodomontades en humiliations, le terrain d’entente s’est vite avéré impraticable et l’on pria les Russes de rebrousser chemin après plusieurs semaines d’attente dans le froid à la frontière mongole.
Potocki décrit les comportements, raconte les scènes, esquisse des portraits (celui de Golowkine se termine ainsi : « je crois qu’il serait inconvenable d’ajouter trop de couleurs à la peinture de ce caractère23 »), analyse les causes et les conséquences des incidents successifs, jusqu’à l’irrémédiable fiasco. Le compte rendu est tendu, passionné, révolté. C’est un réquisitoire contre l’incurie d’un haut fonctionnaire et, plus largement, contre l’arrogance aveugle des Européens, la nocivité des préjugés, les méfaits de l’ignorance. Son auteur avait voyagé les yeux ouverts, il avait confronté ses immenses connaissances livresques à la réalité dans sa plus grande variété ; il n’était pas fait pour servir des maîtres sots et vaniteux. Aussi le Mémoire sur l’ambassade en Chine résonne-t-il, à la suite des relations précédentes, comme le mode d’emploi à rebours du bien voyager.
Éloge de la contradiction
Potocki s’est toujours gardé de la posture du donneur de leçons, même dans ses contes à visée morale où le propos n’est jamais injonctif, ni univoque. Son expérience du monde a pris rapidement pour lui le tour d’un apprentissage du relatif24 qui implique un ajustement du regard et un éthos de la disponibilité :
Hélas ! les voyageurs n’ont ordinairement pour observer que les lunettes qu’ils ont apportées de leur pays et négligent entièrement le soin d’en faire retailler les verres dans les pays où ils vont. De là tant de mauvaises observations25.
Muni de cet appareil visuel à focalisation variable, le voyageur ne peut que constater l’insuffisance et même la fausseté des modèles qui formatent la perception autant que les discours qui en rendent compte ; d’autant plus qu’il est lui-même tributaire des variations de ses propres dispositions sensorielles et psychiques. Dans son infinie multiplicité, le monde ne peut nous apparaître que confus. Le décrire en vue d’en expliciter définitivement le sens ne saurait relever que de la naïveté ou de l’imposture. « On ne saurait assez répéter – lisons-nous dans les premières pages du Voyage dans quelques parties de la Basse-Saxe – que l’histoire des contradictions serait celle de l’esprit humain26 ». La contradiction n’est pas un défaut du raisonnement, mais la figure qui désigne les limites de la raison humaine. C’est pourquoi toute relation de voyage ajustée à son objet doit reposer sur ce constat qui est humiliant seulement pour les esprits accrochés aux certitudes illusoires des systèmes. Cette page du Voyage dans l’Empire de Maroc dit cela sans aigreur, ni prétention :
Je disais dans une de mes dernières lettres que les mœurs étaient ici très sévères, et cela est vrai. Aujourd’hui j’ai eu une occasion d’apprendre qu’il y régnait assez de galanterie, et cela est encore vrai. Je ne sais comment mes lecteurs s’accorderont de cette incohérence dans mes relations, mais les peuples sont un composé d’hommes, ceux-ci un composé de contradictions et s’il n’y en a pas dans les relations d’un voyageur, à coup sûr, elles ne ressembleront point. Je sais que bien des auteurs n’y font pas tant de façon : ils vous rangent sur une ligne toutes les vertus d’une nation et sur l’autre, tous ses vices. À peu près comme certains peintres qui croient avoir fait à merveille, lorsqu’ils ont mis toute la lumière d’un côté et toutes les ombres de l’autre. Mais bon Dieu ! où ces gens-là ont-ils les yeux ? que font-ils de cette multitude de reflets, d’ombres portées, de clairs-obscurs et de nuances ? Ils ne s’en doutent seulement pas. Un beau travail serait vraiment de tout placer dans le même tableau et puis comme disent les peintres, de passer la queue de blaireau qui est un pinceau dont ils se servent pour achever de fondre les teintes.