Introduction

Texte intégral

Madame la sous-préfète, Monsieur le Président, Madame la Doyenne, chers Collègues, chers étudiants, chers amis ;

C’est avec une joie très particulière que j’ai le plaisir de vous accueillir aujourd’hui à Clermont-Ferrand. J’ajouterai que cette joie est double, d’abord parce que c’est à vous, mes chers Collègues, que l’on doit par votre implication scientifique et personnelle des analyses et des propositions qui contribuent, depuis de nombreuses années, à l’œuvre de construction de notre droit de l’environnement et celui de l’eau en particulier. Cette journée, j’en suis certain, en constituera une étape significative. Ensuite, parce que le sujet autour duquel j’ai voulu vous réunir n’est souvent évoqué que par défaut par les auteurs. Pourtant, chacun d’entre vous le sait, la distance entre le droit de l’environnement « théorique » et sa mise en œuvre « pratique » ne cesse de s’accroître, et le Président d’ONG1 que je fus l’a fréquemment observée et souvent déplorée.

Cette constatation liminaire me semble parfaitement transversale. Toutes les disciplines traversées par le droit de l’eau sont concernées : qu’il s’agisse du droit privé, du droit public et du droit de l’Union européenne.

Considéré comme un « modèle »2 dans le monde, notre droit de l’eau souffre de difficultés de prise en considération par ses propres juges, par exemple les sanctions prononcées par les juridictions répressives sont très peu dissuasives et sans commune mesure avec ce que prévoit la loi (articles L. 216-6 et L. 432-2 du Code de l’environnement). La notion de délinquance environnementale a bien de la peine à se frayer un chemin. Est-ce surprenant dans un environnement juridique qui ne reconnaît pas la rivière, ni le lac ou l’étang comme des objets du droit et encore moins comme des sujets ? Notre droit ne connaissant que la notion de « cours d’eau et de plan d’eau »3 !

La police administrative spéciale de l’eau peut être aujourd’hui présentée comme l’outil à la fois préventif et répressif de la mise en œuvre du devoir de conservation et de protection du patrimoine commun de la nation, que la loi du 3 janvier 1992 a reconnu pour donner à l’eau, après plusieurs siècles d’hésitation, une nature juridique à la fois ambitieuse et troublante.

Symboliques du poids de l’histoire, la co-existence ambiguë de droits « antérieurement acquis » comme les droits fondés en titre et sur titre, et les nouvelles ambitions des principes modernes comme celui, par exemple, de la continuité écologique peuvent avoir de quoi dérouter les magistrats.

La Charte constitutionnelle de 2005 a fait du développement durable le seul mode possible de développement économique. Mais nos pratiques de consommation, de production énergétiques, agricoles, etc., ne vont pas toujours dans ce sens.

Une bonne justice pour l’eau est un objectif majeur à atteindre ; à défaut, on risque d’assister à des manifestations de régression de la protection de l’environnement.

Autant de questions passionnantes, pour une journée que je souhaite à vous toutes et tous agréable et fructueuse.

1 ANPER-TOS (Association Nationale pour la protection des eaux et rivières [Truite-Ombre-Saumon]), créée en 1958, et reconnue d’utilité publique en

2 Il a en particulier pesé sur la construction du droit de l’Union européenne.

3 Quatre États ont en 2017 reconnu une personnalité juridique à des fleuves (Nouvelle-Zélande, Inde, Équateur et Australie), avec nomination d’un

Notes

1 ANPER-TOS (Association Nationale pour la protection des eaux et rivières [Truite-Ombre-Saumon]), créée en 1958, et reconnue d’utilité publique en 1985. L’association a joué un rôle important à l’occasion de l’adoption par le Parlement de la célèbre loi du 16 décembre 1964 relative à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution. Elle est à l’origine de très nombreuses jurisprudences dans le domaine de l’eau.

2 Il a en particulier pesé sur la construction du droit de l’Union européenne.

3 Quatre États ont en 2017 reconnu une personnalité juridique à des fleuves (Nouvelle-Zélande, Inde, Équateur et Australie), avec nomination d’un représentant de l’État en tant que garant et défenseur des droits des fleuves.

Citer cet article

Référence électronique

Philippe BOUCHEIX, « Introduction », La Revue du Centre Michel de L'Hospital [En ligne], 18 | 2019, mis en ligne le 27 septembre 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/revue-cmh/index.php?id=256

Auteur

Philippe BOUCHEIX

Maître de conférences en droit public, Centre Michel de l’Hospital EA 4232, Université Clermont Auvergne, F-63000 Clermont-Ferrand France

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