Essentiellement modifiés sous impulsion européenne, les droits du gardé à vue font l’objet d’une extension continue parfois peu compatible avec l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions. Toutefois, et bien que répondant à des objectifs distincts, ces droits s’inscrivent désormais dans une dynamique cohérente.
Au-delà du respect de sa dignité1, le gardé à vue bénéficie de plusieurs droits sanctionnés par des nullités substantielles d’intérêt privé, essentiellement à grief présumé2. Pour autant, ne pèse sur les enquêteurs qu’une obligation de moyen et non de résultat dans la mise en œuvre de la plupart d’entre eux3. Par souci de concision, ne seront pas évoqués les droits du gardé à vue mineur4.
L’individu placé en garde à vue dispose du droit de voir cette mesure contrôlée (I), de comprendre (II), d’être informé (III), de prévenir (IV), d’être examiné médicalement (V), de ne pas s’expliquer (VI), de se défendre (VII) et de voir ses auditions enregistrées (VIII).
I. Droit de voir la mesure contrôlée
Avis au parquet – Dans la mise en œuvre de cette mesure coercitive, le premier des droits du gardé à vue est de voir informer l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles5. Cet avis est fondamental dans la mesure où la décision de placement en garde à vue6 et son exécution7 sont contrôlées par l’autorité judiciaire. Le parquet apprécie ainsi la nécessité d’une telle mesure, s’assure du respect des droits du mis en cause et peut en ordonner la levée à tout moment8.
Sur la forme, l’avis peut être fait par tout moyen9 et donc résulter d’un appel téléphonique, d’un mail, d’un fax10… Il doit préciser l’identité du gardé à vue, l’heure du placement, les motifs de placement ainsi que la qualification des faits.
Sauf circonstance insurmontable, l’avis doit être réalisé dès le début de la mesure, c’est-à-dire à compter du placement effectif consistant en l’apparition de la contrainte sur la personne du gardé à vue. L’appréciation du caractère tardif ne saurait toutefois dépendre exclusivement de l’heure d’interpellation puisque l’article 73 du CPP peut à lui seul fonder un titre de privation de liberté11.
Au terme d’une jurisprudence très casuistique prenant parfois en compte des « circonstances particulières, mais non insurmontables12 », la Cour de cassation a pu valider des avis réalisés 53 minutes13, 1 heure14 ou même 2 heures 3215 après le placement effectif tout en sanctionnant des avis adressés 1 heure 1516 voire 45 minutes après le placement17.
Sur la question des circonstances insurmontables, la Cour de cassation opère un contrôle poussé de la motivation des décisions qui lui sont soumises18. L’audition de témoins n’est pas considérée comme caractérisant une circonstance insurmontable19 à l’inverse de l’état de santé du gardé à vue se trouvant dans une « grande excitation20 ».
Prolongation – Avant que ne soit décidée l’éventuelle prolongation de la mesure, le gardé à vue dispose du droit de présenter des observations à l’autorité judiciaire21, représentée selon les cas par le parquet22 ou le JLD23.
II. Droit de comprendre
Le gardé à vue s’exprimant dans une langue étrangère a droit à l’assistance d’un interprète, et ce, pendant toute la durée de la mesure24. Il est indifférent que l’interprète se présente en personne ou intervienne via une plateforme téléphonique. Lorsque les enquêteurs ne parviennent pas à en trouver un dans un délai raisonnable, et notamment dans l’hypothèse où le gardé à vue s’exprime dans une langue rare, les démarches entreprises doivent être actées sur procès-verbal pour justifier la notification tardive des droits.
Des règles identiques trouvent à s’appliquer pour les gardés à vue atteints de surdité25.
III. Droit d’être informé
Notification au gardé à vue – Sauf circonstances insurmontables26, telles que l’ébriété de l’intéressé27, la nécessité de lui prodiguer des soins28 ou la recherche d’un interprète29, la notification des droits au gardé à vue doit être réalisée immédiatement au moment de l’apparition de la contrainte et ne saurait être différée30.
La notification au gardé à vue porte sur :
- son placement en garde à vue, la durée de la mesure et les prolongations dont celle-ci peut faire l’objet31 ;
- la qualification, le lieu et la date de l’infraction présumée ainsi que le motif de placement en garde à vue32 ;
- les droits dont il dispose33.
Déclaration des droits – Le gardé à vue doit se voir remettre une déclaration récapitulant l’ensemble de ses droits34.
IV. Droits en lien avec les tiers
Droit de faire prévenir – Le gardé à vue dispose du droit de faire informer un proche ainsi que son employeur et, pour les ressortissants étrangers, l’autorité consulaire de son pays35. Cette information doit avoir lieu dans un délai de 3 heures à compter de la formulation de la demande.
L’autorité judiciaire peut décider de différer voire d’exclure ces avis pour des motifs tenant au recueil ou à la conservation des preuves,36 mais également pour prévenir une atteinte grave à la personne humaine.
Sauf décision contraire du parquet, le tuteur, le curateur ou le mandataire d’une sauvegarde de justice doit être avisé dans les 6 heures à compter du moment où il apparaît que le gardé à vue fait l’objet d’une mesure de protection37. Celui-ci peut demander que soient exercés les droits que le majeur protégé n’a pas souhaité mettre en œuvre.
Droit de communiquer – Au-delà de la simple information, l’OPJ peut autoriser le gardé à vue à communiquer avec l’un des tiers qu’il a le droit de faire prévenir, que ce soit par écrit, par téléphone ou à l’occasion d’un entretien38. La communication, d’une durée de 30 minutes maximum, se déroule à un moment et selon des modalités fixées par l’OPJ, qui peut décider d’y assister.
V. Droit à un examen médical
À l’occasion de chacune des tranches de 24 heures de garde à vue, le gardé à vue dispose du droit d’être examiné, dans les 3 heures à compter de sa demande, par un médecin qui procède à toute constatation utile et se prononce sur la compatibilité de la mesure avec son état de santé39. Le procureur, l’OPJ et les membres de la famille du gardé à vue peuvent également être à l’initiative d’un tel examen40.
Au terme de l’examen, le médecin peut notamment déclarer la mesure compatible tout en la conditionnant à la délivrance d’un traitement, au transfert du gardé à vue dans des locaux hospitaliers ou à de nouveaux examens41, voire la limiter dans le temps. Lorsqu’une hospitalisation doit intervenir42, le parquet dispose du choix de lever la garde à vue pour la reprendre ultérieurement ou de solliciter une garde-hôpital qui consiste à déployer des forces de l’ordre en secteur hospitalier le temps de l’intervention.
Si le médecin déclare la garde à vue incompatible, le parquet doit immédiatement lever la mesure43. Lorsque l’intéressé est hospitalisé, les forces de l’ordre peuvent requérir le directeur de l’établissement qui les préviendra de la sortie du patient44.
VI. Droit de ne pas s’exprimer
Le droit de ne pas s’auto-incriminer se concrétise dans le droit du gardé à vue de conserver le silence après avoir décliné son identité45. S’il ne peut être reproché à l’intéressé d’avoir refusé de s’exprimer, les autorités judiciaires seront ultérieurement fondées à en tirer toutes les conséquences dans la détermination de leur intime conviction.
Le droit au silence n’est pas un droit à mettre fin à l’interrogatoire46 et ne saurait davantage se confondre avec un droit de s’opposer à toute requête des enquêteurs. Sont ainsi incriminés le fait pour un gardé à vue de refuser de se soumettre à la vérification de sa consommation d’alcool ou de stupéfiant s’il était conducteur47, de se prêter au prélèvement biologique aux fins d’identification par le FNAEG48 ou de comparaison avec les traces et indices49, mais encore de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques que sont la prise des empreintes digitales et les photographies50.
VII. Droit de se défendre
Consultation de pièces – Le gardé à vue peut consulter certaines pièces de la procédure que sont le procès-verbal de placement et de notification des droits, le certificat médical dont il a fait l’objet, ses auditions et confrontations51.
Assistance d’un avocat – Le gardé à vue peut demander l’assistance d’un avocat, choisi ou commis d’office, dès le début de la mesure52.
Lorsqu’il est désigné, l’avocat :
- doit être informé de la nature et de la date présumée de l’infraction53 ;
- peut consulter les mêmes pièces que son client54 ;
- peut s’entretenir pendant 30 minutes maximum avec son client au début de la mesure55 et à l’occasion de chacune des prolongations56 ;
- peut assister aux auditions et confrontations de son client à la demande celui-ci57 ;
- peut prendre des notes au cours des auditions et confrontations58 ainsi qu’à l’occasion de la consultation des pièces du dossier59 ;
- peut poser des questions à l’issue de chaque audition ou confrontation, sauf si l’enquêteur s’y oppose pour des raisons tenant au bon déroulement de l’enquête60 ;
- peut faire des observations écrites qui seront jointes à la procédure à l’issue de chaque entretien avec son client et de chaque audition ou confrontation61 ;
- doit être informé à chaque fois que son client est transporté sur un autre lieu62 dans les seuls cas où celui-ci doit être entendu, ou qu’il doit faire l’objet d’une reconstitution ou d’une parade d’identification63 ;
- peut assister, à la demande de son client, aux reconstitutions et parades d’identification, puis présenter des observations écrites à leur issue64.
À titre dérogatoire, sur décision écrite et motivée par des raisons impérieuses, le parquet ou le JLD peuvent différer l’intervention de l’avocat65 ainsi que son droit de consulter les procès-verbaux d’audition de son client66.
Information quant aux suites de l’enquête – Toute personne ayant fait l’objet d’une mesure de garde à vue peut, un an après cette mesure, demander à consulter le dossier de l’enquête en vue de formuler des observations67.
VIII. Droit à l’enregistrement
En matière criminelle68, et sauf s’ils n’ont pas lieu dans les locaux des forces de l’ordre69, le gardé à vue dispose du droit impératif à l’enregistrement audiovisuel de ses interrogatoires70. Lorsque des difficultés techniques empêchent l’enregistrement, les enquêteurs doivent en aviser sans délai le parquet puis les mentionner sur procès-verbal71.
Ces enregistrements poursuivent à la fois l’objectif de prévenir toute forme de contrainte que pourraient exercer les enquêteurs, mais également d’asseoir la fiabilité des propos recueillis puisque leur consultation est ouverte en cas de contestation72.