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Comptes rendus

Daniel Lançon, Les Français en Égypte. De l’Orient romantique aux modernités arabes

Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, « Littérature Hors Frontières », 2015, 378 pages – ISBN : 978-2-84292-425-6
Philippe Antoine
Référence(s) :

Daniel Lançon, Les Français en Égypte. De l’Orient romantique aux modernités arabes, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, « Littérature Hors Frontières », 2015, 378 pages – ISBN : 978-2-84292-425-6

Texte intégral

1Daniel Lançon, dont on connaît la somme consacrée à L’Égypte littéraire de 1776 à 1882 (Paris, Geuthner, 2007), nous convie dans cet ouvrage à un parcours au sein de cette littérature qui a eu l’Égypte pour scène et pour objet. De Volney à Simone de Beauvoir, le lecteur va suivre la trace de voyageurs ou résidents qui sont entrés en contact avec un pays qui est « pour l’histoire littéraire française et francophone un Orient proche » (p. 366). Les chapitres qui composent ce volume, pour une moitié d’entre eux, avaient été publiés dans des collectifs ou numéros de revues (la liste est donnée p. 5-6) et ont été remaniés pour la présente édition qui permet de suivre une recherche au long cours, centrée sur un continent textuel dont l’auteur est l’un des plus éminents spécialistes. On croise dans ces pages un personnel varié. Daniel Lançon donne la parole au médecin, à l’officier, à l’universitaire, à l’ingénieur, à l’écrivain, à l’artiste… et ce n’est pas le moindre intérêt de ce livre que de proposer une conception de la littérature élargie à ces lettrés qui, sans être tous des professionnels de l’écriture, ont mis en mots leur rencontre avec un ailleurs qui a quelquefois bouleversé leur existence et toujours fragilisé leurs préconstruits culturels. Ce qui sous-tend la démarche ici engagée est la volonté de proposer un panel nuancé des représentations et usages du monde que donnent à voir et à comprendre des textes dont certains sont méconnus, voire inédits. À la fin de son livre, l’auteur distingue ainsi trois catégories de voyageurs ou résidents – en s’empressant d’ajouter qu’elles sont loin d’être séparées par des frontières infranchissables : « L’agent de diffusion du savoir » occidental, celui qui accepte l’influence du milieu en jouant le rôle d’intermédiaire entre deux mondes et celui, enfin, qui devient « le porte-parole de la culture égyptienne » (p. 363). Telle est l’une des premières grilles de lecture selon laquelle s’organisent les textes pris en considération. Ce n’est évidemment pas la seule : les manières de faire, de voir et de penser de tous ces témoins sont prises dans une histoire (sociale, politique et culturelle) qui façonne à bien des égards leurs visions. Que dire enfin de la singularité de leurs projets et de la diversité de leurs voix ?

2Il est de fait plusieurs biais par lesquels aborder Les Français en Égypte. Le premier consiste à sélectionner, selon l’envie ou le besoin, des chapitres isolés. L’amateur et le connaisseur ne seront jamais déçus. Ils pourront suivre un destin, saisir les ressorts de la critique du tourisme, comprendre les dessous d’une controverse littéraire, cerner quelques-unes des scansions historiques qui ont marqué les discours et les êtres… Une autre solution, préférable sans aucun doute, consiste à envisager dans leur ensemble chacune des divisions fermement structurées du recueil (soit, pour sa première partie, « Le voyage des romantiques », « Aventureux utopistes », « Voix de femmes », « L’Orient face aux empires » et, pour la deuxième, « L’Égypte des spiritualités », « Critiques et professeurs en mission », « Voyages et séjours : l’enjeu du contemporain »). Alors se lit une véritable cohérence, établie grâce à des motifs structurants. C’est à cette condition seulement que l’on pourra mesurer l’ambition d’un chercheur qui entend cerner son objet en croisant les critères qui le définissent : le dialogue interculturel, sur lequel le propos est légitimement centré, a besoin pour se nouer de personnages, de rôles, de situations et d’intrigues. Il se tient également sur une scène géographiquement et historiquement située : tel est ce par quoi se justifie le déroulement peu ou prou chronologique de l’ensemble du volume qui, dans un premier temps, part de l’ailleurs romantique pour aller « à l’irruption des premières modernités arabes » et nous fait aborder dans un second moment une « Égypte plusieurs fois révolutionnée ».

3Toute tentative de synthèse est dans le domaine particulièrement risquée et Daniel Lançon a raison de ne pas chercher à conclure – quitte à déstabiliser un lecteur en quête de repères, parfois désorienté par une matière foisonnante qui résiste à l’esprit de système. Le dialogue interculturel, on en convient, est rarement simple et quelquefois cacophonique. Fallait-il éviter l’obstacle et laisser au lecteur le soin de renouer les fils de cette histoire passionnante et plurielle ? La réponse à cette question est délicate et on conçoit très bien la réticence que peut éprouver le chercheur à produire un discours englobant que le contre-exemple bien choisi viendra nécessairement fragiliser. Reste que certains points saillants du propos appellent, sinon une théorisation, du moins une explicitation. Il en va ainsi, la liste qui suit est incomplète, de l’opposition entre résident et voyageur (abordée par exemple p. 89), de la notion d’orientalisme pratique ou de terrain (p. 79), du rôle d’acculturation qu’ont joué les lettres et les arts (p. 176), du discours d’euphémisation tenu sur l’Orient (p. 117), de « l’idéalisme transculturel » (p. 106). Il manque peut-être à ce livre, qui s’inscrit dans une pratique éditoriale universitaire aujourd’hui de plus en plus répandue (consistant à assembler des études diverses produites sur un même thème) le liant grâce auquel le tout devient plus que la somme des parties et le cadre qui délimite un ensemble autosuffisant. On recommandera cependant vivement sa lecture : il valait la peine, assurément, de retrouver dans un même volume facilement accessible des analyses dispersées ailleurs et enrichies de contributions inédites. Nul n’était mieux qualifié que Daniel Lançon pour écrire ce chapitre de notre histoire littéraire.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Philippe Antoine, « Daniel Lançon, Les Français en Égypte. De l’Orient romantique aux modernités arabes »Viatica [En ligne], 4 | 2017, mis en ligne le 20 mars 2017, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/viatica/765 ; DOI : https://doi.org/10.4000/viatica.765

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Auteur

Philippe Antoine

CELIS, Université Clermont Auvergne

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