Le quartier de Castro à San Francisco comme utopie contemporaine

« Somewhere over the rainbow »

The Castro District in San Francisco as a Contemporary Utopia: “Somewhere over the rainbow”

DOI : 10.52497/kairos.520

Résumés

Résumé : À la recherche d’une utopie sur un lieu réel dans laquelle des groupes marginalisés par la société recréent un espace, cet article propose une analyse du quartier de Castro à San Francisco. Ce quartier habité par des minorités sexuelles est l’exemple non seulement d’un contre-espace utopique, mais aussi d’une identité construite dans un espace urbain, celle de la communauté LGBTQ+ internationale. Dans un premier temps, une micro-histoire de Castro et de l’imaginaire du quartier à travers les images, les narrations, les paroles, tout ce qui concerne le visuel et le discursif montreront, l’infrapolitique, la structure invisible de cette résistance. Dans un deuxième temps, les promesses et les conditions du quartier seront examinées afin de discuter l’accessibilité et la crédibilité de cette utopie. Partant du concept des hétérotopies de Foucault, le principe d’« ouverture-fermeture » de cet espace utopique sera mis en question grâce à des témoignages des habitants actuels lors de la San Francisco Pride de 2019. Cette analyse de l’histoire, la structure et la sémiologie du quartier et de son rapport au monde extérieur permettra d’interroger la possibilité d’une utopie réalisable ou réalisée dans le monde actuel.

Abstract: In search of a utopia in a real place, in which groups marginalized by society recreate a space, this article offers an analysis of the Castro neighborhood in San Francisco. This neighborhood inhabited by sexual minorities is an example not only of a utopian counter-space, but also of a resident identity based on an urban space, of an international LGBTQ+ community. First, a micro-history of Castro and the imaginary construction of the neighborhood through images, narratives, words, everything visual and discursive will show, the infrapolitics, the invisible structure of this resistance. In a second phase, the promises and conditions of the neighborhood will be examined in order to discuss the accessibility and credibility of this utopia. Based on Foucault’s concept of heterotopias, the principle of "a system of opening and closing" of this utopian space will be questioned through testimonies of the current inhabitants during the San Francisco Pride of 2019. This analysis of the history, structure and semiology of the neighborhood and its relationship to the outside world will allow us to question the possibility of a utopia that is feasible or achieved in today’s world.

Index

Mots-clés

utopie, Castro, San Francisco, imaginaire, infrapolitique, LGBTQ+

Keywords

utopia, Castro, San Francisco, collective imagination, infrapolitics, LGBTQ+

Plan

Texte

Aujourd’hui, l’utopie est une notion utilisée par des acteurs de divers domaines afin de rendre compte d’un espace établi à travers un schéma imaginaire. Les architectes, les urbanistes, mais aussi les acteurs d’évènements d’occupation ou de squats (Gwiazdzinski, 2016), reprennent souvent cette notion pour présenter leurs actes et leur production de l’espace. Le caractère de « non-lieu » (Drouin-Hans, 2011 :45) de l’utopie semble presque disparaître de ces pratiques contemporaines. Ces espaces pratiqués, éphémères ou plus durables, marqués par un acte pur de création ou un acte militant, proposent des emplacements sur lesquels une utopie pourrait plus ou moins se réaliser.

Cet article a pour sujet une de ces utopies qui a trouvé place dans le système municipal aux États-Unis, à San Francisco. Il s’agit du quartier Castro, une utopie urbaine durable, reconnue et même soutenue par l’État. Castro est l’exemple non seulement d’un contre-espace utopique et urbain, mais aussi d’une identité, celle de la communauté internationale qui y habite.

Je suis allée à Castro, San Francisco, lors de mon séjour à la New School de New York pour un projet centré sur le concept « carnavalesque » dans les évènements d’Occupy.

Le carnaval qui n’est pas uniquement un évènement, mais un état d’esprit (Danow, 1995 : 4), une stratégie rebelle, une résistance à l’ordre des choses qui s’impose en tant que norme et parfois quotidiennement, m’a conduit à la recherche d’autres lieux qui portent une volonté d’être « autrement », qui veulent être une sorte d’utopie réalisée. Ma recherche part du postulat selon lequel ces mouvements de résistance, de nos jours, sont favorisés et protégés par le déguisement physique personnel, discursif ou urbain.

Le concept d’infrapolitique de James C. Scott et les propos de Lévi-Strauss qu’il cite encouragent cette approche :

Tant que nous limitons notre conception du politique à une activité ouvertement déclarée, nous sommes amenés à conclure que les groupes subordonnés sont essentiellement dépourvus de vie politique ou que leur vie politique se limite à ces moments exceptionnels d’explosion populaire (Scott, 1990 : 199).

Dans le même ouvrage, il évoque également le rapport entre la résistance et le carnaval pour critiquer « les théories de la soupape de sécurité ». Selon lui, au lieu de compenser une probable résistance politique avec un faux sentiment du bouleversement éphémère marqué par la fête, les carnavals proposent des opportunités pour déclencher de vraies émeutes et il illustre son affirmation avec des exemples de l’histoire du carnaval (ibid., 172-182, 188).

Dans cet article, j’avance l’hypothèse suivante : Castro en tant que résistance contre les normes du genre, de la ville américaine et de la classe moyenne, en tant que lieu presque « carnavalesque » par sa sémiologie urbaine et ses relations humaines, s’apparente à une sorte d’utopie réalisée.

Dans un premier temps, une micro-histoire de Castro et de l’identité de la communauté LGBTQ+ montrera son analogie avec un espace de conflit, une « contre-communauté » et une opposition « plus ou moins héroïque, ouvrant la voie au futur redressement » (Pessin, 2001). Ce travail permettra une analyse de l’imaginaire utopique du quartier qui prend sa racine dans cette histoire. Il prolongera le contexte historique. Ce quartier s’est transformé en une utopie contemporaine pour la communauté LGBTQ+ grâce à une mythification collective qui permet d’analyser ses « utopèmes », ses « unités d’images obsédantes et redondantes de l’utopie » (Pessin, 2001 : 50). Cet examen permettra de voir dans quelle mesure Castro, en tant que lieu urbain, s’adapte à cet imaginaire et sous quels aspects il le met en cause en dévoilant ses illusions. Castro sera étudié comme un imaginaire utopique qui se construit à travers les images, les narrations, les paroles et tout ce qui concerne le visuel et le discursif.

Dans un deuxième temps, l’espace, ses promesses et ses conditions seront abordés en termes d’accessibilité et de crédibilité de cette utopie. Des témoignages lors de la San Francisco Pride de 2019, montreront en quoi ce quartier peut être un espace utopique, grâce aux initiatives concernant l’immigration des personnes LGBTQ+, et dans quelle mesure Castro, par sa structure intérieure et son rapport à l’extérieur, constitue un lieu propre.

Castro en tant que localisation urbaine

La disposition urbaine du quartier donne à voir comment la communauté s’est construite et se construit grâce à une contre-domination matérielle (Scott, 198), donc assurée par ce lieu. Le plus souvent, la résistance observable dans ce type d’emplacement urbain ne consiste pas « à se confronter directement à un pouvoir ou une oppression, mais plutôt à chercher à tirer au mieux son épingle du jeu et à plier l’espace urbain à ses exigences » (Lefebvre, 105). Autrement dit, comme l’affirme J. C. Scott, nous sommes à la recherche d’une structure « invisible », malgré une « science sociale » qui se concentre d’habitude sur ce qui est manifesté, bruyant et exposé (les manifestations, les protestations, les émeutes, etc.) et donc de l’infrapolitique de l’espace urbain en résistance en tant qu’« un choix tactique né de la conscience prudente de la répartition du pouvoir » (Scott, 183). La situation géographique du quartier donne à voir le rapport entre le support géographique et cette structure invisible.

Le quartier s’est installé autour de l’avenue qui porte le même nom, Castro Street, et il est entouré par Mission District, Noe Valley,  Haight-Ashbury et Twin Peaks (Figure 1). Au milieu de tout, Castro revendique son identité de cœur de la ville compte tenu de sa situation, au centre de tous les profils qui constituent la façade moderne de San Francisco.

Figure 1 : Plan des districts selon les onze zones officielles de San Francisco.

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Crédit : Peter Fitzgerald, OpenStreetMap.

Les deux premiers quartiers sont aujourd’hui marqués par une population jeune et familiale ayant des professions nommées « dot-com boom2 ». Ces jeunes préfèrent habiter dans ces quartiers gentrifiés malgré les loyers qui augmentent.

Comme l’indique son nom, Mission District est connu par la « mission » d’évangélisation franciscaine dans la région (Mission Dolores). Cette mission a engendré l’arrivée des nombreux immigrants, notamment après la sécularisation du Mexique, et une communauté hispanique s’est installée dans la région depuis 1776. Aujourd’hui, le quartier abrite des habitants de différentes ethnicités parmi lesquelles les Latino-Américains sont en majorité. Ce contexte historique du quartier-voisin montre que l’idée de « nouveaux venus » (Elias et Scotson, 1994), qui concerne les habitants de Castro, était déjà habituelle dans la région, peut-être pas en raison du genre, mais de celle de l’ethnicité.

Entre la sortie Est du parc Golden Gate et Castro, Haight-Ashbury, le troisième voisin du quartier, est connoté par le premier head shop des États-Unis (Davis, 2017), donc par la consommation courante du cannabis et du LSD, et par la communauté hippie des années 1960. Ce quartier ne présente pas non plus un profil correspondant aux valeurs familiales imposées par l’hétéronormativité (Dean, 61-78).

Par ailleurs, Twin Peaks, le dernier voisin – ainsi nommé par les pics jumeaux de deux collines symbolisées par la culture LGBTQ+ – est connu par ses maisons luxueuses et ses habitants LGBTQ+ avec des niveaux d’éducation élevés (Statical Atlas). Ce quartier qui appartient presque à Castro symbolise une domination économique (Scott, 1990) dans la résistance : la richesse associée à la vie high-tech de la Silicon Valley n’est pas seulement celle des jeunes hétérosexuels et de leurs familles. La communauté LGBTQ+ s’approche ici de la vie sophistiquée et du type « familial ».

Contexte historique

Le quartier de Castro : une micro-histoire des « gens ordinaires » à Eureka Valley

Castro fut, avant tout, un théâtre-cinéma à Eureka Valley, San Francisco. Le quartier marqué par la communauté LGBTQ+, appelé le « gaybekka », s’est créé sur ce territoire sous le nom de « Castro » et a connu un processus de « mythification » notamment à partir des années 1950.

Pendant les années 1880, San Francisco a commencé à accueillir des immigrés européens et notamment une importante communauté irlandaise. Le contexte historique du quartier et une lecture événementielle permettent de discerner l’émergence de cette utopie urbaine. Le profil des habitants a commencé à se transformer lors de la Deuxième Guerre mondiale. Des soldats y sont venus pour avoir des relations homosexuelles et la plupart sont restés après avoir été démobilisés pour cette raison. Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, des individus qui cherchent un espace plus libre font partie de cette vague d’immigration et la vie « underground », cachée, des homosexuels tente de subsister malgré tous les obstacles.

Le processus de transformation de la structure urbaine du quartier qui commence avec la Deuxième Guerre mondiale est décisif. Au-delà de l’histoire officielle des guides de San Francisco ou des travaux universitaires concernant l’histoire ou la construction urbaine de la ville, il est possible d’accorder de l’importance aux travaux de A. Bérubé, « un historien de communauté » qui « croyait passionnément au pouvoir de l’histoire de changer la façon dont les individus et même des groupes entiers de personnes se comprennent eux-mêmes et comprennent leur place dans la société » (Bérubé, 2011). L’historien se fonde sur des histoires orales, des correspondances et d’autres types de récits. Il donne à voir les gens dits « ordinaires » plutôt que les personnages puissants, fameux ou riches de « la Nouvelle Histoire des années 1960 et 1970 » (2011 : 5).

Cette approche de l’histoire ethnographique de Castro expliquerait mieux la structure du quartier. Il ne s’agit pas d’une résistance gay et lesbienne qui aurait soudainement émergé sur cet emplacement et qui engagerait ces individus contre les anciens habitants du quartier, mais d’un refus de la part d’anciens habitants des identités gays et lesbiennes. Dans le documentaire de Peter L. Stein, The Castro (1997), dans lequel A. Bérubé parle aussi de l’histoire du quartier, de la stigmatisation des homosexuels par les anciens habitants dès les années 1920, Dorrwin Buck Jones, l’activiste des droits des homosexuels, déclare : « nous n’étions pas seulement dans les placards, nous étions sous les pierres », « vous étiez comme une non-personne malgré toutes vos qualités ».

Au commencement de la Deuxième Guerre mondiale, la visibilité des homosexuels a émergé (2011 : 8). Après Pearl Harbor, l’armée américaine, qui était dans le déni de l’homosexualité depuis toujours, a eu besoin d’incorporer les homosexuels, en les intégrant toutefois dans ses normes institutionnelles hétérosexuelles. D’une manière ou d’une autre, l’expression publique affirmait que l’armée des États-Unis n’avait que « du dégoût et du mépris total » pour les homosexuels (Boone, 1941 :119). Cette place – laissée involontairement et qui restait toujours illégale – a introduit une dichotomie temporelle au sein de Castro : le jour appartenait aux familles des classes moyennes irlandaises, alors que la nuit, les homosexuels se retrouvaient secrètement dans les bars qui leurs proposaient des ambiances « amicales ».

L’attitude fermée du quartier s’est de nouveau accentuée après la guerre malgré une identité homosexuelle qui devenait un peu plus visible dans l’espace public. Stuart Loomis, un ancien habitant homosexuel de Castro, raconte que la guerre terminée, rien n’était gagné. Le bar St Francis considéré « gay » a changé sa politique de gestion. Les employés utilisaient plusieurs procédés pour montrer que certaines personnes n’étaient plus acceptées : d’abord, le service est devenu excessivement lent, ensuite, ils ont fini par mettre de petites cartes à côté de votre verre qui disaient « la direction n’appréciera plus votre clientèle ». « En quelques semaines, le bar n’était plus un “gay bar” ».

Lors des années 1950, le quartier n’était pas “homosexuel”. Quand Dorrwin B. Jones reprend la parole dans le même documentaire, il met l’accent sur les conséquences socio-économiques des arrestations policières. Il explique comment la police réalise ces opérations dans les bars identifiés comme « gay friendly » en collaboration avec la presse qui affiche le lendemain les noms et les professions des individus arrêtés pour homosexualité afin qu’ils ne passent pas seulement une nuit en prison, mais qu’ils perdent leur statut dans la société, y compris leur travail.

Comme le dit Allan Bérubé, ces années d’oppression n’ont pas conduit les habitants gays et lesbiens à « rester dans leurs placards ». Bien au contraire, ils sont devenus plus visibles que jamais. Grâce à l’ambiance libérale et de protestation créée par le mouvement de la Beat Generation, les nouveaux habitants de Castro osaient faire leur « coming out », un par un.

Naissance d’une « counter-community » 

Ces nouveaux habitants ont trouvé un soutien conséquent dans la « Beat Culture » qui critiquait les valeurs de la classe moyenne et favorisait la culture gay à San Francisco. Lorsqu’ils sont sortis de leurs « placards », grâce à l’ambiance relativement libre pour les homosexuels au moment de la Deuxième Guerre mondiale, le changement a commencé dans la « communauté » de Castro.

Ici, le terme « communauté » doit être pris dans le sens de « community » dans le contexte anglo-saxon, qui, au-delà d’un « ensemble de personnes vivant en collectivité ou formant une association d’ordre politique, économique ou culturel » (CNRTL), consiste en « des concepts liés à des croyances, des propositions et des théories sur le monde, des valeurs et des prescriptions sur des stratégies acceptables et appropriées pour réaliser ces valeurs » (Frazer, 1999 :7).

Cette définition relie la communauté à une utopie susceptible d’être « réalisée ou réalisable » (Foucault, 1966). Mannheim souligne la relativité de la convergence entre les deux termes : si l’utopie est un état potentiellement réalisable, dans un monde construit par « l’action de l’homme », ce qui conditionne sa réalisation sera l’« ordre social déterminé, celui qui domine actuellement » (1936 : 173).

Vivre ensemble dans un même emplacement conduit les individus à établir des relations. Cette « identité chronotopique », celle qui se crée par « des rapports spatio-temporels » (Bakhtine, 1978 : 237), a tendance à exclure la masculinité hétérosexuelle et ses représentations :

Les communautés sont essentiellement des organisations de ménagères, des unités résidentielles telles que des quartiers urbains, des villages, des hameaux, des complexes ou des groupes de tentes. Il est difficile d’imaginer des communautés sans femmes et sans enfants, bien qu’on puisse imaginer des communautés presque sans hommes (Elias et Scotson, 1994 : 148).

Ainsi, la communauté utopique LGBTQ+ de Castro n’a pas seulement été formée autour d’une identité sexuelle, mais aussi par « l’ordre social déterminé, celui qui domine » à l’époque. Elle est la réponse à une exclusion urbaine qui augmentait systématiquement sa puissance. Afin de comprendre les enjeux dans la construction de cette communauté, il est utile de s’interroger sur « la logique de l’exclusion » comme le propose le titre de l’ouvrage de Norbert Elias et John L. Scotson, The Established and the Outsiders: A Sociological Enquiry into Community Problems (1994). Dans ce travail de terrain réalisé dans un petit village d’Angleterre, N Elias et J. L. Scotson mettent en discussion la question de l’exclusion des nouveaux venus par les anciens habitants. En utilisant leur terminologie, l’identité familiale-irlandaise des anciens habitants qui domine à Eureka Valley revendique, elle aussi, son « ancienneté » (Elias et Scotson, 1994 :3). Pour ce modèle de « communauté », « l’ancienneté » présuppose une « supériorité de statut » sur les nouveaux et cette hiérarchie créée est soutenue et « protégée » par l’imaginaire des membres (Elias et Scotson, 1994 : 23).

Dans cet imaginaire, plusieurs productions discursives s’additionnent afin de composer une histoire commune, propre à la communauté des « anciens ». Cette histoire partagée des communautés urbaines qui se transmet en général d’une manière orale, comporte autant d’exemples que de rumeurs « qui montreront les nouveaux venus sous un mauvais jour » (Elias et Scotson, 1994 : 149) ainsi que d’autres techniques de marginalisation des nouveaux. N. Elias et J.L. Scotson parviennent à cette conclusion à partir des « rumeurs de rejet »(Elias et Scotson, 1994 : 152) des anciens de ce village, Winston Parva, et tout ce qui se passait à Castro dans la période d’après-guerre le confirme. Selon les témoignages d’anciens habitants, le conflit entre les anciens et les nouveaux (entre les hétérosexuels et les homosexuels) a eu des conséquences violentes.

Aux États-Unis, la notion de « community », au sens urbain, permet de montrer qu’aujourd’hui cette unité sociale est structurée autant par la tradition religieuse que par les relations ethniques et communales qui ont pour but de « relier les individus à la société dans son ensemble et donner un sens et une identité à l’expérience individuelle et collective » (Gannon, 1978 : 283). Il n’est pas aisé de définir la « community » puisque l’apport historique et l’acception contemporaine du terme ont autant de points de convergence que de différences. Cependant, il est possible de mieux la cerner. Tout d’abord, il faut « un lieu, une mise en dispositif » pour concrétiser cet imaginaire. Ce lieu, utopique, doit être soutenu par « des idées et des attentes communes » avec la nécessité de disposer d’« un réseau agrégé par des relations sociales et des allégeances ». De surcroit, un « cadre collectif » animera cette utopie avec les mythes créés, recréés qui circulent (Keller, 2003 : 9-10). La forte tradition religieuse suggérait que « la racine de la “community” reposait sur l’émancipation des êtres humains sur terre, sur les liens du sang et du lieu » (6) réunis par des aspirations universelles.

Bien que Castro, lieu réel et utopique, voire hétérotopique (Foucault, 1966), soit conforme à ce dispositif urbain, cette structure religieuse ne s’est pas complètement effacée pendant les années 1960 et même encore aujourd’hui.

En 1964, les ministres libéraux des confessions épiscopales, méthodistes, luthériennes et de l’Église unie du Christ ont constitué une organisation, le Conseil sur la religion et l’homosexualité (CRH), avec des lesbiennes et des gays des « Filles de Bilitis », « Mattachine Society », « Tavern Guild » et « Society for Individual Rights ». Ce conseil, qui aurait pu être considéré comme une tentative d’adaptation à l’ancienne communauté via les valeurs communes religieuses, a été attaqué par la police et des anciens habitants pendant le bal du Nouvel An qu’il avait organisé pour une collecte de fonds. Lors de cet événement, de type mardi gras, plusieurs personnes habillées en travestis ont été arrêtées (The Castro, 1997).

Le choix de la nouvelle communauté – tenter de s’adapter à l’ancienne communauté religieuse – était le produit d’une stratégie astucieuse, car la « community » au sens chrétien propose une « identité horizontale » (Penelope, 1992) « constitutive de l’identité collective » sans exiger que les gens renoncent à d’autres identités individuelles ou collectives (Gannon, 1978 : 283). Pour autant, la supériorité supposée de « l’ancienneté » était bien plus forte que cette identité nouvelle qui tentait de rapprocher les deux groupes. Pendant les années 1960 et 1970, plusieurs incendies, « d’origine inconnue » d’églises de Metropolitan Community Church (MCC)3 ont eu lieu, dont celui qui a détruit le bâtiment du Conseil, rue Guerrero (Figure 2).

Figure 2 : Plan touristique actuel de Castro.

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Crédit : PerryPlanet et les créateurs de la carte Wikivoyage (Jpatokal et NJR ZA), CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons.

Ces techniques d’exclusion qui ont soudé la communauté LGBTQ+ selon A. Bérubé, ont été, pour les exclus, une « incitation supplémentaire » (Elias et Scotson, 1994) et « peut-être une incitation majeure à se mal conduire » (Hoggett, 1997 : 5). La communauté LGBTQ+ de Castro, en ce sens-là, est une utopie qui résiste à l’exclusion et peut-être à une tendance commune « vers le mal ». Cet espace créé ne perd pas ses liens avec une utopie religieuse partagée qui s’affirme comme un bon collectif, opposé à ce mal supposé chez les exclus. La « communauté » utopique est celle d’un état de « paix » qui est « en réalité basé sur une situation de guerre » (Tonnies et Loomis, 1980). Selon la notion de « communauté » de F. Tönnies, l’hostilité parmi les membres de ce type de groupe fermé est atténuée par « la peur de représailles intelligentes qui les empêche de s’attaquer les uns les autres » (1980). Le « bon voisinage » ne consiste pas seulement en une série de relations qui ont pour but de se réunir pour un monde désiré, mais aussi contre un monde non désiré. Ces relations ne sont pas seulement celles qui se maintiennent entre les individus, mais qui attachent ces individus à leur lieu, à leur histoire, à une mémoire et des valeurs partagées.

Mythes et utopies : invention d’une histoire partagée

L’utopie pratiquée et l’identité de la communauté proposées à Castro relèvent de la conflictualité entre l’imaginaire et le réel. En effet, la relation entre l’utopie et le domaine du réel est depuis longtemps une question cruciale et abordée du point de vue d’un discours ou d’un récit constructeur de l’identité collective (Ricœur, 1984). Ce récit est la production de l’imaginaire d’une communauté par rapport à la réalité du vécu.

Pour Ricœur, l’utopie n’est pas séparable du politique. Dans plusieurs écrits (Ricœur,1984 ; Ricœur, 1997), il s’interroge sur les enjeux de domination et de pouvoir à partir de trois aspects principaux : une société alternative, comme une manière de penser autrement, une mise en question du pouvoir – donc un écart entre l’imaginaire et le réel qui constitue une menace pour la stabilité et la permanence de l’ordre, enfin, l’établissement d’une logique folle du tout ou rien au profit de schémas perfectionnistes irréalisables. En accord avec Mannheim (1936 : 173), il propose un angle assez pessimiste qui prévoit l’impossibilité de la réalisation d’une utopie. Pourtant, il s’agit d’un pessimisme qui mène à dévoiler les pratiques et la symbolique de l’espace sur lequel les individus tentent de « proposer une société alternative » selon leurs désirs qui ne sont pas toujours similaires, mais partagés sur un fond commun. Si ces sociétés désirées sont des « manières de penser autrement », la production de mythes serait la technique ou « la méthode » (Bastide, 1960 :5) de cette pensée alternative. Castro est un terrain qu’on pourrait appréhender à la fois par le visuel et le discursif. Ainsi, nous pouvons relever certains éléments d’une mythologie locale.

Héros : Harvey Milk et George Mascone 

Né en 1930 à New York dans une famille de classe moyenne d’origine lituanienne juive, Harvey Milk savait qu’il était gay depuis son plus jeune âge. Son parcours à Castro a commencé, fin 1972, dans un petit magasin d’appareils photo, au cœur de la communauté gay pendant l’expansion de la ville. Milk est devenu une figure connue et bien appréciée dans le quartier, grâce à sa personnalité sympathique et son humour. Un peu plus d’un an après son arrivée dans la ville, il a posé sa candidature au conseil des superviseurs de San Francisco, sachant qu’il perdrait les élections, mais gagnerait localement en réputation. Après que certains commerçants de la région eurent tenté d’empêcher deux homosexuels d’ouvrir un magasin, il a fondé la Castro Village Association, une base de pouvoir efficace pour les commerçants gays et un modèle pour les autres communautés LGBT aux États-Unis, avec quelques autres propriétaires de commerces. Il en a été le président. Dans sa vie politique, il s’est confronté à plusieurs obstacles, y compris plusieurs défaites électorales, mais il est devenu le principal porte-parole politique de la communauté gay dynamique de Castro. En 1975, son ami proche et allié, le Maire George Moscone, l’a nommé au Conseil d’appel des permis de la ville et Milk a été le premier commissaire municipal ouvertement gay aux États-Unis. Le 9 janvier 1978, il a été nommé Superviseur de la ville et du comté de San Francisco. Son élection a fait les manchettes nationales et internationales. Toutefois, c’est sa mort qui en a fait une figure iconique.

Le 27 novembre 1978, le maire George Mascone et Harvey Milk ont été assassinés par l’ancien superviseur Dan White qui sera reconnu coupable d’homicide volontaire et non pas de meurtre au premier degré. Le procès de White a causé les « émeutes de la nuit blanche », les émeutes de la communauté à San Francisco.

Le héros iconique est le résultat d’une « valorisation positive quasi-inconditionnelle » (Amossy, 1991 :101), il constitue un symbole du courage et du sacrifice pour la communauté avec le statut de « martyr » (De Mijolla-Mellor, 2010). Par ailleurs, il peut être conçu comme le lien indispensable entre l’utopie et l’idéologie, « un processus de pensée qui reçoit son impulsion non pas de la force directe de la réalité sociale, mais de concepts tels que symboles, fictions, rêves, idées qui sont, au sens le plus compréhensif du terme, non existants » (Bastide, 1960 :1) selon Mannheim.

Monstres : la police, Anita et le sida

Dan White, l’assassin, n’est pas la seule figure monstrueuse de Castro. Avant et après l’assassinat de Milk, les policiers ont joué un rôle décisif dans la croissance de la tension parmi les membres de la communauté à cause de leurs représailles et de leur attitude profondément « anti-gay ». Au cours des protestations qui ont suivi le meurtre de Milk, les policiers ont couvert leurs badges avec du ruban noir empêchant toute identification et ont procédé à des attaques contre les « émeutiers ». Pendant les émeutes de la nuit blanche, la police a vandalisé le bar l’Elephant Walk (Figure 2), a blessé et insulté ses occupants. Pendant ce temps, d’autres policiers attaquaient indistinctement des gays dans la rue. L’incident a duré près de deux heures. Ce genre de représailles a continué tout au long des années 1980.  

À la fin des années 1970, ce quartier utopique avait été « découvert » par d’autres États plus conservateurs qui ont commencé à mener une campagne contre le style de vie régnant à Castro. Parmi ces anti-Castro, on retrouve la chanteuse américaine et militante du mouvement conservateur « anti gay » des années 1970, Anita Jane Bryant. En 1977, le comté de Dade en Floride promulgua une ordonnance interdisant toute discrimination fondée sur des critères d’orientation sexuelle. En raison de son éducation baptiste fondamentaliste, elle réagit en lançant une campagne très médiatisée, à travers son organisation politique Save Our Children (Sauvons Nos Enfants), pour tenter de faire abroger cette ordonnance avec pour slogan : « Tuer un homosexuel pour l’amour du Christ ». Elle déclare publiquement : « Si l’homosexualité était la voie normale, Dieu aurait créé Adam et Bruce ». En 1978, David Allan Coe lance une chanson, « Fuck Anita Bryant », qui dénonce ses préjugés homophobes. Ses succès politiques galvanisent ses opposants. Elle est « entartée », et les activistes gays soutenus notamment par Barbra Streisand, Bette Midler, Paul Williams, et Jane Fonda organisent un boycott du jus d’orange de Floride dont elle faisait la publicité. Son mouvement s’essouffle dans les années 1980.

En 1979, 10 % de la population homosexuelle masculine de Castro était déjà infectée par le VIH sans le savoir. Deux ans plus tard, au moment où l’épidémie est officiellement découverte par le Center for Disease Control and Prevention d’Atlanta, leur proportion atteignit les 20 %. Lorsqu’arrivent enfin les premiers tests de dépistage, la moitié des gays étaieett porteurs du virus. Cette épidémie, vers la fin des années 1980, a accru la coopération et la solidarité dans la communauté. Ainsi, Castro a redonné ses lettres de noblesse à la notion de « communauté », en montrant que celle-ci n’était pas forcément synonyme de repli sur soi, mais qu’elle pouvait être au contraire un espace de solidarité exemplaire dans un monde de plus en plus gagné par l’individualisme. Aujourd’hui, les associations et le système municipal protègent cet emplacement utopique et encouragent la culture du quartier, la condition et les droits de la communauté LGBTQ+ et des immigrés.

Olympe : cinéma, bar et église

Le quartier d’Eureka Valley commence à être appelé par le nom de son cinéma : Castro (Figure 2). Ce cinéma a été construit en 1922 par des pionniers du théâtre de San Francisco, les frères Nasser. C’est l’un des rares palais de cinéma des années 1920 encore en activité dans le pays. L’auditorium peut accueillir plus de 1 400 personnes dans un décor fantaisiste à la fois somptueux et intime. De 1922 à 1976, le Castro a présenté des films grand public en première et en deuxième diffusion. En 1976, le théâtre a été loué au Surf Theatre et plus tard au Blumenfeld Theatre. Aujourd’hui, c’est un cinéma d’art et essai, proposant des films étrangers, des festivals et des présentations spéciales de première diffusion.

Ouvert en 1908, le Dash (Figure 2) a été le premier bar gay « notoire » de San Francisco. La ville a eu des bars gays avant lui, mais aucun n’était aussi visible. Il a été fermé par la brigade des mœurs peu après son ouverture, de même que le célèbre Barbary Coast (Figure 2). L’artiste Sadie Barnette a créé le New Eagle Creek Saloon, une reconstitution du bar gay que son père avait dirigé à San Francisco de 1990 à 1993, le premier bar gay de San Francisco appartenant à des Noirs. Il s’agissait pour lui « d’honorer la lignée queer en tant que geste artistique ».

En 1970, le pasteur Troy Perry et ses amis ont décidé de créer une église à San Francisco.

Pendant un certain temps, ils se sont rencontrés dans un immeuble de Guerrero Street (Figure 2), un bâtiment qui a mystérieusement brûlé ; beaucoup soupçonnaient qu’il s’agissait d’une « église gay » qui n’était pas la bienvenue dans le quartier. En 1980, la congrégation nomade comptait 100 membres, et a finalement pu trouver un domicile permanent au 150 de la rue Eureka (Figure 3).

Figure 3 : Graffiti sur le mur du restaurant Kasa Indian, (18th street), lors de la célébration de la fierté́ en 2019.

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Crédit : Idil Basural.

Le carnaval : déguisement, drag-queens

Le premier événement ressemblant à la célébration de la « fierté » de San Francisco a eu lieu en 1970, avec un défilé dans la rue Polk et un rassemblement dans le parc du Golden Gate. Depuis 1972, l’événement a lieu chaque année. La parade Castro (Castro Street Fair) est organisée le premier dimanche d’octobre par la communauté LGBTQ+ de San Francisco dans le quartier gay du Castro. Le drapeau arc-en-ciel identifié à la communauté LGBTQ+ a été créé à l’origine par Gilbert Baker pour le défilé de la « fierté » de San Francisco en 1978. En 1982 sont organisés les premiers jeux gays. Ils attirent plus de 1 350 athlètes de 10 pays.

Le nomos : mariage 

En 2004, les premières licences de mariage pour les couples de même sexe sont délivrées. Les San Franciscains de longue date, Del Martin et Phyllis Lyon (co-fondateurs des Filles de Bilitis) deviennent le premier couple de même sexe à se marier légalement aux États-Unis.

Polis : une « forêt de symboles »

Aujourd’hui, dans le quartier, apparaissent des signes détournés du monde extérieur. Le slogan de la campagne présidentielle de Donald Trump, « Make America great again ! » (« Rendre l’Amérique à nouveau grande ») s’est transformé en « Make America gay again ! » (« Rendre l’Amérique à nouveau gay ») sur une casquette au-dessus d’un « pénis-piñata » dans la vitrine d’une boutique locale (Figure 4).

Figure 4.

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Crédit : Idil Basural.

La fameuse série américaine Sex and the City est devenue une parodie jouée par des drag queens (Figure 5).

Figure 5.

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Crédit : Idil Basural.

Sur Castro Street, plusieurs muraux proposent des figures et des représentations utopiques, tels que Divine, le personnage iconique de drag queen créé par Harris Glenn Milstead et popularisé par le réalisateur John Waters (Figure 6).

Figure 6.

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Crédit : Idil Basural.

Parmi tous ces symboles, l’un veut signaler un espace « protégé ». Le triangle rose qui représente aujourd’hui les identités LGBTQ+ est marqué par l’histoire. Il a été utilisé par l’Allemagne nazie afin de stigmatiser les homosexuels, les bisexuels ou les transgenres dans les camps de concentration.

Dans les années 1970, il a été repris comme symbole de protestation contre l’homophobie et pour le mouvement des droits LGBTQ+. Dans les universités nord-américaines des années 1990, ce triangle indiquait les « safe space » (les espaces protégés) (Roestone Collective, 2014) pour les étudiants LGBTQ+ qui étaient encore victimes « des taux élevés et disproportionnés de violences, de suicides, d’échec scolaire, et plus généralement de marginalisation » (Fox et Ore, 2010 : 630).

De nos jours, sur la colline nord de Twin Peaks face au quartier de Castro, un triangle géant composé de dizaines de morceaux de toile rose est installé pendant le week-end de la San Francisco Pride chaque année. Il commémore les victimes homosexuelles des camps de concentration et célèbre la communauté (Figure 7).

Figure 7 : Des participants de la commémoration portant le triangle rose en 2009.

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Crédit : The Friends of The Pink Triangle, licence CC-BY-NC-ND.

Dispositif urbain – Espace protégé, espace pénétré

Parlant des utopies réalisées, Michel Foucault estime tout d’abord que l’espace sur lequel on vit est « quadrillé, découpé, bariolé ». Cet espace est en même temps bien catégorisé en termes d’usage : « des marches d’escalier, des creux, des bosses, des régions dures et d’autres friables, pénétrables, poreuses », « les régions de passage (les rues, les trains, les métros) », « les régions ouvertes de la halte transitoire (les cafés, les cinémas, les plages, les hôtels) », et « les régions fermées du repos et du chez-soi. » (Foucault, 1966 : 1238-1239).

Dans cette catégorisation stricte de l’espace, Michel Foucault affirme la présence d’espaces « absolument différents », d’espaces qui s’opposent à son extérieur, qui les contestent par son existence, des sortes de « contre-espaces », d’utopies réalisées, dans sa terminologie, « les hétérotopies » (1966).

Ces « autres » espaces existent sur toute « la surface du globe ou dans toute l’histoire du monde » sous « des formes extraordinairement variées » (Foucault,1966 :1239-1240), mais ils peuvent apparaître ou disparaître au cours de l’histoire (1240), ils ont donc une forte liaison avec des « hétérochronies », « des découpages singuliers du temps » et ils possèdent une importante capacité d’accueillir « en un lieu réel plusieurs espaces qui, normalement, seraient, devraient être incompatibles » (Foucault, 1966 : 1241). Chacun de ces principes est illustré par divers exemples donnés par Foucault, le cimetière, le théâtre, le navire, etc. Les deux derniers principes permettent de penser Castro en tant qu’utopie urbaine réalisée. C’est bien la relation extérieur-intérieur de l’espace qui permet non seulement d’entrer, voire de « pénétrer » dans cet espace, mais également de conditionner les dynamiques intérieures établies entre les individus. Par son histoire et la structure actuelle du quartier, Castro apparaît comme un dispositif urbain singulier proposant un espace relativement sécurisé, mais ouvert pour l’identité d’un ensemble spécifique, ce qui évoque la question du « safe-space » valorisée notamment par les études anglophones de genre (Le Blanc, 2019). Cette conception d’espace construit contre l’exclusion vise à encourager la communauté LGBTQ+ en « facilitant un sentiment de sécurité et en recréant des discours d’inclusion et de diversité » (Hartal, 2017 : 1056).

Deux principes de « safe space » suggérés par G. Hartal, « la “fortification” de l’espace queer » (Le Blanc, 2019 :42) afin de sécuriser l’espace et « la création d’un espace inclusif » s’accordent aux deux conditions foucaldiennes de l’espace utopique, le principe de l’entrée contrôlée et celui de la relation illusoire avec l’extérieur. La « fortification » de Hartal évoque les zones utopiques protégées, autrement dit, des espaces urbains proposant « un système d’ouverture-fermeture qui les isole par rapport à l’espace environnant » :

En général, on n’entre pas dans une hétérotopie comme dans un moulin. Ou bien l’on y entre parce qu’on y est contraint (les prisons, évidemment), ou bien lorsque l’on est soumis à des rites, à une purification (Foucault, 1966 :1245).

Dans le cas de Castro, les conditions d’immigration ont une fonction comparable. Pour un individu LGBTQ+, ressortissant étranger, notamment pour les citoyens de pays non européens, immigrer à Castro n’est pas un processus simple ou abordable économiquement. Aujourd’hui, plusieurs font face à des difficultés considérables pour quitter leur pays et se rendre à Castro, connu internationalement en tant que refuge pour cette communauté.

Aussi, le LGBT Asylum Project a été créé comme un organisme à but « non lucratif qui se consacre exclusivement à la représentation juridique accessible aux demandeurs d’asile LGBT qui fuient la persécution en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre et/ou de leur séropositivité4 ». Le site du projet rappelle les situations graves auxquelles les candidats à l’immigration font face : « nos clients arrivent aux États-Unis avec d’horribles antécédents d’emprisonnement, de lésions corporelles, de torture et de traumatismes psychologiques. Ces atrocités leur sont infligées par leurs propres gouvernements, leurs compatriotes et, pire que tout, leurs amis et leurs familles. »

Cet accent mis sur la séparation « imaginaire » entre l’extérieur et l’intérieur de l’utopie de Castro pourrait se formuler selon le dernier principe proposé par M. Foucault :

[…] Elles ont, par rapport à l’espace restant, une fonction. Celle-ci se déploie entre deux pôles extrêmes. Ou bien elles ont pour rôle de créer un espace d’illusion qui dénonce comme plus illusoire encore tout l’espace réel, tous les emplacements à l’intérieur desquels la vie humaine est cloisonnée (1966 :1246).

Il s’agit d’une « création d’un espace inclusif » par le biais de toutes les productions du mythe de Castro. Il y a une promesse faite à la communauté LGBTQ+ qui suppose que le quartier propose un espace idéal, un « safe space », un lieu utopique sur lequel l’exclusion des identités sexuelles diverses n’existe pas.

« Le Projet d’asile LGBT ne fait aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, la croyance, l’âge, le sexe, l’origine nationale, l’ascendance, le handicap, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, les caractéristiques génétiques, la religion, l’état matrimonial, le statut de partenaire domestique, le statut de personne à charge, le statut de vétéran de l’ère du Vietnam ou de vétéran handicapé, ou tout autre caractéristique légalement protégée » formule cette promesse. Pourtant, la réalité de cet espace utopique semble être discutable et ne pas tenir compte des possibles oppositions de la part des habitants. Que disent les habitants actuels du quartier à propos de cette illusion d’une hiérarchie sociale remise en cause par le mythe de Castro ?

Échanges

Le profil actuel des habitants LGBTQ+ de Castro présente des statuts sociaux et économiques assez diversifiés. Il s’agit d’une population multiculturelle, internationale.

Pendant la San Francisco Pride en 2019, j’ai interrogé quelques personnes choisies au hasard, mais de différentes identités ethniques et sexuelles, dans le bar Lark.

Lark est un bar fréquenté par la partie jeune de la communauté. Au milieu de la 18e Avenue (18th Street), il est propice à toute activité nocturne. C.A., le jeune barman, a facilité mon accès aux gens interrogés. Ils sont dans des situations précaires.

Ces échanges ne relèvent pas d’une démarche scientifique. Il ne s’agit ni d’interviews ni d’enquête au sens de la sociologie. Ainsi, ces échanges ne sont qu’« un événement communicatif » (Briggs : 4), simplement des échanges lancés par des « causettes (small talk) », dans une « ambiance amicale » (ibid. : 28).

Mon questionnement portait principalement sur la réalité de cet espace utopique, sur la hiérarchie qui semble être absente et sur le système d’« ouverture-fermeture ». Mes questions étaient les suivantes : « Comment êtes-vous venu à Castro ? », « pourquoi Castro et pas un autre lieu ? », « avez-vous obtenu une aide de la part des associations lors du processus d’immigration ? », « comment définissez-vous la vie de « communauté » (community life) à Castro ? » et « pensez-vous qu’il y ait une hiérarchie sociale, culturelle ou économique entre les identités ethniques ou de genre dans la communauté ? »

Les réponses ont exprimé des points de vue bien différents.

L’idée d’une hiérarchie qui semble disparue dans les frontières de Castro donne à voir les dimensions de ce mythe aux yeux des habitants.

P.S., un nouvel habitant de Castro depuis huit mois, qui se présente comme gay, d’origine brésilienne, s’oppose à l’existence supposée d’une hiérarchie dans la communauté LGBTQ+ :

J’ai choisi de travailler à Castro parce que les gens sont très accueillants, quel que soit leur sexe, leur orientation sexuelle ou leur nationalité... Castro est très diversifié, on peut y voir travailler des trans, des homosexuels, des hétéros, des latinos, entre autres. Je ne remarque aucune hiérarchie sociale.

Il parle aussi de l’avantage d’être latino à propos des organisations qui accompagnent les candidats à l’immigration lors du processus de demande d’asile :

Cette organisation à but non lucratif aide les latinos en général, et elle aide beaucoup de demandeurs d’asile homosexuels.

C.A, un gay turc, employé de ce bar, immigré à Castro en 2014, confirme le soutien proposé par les associations, notamment par le LGBT Asylum Project (Projet d’asile LGBT) en disant qu’il a obtenu son titre de séjour en deux ans grâce à ce projet qui lui a permis de solliciter un avocat qu’il n’était pas en mesure de payer. Par contre, il contredit P.S. à propos de la hiérarchie dans la communauté :

Même si l’on dit que tout le monde est égal, il existe une hiérarchie évidente entre les personnes de sexe et d’origine ethnique différentes. Il est communément admis que les Blancs ou les Caucasiens en général sont au sommet de la pyramide à bien des égards. Les gays blancs ou caucasiens sont probablement les plus privilégiés. Il est plus difficile, par exemple, pour les transgenres de trouver un logement ou un emploi que pour un homosexuel de « race » blanche.  Les gays qui ont un « look » d’hétérosexuel sont plus attirants que les gays féminins. Les gays hispaniques sont une grande communauté ici. Maintenant donc ils continuent à parler leur langue, ils ont des soirées latinos dans les bars, ils ont une communauté à eux [sic].

J.D., personne venue d’Allemagne, se présente comme « queer » et met l’accent sur l’effet économique de cette hiérarchie :

Quand les gens n’arrivent pas à vous identifier, notamment face à l’identité queer, la discrimination devient très forte. Il y a toujours partout dans le monde, et même à San Francisco, plusieurs employeurs qui n’embauchent pas les personnes de mon identité de genre. Nous sommes souvent obligés de rester dans les secteurs associés à la communauté, le secteur du divertissement, du sexe, des loisirs…

Malgré ces réserves, Castro est d’une importance cruciale pour toutes les personnes LGBTQ+ dans le monde.

Pendant sa vie en Turquie, C.A. n’a pas eu de difficultés qui auraient causé des conséquences physiques ou légales. Mais il est conscient que son expérience ne représente pas toute la réalité :

Être gay en Turquie n’est pas interdit par la loi, mais la société ne vous accepte pas et ne vous aime pas. C’est difficile de trouver un travail, c’est difficile d’avoir un environnement social. Ta vie peut être en danger parce que certaines personnes te détestent parce que tu es gay. Les gens se font battre ou tuer en Turquie à cause de leur identité sexuelle. Venir à Castro a changé ma vie, j’ai une vie plus humaine.

Conclusion : Castro entre l’utopie et le réel

L’opposition entre l’utopie et le réel vient de la tradition de la sociologie et de la science politique qui étudient souvent l’idéologie comme une pensée qui se manifeste dans l’espace pratique, en excluant l’utopie (Ricœur, 1986 : 9). De nos jours, notamment en raison de l’existence des évènements d’occupation, l’utopie pourrait, dans certaines conditions, se réaliser sur un lieu réel et s’adapter au réel.

Le quartier de Castro, en tant que quartier, conduit à une idée de l’utopie d’une communauté spécifique. Étudier cette communauté LGBTQ+ selon plusieurs approches – d’abord dans le contexte historique du quartier, puis dans le conflit entre les anciens habitants et les nouveaux – montre que ces derniers s’orientent vers une sorte de solidarité et que l’histoire mythique qu’ils ont créée leur permet de se révendiquer comme les vrais propriétaires de ce quartier et de sa nouvelle identité.

Les mythes de la communauté LGBTQ+ fondent l’imaginaire de cette utopie. Cet imaginaire est primordial pour que l’utopie devienne une réalité, c’est « un rêve de “refuge” qui se donne imaginairement à travers différents objets (îles, villes, communautés) » (Pessin, 2001). Ces objets racontent un récit composé de la mémoire commune, celle des évènements (les carnavals, les assassinats, le SIDA, le mariage, etc.) et celle des objets urbains (le cinéma, le bar, le club, les murs etc.).

L’imaginaire utopique du quartier Castro est fondé sur un dispositif urbain dont « le principe d’ouverture-fermeture » est conditionné par la loi et les agents juridiques. Malgré l’imaginaire utopique qui suggère une communauté LGBTQ+ ouverte à tout le monde, cette « utopie » exige que les nouveaux venus passent par un processus d’immigration, donc une réalité administrative. Avec ses conditions d’immigration et par sa relation à l’extérieur, l’utopie de Castro sort du domaine du rêve, de l’imagination, et négocie avec une réalité afin d’assurer son existence.

La dernière interrogation sur cette utopie est également liée à l’accessibilité du quartier. Si, comme l’affirme le discours mythique de la communauté, Castro accueille des habitants qui viennent de partout dans le monde, il n’est guère possible de parler d’une utopie égalitaire pour toutes les identités sexuelles ou ethniques.

Mes échanges avec quelques habitants pendant la Pride San Francisco de 2019 montrent que ces deux points peuvent être discutés. Leurs réflexions sur la négociation à propos des conditions d’accessibilité ont donné à voir ce qu’ils ont connu lors du processus d’immigration. Pour plusieurs immigrés, l’arrivée à Castro signifie l’émancipation. Dans cette communauté, certains affirment avoir trouvé un foyer « utopique » dans lequel la hiérarchie sociale ou économique n’existe plus. D’autres pensent que ce Castro utopique brise la hiérarchie extérieure, mais en impose une autre dans la communauté.

Malgré toutes les oppositions dans son histoire ou aujourd’hui, Castro constitue une utopie contemporaine qui se renforce par le conflit et qui promet toujours un refuge réel pour le rêve LGBTQ+.

1 Chanson associée à la lutte LGBTQ+.

2 Le boom des dot-com fait référence à la bulle d’investissement spéculatif qui s’est formée autour des sociétés Internet entre 

3 Fondées en 1968, les Églises communautaires métropolitaines (MCC) ont été à l’avant-garde des mouvements de défense des

4 https://www.lgbtasylumproject.org

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Notes

1 Chanson associée à la lutte LGBTQ+.

2 Le boom des dot-com fait référence à la bulle d’investissement spéculatif qui s’est formée autour des sociétés Internet entre 1995 et 2000.

3 Fondées en 1968, les Églises communautaires métropolitaines (MCC) ont été à l’avant-garde des mouvements de défense des droits civiques et des droits de l’homme.

4 https://www.lgbtasylumproject.org

Illustrations

Figure 1 : Plan des districts selon les             onze zones officielles de San Francisco.

Figure 1 : Plan des districts selon les onze zones officielles de San Francisco.

Crédit : Peter Fitzgerald, OpenStreetMap.

Figure 2 : Plan touristique actuel de               Castro.

Figure 2 : Plan touristique actuel de Castro.

Crédit : PerryPlanet et les créateurs de la carte Wikivoyage (Jpatokal et NJR ZA), CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons.

Figure 3 : Graffiti sur le mur du               restaurant Kasa Indian, (18th street), lors de la célébration de               la fierté́ en 2019.

Figure 3 : Graffiti sur le mur du restaurant Kasa Indian, (18th street), lors de la célébration de la fierté́ en 2019.

Crédit : Idil Basural.

Figure 4.

Figure 4.

Crédit : Idil Basural.

Figure 5.

Figure 5.

Crédit : Idil Basural.

Figure 6.

Figure 6.

Crédit : Idil Basural.

Figure 7 : Des participants de la               commémoration portant le triangle rose en 2009.

Figure 7 : Des participants de la commémoration portant le triangle rose en 2009.

Crédit : The Friends of The Pink Triangle, licence CC-BY-NC-ND.

Citer cet article

Référence électronique

Idil BASURAL, « Le quartier de Castro à San Francisco comme utopie contemporaine », K@iros [En ligne], 5 | 2021, mis en ligne le 05 juin 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=520

Auteur

Idil BASURAL

GRIPIC - EA 1498 / Celsa - Paris Sorbonne.

Droits d'auteur

Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)