Le consentement éclairé et l’accord des personnes accompagnées

DOI : 10.52497/revue-cmh.101

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Texte intégral

Le consentement est obligatoire et préalable à tout acte de soin, mais également à toute prise en charge d’une personne par un établissement ou service social ou médico-social : il est l’élément central de l’expression de volonté de la personne, consacrée par les lois de 2002 (loi n° 2002-2 du 2 janvier 2020 et loi n° 2002-303 du 4 mars 2002).

Si l’expression du consentement est relativement aisée pour les personnes jouissant de leur pleine capacité, à la condition d’avoir reçu une information adaptée et suffisante, il en va autrement pour les personnes en perte de capacité (I).

S’il est nécessaire pour les professionnels de pouvoir partager les informations relatives à une même personne prise en charge, ce partage doit obligatoirement associer la personne qui peut s’y opposer (II).

I. Consentement ou refus éclairés des personnes prises en charge

Le consentement éclairé est obligatoire et préalable à toute prise en charge sociale ou médico-sociale.

En application de l’article L. 311-3 du Code de l’action sociale et des familles, doivent être assurés à toute personne une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. À défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché.

Lorsque la personne bénéficie d’une mesure de protection, l’article 459 du Code civil, modifié par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, dispose que, hors les cas prévus à l’article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Lorsque l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, la décision du juge des contentieux de la protection peut prévoir qu’elle bénéficiera pour l’ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d’entre eux qu’il énumère, de l’assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut le cas échéant, après le prononcé d’une habilitation familiale ou l’ouverture d’une mesure de tutelle, autoriser la personne chargée de cette habilitation ou de cette mesure à représenter l’intéressé, y compris dans les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle. Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne protégée. En cas de danger, la personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l’égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l’intéressé. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s’il a été constitué.

En application des dispositions de l’article L. 311-5-1 du Code de l’action sociale et des familles, lors de toute prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico-social, il est proposé à toute personne majeure accueillie de désigner, si elle ne l’a pas déjà fait, une personne de confiance qui sera consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits. Lorsqu’une mesure de protection judiciaire a été ordonnée et, qu’aux termes du jugement, la personne chargée de la protection est autorisée à représenter ou assister le majeur pour les actes relatifs à sa personne en application du deuxième alinéa de l’article 459 du Code civil, la désignation de la personne de confiance doit être soumise à l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Lorsque la personne de confiance a été désignée antérieurement au prononcé de la mesure de protection judiciaire, le conseil de famille, le cas échéant, où le juge peut soit confirmer sa mission, soit la révoquer.

II. Le consentement éclairé dans le cadre du partage des informations entre professionnels

La loi du 4 mars 2002 a consacré, aux termes de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique, le droit pour toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement de santé, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico‑social, au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Alors que le partage des informations concernant la personne prise en charge était réservé par la loi du 4 mars 2002 aux seuls professionnels de santé, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 a étendu le partage des informations à l’ensemble des professionnels (professionnels de santé ou non professionnels de santé), mais impose des conditions strictes à ce partage (article L. 1110-4 II du Code de la santé publique) :

  • les professionnels qui partagent des informations concernant une personne, doivent tous participer à la prise en charge de cette personne et être identifiés ;
  • les informations partagées doivent être strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou au suivi médico-social et social.

L’article R. 1110-1 du Code de la santé publique (décret n° 2016-994 du 26 juillet 2016) prévoit que le partage des informations se fait dans la limite du périmètre des missions des professionnels.

L’article R. 1110-2 du Code de la santé publique a créé deux catégories de professionnels susceptibles d’échanger ou de partager des informations : les professionnels de santé, quel que soit leur mode d’exercice et les professionnels relevant des sous-catégories suivantes :

  • a) Assistants de service social ;
  • b) Ostéopathes, chiropracteurs, psychologues et psychothérapeutes, aides médico-psychologiques et accompagnants éducatifs et sociaux ;
  • c) Assistants maternels et assistants familiaux ;
  • d) Éducateurs et aides familiaux, personnels pédagogiques occasionnels des accueils collectifs de mineurs, permanents des lieux de vie ;
  • e) Particuliers accueillant des personnes âgées ou handicapées ;
  • f) Mandataires judiciaires à la protection des majeurs et délégués aux prestations familiales ;
  • g) Non-professionnels de santé salariés des établissements et services et lieux de vie et d’accueil, ou y exerçant à titre libéral en vertu d’une convention ;
  • h) Non-professionnels de santé mettant en œuvre la méthode prévue à l’article L. 113-3 du même code pour la prise en charge d’une personne âgée en perte d’autonomie ;
  • i) Non-professionnels de santé membres de l’équipe médico-sociale compétente pour l’instruction des demandes d’allocation personnalisée d’autonomie.

La loi du 26 janvier 2016 a en outre introduit dans le Code de la santé publique la définition de l’équipe de soins (article L. 1110-12 du Code de la santé publique).

L’équipe de soins est ainsi définie comme un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique ou thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement des douleurs ou de prévention de perte d’autonomie, ou enfin aux actes nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes. Ces professionnels exercent soit dans le même établissement de santé ou au sein du service de santé des armées, soit dans le même établissement ou service social ou médico-social, ou dans le cadre d’une structure de coopération, d’exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale dont la liste est fixée par l’article D. 1110-3-4 du Code de la santé publique.

La loi opère une distinction selon que le partage des informations a lieu dans l’équipe de soins ou hors équipe de soins.

Lorsque les professionnels appartiennent à la même équipe de soins, ils peuvent partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination, à la continuité des soins ou à son suivi médicosocial et social, et les informations concernant cette personne sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe. Par contre, l’article R. 1110-3 du Code de la santé publique précise que le professionnel relevant d’une des catégories de l’article R. 1110-2 susvisé, souhaitant échanger des informations relatives à une personne prise en charge avec un professionnel relevant de l’autre catégorie, doit avoir informé préalablement la personne concernée. Conformément à l’organisation retenue au sein de l’équipe, la personne concernée est préalablement informée d’une part, de la nature des informations devant faire l’objet de l’échange, d’autre part, soit de l’identité du professionnel membre de l’équipe de soins et de la catégorie dont il relève, soit de sa qualité au sein d’une structure précisément définie. L’information de la personne est réalisée à partir d’un document synthétique reprenant ces exigences, auquel est annexée la liste des différentes catégories de professionnels concernés (article R. 1110-3 du Code de la santé publique).

Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer cette personne peuvent dispenser le professionnel ou les personnes participant à sa prise en charge, de l’obligation d’information préalable. La personne concernée est toutefois informée, dès que son état de santé le permet, de l’échange ou du partage des informations auquel il a été procédé. Il en est fait mention dans le dossier médical.

Lorsque le partage des informations intervient entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, et si le partage de ces informations est nécessaire à la prise en charge de la personne, son consentement préalable doit être recueilli par tous moyens, y compris de façon dématérialisée dans des conditions définies par décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce consentement doit être précédé d’une information de la personne, attestée par la remise à celle-ci, par le professionnel qui a recueilli le consentement, d’un support écrit, éventuellement sous forme électronique, dans lequel sont mentionnées d’une part, les modalités effectives d’exercice de ses droits par la personne, et d’autre part, les modalités qui s’attachent aux traitements opérés sur l’information recueillie, en application de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; cette information comprendra notamment le droit d’opposition au traitement des données, le droit d’accès et le droit de rectification et de suppression. En outre, la personne, et le cas échéant son représentant légal, est dûment informée, en tenant compte de ses capacités, avant d’exprimer son consentement :

  • des catégories d’informations ayant vocation à être partagées,
  • des catégories de professionnels fondés à en connaître,
  • de la nature des supports utilisés pour les partager,
  • et des mesures prises pour préserver leur sécurité, notamment les restrictions d’accès.

Le consentement préalable de la personne ou de son représentant légal est recueilli par tous moyens, y compris de façon dématérialisée, après qu’elle ait reçu les informations susmentionnées (article D. 1110-3-1 du Code de la santé publique). Lorsque le consentement ne peut être recueilli, en cas d’impossibilité ou d’urgence, il est procédé au recueil du consentement lorsque la personne est de nouveau en capacité ou en situation de consentir au partage d’informations la concernant. Il en est fait mention dans le dossier médical de la personne.

Le consentement est valable tant qu’il n’a pas été retiré, par tous les moyens y compris de façon dématérialisée, et il est strictement limité à la durée de la prise en charge de la personne (article D. 1110 ‑3-3 du Code de la santé publique).

Dans tous les cas, la personne doit être dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant, et elle peut exercer ce droit à tout moment. Le non‑respect des dispositions légales et règlementaires encadrant le partage des informations est susceptible de recevoir une qualification pénale. L’article L. 1110-4 V du Code de la santé publique prévoit en effet que le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication d’informations concernant une personne prise en charge, en violation de ces dispositions, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Citer cet article

Référence électronique

Anne-Marie REGNOUX, « Le consentement éclairé et l’accord des personnes accompagnées », La Revue du Centre Michel de L'Hospital [En ligne], 20 | 2020, mis en ligne le 30 septembre 2021, consulté le 18 avril 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/revue-cmh/index.php?id=101

Auteur

Anne-Marie REGNOUX

Avocate au Barreau de Clermont-Ferrand, Diplôme d’études approfondies en droit de la santé, chargée d’enseignement à l’Université Clermont Auvergne

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