Introduction
L’étude de droit comparé consiste traditionnellement en une découverte des ordres juridiques étrangers séparément, sans « les points de rencontre » et, comme on dirait dans le langage de la « transsystémie », de manière « séquentielle »1. Or, le regard sur le droit serait surement différent si l’on étudiait les ordres juridiques de manière « intégrée », « non positiviste » et « interactive », comme cela est proposé dans l’approche transsystémique.
Le droit comparé classique est le plus souvent regardé plutôt comme une méthode de recherche et non comme une méthode d’enseignement. Tel est le droit comparé pratiqué dans des universités européennes, avec tous ses champs d’exploitation possibles et aussi avec ses imperfections. Ce droit comparé est considéré encore trop souvent comme un élément accessoire, secondaire ou « optionnel » dans le parcours académique. De nombreuses voix, en particulier en France, prônent aujourd’hui une grande nécessité de réformer ce droit comparé « classique » ou « conventionnel » et d’améliorer ainsi nos méthodes d’enseignement2. Cela concerne tant l’enseignement d’un droit national avec l’utilisation d’éléments de comparaison que l’enseignement du droit comparé3. Puisque le droit comparé traverse aujourd’hui une crise, il faut peut-être rechercher des remèdes dans des approches originales et innovantes.
Le colloque qui a eu lieu les 12 et 13 décembre 2016 à Clermont-Ferrand nous a précisément donné une excellente opportunité de nous pencher sur la question d’un apport de l’approche transsystémique à la méthode comparative. La transsystémie propose peut-être tout ce qui manque au droit comparé aujourd’hui, elle permettrait d’introduire un regard encore plus critique dans l’enseignement du droit national, et surtout inciterait à une plus grande ouverture en supprimant non seulement les frontières géographiques, mais aussi les frontières au sein des systèmes de droit (ex. droit privé/droit public) et entre les différentes sciences sociales et humaines4. Toutefois, ce faisant, n’y a-t-il pas un danger à camoufler les différences entre les droits nationaux et d’anéantir ainsi la comparaison des droits ? De plus, puisque la nouvelle méthode d’enseignement est « transsystémique », comment transmettre les connaissances sur les différents « systèmes de droit », comme l’on a pris l’habitude de le faire ? Les catégories juridiques appartiennent forcément à un système ou, tout au moins, à une famille de droit, la transsystémie ignorerait-elle alors les divergences entre les systèmes ? Toutes ces questions incitent à vérifier si les rapports entre le droit comparé et la transsystémie s’apparentent plus à de l’antagonisme ou à de la complémentarité.
Afin de le découvrir, il convient, dans un premier temps, de confronter les deux méthodes d’enseignement (I), pour, dans un second temps, mettre en lumière une certaine complémentarité entre le droit comparé et la transsystémie (II).
I. La confrontation des deux méthodes d’enseignement
La confrontation du droit comparé classique et de l’approche transsystémique permet de constater un certain nombre de différences idéologiques entre les deux méthodes d’enseignement (A), ce que reflète en particulier l’organisation des cours de droit comparé et des cours transsystémiques (B).
A. Différences idéologiques
1. La « connaissance critique du droit » versus le dialogue entre les systèmes
Le droit comparé « classique » étudie les systèmes de droit, les compare et constate les différences et les ressemblances. Pour Rodolfo Sacco, le droit comparé est une « voie de connaissance critique du droit »5. D’après René DAVID, « l’exemple des droits étrangers nous pousse à envisager d’un œil critique les institutions, règles et pratiques de notre pays »6. Or, il semblerait que la transsystémie ne se contente pas d’une simple connaissance critique, mais s’intéresse aux interactions entre les systèmes de droit7.
Pour un comparatiste, l’autre droit est un droit étranger, donc extérieur et différent de son propre droit. L’enseignement est d’ailleurs souvent dispensé afin de fournir des informations sur le système étranger envisagé. Dans la méthode classique de comparaison, il ne s’agit pas d’un dialogue, mais plutôt d’une observation, parfois même d’une observation méfiante. Les relations entre les systèmes de droit sont souvent perçues comme des relations conflictuelles, ainsi le droit international privé s’intéresse aux « conflits de lois »8.
La transsystémie ne partage pas cette vision. L’approche transsystémique propose le « dialogue avec l’altérité » (dialog with otherness). Cette « altérité » signifie un autre système de droit – ou plutôt une tradition - qui a évolué sur la base des fondements historiques différents et qui conçoit le droit différemment9. Rosalie Jukier explique en effet que l’introduction de cette « altérité » dans le processus d’enseignement n’est pas dictée par le désir de ressembler à l’autre, comme c’est le cas de certains mouvements d’harmonisation en Europe, mais résulte plutôt de l’envie de mieux comprendre l’autre système et de libérer les études de droit de ses frontières temporelles ou systémiques10. Un tel dialogue utilise naturellement les sources provenant des différents ordres et traditions juridiques11.
Le dialogue est possible lorsque l’enseignement du droit insiste plus sur les idées et les différentes structures de pensées que sur les règles de droit en vigueur12.
2. Les règles en vigueur versus les mentalités et traditions
Le droit comparé « classique » se concentre sur les règles en vigueur, tandis que l’approche transsystémique s’intéresse davantage aux structures fondamentales, aux idées, valeurs, techniques et processus juridiques13. Au lieu d’étudier les systèmes de normes juridiques, on y explore plutôt les « mentalités et traditions »14, avec leurs fondements historiques. D’ailleurs, la méthode de comparaison contextuelle se rapprocherait considérablement de l’approche transsystémique. Selon Patrick Glenn, la tradition évolue au fil du temps, tandis qu’un système de droit n’est que momentané, le concept de tradition est donc plus large que celui du système de droit15.
Dans des cours transsystémiques, les étudiants sont alors invités à lier les différentes perspectives juridiques avec les traditions historiques et intellectuelles des systèmes de droit16. La formation des futurs juristes est construite autour de bases théoriques et de problématiques dissimulées derrière les thèmes étudiés (ex. la vision individualiste contre la vision altruiste en droit des contrats)17.
L’enseignement transsystémique du droit s’appuie sur des « catégories transversales n’appartenant pas à une juridiction ou tradition juridique spécifique »18. Les catégories transversales n’appartiennent pas forcément à un système de droit étatique, mais peuvent se retrouver, semblerait-il, dans des normativités non étatiques.
Le droit comparé « classique » étudie les normes au sein de différents « systèmes de droit », c’est-à-dire les normes étatiques. Le positivisme juridique est encore fortement présent dans les études comparatives. Or, la transsystémie propose un véritable pluralisme juridique qui permet de supprimer les frontières et de s’ouvrir aux autres formes de normativité (« law without the state »). Des règles de droit « résultent de l’interaction quotidienne au sein de communautés ou de groupes constituant des ordres juridiques transnationaux et infranationaux »19, tels que les communautés culturelles ou religieuses, les ordres professionnels, les associations sportives, les universités, les grandes entreprises, ou même les usagers de transports en commun20.
3. L’univers juridique versus l’interdisciplinarité ou la transdisciplinarité
Le droit comparé classique reste encore très enfermé dans l’univers juridique. Dans le cadre de l’enseignement comparatif, on a rarement le temps de s’intéresser à la sociologie, l’anthropologie ou l’histoire. Or, l’enseignement transsystémique, ou plutôt multisystémique, se prête plus facilement aux interactions avec les autres sciences21. La transsystémie se veut interdisciplinaire ou, selon un autre terme, transdisciplinaire22. Cette approche s’intéresse davantage à l’impact des transformations sociales sur les normes juridiques et, vice versa, à la transformation de la société par les règles de droit23.
B. Différences organisationnelles
De nombreuses différences entre l’enseignement comparatif classique et l’enseignement transsystémique portent sur l’organisation des cours. Ces différences sont d’ailleurs dictées par les choix idéologiques évoqués précédemment. Ainsi on oppose l’enseignement séquentiel (comparatif classique) à l’enseignement intégré (transsystémique)24.
Le droit comparé sépare les systèmes et les solutions. Habituellement, dans les facultés de droit en France, on enseigne d’abord le droit national et ensuite, et cela souvent de manière accessoire, les droits étrangers. Les grands systèmes de droit contemporain sont enseignés en licence, puis en master sont dispensés des cours de législation comparée, formant une branche ou une discipline juridique, et enfin, la comparaison approfondie et plus ponctuelle est réservée aux études doctorales25. Une telle structure de l’enseignement place le droit national au centre de l’enseignement et créée ce que l’on appelle parfois des « précompréhensions »26 : le droit national est inévitablement considéré comme le système de référence, voire le système dominant dans la démarche comparative et les systèmes étrangers sont étudiés par le prisme des connaissances anciennes et des catégories connues27.
Or, il semblerait que l’approche transsystémique permet d’éviter de telles méprises. En effet, l’enseignement transsystémique fait partie du parcours universitaire de la première année, certaines matières de droit privé sont enseignées selon la « façon intégrée », sans qu’il soit indiqué s’il s’agit d’un cours de common law ou de droit civil (ex. les obligations extracontractuelles et les contrats, le droit de la famille, le droit de la propriété, le droit des sûretés)28. Cela peut d’ailleurs faire l’objet de quelques critiques, car selon certains auteurs « une bonne formation juridique consiste premièrement à bien connaître son système national29 ».
Cette organisation innovante et assez originale de l’enseignement a pour objectif de « stimuler les esprits pour les rendre agiles et créatifs30 » et former ainsi des juristes plus ouverts et capables de transcender les frontières des différents systèmes de droit. Une telle démarche pédagogique place la rencontre entre les traditions juridiques au centre de l’éducation31. L’enseignement transmet plutôt la connaissance des principes fondamentaux du droit, une certaine synthèse des différentes approches possibles, et non seulement les solutions prévues par un système de droit32.
En dispensant un cours de droit « transsystémique », il est donc tout à fait concevable de dépasser les frontières d’un système juridique et de s’inspirer de telles sources que des articles de différents codes nationaux ou de lois ou encore des projets d’harmonisation (ex. Unidroit)33. La perspective multisystémique34 exige que l’on examine non seulement les sources provenant des systèmes de droit étrangers, mais aussi d’autres normes, telles les normes religieuses.
C. L’enseignement transsystémique centré sur les questions
Le droit comparé classique confronte les règles de droit positif (ex. les conditions de mise en œuvre de la responsabilité délictuelle) et le fait souvent par rapport à un système de référence et par rapport à des catégories juridiques « préétablies ». Or, l’objectif de l’approche transsystémique est de se détacher du droit positif, pour se focaliser sur les « idées35 ». La transsystémie est fondée, comme le précise Pascal Ancel, « non sur les réponses que donnent les règles de droit positif, mais sur les questions auxquelles elles répondent36 ». Puisque l’approche transsystémique est pratiquée dès la première année d’études, l’enseignement est centré sur les questions et les idées qui ne sont pas dictées par un système juridique de référence. Le point de départ dans un cours ne sera pas, à titre d’exemple, la succession testamentaire ou légale, mais les conséquences juridiques du décès ou, selon une autre illustration, on commencera une étude par des accords et promesses et non par les concepts juridiques de contrat ou d’obligation37.
Puisqu’il est impossible d’enseigner l’intégralité d’un système juridique, il faut se concentrer sur les structures d’un droit et privilégier le savoir et non l’information38. L’enseignement doit aussi abandonner ce que l’une des fondatrices de l’approche transsystémique, Rosalie Jukier, appelle la « mirror-image approach » : c’est-à-dire une tentation de consacrer le même temps à des problèmes équivalents. En effet, dans certains systèmes juridiques il existe des questions qui nécessitent plus d’approfondissement que dans d’autres (ex. consideration ou privity of contract dans les systèmes de common law)39.
Afin de centrer l’enseignement sur les questions, il faut se détacher des doctrines préétablies, surtout dans des plans de cours. Les thèmes devraient être organisés autour de questions larges et non de questions techniques, propres à un système. Ils devraient transcender les systèmes de droit. À titre d’exemple, le concept de « consideration » n’a pas une grande signification pour les systèmes civilistes et la théorie des nullités n’existe pas véritablement dans les systèmes de common law. La thématique doit ainsi être abordée du point de vue des problèmes humains, donc universels40.
Pour résumer, l’on peut dire que le droit comparé classique compare les règles en vigueur appartenant à des systèmes de droit positif et non les « mentalités » (même si ces dernières peuvent expliquer l’esprit de certaines règles) et les compare par rapport à un système de référence (le droit national)41. L’objet de l’approche transsystémique, à savoir la polyjuralité, est plus large que l’objet du droit comparé. La transsystémie se distingue du droit comparé classique principalement par le caractère intégré de l’enseignement plurijuridique et par le dialogue, le lien entre les traditions juridiques42.
II. L’apport de la transsystémie au droit comparé
La confrontation des deux méthodes d’enseignement permet de constater que la transsystémie offre des perspectives plus riches que le comparatisme classique, elle pourrait donc stimuler la réforme du droit comparé (A). La mise en œuvre des éléments de l’approche transsystémique dans le cadre d’un enseignement comparatiste risque toutefois de rencontrer certains difficultés et obstacles (B).
A. La richesse « idéologique » de la transsystémie
Le droit comparé actuel est souvent jugé inadapté aux nouveaux défis de la globalisation. L’une des comparatistes de notre époque, Bénédicte Fauvarque-Cosson, constate que « le droit comparé est accusé d'être stagnant, trop descriptif, insuffisamment interdisciplinaire, enfermé dans des catégories et distinctions traditionnelles, centré sur les sources législatives au détriment des autres, trop régional »43.
Or, il semblerait que de nombreux défauts de ce droit comparé classique pourraient être réparés grâce aux « emprunts » à la transsystémie. L’approche transsystémique perçoit le pluralisme juridique comme une prise en compte des autres ordres normatifs (ex. les traditions juridiques religieuses, aborigènes, droit international, droit islamique, talmudique, droit canon)44 et comme l’ouverture vers la lex mercatoria, les droits de l’homme et les ordres normatifs transnationaux45. L’approche transsystémique renforcerait le regard critique que le droit comparé devrait porter sur le système national.
Aujourd’hui, l’on souligne également que la globalisation a dissocié le droit et l’État46 et que la normativité non étatique est présente dans le milieu des affaires internationales, de la finance, des communications et des transports internationaux. Les professions juridiques s’internationalisent, les cabinets d’avocats sont « multijuridiques » et l’« empire du droit », selon la formule employée par Nicolas Kasirer, est bien transsystémique47. Les futurs juristes ont donc besoin des connaissances et d’outils leur permettant de se retrouver dans plusieurs systèmes juridiques48.
Le nouveau droit comparé devra alors s’intéresser davantage à cette normativité non étatique, et, par conséquent, aux sciences sociales et humaines qui expliquent le phénomène de la création de ce type de normes. Sans interdisciplinarité, la recherche juridique risque d’être de plus en plus stérile49. Rodolfo Sacco avec sa théorie des legal formants, demande de tenir compte dans la démarche comparative de tous les facteurs culturels et sociaux pertinents :
Au commencement du nouveau millénaire, le comparatiste (à qui incombe, dans la société des juristes, la tâche de l'explorateur) parcourt la frontière qui délimite le droit : sur cette frontière il rencontre non seulement le philosophe, l'historien, l'anthropologiste mais l'éthnologiste et le génétiste aussi50.
L’approche transsystémique aiderait peut-être à construire ce nouveau « droit global » ou, tout au moins, d’harmoniser les règles au niveau européen. De nombreux chercheurs soutiennent que le droit comparé a pour fonction, entre autres, de construire un jus commune. L’accomplissement d’un tel objectif pourrait être atteint si on avait le courage d’abolir les frontières entre les systèmes de droit. Là où le droit comparé classique rencontre ses limites, l’approche transsystémique permet de surmonter les obstacles, avec son idéologie du dialogue et de l’ouverture.
Bénédicte Fauvarque-Cosson51 remarque, entre autres, que le droit comparé enseigné le plus souvent dans un cours des grands systèmes de droit, est « daté, car il retient une dimension exclusivement horizontale fondée sur la comparaison des ordres juridiques nationaux et postule l'existence de familles juridiques constituées d'ordres juridiques nationaux, sans tenir compte de la dimension verticale du droit »52. En outre, la comparaison est traditionnellement basée sur la grille et les classifications internes du « système de référence ». Ainsi, les ouvrages de droit comparé en France reprennent les divisions existantes en droit français. Or, il est important pour un comparatiste de se détacher de ses propres connaissances sur son propre système de droit et de certains « préjugés de sa propre culture »53. L’apport de la transsystémie pourrait donc consister en une introduction des catégories transversales dans la recherche juridique. Comme le remarque Pascal Ancel, cela participerait à la construction d'un droit transsystémique encore en formation et pourrait contribuer à la transformation et peut-être aussi à la dissolution des systèmes54.
B. Les difficultés de la mise en œuvre
L’antagonisme entre le droit comparé classique et la transsystémie est donc, peut-être, seulement apparent, car la transsystémie peut transformer et faire évoluer la méthode comparative. Toutefois, les difficultés et les limites de pratique d’une telle approche en Europe sont bien réelles.
Tout d’abord, certaines difficultés sont détectées par les auteurs mêmes de la méthode transsystémique. L’on évoque notamment l’insuffisance du nombre d’heures d’enseignement, la complexité des matières rien que sur le terrain du droit interne (cette complexité est encore plus grande après l’introduction des éléments étrangers), le manque de préparation des professeurs55, de faibles connaissances sur les droits étrangers ou des capacités linguistiques insuffisantes56, un accès difficile aux ressources documentaires, la structure complexe des cours à préparer57, l’absence d’adhésion de l’ensemble des universitaires au programme transsystémique ou encore des difficultés financières58.
Sur le terrain européen, l’une des questions problématiques est l’utilisation des « catégories transversales ». Est-ce que cela ne risque pas de créer un amalgame, un mélange de règles ? Étienne Picard considère que « les concepts juridiques ne s'avèrent qu'assez rarement universels »59, est‑il donc possible d’enseigner le droit de manière transsystémique ? La tentative d’« abolir les frontières » en élaborant un code des contrats pour l’Europe s’est soldée par un échec60 et la suppression de la diversité des cultures juridiques est un argument avancé contre l’unification du droit en Europe61. L’enseignement du droit national n’est donc pas voué à disparaître…
Pascal Ancel constate clairement que l’enseignement du droit doit rester national, car tant pour les étudiants que pour les enseignants, les règles de droit national constituent l'élément central de la formation juridique : « ce sont ces règles et ces catégories (et, au-delà, leur logique d'ensemble) qui sont présentées et reçues par l'étudiant comme seules importantes et c'est seulement sur leur connaissance et sur l'habileté à s'en servir que l'étudiant sera évalué »62. L’auteur propose donc « sans aucunement “dénationaliser” l'enseignement du droit », de mettre au premier plan « les questions plutôt que les réponses et comparer systématiquement les réponses nationales à celles des autres systèmes »63.
Il s’agirait donc peut-être d’« une complémentarité prudente » ? L’approche transsystémique pourrait être pratiquée dans le cadre des doubles diplômes ou de l’introduction au droit. Cela permettrait au moins de rompre avec « l’image trop légicentrée du droit français » comme le décrit Bénédicte Fauvarque‑Cosson au sujet du droit comparé rénové. Ce droit comparé transformé grâce à l’approche transsystémique pourrait être utilisé à la fois comme un instrument d’amélioration du droit national et comme un moyen permettant d'identifier les principes généraux communs aux diverses traditions juridiques64.
Helge Dedek et Armand de Mestral remarquent que l’Europe n’est pas encore prête pour adopter le modèle interdisciplinaire, mais que l’approche comparative et transnationale, centrée encore sur le droit, pourra un jour être plus acceptable65.