Qui se demande où vont les militants-chercheurs de la décroissance (Lepesant, 2022), quel est le sens de leur engagement ?
Quand, en voulant forcer le trait, on réduit le chercheur à un pur « observateur » et le militant à un pur « activiste », les actions de l’un étant l’objet des analyses de l’autre, on obtient alors une vision figée de la décroissance, un « instantané », au risque de l’anhistorisme. Les activistes s’activent « ici et maintenant », par une sorte d’intimidation permanente à agir dans l’urgence, à l’ombre des catastrophes ; trop d’académiciens de la décroissance, comme pour expier à l’avance un excès d’abstraction et d’entre-soi universitaire, en viennent à survaloriser d’emblée un « primat de la praxis » (Adorno, 1978), praxis qui n’est pourtant pour eux que leur champ d’observation plus que d’engagement et d’expérimentation (Aumercier, 2022).
D’où un premier risque (politique), quand l’autosatisfaction provoquée par le « devenir-nombre » fait écran, au double sens de « faire-obstacle » et de « faire spectacle », et nourrit l’impression d’une transition en marche. Pourtant « que l’on ne nous raconte pas qu’on est en train de gagner, que les bonnes pratiques s’étendent et que la société se transforme actuellement dans le bon sens. » (Atelier Paysan, 2021, p.159).
D’où un second risque (idéologique), dû à un appauvrissement du rapport explicite à l’histoire quand la « transition » est en réalité trop souvent le nom d’un court-circuit entre le monde, rejeté, de la croissance et celui, projeté, de la post-croissance. Comme si la temporalité de la décroissance comme trajet pouvait être négligée : soit parce que la décroissance serait « inéluctable », soit parce que le trajet pourrait être une rupture sans continuité, une fermeture sans héritage (Bonnet, Landivar, Monnin, 2021 ; Monnin, 2023).
Comment alors faire justice aux expérimentations sociales, écologiques, démocratiques portées par la décroissance sans pour autant basculer dans la naïveté d’un mouvementisme qui se raconterait qu’il est spontanément autoporteur de son sens historique ?
En se souvenant qu’en français le « bon sens », ce peut être celui de la signification (meaning, Sinn, sentido) comme celui de la direction (Richtung, dirección). Dans le monde de la croissance, cette distinction est secondaire, tout simplement à cause de l’emprise que la direction exerce sur la signification : quand il s’agit de « croître pour croître », alors l’hégémonie de la croissance revient à celle de la direction sur la signification, parce que la croissance donne le sens du progrès.
A contrario, dans un trajet de décroissance, ne faut-il pas assumer qu’une initiative, qu’elle soit théorique ou pratique, n’est valable que si elle va dans la « bonne direction », c’est-à-dire dans la direction qui est jugée bonne parce qu’elle est sensée ?
Sans être ni un historien des échecs historiques du marxisme ni un théoricien des dangers des idéologies du sens de l’histoire, on peut se douter que la réinscription du trajet de la décroissance dans l’Histoire – fût-ce celle de l’émancipation – comporte peut-être encore plus de dangers politiques (Lepesant, 2012) que les risques précédemment évoqués du présentisme.
Voilà pourtant le défi que doit relever le militant-chercheur de la décroissance. En faisant le pari que c’est sa relation originaire entre réflexion et engagement (Lepesant, 2022) qui pourrait lui permettre de retrouver une « sensibilité à l’historique » qui éviterait à la décroissance (politique) et le piège du spontanéisme et celui du dirigisme : « Penser le politique de notre temps requiert une sensibilité à l’historique que n’annule pas, mais que rend au contraire plus nécessaire l’abandon de la fiction… marxiste de l’histoire » (Lefort, 1986, p.12).
Autrement dit, l’analyse réflexive par le militant-chercheur sur son propre engagement est la condition de l’inscription, à nouveaux frais, de la décroissance dans un sens historique de l’émancipation.
Nous1 défendons ici l’hypothèse que ces retrouvailles avec de l’historique peuvent se dérouler dans le cadre de ce que nous appelons une cartographie systémique, c’est-à-dire le repérage conceptuel des initiatives décroissances sur des trajectoires de décroissance. C’est le faisceau de ces trajectoires qui indique le sens du trajet de la décroissance2.
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Avant de finir par évoquer quelques trajectoires possibles et d’ouvrir ainsi des chantiers de discussion et de réflexion sur les expérimentations pratiquées et à imaginer, nous partirons de la « discussion » qui clôt la formidable cartographie systématique d’ores et déjà inventoriée (Fitzpatrick et al., 2022).
Ce sera précisément l’occasion de montrer que si, pour une cartographie, la différence entre le « systématique » et le « systémique » tient fondamentalement à la place et à la reconnaissance de la conflictualité, c’est qu’il y a là un enjeu politique décisif pour qui veut poser le plus explicitement possible la distinction entre la croissance et le « régime de croissance », pour qui veut orienter la critique non pas seulement contre les valeurs apportées par la croissance mais d’abord contre la « forme » du régime de croissance.
1 Fécondité de discuter à partir d’une cartographie systématique
Pour qui ne veut pas se satisfaire d’imaginer un projet de post-croissance comme le simple négatif du monde rejeté de la croissance3, le nexus politique de la décroissance se situe bien à l’époque du trajet, puisque c’est là que vont se nouer le contre quoi, le comment et le vers quoi. C’est d’abord pour éviter la pauvreté politique – et le danger démocratique – d’une inéluctabilité de la décroissance que nous proposons de voir dans une cartographie le cadre dans lequel serait acceptable une mobilisation en faveur de la décroissance : car, si la décroissance est inéluctable, à quoi bon une volonté pour s’engager et se mobiliser ; pire, à quoi bon préconiser des chemins démocratiquement compatibles avec les objectifs ? Sur ce dernier point, la réponse de l’introduction de Degrowth & Strategy est sans ambiguïté :
« De manière cruciale, nous ne souhaitons pas impliquer que la fin souhaitable d'atteindre une société socialement juste et écologiquement durable justifie l'utilisation de tous les moyens possibles à la disposition des acteurs de la décroissance » (Barlow et al., 2022, p.21).
En cartographiant la décroissance, en l’installant donc dans le champ des possibles, on écarte les écueils antidémocratiques de l’inéluctabilité, on donne du sens aux mobilisations, aussi bien théoriques que pratiques.
1.1. État des lieux décroissants : inventaire et synthèse thématique
Quel boulot ! Voilà ce que l’on ne peut s’empêcher de penser quand on lit « la plus grande cartographie systématique des propositions de politiques de décroissance », « la plus grande revue systématique de ce type à ce jour » (Fitzpatrick et al., 2022).
« Nous avons réalisé une cartographie systématique de la littérature sur la décroissance de 2005 à 2020 en utilisant la méthodologie ROSES (RepOrting standards for Systematic Evidence Syntheses). Sur un total de 1166 textes (articles, livres, chapitres de livres et thèses d'étudiants) faisant référence à la décroissance, nous avons identifié 446 textes incluant des propositions de politiques spécifiques. Ce comptage systématique des politiques a abouti à un grand total de 530 propositions (50 buts, 100 objectifs, 380 instruments), ce qui en fait l'agenda politique de la décroissance le plus exhaustif jamais présenté » (Ibid., résumé).
« La cartographie finale contient 13 thèmes – alimentation, éducation et culture, énergie et environnement, géopolitique et gouvernance, indicateurs, inégalité, finance, production et consommation, science et technologie, commerce, tourisme, urbanisme et travail » (Ibid., section 3.2.).
« Les dix instruments politiques de base, par ordre décroissant, sont les suivants : revenus de base universels, réduction du temps de travail, garanties d'emploi assorties d'un salaire de subsistance, plafonnement des revenus, plafonnement décroissant de l'utilisation des ressources et des émissions, coopératives à but non lucratif, organisation de forums délibératifs, récupération des biens communs, création d'écovillages et de coopératives de logement » (Ibid., section 4.2.).
1.2. La « discussion »
Mais l’article a gardé le meilleur pour la fin, dans la « discussion ». Car si cet « inventaire complet des politiques de décroissance » est un régal pour tout décroissant soit parce qu’il cherche où s’activer dans la pratique, soit parce qu’il désire proposer un programme politique de décroissance, c’est dans la « discussion » qu’est dressé un bilan critique extrêmement inspirant pour le militant-chercheur décroissant. Comment ne pas la lire comme un formidable appel du pied à se lancer dans la construction d’une cartographie systémique ?
« Dans cette section, nous examinons cinq caractéristiques clés des propositions de politiques de décroissance : précision, fréquence, visibilité, diversité et interactions. Tout d'abord, nous attirons l'attention sur le manque de précision de la plupart des propositions. Deuxièmement, nous commentons leur popularité relative, en faisant la distinction entre les propositions centrales et les propositions périphériques. Troisièmement, nous démontrons comment un objectif politique explicite peut entraîner de nombreux changements politiques supplémentaires. Quatrièmement, nous soulignons l'ampleur et la diversité de l'agenda de la décroissance. Enfin, nous réfléchissons à la manière d'évaluer les interactions entre les propositions existantes » (Ibid., section 4).
Cette « discussion » ajoute donc un nouvel inventaire à celui de la cartographie systématique, et c’est un inventaire de « problèmes ». « Problèmes » qui mériteraient tous des discussions répétées – dans l’idéal, aucune proposition politique, aussi bien dans les réunions publiques que dans les cercles militants de la décroissance ne devrait être présentée sans être « discutée » au sens le plus fort de « controverser » – et qui, ici, ne vont être (malheureusement) qu’évoqués ; au travers d’un prisme assumé : interpréter cet inventaire systématique comme un appel pour une cartographie systémique.
a) Des propositions imprécises (Ibid., section 4.1). D’autant qu’il y a plusieurs façons d’être imprécis. La première, c’est tout simplement l’imprécision sur le mode de l’allusion : les propositions sont faites « en passant, sans qu'aucun effort analytique ne soit fait pour les relier aux questions en jeu ». Une deuxième est l’imprécision par défaut de conceptualisation. Prenons l’exemple du tourisme (Ibid., section 3.3.10) : faute de s’être aperçu « sur le terrain » que la distinction fondamentale n’est pas entre « droit de voyager » et « droit de vivre » mais entre « voyage » et « tourisme », les propositions semblent se contenter de « limiter le tourisme », au lieu plus radicalement de proposer que les conditions proposées aux « voyageurs » ne devraient en rien différer de celles qu’une politique locale du patrimoine devraient proposer aux « habitants » pour se maintenir4 sur leur lieux de vie. La troisième imprécision est celle qui a pour effet que certaines propositions « ne sont pas compatibles avec les idéaux de la décroissance ». L’imprécision est source de « problèmes ».
b) Les propositions les plus « populaires » ne sont pas forcément les plus « pertinentes » (Ibid., section 4.2). Les auteurs de l’article distinguent entre les « propositions centrales » et les « propositions périphériques ». En soi, une telle division des propositions ne serait pas problématique si elle recoupait celle entre l’essentiel et l’accessoire5. Mais ce n’est pas le cas et c’est pourquoi il faut s’inquiéter des deux raisons qui rendent « populaire » une proposition politique. La première serait due à un mixte de « tradition » et de « mode », ce qui ne peut manquer de surprendre quand on prétend « changer de paradigme ». La seconde reviendrait à repousser « à la périphérie de l’agenda » « les changements à fort impact ». Et voilà un nouveau « problème » : comment éviter le double écueil politique de l’impopularité, comme de la popularité ?
c) Des propositions plus désirables que faisables par négligence des conditions et des transitions de possibilité (Ibid., section 4.3). Les auteurs proposent une nouvelle distinction, entre les « propositions conscientes » et les « propositions inconscientes ». La relation entre elles n’est pas d’opposition mais d’implication : car une proposition consciente implique toute une série de propositions inconscientes qui en constituent soit les conditions de possibilité (les préalables conceptuels) soit des moyens (des fins intermédiaires).
« La plupart des propositions se concentrent davantage sur ce qu'une politique est censée réaliser (objectifs) que sur la manière dont elle est censée le faire (instruments), en ignorant souvent une diversité de changements transitoires » (Ibid., 5. conclusion).
Autrement dit, non seulement la mise en avant de la visibilité du désirable pousserait à négliger le faisable, mais de notre point de vue, à refouler l’épineux problème de l’acceptable : comment faire accepter une proposition à ceux qui ne la jugent pas désirable ? En la leur faisant faire ?
d) Des propositions qui se diversifient par agglutination croissante (Ibid., section 4.4). Faut-il s’en réjouir, que cette diversification soit centrifuge quand la décroissance peut exercer « une influence concrète sur l'élaboration des politiques », ou centripète quand les propositions viennent de l’extérieur de ce que les auteurs qualifient de « bulle de la décroissance » ? Hésitation entre les bienfaits de l’ouverture et les dangers de la dilution sinon de la contradiction6 qu’il est peut-être précipité d’affronter, tant que la « bulle » n’aura atteint ni la cohérence ni la vue d’ensemble qui peuvent constituer les promesses de la systémicité…
e) Des propositions plus disparates que cohérentes (Ibid., section 4.5). Dans la perspective de passer du systématique au systémique, ce cinquième constat est vraiment le plus fécond. D’abord parce qu’il liste parfaitement les éléments du « problème » : « le programme actuel de décroissance est plus proche d'une liste disparate d'ingrédients que d'une recette bien organisée ». Disparité parce que les propositions sont indépendantes ou parallèles, sinon concurrentes. Disparité aussi parce qu’il existe des « synergies négatives », voire des « contradictions potentielles ».
Constat d’autant plus fécond qu’il débouche sur des pistes de résolution et que ce sont celles que nous comptons ensuite emprunter :
« chaque politique a sa propre échelle, son propre calendrier et sa propre faisabilité culturelle… Ce que les résultats de la présente étude suggèrent, c'est que l'agenda de la décroissance s'étend à de multiples échelles (locale, régionale, nationale, internationale) et acteurs (ménages, communautés, gouvernement, travailleurs, entreprises), même si les complexités d'une telle harmonie sont rarement explorées en détail » (Ibid., section 4.5).
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Cette cartographie systématique permet donc de repérer parfaitement un « besoin insatisfait » de l’agentivité décroissante : comment se repérer dans « les interactions entre les éléments de l'agenda de la décroissance » (Ibid., 5. conclusion). Mais avant d’ébaucher les différentes trajectoires et leurs échelons, nous allons nous demander pourquoi le « quoi » des ingrédients (les propositions) prend si souvent dans la « bulle » décroissante le pas sur le « comment » de la recette :
« Nous concluons en affirmant que le suivi des propositions de politiques de décroissance est un bon moyen d'étudier si le comment de la décroissance a évolué au même rythme que le quoi de la décroissance » (Ibid., section 5, conclusion).
« Les artisans du changement devraient étudier soigneusement les synergies (positives et négatives) entre leurs différentes propositions... Il n'en reste pas moins que l'agenda de la décroissance deviendrait plus convaincant s'il rendait compte des interactions entre ses propositions » (Ibid., section 4.5).
Dont acte. Il y a des propositions ; mais il y a aussi des problèmes, qui ont en commun une absence de systématicité, comme si chaque proposition avait oublié qu’elle n’est pas indépendante des autres, comme si chaque proposition pouvait simplement se juxtaposer aux autres, comme si un inventaire valait système.
2. Conflictualité et frilosité horizontaliste du régime de croissance
Quels sont les différents problèmes soulevés non pas dans mais par un inventaire systématique ? Autrement dit, en quoi la forme systématique de l’inventaire pourrait-elle être un problème pour l’agentivité décroissante, c’est-à-dire pour la capacité à mobiliser tant les réflexions que les actions en perspective d’une décroissance comme trajet ?
Nous voulons montrer que ces questions se relient à une autre : faut-il se réjouir lors des diverses présentations de la bulle décroissante de l’hétérogénéité de ses propositions ?
C’est ainsi que l’on peut relever dans des ouvrages collectifs récents : « La décroissance et la mosaïque émergente des alternatives » (Burkhart et al., 2020, introduction) ; « Stratégie pour la multiplicité de la décroissance » (Barlow et al., 2022, introduction). Au point même de s’en féliciter :
« Désormais le mot effraie moins. Il demeure souvent flou et est traversé d’interprétations divergentes, mais c’est selon nous une de ses forces qui témoigne de l’incertitude actuelle et des débats et conflits nécessaires pour construire un autre rapport au monde. L’engagement en faveur de la décroissance s’est par ailleurs accru dans la dernière décennie, donnant naissance à un mouvement social d’ampleur mais éclaté et hétérogène, où se croisent des groupements variés, du parti politique au collectif local plus informel » (Jarrige et al., 2023).
Répétons tout de suite que le risque du « devenir nombre » c’est qu’il fasse écran au « faire sens ». Il ne s’agit pas de les opposer mais au moment de les articuler il importe de savoir auquel il faut donner priorité pour ne pas sacrifier l’autre. Quiconque s’est déjà investi dans une expérimentation concrète a déjà rencontré ce « problème » dès qu’il s’agit d’élargir et d’ouvrir le cercle au-delà des premiers investis… Et nous sommes là au pied du mur des illusions portées par les stratégies de l’essaimage, du basculement, de la masse critique (Lepesant, 2013a, chap.10).
2.1. Sortir la décroissance du brouillard définitionnel
Combien de temps va-t-il encore falloir attendre pour que la décroissance assume enfin ce que son nom veut spontanément dire : la décroissance, c’est le contraire de la croissance7. Combien de temps va-t-il encore falloir attendre pour que les décroissants assument de structurer l’opposition politique à la croissance ?
Pourquoi ne pas accepter d’emblée qu’une telle définition permettrait d’aller à une première question politique : quelle est cette « croissance » à laquelle la décroissance s’oppose ? Car, très vite, on pourrait s’apercevoir qu’une définition seulement économique de la croissance serait politiquement largement insuffisante. En effet, quand la croissance devient la boussole des économies – ce qu’il ne faut pas confondre avec la recherche capitaliste du rendement sur le capital investi – alors l’économie peut engloutir la société : et dans ce cas, nous ne vivons pas dans une société avec une économie de croissance mais dans une société de croissance. Et c’est de cette société de croissance dont il faut partir : « partir » au double sens de commencer et quitter.
Un grand nombre de discussions gagneraient alors en clarté, en précision. Comment ne pas voir qu’une telle exigence (analytique) de clarté définitionnelle est l’une des conditions idéologiques de l’agentivité décroissante ?
Serait premièrement mise en avant une rupture : pas question de décroître pour décroître ! Autrement dit, pas question que la décroissance joue sur le double tableau du trajet et du projet, de la transition et de la destination. Et pour sortir du brouillard, ne suffit-il pas de savoir distinguer entre la décroissance (comme phase de transition) et la post-croissance (comme destination) ? Ce qui permettrait d’emblée de situer temporellement toute proposition politique en précisant le « quand » en « combien de temps ? ».
Deuxièmement, en concentrant l’attention politique sur cette phase de trajet, on éviterait cette façon de se faciliter la question « comment » en sautant directement du rejet au projet : histoire de prendre conscience que s’il s’agit d’émancipation alors il ne va pas suffire de réduire la production et la consommation pour sortir de la société de croissance. Pourquoi ? Parce que l’emprise de la croissance sur nos vies est d’une toute autre ampleur qu’une « simple » exploitation économique ; parce qu’il s’agit au moins d’aliénation au sens le plus fort d’addiction. Alors pas plus qu’une désintoxication ne pourrait former un « projet de vie », pas plus la décroissance ne peut signifier un « projet de société » !
Pour reprendre la question de la sensibilité à l’historique : la décroissance a donc bien un sens (une destination, une direction), mais ce n’est pas elle qui donne le sens. D’où une demande : que les propositions politiques de la décroissance ne se racontent pas qu’elles s’autosuffisent pour signifier une émancipation. Voilà pourquoi leur simple inventaire, fut-ce « la plus grande revue systématique de ce type à ce jour », fut-elle la première étape la plus nécessaire, n’est pas suffisant pour espérer mobiliser.
Voilà pourquoi nous faisons l’hypothèse que c’est l’extension du domaine de la critique de la croissance au « régime de croissance » qui pourrait réduire cette insuffisance. Pourquoi et comment ? Parce que l’analyse du régime de croissance permet de repérer que l’hégémonie de la croissance tient à l’emprise que sa « forme » exerce sur les conflits de valeurs, précisément par la neutralisation de la conflictualité en tant que telle.
2.2. Étendre la critique au régime de croissance
En réalité, l’hégémonie de la croissance économique s’étend bien au-delà d’une société de croissance. Certes dans un premier temps politique, il est déjà bon d’étendre la critique contre la croissance à son monde : de ne négliger aucun des chaînons de l’économie, de l’extraction à l’excrétion, en passant par la production et la consommation (MCD, 2022, p.98). Mais cette hégémonie déborde largement la stricte sphère économique : sont contaminés non seulement les modes de production et de consommation, mais aussi les modes de distraction, de repos, tous les modes de la vie, diurnes comme nocturnes (Ekirch, 2021 ; Rauch, 2021). Sont colonisés nos imaginaires.
Voilà déjà pourquoi la décroissance ne peut pas se réduire à la seule décrue économique mais qu’elle doit se fonder sur une décolonisation de nos imaginaires. Mais, arrivé à ce point, difficile de voir si (et pourquoi) on devrait se demander en quoi les autosatisfactions devant l’hétérogénéité des propositions de décroissance témoigneraient à leur insu d’une insuffisante décolonisation.
Voilà pourquoi, après avoir étendu la critique de croissance à son « monde », il faudra poursuivre cette extension jusqu’au « régime de croissance » (Romano, 2020). Mais n’est-ce pas déjà ce dont il s’agit quand on ajoute la décolonisation à la décrue ?
Qu’ajoutons-nous à l’économie quand nous étendons la croissance à un « monde » ? À quoi le monde de la croissance nous relie-t-il ? Et surtout en quoi ces relations sont-elles des liens au sens négatif de « chaines », à quoi sommes-nous enchaînés ? a) Nous sommes enchaînés à des modes de vie dont la tyrannie (Hunyadi, 2015) s’exerce d’abord sur les gens par des
« attentes générales auxquelles ils ne peuvent se soustraire, car ils doivent leur répondre (devoir travailler pour gagner sa vie est une telle attente, comme être performant, efficace, obéir à un principe de rendement ; avoir un comportement de consommateur, savoir s’orienter dans un monde technique, etc.) » (Hunyadi, 2023, note 1 p.50).
Il y a donc tyrannie parce que les grands systèmes instrumentaux, économiques, financiers, technoscientifiques, ne peuvent réellement déployer leurs réseaux qu’à condition de ne s’adresser qu’à des individus dans l’incapacité d’exercer le moindre contrôle (Abraham, 2019) sur leur emprise quotidienne : « Ce qui se manifeste comme la victoire de l’individu signe en réalité la victoire du système qui a façonné l’individu à son image, et à son profit » (Hunyadi, 2015, p.36). b) Nous sommes enchaînés à ce qu’Harmut Rosa nomme « stabilisation dynamique » :
« Une société est moderne lorsqu'elle fonctionne selon un mode de stabilisation dynamique, c'est-à-dire lorsqu'elle a systématiquement besoin de croissance, d'innovation et d'accélération pour sa reproduction structurelle et pour maintenir son statu quo socio-économique et institutionnel » (Rosa, 2017, §3).
Autrement dit, on peut décomposer l’emprise de « la croissance pour la croissance » en une triple injonction : le plus c’est mieux que le moins, le vite c’est mieux que le lent, le nouveau c’est mieux que l’ancien. Comment ne pas remarquer que ces trois notes du beaucoup, du vite et du nouveau composent une petite musique qui infuse très largement un grand nombre des « alternatives concrètes » : au moment de trancher les frictions surgies dans leurs praxis, c’est le « faire nombre » qui l’emporte sur le « faire sens », c’est l’« urgence » de la pratique qui l’emporte sur la lenteur de la réflexion, c’est l’enthousiasme affiché pour la nouveauté qui refuse de commencer en tirant des leçons des échecs précédents. c) Surtout, même si ces liens sont des chaînes, nous y sommes quand même attachés (Monnin, 2023), ce qui ajoute un degré supplémentaire dans la responsabilité dont nous héritons quand nous voulons démanteler les communs négatifs (Bonnet, Landivar, Monnin, 2021). La colonisation de nos imaginaires est bien une addiction et à moins d’être un « magicien » (Monnin, 2023, p.11), ce n’est pas d’un claquement de doigt que va pouvoir s’opérer la redirection vers une société post-croissance.
L’emprise du monde de la croissance est donc une emprise sournoise : a) les modes de vie ne sont pas des contraintes mais des attentes8 ; b) la triple injonction de la stabilisation dynamique s’insinue jusqu’aux alternatives à la société qu’elles prétendent critiquer ; c) même quand les communs ne sont pas bucoliques, nous y sommes attachés.
Comment une telle colonisation de nos imaginaires est-elle possible ? C’est que le régime de croissance ne se réduit pas à cette emprise sournoise du monde de la croissance, sinon pourquoi alors une simple insurrection des consciences ne suffirait-elle pas pour décoloniser nos imaginaires ?
Pour la même raison qu’il ne faudrait pas tant se réjouir de l’hétérogénéité des propositions politiques de la décroissance (au lieu de s’inquiéter de leur manque de précision, de faisabilité, de leur disparité…), de leur brouillard définitionnel, qu’il y a politiquement à craindre pour l’agentivité décroissante, quand l’intimidation permanente à agir tourne à l’insensibilité historique…
2.3. La « forme » horizontale du régime de croissance
Nous faisons l’hypothèse que cette « raison » repose sur un double contresens du rôle que la conflictualité devrait jouer dans la construction des propositions politiques de la décroissance. Nous allons voir d’abord comment la nature de l’opposition politique entre croissance et décroissance est manquée. Nous verrons ensuite comment ce premier contresens induit un refoulement de la conflictualité à l’intérieur même du projet qui porte la décroissance.
Le premier contresens revient à focaliser le conflit entre croissance et décroissance dans les valeurs ; alors qu’il est fondamentalement dans la « forme ».
Il ne s’agit pas de nier qu’il y a en effet des conflits de valeurs : la sobriété, la mesure, la bonne taille… contre le toujours plus ; le ralentissement, le repos, la sérénité… contre le toujours plus vite ; la récupération, l’ancien, l’entretien, le soin… contre le toujours nouveau.
Mais il ne s’agit pas de nier non plus que l’on peut déceler fondamentalement une « homogénéité anthropologique » (Romano, 2009) entre les deux types de projet : c’est ainsi qu’ Onofrio Romano – reprenant point par point le programme des « huit R » de Serge Latouche : réévaluer, reconceptualiser, restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser, recycler – porte une critique d’ensemble :
« Le type d’homme capable de soutenir ces principes directeurs est à n’en pas douter le même que celui que l’on retrouve à la base de la société du développement et de la croissance. C’est " l’homme moderne " » (Ibid.,p.170).
« Pour Latouche, le régime de " la croissance pour la croissance " doit être condamné avant tout parce qu’il représente une menace pour la vie elle-même. […] La défense de " la vie pour la vie ", avant toute question sur le sens de la vie, est ici présentée comme une valeur en soi. […] Elle tient à la subordination de la décroissance au principal précepte de l’imaginaire occidental moderne (travesti, comme d’habitude, en dogme universel, extra-historique et extra-géographique) : le caractère sacré de la vie en soi. Cet impératif traduit la neutralité fondamentale de la philosophie politique utilitariste : la démocratie et la liberté exigent une machine politique a-téléologique, qui ne s’immisce jamais dans la construction du sens de la vie, puisque celle-ci n’est que le résultat spontané de l’interaction entre les individus, auxquels est accordée une totale souveraineté dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur projet de vie. Dans ces conditions, la politique ne remplit plus qu’une simple fonction : assurer la conservation (la " vie pour la vie "). […] En ce sens, le principe de la " croissance pour la croissance " est entièrement équivalent à celui de la " vie pour la vie ". Ils sont mutuellement redondants. Le premier n’est qu’une déclinaison euphorique du second » (Ibid., p.174-175).
Dialoguant directement avec Serge Latouche, il lui dit : quand
« je me réfère, notamment à votre programme des " huit R ". Eh bien, je n'y vois rien d'autre qu'une perpétuation de la substance utile des objets » (Romano, 2020, Appendice, p.116).
La promesse utilitariste de la maximisation du bonheur pour le plus grand nombre ne peut être tenue qu’à une seule condition : un régime de neutralité institutionnelle, c’est-à-dire l’indifférence affichée des institutions aux conceptions privées de la vie bonne couplée à l’exigence première de fournir à chaque individu tous les moyens pour être à soi-même la propre source du sens de sa vie.
« Dans la modernité, la découverte du sens de la vie est l’affaire de chaque individu isolé. Le postulat est que chaque individu a le droit de mobiliser toutes les ressources nécessaires à cette fin. Au niveau de la société, cela se traduit par une exigence non négociable de croissance : seule la croissance peut satisfaire toutes les exigences de tous ces individus ne devant pas être limitées » (Kallis, Demaria et D’Alisa, 2015, p.40).
C’est cette institution imaginaire de l’individu par le régime de croissance qui constitue son fondement anthropologique : et cela se traduit par la « forme » de l’horizontalisme.
« La " croissance " n’est donc rien d’autre que le résultat et la traduction du principe moderne de la neutralité institutionnelle » (Romano, 2020, p.22).
« La croissance n’est pas une valeur en soi de notre société, mais en quelque sorte le résultat fatal de la forme horizontale de ses institutions. Elle n’est pas le résultat d’un investissement culturel opéré par des puissances maléfiques. Elle découle directement de la libération des particules élémentaires décrétée par l’horizontalisme : une fois " désolidarisés " de la société, les individus sont naturellement amenés à s’engager sur la voie de la croissance, en raison du sentiment de précarité accru par l’isolement » (Ibid., p.91).
Voilà du coup ce qu’une critique radicale de l’imaginaire de la neutralité porté par le régime de croissance doit poser : c’est que l’horizontalité possède une pente fatale, la tentation de l’horizontalisme9.
« Il faut donc déplacer la lutte pour une société de décroissance des valeurs à la " forme ", en abandonnant la dévotion au cadre horizontal. C’est la seule façon d’atteindre un régime souverain qui pourrait assurer la reproduction des ressources renouvelables et la préservation des ressources non renouvelables, en garantissant un type de vie sociale libérée de l’obsession de la croissance. Cela sera impossible si nous restons enfermés dans le cadre politique et social de l’horizontalité » (Ibid., p.93).
Autrement dit, le conflit des valeurs entre croissance et décroissance n’est qu’un coup d’épée dans l’eau si les décroissants ne prennent pas en considération que, dans la plupart de leurs propositions politiques, ils ont intégré cette « dévotion au cadre horizontal ». Et c’est la raison pour laquelle la prise de conscience de valeurs différentes, sinon opposées, est nécessaire mais politiquement insuffisante pour sortir du régime de croissance.
À ne pas le faire tout en réduisant la voilure économique de la production et de la consommation, on n’obtiendrait qu’un régime de croissance sans croissance, on ne peut rien imaginer de pire.
2.4. Horizontalisme et refoulement de la conflictualité
Nous en venons maintenant au second contresens quant au rôle que la conflictualité peut jouer dans la construction interne des projets politiques de la décroissance.
Nous allons ici nous contenter d’évoquer quelques-uns des problèmes que l’emprise de l’horizontalisme10 exerce sur la décroissance11.
« La croissance n'est donc pas, à notre avis, une valeur parmi d'autres qui gagne miraculeusement l'hégémonie dans nos sociétés après une lutte idéologico-culturelle, mais elle est l'effet de la connotation structurelle fondamentale de la modernité, c'est-à-dire la rupture de la cohésion communautaire et l'émancipation progressive des particules individuelles qui composent le tout. La tension vers la croissance est le résultat fondamental de l'individualisation. Toute tentative d'échapper au régime de croissance qui ne touche pas la structure individualisée de la société moderne est vouée à l'échec, même si elle est armée des meilleures intentions, même si elle est dotée d'une enveloppe culturelle (valeurs, conscience, etc.) qui s'oppose durement à la trajectoire de croissance illimitée » (Ibid., p.6).
- De façon générale et spontanée, l’horizontalisme consiste à placer sur une même ligne d’équivalence les diverses parties qui composent un tout. Par exemple dans un débat, toutes les opinions se valent et c’est un principe d’égalité qui répartit les tours et les temps de parole12. Ce principe d’égalité est en pratique un principe d’équivalence et on peut faire l’hypothèse qu’il vient de l’économie : « les grecs ont été les premiers à faire l’expérience de l’argent comme équivalent général et abstrait de tous les autres biens » (Kallis, 2022, p.121). On voit que ce sera au nom de tels principes qu’un collectif pourra se trouver dans le refus de trancher en cas de conflit, ou du moins que tout sera fait pour relativiser, pour neutraliser, toute controverse. Si on s’interroge sur le fondement ontologique de tels principes, on peut faire remarquer qu’il existe deux façons de concevoir la multiplicité. La multiplicité élémentaire (ou ensembliste, systématique) où le multiple, c’est l’inventaire d’éléments juxtaposés. La multiplicité relationnelle (ou systémique, structurelle) où le multiple naît des relations entre des éléments. Il y a ainsi deux façons de concevoir les rapports entre une société et les individus qui la composent. Quand on sait à quel point la décroissance fait souvent référence à la notion de « commun », on devine qu’il y a là un enjeu décisif : le commun est-il le plus petit dénominateur commun entre individus ou bien le commun est-il ce qui précède les individus13.
- N’est-ce pas l’objet d’une théorie de la justice que de définir les relations entre conceptions de la « société juste » et de la « vie bonne » ? D’un point de vue horizontaliste, une théorie de la justice est libérale au sens où elle doit rester « neutre à l’égard des différentes conceptions particulières de la vie bonne » (Van Parijs, 1991, p.244). Mais alors, est-ce à dire que la décroissance doit défendre une conception perfectionniste de la théorie de la justice, en s’assurant que tous disposent des biens dont il est dans leur intérêt véritable de disposer, même s’ils ne feraient pas eux-mêmes le choix de les acquérir (Duprez et Burdalski, 2023) ?
- Sans confondre un scénario et une stratégie14, on peut quand même remarquer que beaucoup de discussions sur ce sujet dans le champ académique de la décroissance se réduisent à hésiter entre des variantes de la théorie de l’essaimage, c’est-à-dire une version cool de la fable des abeilles (Brulavoine, Lepesant, Prat, 2015), mais dont le ressort principal semble bien de croire que le commun proviendra de l’agglutination d’initiatives juxtaposées, sous l’effet de stratégies symbiotiques et interstitielles (Wright, 2017).
- Peut-on aller jusqu’à dire que, dans l’actuel corpus idéologique de la décroissance, la question du conflit est une page blanche ? Au niveau de l’engagement activiste, la conflictualité est le plus souvent externalisée, dans le rejet puriste du monde de la croissance. Alors, quand on ajoute cette externalisation de la conflictualité à la difficulté en interne d’assumer les différends et les controverses15, on peut se demander si le fonctionnement de nos oasis de résistance et autres alternatives concrètes ne procèdent pas des mêmes mécanismes sectaires de l’entre-soi : la tyrannie de l’horizontalité, de « l’absence de structure » (Freeman, 1970), passe en particulier par des apparences de neutralité qui ne sont en réalité que des procédés de neutralisation de la critique.
Or il existe bel et bien une conflictualité interne au corpus même de la décroissance ; non pas entre les personnes mais entre les propositions, non pas à partir des « dérapages » mais des « bévues » (Frans H. Van Eemeren, Peter Houtlosser , 2004).
Or c’est précisément pendant la transition que cette conflictualité risque d’éclater ; il est plus facile de partager nos critiques (rejet) et nos idéaux (rêves) que les moyens et les chemins – les utopistes – pour passer de l’idéal à la réalité. Et c’est sans doute l’une des raisons qui explique que la décroissance stricto sensu comme trajet politique ne soit pas si souvent frontalement abordée.
« Nous devons entretenir une culture du conflit qui ne cherche pas à fuir la conflictualité, mais à l’assumer tout en cultivant les qualités humaines permettant d’en désamorcer le potentiel explosif » (Berlan, 2021, p.210).
En interprétant la forme horizontale du régime de croissance comme la mise en place de procédures de neutralisation de la conflictualité – au nom en particulier d’une conception étroite qui réduit l’acte de « juger » à celui d’opiner, sans jamais aller jusqu’à « trancher » (Ricœur, 1995) – nous nous demandons comment rendre justice à « la vertu du conflit » (Hunyadi, 1995) – en particulier son potentiel mobilisateur, surtout quand il va s’agir de remonter aux causes – tout en tenant compte de la mise en garde d’Aurélien Berlan : cultiver la conflictualité, ce n’est pas nourrir l’explosion16.
3. Imaginer le faisceau des trajectoires de décroissance
Nous faisons donc l’hypothèse que, faute d’affronter la conflictualité intrinsèque aux problèmes internes posés par la transition décroissante comme décrue et comme héritage, l’emprise du régime de croissance, fondamentalement de sa forme horizontale (juxtaposition, équivalence, neutralité…), a pour effet de ne pas assumer pleinement que la décroissance soit stricto sensu un trajet sous condition de repasser sous les plafonds de l’insoutenabilité écologique et de s’émanciper de l’emprise d’un imaginaire croissanciste.
Comment éviter que la question des stratégies, et des scénarios qui les traduisent temporellement, se replie alors sur un « commun par agrégation » qui se contente trop rapidement d’une « hétérogénéité », d’une « mosaïque » des initiatives juxtaposées et disparates (Fitzpatrick et al., 2022) qui, par le miracle d’une main invisible alternative dénommée essaimage, en vient à parier que le monde d’avant finira par basculer dans le monde d’après, dans la post-croissance ?
Malheureusement donc, une grande partie du corpus idéologique de la décroissance ne semble pas s’être réellement décolonisée du régime de croissance et de la tyrannie de sa forme horizontale ; bien au contraire, dans les textes comme dans les pratiques, un irénisme ambiant revient à cacher la conflictualité sous le tapis d’une bienveillance plus affichée que pratiquée. L’un des effets de ce refoulement est le repli dans un entre-soi qui s’aveugle de la désirabilité et de la faisabilité de ses « alternatives concrètes » sans très peu aborder la question éminemment politique de leur acceptabilité, c’est-à-dire de leur réception chez celles et ceux qui ne sont pas déjà convertis à la décroissance, et qui donc jugent qu’elle n’est ni faisable ni désirable.
D’où le pari d’une cartographie systémique pour viser un double objectif : à l’intérieur de la « bulle » décroissante, permettre de repérer et de situer les nœuds de conflictualité en fournissant un cadre dans lequel les discussions et les controverses pourront avoir lieu ; vis-à-vis de l’extérieur, se préparer à discuter des critiques qui seront adressées, sans avoir à les délégitimer au nom d’un antagonisme irréductible des valeurs, faisant ainsi systématiquement déraper la controverse dans la polémique ou le dialogue de sourds.
Le pari de cette cartographie systémique repose sur l’idée que ces deux objectifs peuvent se représenter, se visualiser, s’imaginer sur des trajectoires ; trajectoires dont le faisceau constitue le trajet de la décroissance. C’est pourquoi l’ébauche que nous allons esquisser n’est pas un cadre clé en main mais tente de tracer quelques axes pour permettre de relever (au sens de « faire un relevé » et au sens de « surmonter ») les zones de conflictualité.
3.1. La trajectoire comme axe de mobilisation
Si nous défendons l’idée que le court-circuit de la décroissance comme trajet – quand on se facilite la transition en faisant croire que l’on peut sauter sans étapes du monde rejeté de la croissance à celui projeté de la post-croissance – est en réalité politiquement démobilisateur parce que l’évitement de la conflictualité provoque un affadissement des argumentaires, alors nous pouvons aussi défendre le pari qu’une mise en avant de trajectoires et de leurs échelons contient un potentiel mobilisateur, qu’il est un ferment d’agentivité : triplement, pour montrer que c’est faisable, désirable et acceptable.
C’est ainsi que nous disposons aujourd’hui de l’exemple d’une telle trajectoire appliquée à l’entreprise, celle proposée par Luc Audebrand lors du Colloque Polémos de mai 202317.
Audebrand commence par reprendre le sous-titre du livre d’Y-M. Abraham (Abraham, 2019) : produire moins, partager plus, décider ensemble. Il définit alors trois objectifs pour une entreprise post-croissance : soutenabilité forte, mission d’utilité sociale, coopération. Ces objectifs s’opposent explicitement à ceux de l’entreprise en mode croissance : soutenabilité faible, profit, compétition.
Tout l’intérêt de sa proposition est alors de mettre en avant trois axes de décroissance, trois trajectoires pour passer d’un modèle « croissance » à un modèle « post-croissance ». Chacun voit bien alors que les chemins, les trajets sont nombreux (124 416) pour passer, par étapes, d’un modèle à un autre.
Évidemment les modalités ne sont ici qu’évoquées et elles demandent à être discutées. Mais d’ores et déjà nous devons enregistrer
- qu’il est possible de visualiser des trajectoires et de les adapter à chaque situation concrète,
- que les échelons de chaque axe, que l’on peut compléter à discrétion, sont des propositions d’étapes qui font gagner en précision, en pertinence, en faisabilité, en focalisation, en cohérence.
3.2. Les trajectoires possibles d’une cartographie systémique
Répétons : nous faisons le pari politique que la visualisation de la mobilité sur des trajectoires de transition sera un facteur de mobilisation, en permettant à chaque proposition de se situer dans une transition plus systémique que ne peut le laisser croire la simple localisation dans les « oasis de résilience ».
Ce dont nous avons besoin pour aider les alternatives décroissantes à se situer, c’est d’une totalité ouverte ; sans que cette ouverture se perde dans un « commun de juxtaposition ». Nous n’avons pas besoin d’un
« commun nominaliste, qui n’est que la sommation d’unités isolées, [qui] est un commun de carnaval… Ce dont nous avons besoin, c’est d’un commun de conviction… qui fournisse aux acteurs la force de motivation pour agir dans le sens d’un but partagé » (Hunyadi, 2023, p.131).
Comment alors ouvrir la totalité (totum) pour qu’elle ne se réduise pas à l’inventaire de toutes les choses (omnia) ?
- La cartographie systémique doit être celle des relations avant d’être celle des éléments, celle des synergies tant positives que négatives.
- Cette structure relationnelle s’ordonnera autour d’axes qui permettront de situer (par des coordonnées, en quelque sorte) et donc de coordonner pour que ce foisonnement d’initiatives cesse d’apparaître comme une « jungle » (MCD, 2022, préface de Timothée Parrique, p.7).
- La cartographie systémique fournira ainsi un « contexte » qu’en tant que « militants-chercheurs » les décroissants pourront réfléchir (au sens de thématiser et problématiser ce qui dans l’attitude naturelle n’est que simple réalité) ; autrement dit, ce contexte sera la plate-forme qui permettra de « décrocher du réel »18, pour surmonter les problèmes sans avoir à les dénier.
C’est ainsi qu’intrinsèquement une carte par sa vue d’ensemble porte une mise en perspective. Nous pouvons étendre aux militants-chercheurs de la décroissance ce que Bernard Lahire écrit aux chercheurs :
« L’accumulation des études de cas appelle régulièrement des synthèses créatrices – c’est-à-dire à visée scientifique et non " pédagogique " – qui récapitulent, coordonnent, clarifient, reformulent et orientent la recherche afin de féconder de nouveaux travaux théorico-empiriques riches du patrimoine accumulé et conscients de ce qu’ils peuvent apporter de neuf dans un paysage clairement dessiné. […] Les chercheurs ont besoin d’une carte pour savoir où ils se trouvent, où ils vont et quels sont les principaux points qui structurent le territoire qu’ils cherchent à connaitre » (Lahire, 2023, p.909).
Et quand il s’agit de relocalisation, elle peut être aussi bien territoriale que temporelle : ce qui fournit sans attendre deux trajectoires de décroissance : l’axe des temporalités et celui des territoires.
« Plus il y a de propositions, plus il y a de synergies, ce qui rend l'étude d'une transition vers la décroissance extrêmement compliquée, d'autant plus que chaque politique a sa propre échelle, son propre calendrier et sa propre faisabilité culturelle » (Fitzpatrick et al., section 4.5).
On peut ainsi supposer des échelles territoriales, institutionnelles, une échelle temporelle (calendrier) et une échelle des conduites et des attitudes (qui se positionnent suivant la faisabilité culturelle).
« La décroissance socialement durable devrait donc être conçue comme la conséquence de stratégies multiples, allant de l'activisme oppositionnel à la construction d'institutions alternatives en passant par la réforme de certaines institutions existantes, mises en œuvre simultanément à des échelles multiples, du local au mondial » (Viviana Asara, Iago Otero, Federico Demaria et al , 2015, p.378).
« Cependant, nous reconnaissons que la transformation est un concept aux significations diverses, fragmentées et, parfois, contestées, qui se manifeste à la fois au niveau de l'agence (attitudes personnelles, organisation politique) et de la structure (institutions, arrangements socio-économiques). […] Les transformations impliquent des processus non linéaires, car elles traitent de systèmes dynamiques, multidimensionnels et complexes et considèrent l'innovation sociale comme une force motrice essentielle de ces processus. Elles impliquent de multiples échelles et niveaux de système, du local au régional, au national et à l'international, ainsi que des niveaux fonctionnels tels que les marchés, les États et la société civile » (Ibid., page 379).
Lors de l’été 2023, nous avons présenté ce projet d’une cartographie systémique des propositions politiques de la décroissance ; ce qui nous a déjà fourni des pistes pour de nouvelles trajectoires : degré de politisation, rapport à la technologie, axe de la taille…
Bien sûr, au-delà de trois dimensions, il devient difficile de visualiser ce que deviendrait une telle carte à n dimensions. Mais en tant que repère, on peut projeter des espaces à n dimensions sur des sous-espaces à n-i dimensions (1 ≤ i ≤ n-1). L’important c’est que chaque proposition puisse être repérée à l’aide d’un n-uplet dont les composantes seront des coordonnées, comme une suite finie de mots-clés.
3.3. Quatre trajectoires de décroissance
a) La trajectoire de la temporalité : puisqu’il s’agit de transition et que les stratégies se traduisent en scénarios, il semble logique que la première échelle soit celle des temporalités.
Les premiers échelons sont faciles à repérer : l’immédiat, l’échéance d’une première mandature (qu’elle soit associative, entrepreneuriale ou institutionnelle), la décennie qui vient, le mi-siècle, la fin du siècle… et tout au bout la fin entropique du temps.
Mais ce n’est pas si simple.
- Parce que notre rapport au temps est d’abord un rapport subjectif dans lequel le passé, le présent et le futur ne se juxtaposent pas mais se superposent.
- Parce qu’aujourd’hui comment ne pas se demander s’il est urgent d’agir ou bien s’il est trop tard ?
Autrement dit la superposition des temps provoque des dissonances. C’est ce que montre très bien une remarquable analyse (de Moor, Marquardt, 2023) consacrée à la coordination des futurs pour des activistes climatiques.
Les dissonances viennent d’abord du choc entre les temporalités apocalyptique et post-apocalyptique : l'activisme climatique doit-il être imaginé en termes de changement climatique dangereux mais encore évitable ou bien en termes de scénarios catastrophiques comme étant inévitables ou déjà présents ?
- Dans un premier temps, les acteurs tentent de juxtaposer les termes du conflit temporel. En s'appuyant sur la théorie des futurs imaginés (Tavory, Eliaphot, 2013), de Moor et Marquardt montrent que le post-apocalyptique est renvoyé vers le paysage (celui du temps long) alors les actions se replient sur les trajectoires (qui placent les actions sur un plan d’action anticipé).
- Dans un second temps, les trajectoires qui forment le « concret » des « alternatives concrètes » se concentrent sur la relocalisation, sur le « ici et maintenant » et sur le collectif.
Autrement dit, plutôt que de poser et d’affronter la conflictualité des dissonances temporelles, la résolution consiste à spatialiser le temporel, à se replier là où peut avoir lieu une action collective. L’un des enquêtés le formule très bien :
« Et je pense que moi-même, j'ai le désir d'éviter de ressentir le désespoir de ce que je pense qu'il va vraiment se passer et d'éviter cela en faisant une action qui semble être une action » (Moor, Marquardt, 2023, section 4.2).
C’est là où l’absence de reconnaissance de la conflictualité intrinsèque peut faire des dégâts :
« Bien que ces disjonctions aient été résolues au niveau de l'organisation, les frustrations personnelles suggèrent le risque que la motivation des individus pour l'action collective soit minée par l'incapacité à résoudre les contradictions temporelles » (Ibid., section 5, discussion).
C’est là qu’une cartographie systémique pourrait croiser l’axe des temporalités et celui des attitudes : pour continuer à agir et à espérer, pourquoi ne pas rapprocher l’horizon d’attente de nos initiatives, pour retrouver des délais dans lesquels l’incertitude redeviendrait acceptable : par exemple, dans un projet de monnaie locale, pour ne pas se retrouver coincer entre une « rupture avec le capitalisme » et une variante relocalisée de l’euro, un projet peut se donner dix ans pour réaliser un « plan de décroissance monétaire » (Lepesant, 2013b).
b) La trajectoire des territoires : nous savons tous que la relocalisation est une perspective centrale pour la transition décroissante.
Mais pour autant, ne pas croire qu’elle est sans « frottement » :
- D’abord parce qu’il y a la critique sévère portée par Onofrio Romano qui rappelle que l’Occident a déjà connu une époque de relocalisation – dans les villes italiennes à la Renaissance – et qu’elle a été le laboratoire d’où est sorti la « ville occidentale », c’est-à-dire l’urbain sous régime de croissance (Romano, 2009, p. 171-173).
- La critique radicale de la métropolisation ne peut-elle déboucher que sur une mise à l’écart intransigeante de ce que serait une ville post-croissante (Charmes, 2023) ?
Néanmoins aujourd’hui, on voit comment la question du territoire ne doit pas seulement se focaliser sur le destin de la ville mais doit s’ouvrir à une unité territoriale plus vaste, prioritairement la « biorégion ».
« Biorégion où nous intégrons les relations entre tous les vivants d’un territoire et les productions humaines de base (alimentation, habitat, énergie) et les cultures. Concrètement, cela revient à articuler la proximité à partir d’un tissu de villes-bourgs avec leurs ceintures vivrières et artisanales » (Rollot & Schnaffer, 2021).
Je termine cette évocation en précisant quelques échelons qui pourraient encadrer celui de la biorégion : à partir de la maisonnée (Pruvost, 2021), le voisinage (p.m., 2016), la commune ou la municipalité (du bourg à la ville), le bassin de vie, et au-delà de la biorégion, le territoire historiquement dénommé « nation », le sous-continent, la planète.
c) L’institution (Lordon, 2019) est une notion assez large pour regrouper celle de société, de collectivité, d’« organisation » (Bonnet, Landivar, Monnin, chapitre 2), d’administration (en particulier la question des services publics et leur articulation avec les « biens communs »), d’entreprise (Abraham, 2019, chapitre 5), d’association, de mutuelle, coopérative, syndicat (Lepesant, 2011).
C’est donc d’une trame institutionnelle dont il s’agit :
« La trame de ce tissu, la trame même d’un socialisme de la vie sociale retrouvée, tisserait ensemble les interdépendances tant horizontalement par un principe de coopération et d’entraide que verticalement par un principe de subsidiarité » (MCD, 2022, p.174).
d) La trajectoire des conduites : qui lors d’une discussion ne s’est pas fait culpabiliser par la radicalité intransigeante d’un « plus décroissant que moi tu meurs » ?
Qui ne s’est pas retrouvé coincé entre l’alternative-option et l’alternative-rupture : c’est la tension qui structure encore aujourd’hui les partis politiques écologistes entre les Realos et les Fundis.
Bref, il y a ce que Patrick Viveret a baptisé le PFH19. Comment le décentrer, le désindividualiser ?
C’est particulièrement pour ce dernier axe que sa détermination devrait résulter d’une intrication très forte entre travaux sociologiques et pratiques sociales. Pour éviter le risque de la micrologie et la fractalisation, il faudra d’emblée poser que le cadre de la résolution devra s’élever et tolérer un certain degré d’abstraction remontante, par exemple sous la forme de « portraits » idéaux-typiques ; par exemple,
« une étude récente des pratiques économiques alternatives à Barcelone propose une typologie perspicace des acteurs : ceux qui sont " culturellement adaptés " au statu quo (ce que l'on appelle le " business as usual " dans un certain nombre de scénarios, tels que la GTI) ; ceux qui sont " culturellement transformateurs " (les innovateurs radicaux) ; et les " praticiens alternatifs " (qui se situent entre les deux) », (Escobar, 2014 , note 15).
Cette dernière remarque vaut pour la construction entière de cette cartographie systémique : c’est de vivante voix, lors de rencontres en chair et en os, qu’un tel programme devrait être lancé.
Bien sûr on pourra se baser sur des exposés et des comptes-rendus des expérimentations réellement existantes. Mais faisons confiance à la rencontre, elle sera elle-même l’occasion de frottements et de frictions. Autrement-dit, elle deviendra à elle-même son propre objet d’analyse et de pratique. Ce sera alors une bonne façon de se rappeler en commun qu’il ne peut pas y avoir de commun sans des règles communes : de discussion et d’argumentation, de savoir-vivre et de convivialité.
Cet axe des conduites sera donc en réalité l’axe de la démocratie.
Parce que, politiquement, il ne peut y avoir de décroissance comme trajet que si c’est un choix démocratique. Une décroissance inéluctable ne peut éviter d’être accusée d’être un oxymore que si l’emprise du régime de croissance est négligée, ou niée, sinon acceptée. C’est en ce sens qu’il faut « repolitiser la soutenabilité ».
Telle serait l’utilité démocratique de la cartographie systémique : non seulement faciliter la critique et les réajustements continus mais les encourager.
*
C’est la mise sous le tapis de l’emprise du régime de croissance même à l’intérieur de nos alternatives qui, en écartant la vertu politique du conflit, en vient à favoriser une préférence pour des scénarios contradictoires de basculement dont l’irénisme (anthropologique) débouche sur le contresens (historique) de penser la décroissance plus comme un « saut » que comme un trajet.
D’où cette proposition de construire la décroissance à partir d’une cartographie systémique qui permettra de relever les zones internes de frottements et de frictions.
Nous ne disons pas que cette cartographie systémique est suffisante, juste que sa prise en compte de la vertu de la conflictualité lui permet de mieux préparer une rupture qu’aucune stratégie réaliste ne peut ni prévoir ni provoquer. Si elle n’est pas suffisante, c’est qu’il lui manque un levier historique qu’il est difficile de déterminer : les lentes avancées jurisprudentielles des combats juridiques, la surprise d’une majorité électorale, une explosion insurrectionnelle au sens de la révolution selon Castoriadis20, un tournant géopolitique… Nul n’est prophète pour prédire lequel de ces leviers ou une combinaison serait une « cause occasionnelle » de décroître… Mais nous pouvons croire que cette étincelle qui fera déborder le vase sera un moment conflictuel, et c’est ce à quoi nous devons nous préparer, de l’intérieur.
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