« Quis vocaris ? », « Comment vous appelez‑vous ? », « What’s your name ? ». La question du nom est universelle. C’est le début de toute vie juridique. Mais à l’ère des pseudos, des prénoms‑machines – Alexa –, de l’avocat robot Lisa, et surtout de la loi du 2 mars 20221 qui facilite le changement de nom de famille, alors que la loi du 18 novembre 20162 avait déjà assoupli la procédure de changement de prénom en supprimant l’intervention du juge des affaires familiales, la question « comment je m’appelle ce matin ? » paraît plus pertinente. Elle traduirait mieux, en effet, la nouvelle réalité du lien qu’entretient un individu avec son identité, nonobstant le principe d’indisponibilité de l’état civil dont les nom et prénom sont pourtant une composante majeure, en ce qu’ils permettent d’identifier et de définir la personne rapidement. Généralement, ce sont, il est vrai, les premières données communiquées sur soi. Les prénom et nom de famille d’une personne permettent d’atteindre ainsi le but juridique de nommer, donc in fine de qualifier, pour appliquer le bon régime juridique à chacun.
Le nom est composé de deux éléments. Le prénom permet d’identifier une personne à un degré familier. Son inscription sur l’acte de naissance n’en est pas moins obligatoire, même si le nombre de prénoms donné est relativement libre hors excès3. À défaut, le juge choisira un prénom pour l’enfant. Le prénom n’est pas neutre en ce qu’il connote souvent le genre, l’âge au gré des modes, voire une tradition familiale accentuant le nom de famille qui suit le prénom. Le nom de famille provient en effet des ascendants de la personne. La transmission règne en la matière. C’est d’ailleurs pourquoi l’enfant trouvé, faute de connaissance de ses origines, reçoit un prénom en guise de nom de famille en application de l’article 57 du Code civil. Le droit règle donc l’absence de nom et/ou prénom de l’enfant, mais aussi la mutabilité des nom et prénom.
Changer un élément, le nom de famille ou le prénom, et le nom de la personne dans sa globalité, est différent. Or, c’est l’association du prénom et du nom qui identifie la personne, qui permet à cette dernière de protéger ses droits, les siens, et non ceux qui seraient rattachés à un autre individu, même celui portant le même prénom ou le même nom de famille, voire les deux. Les homonymies existent, créant une insécurité relative puisque dans un tel cas, d’autres éléments d’identification vont entrer en jeu. Pour autant, le nom et le prénom restent importants, puisque si la date de naissance ajoutée au nom permet d’individualiser la personne, une date de naissance en première donnée ne le permet pas. Mieux, le prénom et le nom marquent la force de rattachement à son identité et à ses origines. Ils renvoient aussi à la réputation, la crédibilité, de la personne, connotent et permettent la vérification de l’accès à certains de ses droits, services, etc. Le nom rassure en permettant une vérification sur simple déclaration de l’individu ou sur présentation d’une pièce d’identité. Mais, c’est aussi pourquoi il s’agit d’un thème sensible, la personne se sentant affectée sur plusieurs aspects :
- le respect de l’orthographe et de la prononciation de son nom ;
- la reconnaissance de sa filiation et de celle établie à l’égard de ses enfants.
Sur ce dernier point, il convient de souligner l’importance de la loi du 6 décembre 2021 permettant de transmettre un nom de famille à l’enfant né sans vie4 – et pas uniquement de lui donner un prénom. Ainsi, son respect est primordial.
La mutabilité, donc le changement ou la moindre modification5, d’où qu’ils viennent, nuirait à la lignée, créant du désordre. Aussi, un individu ne peut‑il pas disposer de manière pleine et entière de son nom ou de sa personnalité juridique, ni un tiers pour lui. L’indisponibilité de l’état civil comprend de facto l’immutabilité. Appliquée aux nom et prénom, cela signifie que la personne ne peut ni transmettre son nom dans n’importe quelles conditions, ni changer de nom et prénom par sa seule volonté. La formule était ab initio rigoureuse :
Aucun citoyen ne pourra porter ni de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre6.
Les parents eux‑mêmes n’ont alors pas non plus la libre disposition du nom de leur enfant : le nom du père était attribué, le prénom devait être pris dans un calendrier7. Le principe d’indisponibilité est davantage « juris‑sacré » que consacré en tant que tel, puisque ce vocable n’apparaît pas dans le Code civil. Il est en revanche fréquemment utilisé par la jurisprudence8 et limite tant le choix que le changement du nom.
L’attribution de ses nom et prénom à un individu s’effectue cependant dès sa naissance pour que celui‑ci les conserve jusqu’à son décès. Les nom et prénom seraient donc attachés à la personne pour toute la durée de sa vie, loin donc des préoccupations du droit des contrats sur la prohibition des engagements perpétuels. L’enjeu est, il est vrai, différent. Les nom et prénom renvoient à l’identité juridique de la personne physique, identité matérialisée par l’acte de naissance qui permettra d’assurer une certaine sécurité juridique. En cela, les nom et prénom se distinguent bien des nom et prénom d’usage9.
Des tempéraments au principe ont toutefois vu le jour sur le choix et sur le changement du nom. Sur le choix, tout d’abord, deux marques d’assouplissement de la rigueur de l’indisponibilité de l’état civil pour les parents de l’enfant sont intervenues. En premier lieu, le libre choix des parents quant au prénom de l’enfant a été légalement affirmé en 199310. Cette avancée a de plus été confortée par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) qui admet que ce choix entre dans la sphère de leur vie privée11. En second lieu, l’ouverture du choix des parents sur le nom de famille de l’enfant12 par le prisme de l’égalité des parents s’est effectuée par une loi de 200213.
Sur le changement du nom, ensuite, une inflexion du principe a été nécessaire par cohérence avec les libertés attachées aux personnes, telles que changer de nationalité ou de sexe par exemple14. Mais l'état civil est toujours régi par le principe d'indisponibilité fort de l’immutabilité de l’état civil. Ce dernier doit être respecté sous peine de sanctions pénales15. En effet, le fait de changer, altérer ou modifier le nom ou un de ses accessoires par rapport à celui assigné par l'état civil est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende16. Pire, la sanction de l'usurpation du nom d'un tiers s’élève quant à elle à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende17. La nature pénale des sanctions renvoie au fait que la maîtrise de l’identité des personnes par l’État participe au maintien de l’ordre public. Ce dernier s’oppose d’ailleurs à un exercice inconsidéré de l’anonymat. Nonobstant l’immutabilité de principe du nom, l’évolution législative confortée par la circulaire du 15 juin 202318 vient faciliter l’aptitude du nom de famille à subir une mutation19 créant une rupture avec le nom transmis20. Il est dès lors légitime de se demander si la création du triptyque autour de cette question « liberté‑égalité‑sécurité » est suffisamment équilibrée pour répondre aux enjeux de l’identité juridique. Ce droit à changer de nom joue indéniablement sur le principe d’indisponibilité de l’état civil. Reste à déterminer dans quelle mesure l’accroissement de la mutabilité des nom et prénom l’affaiblit.
Le principe d’indisponibilité semble conservé quand la mutabilité est reconnue comme nécessaire (I), alors qu’il subit un bouleversement lorsque la volonté de la personne est seule initiatrice du changement (II).
I. Une mutabilité nécessaire, une indisponibilité a priori conservée
La mutabilité du nom est organisée (A) depuis longtemps, emportant des conséquences fortes pour la descendance qui voit parfois son consentement être requis (B).
A. Une mutabilité des nom et prénom existante
La mutabilité existe parce qu’elle humanise le principe d’indisponibilité de l’état civil21. Néanmoins, pour altérer celui‑ci le moins possible, le changement s’organise autour de deux axes : la nécessité de rectifier l’état civil (1) et l’intérêt légitime (2).
1. La nécessité de rectifier
Il est aisé de comprendre que l’erreur de l’officier de l’état civil doit pouvoir être corrigée afin qu’elle ne s’impose pas à la personne au nom du principe d’indisponibilité. Il s’agira notamment du rétablissement d’une particule22 ou de l’orthographe23 d’un nom altéré. Ces erreurs ou omissions purement matérielles seront alors rectifiées même sur les mentions en marge des actes de l'état civil. D’ailleurs, le procureur de la République territorialement compétent peut toujours faire procéder à la rectification administrative […] des actes de l'état civil24. La rectification remplit de surcroît un rôle de protection du principe d’immutabilité en donnant la priorité au rétablissement du nom de famille d’origine, au nom de l’intérêt général25.
De même la rectification peut découler du nécessaire respect d’un droit des parents. L’article 311‑21 du Code civil dispose ainsi dans son alinéa 3 que :
[En] cas de naissance à l'étranger d'un enfant dont l'un au moins des parents est français, les parents qui n'ont pas usé de la faculté de choix du nom […] peuvent l’effectuer lors de la demande de transcription de l'acte, au plus tard dans les trois ans de la naissance de l'enfant.
Ce cas de mutabilité renvoie au droit des parents de choisir le nom de leur enfant. Les père et mère se voient de surcroît accorder le droit à la rectification de leur propre erreur. En effet, l’erreur du parent déclarant va pouvoir être l’objet d’une rectification, l’enfant ne souffrira pas toute sa vie durant de ladite erreur, comme Ornella pourrait nous l’expliquer. En effet, la cour d’appel de Paris, le 17 septembre 1996, a dû réagir à l’erreur troublante d’un père déclarant ayant inscrit le prénom Ségolène au lieu de celui d’Ornella après la naissance de sa fille. Afin d’éviter un trouble du lien maternel avec son enfant et veillant à la paix du ménage, les juges ont autorisé la modification du prénom sur l’acte de naissance de la fillette26. Derrière cette décision, le lien avec l’intérêt légitime comme fondement du changement de nom est prégnant.
2. L’intérêt légitime, bouclier du principe d’indisponibilité
L’intérêt légitime agit comme bouclier du principe d’indisponibilité. Il protège en effet ce dernier en organisant les frontières de la mutabilité des nom et prénom. Le prénom peut ainsi subir un changement depuis la procédure en changement de prénom initiée par la loi de 195527, à condition de répondre à la notion d’« intérêt légitime », lequel était vérifié par le juge aux affaires familiales. La loi a certes supprimé le contrôle de cet intérêt légitime par le juge, mais il n’a pas totalement disparu pour autant28.
Quant à la mutabilité du nom par mutabilité du nom de famille, un changement par décret est prévu à l’article 61 du Code civil, disposant que :
Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom.
L’intérêt légitime, standard juridique, prend ici aussi le rôle de bouclier contre des atteintes au principe d’indisponibilité. Il a pu être qualifié pour l’enfant à la suite de violences subies par ses ascendants, ou lors de demandes pour la reprise d’un nom illustre29. Ces quelques exemples démontrent l'existence d’un droit au changement de nom conditionné. Cependant, de plus en plus de motifs légitimes sont acceptés et de plus en plus de motifs égoïstes sont reconnus comme légitimes, tel le motif affectif30, ainsi les circonstances exceptionnelles liées à la vie familiale permettant dorénavant de justifier l’intérêt légitime d’un changement de nom31. L’évolution du standard impacte nécessairement l’intensité du principe. Mieux, la mutabilité d’un nom pour autant guidée par l’intérêt légitime devrait paradoxalement entraîner la mutabilité du nom de ceux qui dépendent de ce nom. Le changement de nom devrait s’imposer à toute la descendance de celui qui change de nom. Or, la limite d’âge posée pour soumettre la mutabilité au consentement de l’intéressé démontre que le principe d’indisponibilité se fissure.
B. Une mutabilité soumise au consentement de l’intéressé
Le consentement de la personne concernée par une mutabilité de son nom est parfois requis, lorsque celle‑ci se produit indépendamment de sa volonté. Dans le cas d’un changement de nom de famille, deux cas se dessinent à partir de l’article 62‑3 du Code civil en fonction de l’origine de la mutabilité. Ainsi, tout changement de nom de l'enfant de plus de treize ans nécessite son consentement personnel, sauf en cas d'établissement ou de modification du lien de filiation puisque dans ces derniers cas – d'établissement ou de modification du lien de filiation – seul le consentement des enfants majeurs est requis pour changer leur nom de famille32.
Dans l’éventualité d’un changement de prénom, la notion de consentement renvoie au domaine du changement, à savoir principalement l’adoption. Le changement de prénom de l’enfant concerné par une adoption plénière s’accompagne de son consentement s’il a plus de treize ans. Cette règle est étendue à l’adoption simple depuis 201133. Un autre cas, plus subtil, concerne le consentement tacite de la personne qui ne change pas le prénom inscrit par le juge sur son acte de naissance à la suite du refus de ses parents qui désiraient que le choix revienne à l’enfant à sa majorité. Il peut être considéré que l’intéressé valide tacitement a posteriori le choix du juge. Quoi qu’il en soit, le droit de regard de l’intéressé constitue une brèche dans l’interdiction de disposer de son nom. La mutabilité modernise certes le principe d’indisponibilité et lui confère sa pérennité. Toutefois, le fait que la mutabilité soit accrue au gré de l’intéressé affaiblit plus fortement le principe d’indisponibilité.
II. Une mutabilité accrue au gré de l’intéressé, une indisponibilité affaiblie
Il convient de remarquer que la mutabilité du nom a plusieurs facettes (A), lesquelles sont issues de son contrôle (B). Cela se répercute sur la force du principe d’indisponibilité de l’état civil.
A. Une mutabilité à divers degrés
Les facettes de la mutabilité renvoient à une différence de degrés. Pour preuve, un décret n’est plus toujours nécessaire pour effectuer un changement de nom depuis la réforme opérée en 2022, mais peut l’être. La mutabilité assouplie du nom de famille concerne en effet uniquement l’ajout à son nom du nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien34. La mutabilité est bien circonscrite. Quant au changement de prénom, la mutabilité touche :
- l’ajout au prénom,
- la modification du prénom,
- la suppression du prénom,
- ou l’inversion de l’ordre des prénoms.
La base de la modification est donc prise dans l’état civil préexistant. L’état civil de la personne reste solidement attaché à celle‑ci, qui ne peut qu’organiser ses propres éléments.
Pour le garde des Sceaux, la réforme vise à faire retrouver à la personne la fierté de porter un nom en adéquation avec son passé, son identité et avec son intimité35. Pour autant, nous sommes bien arrivés à un droit subjectif de la personne lui permettant d’exercer la mutabilité de ses nom et prénom. La volonté en cause est exacerbée comme échappant presque à l’État parce que la personne devient la force motrice de son état civil. On sort de « l’acte de naissance, vérité pour la vie ». De plus, la règle selon laquelle tous les enfants ont le même nom de famille se trouvera parfois remise en cause puisque tous les membres d’une fratrie ne vont pas forcément changer de nom, pour accoler le nom de leur mère à celui du père qui leur avait été octroyé, par exemple.
Cette évolution est cependant en adéquation avec les réformes contemporaines qui ont des incidences sur le nom, à savoir l’élargissement de la procréation médicalement assistée36 et l’assouplissement des conditions de l’adoption37. Le changement de nom peut d’ailleurs résulter de la présence cumulative de ces deux mécanismes juridiques dans une même affaire. La jurisprudence a eu en effet à connaître d’une telle situation dans une espèce relative à la transcription d'un jugement d'adoption sur les registres de l'état civil pour un enfant né grâce à un don de sperme avec changement de nom38. En effet, un litige opposait deux femmes ayant fait naître un enfant par procréation médicalement assistée (PMA) ; celle qui avait accouché ayant en vain tenté d'empêcher l'autre de devenir mère adoptive par l’adoption plénière de l’enfant. Les juges n'ont effectivement pas considéré l'adoption contraire à l'intérêt de l'enfant. L'adoption prononcée, le nom de la mère adoptive est ajouté au nom de la mère biologique et le jugement d'adoption est transcrit sur les registres de l'état civil. Cette hypothèse de conflit est une autre facette de la mutabilité du nom – ici le nom de l’enfant39 –, formée par les outils juridiques tendant à la reconnaissance d’un droit à l’enfant.
Le pullulement des droits subjectifs innerve la problématique de l’affaiblissement du principe d’indisponibilité. Cela s’avère choquant lorsqu’il ne peut qu’être constaté que la facilité exacerbée du changement de nom va jusqu’à créer un droit de changer d’avis. En effet, le fait d’avoir utilisé la procédure de changement de nom par décret ne fait pas obstacle à un changement de nom et inversement. Le professeur Elsa Supiot décrit ce phénomène en ces mots :
[L]'identité n'est plus donnée, elle est choisie. La personne n'est plus instituée, elle s'autodétermine40.
L’autodétermination – du grec auto signifiant qu’on se donne à soi‑même – est d’ailleurs favorisée par la CEDH. La juridiction reconnaît un tel droit aux personnes sur leur corps et leur vie en interprétant le droit à la vie privée reconnu par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales41. Mais faciliter le changement ne signifie pas pour autant que l’individu a une disponibilité totale de ses nom et prénom. Il s’agit d’un affaiblissement et non d’une disparition, d’où l’image forte de relique42. D’ailleurs la mutabilité est toujours l’objet d’un contrôle attentif.
B. Une mutabilité contrôlée
Le juge comme figure de contrôle du changement du prénom a certes disparu, mais pour éviter les changements de nom qui auraient déjà pu être anticipés par le bon sens de la personne raisonnable dès la déclaration de l’enfant, la liberté de choix des prénoms offerte aux parents n’est pas absolue. Lorsque les prénoms choisis, ou l’un d’eux, seul ou associé au nom paraissent contraires à l’intérêt de l’enfant43, l’officier d’état civil peut alerter les parents. Si ces derniers s’obstinent, l’officier de l’état civil avise alors sans délai le procureur de la République qui peut saisir le juge aux affaires familiales. Par conséquent, si les simplifications de procédures autour du nom font souffler un vent de liberté sur la fixation relative du nom, le contrôle de l’intérêt légitime s’opère toujours au travers de l’intérêt de l’enfant44, et par le juge dans les situations les plus graves ou conflictuelles. L’intérêt légitime guidant originellement le juge a donc pris la forme plus objective – à notre sens – du standard de l’intérêt de l’enfant. Ont ainsi été jugés contraires : Titeuf45, Nutella46, Lucifer, Joyeux et Patriste47 pour des jumeaux, ou encore Aude au vu du caractère moqueur de la combinaison du prénom et du nom de famille, Aude Vaisselle48. Aussi le Ministère public relayé par le juge a‑t‑il toujours un rôle dans la protection de l’intérêt de l’enfant en matière de nom. Le principe d’indisponibilité a toujours son empreinte sur le droit du nom parce qu’il permet d’anticiper les risques.
Mieux la mutabilité est contrôlée par le fait que la personne soit contrainte de respecter des conditions. D’une part, la loi veille à un contrôle dans le détail : la circulaire du 28 octobre 2011 précise fermement la différence en matière de transmission des doubles‑noms issus de l'accolement du nom de chacun des parents, et des noms composés. Les doubles‑noms sont sécables, tandis que les noms composés sont eux intégralement transmissibles49. Par conséquent, l'espace entre les noms des deux parents est obligatoire50. Une rectification de l’acte de naissance sur ce fondement pourrait donc être demandée, de même que le refus de la transmission du double‑nom. D’autre part, les facilités accordées concernent uniquement un changement portant sur un élément déjà connu de l’État – nom de la mère ou du père figurant sur l’acte de naissance. De plus, un seul changement sur le fondement de cette nouvelle procédure est possible51. En somme, il est impossible de prendre le nom de jeune fille d’une de ses grands‑mères via la procédure simplifiée. Cela fait écho aux conditions du changement de prénom désiré par la personne elle‑même (hors adoption et changement de sexe), où le choix du premier prénom se porte sur l’un des prénoms inscrits sur l’acte de naissance. C’est la raison pour laquelle la vérification de l’officier d’état civil quant à l’intérêt de l’enfant doit porter sur tous les prénoms de l’enfant et non uniquement sur le premier pour éviter des litiges futurs52.
Enfin, certes la procédure est facilitée, mais elle demeure. Il ne s’agit pas d’une simple déclaration. Pour le prénom, la demande de changement doit être déposée avec les justificatifs portant sur :
- l’enfance,
- la vie personnelle,
- la vie administrative,
- la vie professionnelle,
- voire des certificats médicaux,
à la mairie du lieu de résidence ou à la mairie du lieu de naissance de la personne53. Si la demande est acceptée, les actes de l'état civil sont mis à jour à la suite du changement de prénom :
- acte de mariage,
- acte de naissance du conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs),
- acte de naissance de chacun des enfants.
De même, le changement de nom de famille doit faire l’objet d’une demande sur le formulaire du Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (Cerfa) n° 16 229, toujours du lieu de résidence ou à la mairie du lieu de naissance de la personne, accompagnée :
- d’un justificatif d’identité et de nationalité,
- d’un justificatif de domicile,
- des justificatifs de son état civil et de l'état civil des personnes concernées par le changement de nom.
Le temps étant un facteur important pour que la volonté soit réfléchie, il convient de confirmer sa demande au plus tôt un mois après. La procédure comprend alors une certaine complexité. Au surplus, toute demande ne recevra pas une réponse positive automatique renvoyant l’image d’une mutabilité encadrée – même si les refus seront sans doute rares.
En conclusion, la relique du nom est née d’un ensemble d’évolutions législatives et jurisprudentielles de l’encadrement de la mutabilité. Mais une faille du système, la perte des données, de leur historique, et la sécurité juridique, voire l’ordre public, seront atteints. Il s’agit maintenant de faire de la gestion de risque. C’est à cela que s’emploient les officiers d’état civil qui sont au premier plan. Mais le premier risque ne serait‑il pas plus diffus ? En clair, forts de ces possibles changements, au pluriel, sommes‑nous des agents doubles en puissance ? La réponse se trouve au sein même du formulaire Cerfa54 en question qui rappelle sans détour que :
Le changement de nom vous interdit d’utiliser les titres d’identité qui vous ont été délivrés avant votre changement de nom dans la mesure où ceux‑ci ne correspondent plus à votre état civil.
Dès lors qu’un contrôle reste, le principe d’indisponibilité aussi. À l’image du roseau malmené gardant sa stabilité, l’indisponibilité de l’état civil est certes un cadre qui perd de sa superbe, mais pour mieux renforcer sa relique du nom prête à affronter les mutabilités à suivre.