Louise Colet, « écriture féminine » et codification du féminin

Louise Colet, « Female Writing » and Gender Coding

DOI : 10.52497/sociopoetiques.698

Résumés

Résumé : Quelle est la place des femmes dans la littérature française du xixe siècle à l’aune de la catégorie des « minores » ? Confrontée à des représentations sociales qui enferment l’écrivaine dans un espace de clichés réducteurs, Louise Colet s’empare des stéréotypes érigés par la masculinité pour fonder une œuvre qui fasse fi de la modernité littéraire telle que l’établit au même moment Flaubert en homme tout-puissant et en Maître de la littérature. Louise Colet revendique les prétendus travers d’une écriture féminine pour relever le défi du « grantécrivain » : en écrivant, elle ne renoncera à rien de sa féminité, bien au contraire. Mieux : par une écriture féminine en pleine époque de codification du féminin, elle prouvera qu’il existe une autre voie que celle du masculin tout-puissant.

Abstract: What is the place of women in nineteenth-century French literature in the light of the “minor” category? Confronted with social representations that enclose the writer in a space of reductive cliches, Louise Colet seizes the stereotypes erected by masculinity to found a work that ignores the literary modernity as established at the same time Flaubert as a all-powerful man and “Master” of literature. Louise Colet claims the so-called women’s writing to meet the challenge of the “grantécrivain”: in writing, she will not renounce anything of her feminity, quite the contrary. Better: by a feminine writing in full epoch of codification of the female gender, she will prove that there is another way than that of the masculine-almighty.

Index

Mots-clés

Colet (Louise), codification du féminin, minores, Flaubert (Gustave), modernité

Keywords

Colet (Louise), gender coding, « minor » category, Flaubert (Gustave), literary modernity

Plan

Texte

Nous voudrions interroger la place des femmes dans la littérature française du xixe siècle en nous intéressant au cas complexe de Louise Colet – parce qu’à la fois tellement singulier et pourtant si emblématique. Poète, romancière, dramaturge ou encore auteur de récits de voyages, Louise Colet a touché à peu près à tous les genres littéraires et fréquenté, de près ou de loin, les écrivains les plus importants de son époque. Née en 1810, décédée 66 ans plus tard, elle est la contemporaine de George Sand. Malgré quelques beaux succès d’édition, quatre prix décernés par l’Académie française et des hommages rendus par ses plus grands confrères, en tête desquels se place Victor Hugo, Louise Colet n’a réussi à s’imposer ni dans la république des Lettres ni dans la gens Flaubert1 autrement que comme un bas-bleu, une femme écrivant plutôt qu’une écrivaine à part entière. Elle ne sera même jamais une deuxième George Sand.

En fait, si Louise Colet apparaît comme un cas à l’analyse pertinente, c’est que, dès sa jeunesse à Aix-en-Provence puis tout au long de sa vie conjugale avec Hippolyte Colet et sans discontinuer pendant sa carrière littéraire, elle sera confrontée à des représentations sociales qui enferment l’écrivaine dans un espace fort restreint (quand il est autorisé) au sein duquel la création littéraire est jugée en fonction de clichés réducteurs. Flaubert, Barbey d’Aurevilly et quelques autres, dont Alphonse Karr, par exemple, vouent Louise Colet à n’être qu’un écrivain de seconde zone parce qu’elle est d’abord une femme – donc un être de sensibilité et même de sensiblerie – et qu’une femme ne peut atteindre au Beau ni au Vrai puisque sa perception du monde passe forcément par son cœur plutôt que par sa raison. Frappée par un discours violemment misogyne, Louise Colet se trouve condamnée par ses homologues masculins à ne jamais entrer dans leur monde. En cela, elle subit un ostracisme esthétique qui reflète la représentation sociale des femmes telle qu’elle a cours alors : des individus de seconde catégorie, au mieux destinés à séduire ces messieurs, au pire voués aux travaux ménagers et à la puériculture selon les programmes scolaires du Second Empire2.

Or, Louise Colet adopte une position assez inattendue : plutôt que de prendre le contre-pied de ses détracteurs ou de chercher à écrire selon leur poétique, définie par eux comme masculine – loin de l’expression de sentiments personnels et d’un pathos violemment critiqué par Flaubert3 ; entre impersonnalité et autonomisation de la littérature – elle s’adonne à cette écriture « féminine » qu’ils n’ont de cesse de stigmatiser, comme pour la revendiquer en pionnière d’un certain féminisme. Ses romans – Lui ou Une Histoire de soldat par exemple – deviennent des règlements de compte personnels ; ses récits de voyage – Deux mois d’émotion ou Les Pays lumineux –, des entreprises où sonder son âme ; ses poèmes – La Servante, La Paysanne… –, des défenses de la grandeur du sexe féminin. Combien de textes biographiques, encore, pour dresser un piédestal à toutes les femmes méritantes ? Louise Colet promeut une écriture de la femme, par une femme, selon les valeurs attribuées aux femmes par ses contemporains-hommes, et feint de ne tenir aucun compte du mépris qui s’abat sur une écriture de l’émotion, de la sensibilité ou de l’empathie. Elle érige alors le souci de l’Autre en valeur supérieure de la littérature.

Ainsi, ce que nous voudrions montrer, c’est la manière dont Louise Colet s’empare des représentations sociales des femmes en général et des femmes qui écrivent en particulier pour y puiser les motivations de son œuvre, les caractéristiques mêmes de son écriture et, donc, l’originalité de sa production. On n’a pas cessé de répéter à Louise Colet que les travers de l’identité féminine empêchaient l’émergence des femmes-écrivains et que la littérature féminine ne serait jamais autre chose qu’un avatar malheureux de la permission d’écrire laissée aux femmes. Louise Colet relève le défi : en écrivant, elle ne renoncera en rien à sa féminité. Bien au contraire : par une écriture « féminine » en pleine époque de codification du féminin, elle trouvera qu’il existe une autre voie que celle du masculin tout puissant.

Les reproches adressés à Louise Colet : des procès d’intention faits à son sexe

On sait que les femmes, au moins dans les milieux où vit Louise Colet, sont enfermées dans des représentations très sectaires. Avec une brutalité qui passe aujourd’hui pour de la grossièreté, du mépris ou de la bêtise, les femmes se trouvent alors réduites au fameux cliché de l’élément liquide, volontiers jugé dévalorisant par opposition à la symbolique phallique de l’homme. La femme ne serait que larmes, c’est-à-dire fragilité, lait et liquide amniotique, c’est-à-dire maternité, sécrétions vaginales et sang menstruel, c’est-à-dire sexualité. Si le corps de la femme doit se donner tout entier à un homme dont la virilité se transforme en force de prédation, elle ne peut évidemment pas se prétendre son alter ego : l’homme tient à se définir au contraire par son esprit, sa finesse intellectuelle, au pire par un corps qui ne peut être que forces d’une matière solide, jamais liquide. Ce cliché de l’élément liquide, qui a suscité au long des siècles une peur du corps féminin à travers ses différents fluides, est largement convoqué contre Louise Colet et ses aspirations littéraires. Son entourage familial à Aix ne voit en elle qu’une jeune fille à marier quand elle rêve de littérature, de vie parisienne et de carrière artistique ; son époux, le musicien Hippolyte Colet, la réduirait volontiers au simple rôle de maîtresse de maison si elle ne se cabrait pas aussitôt devant ses modestes ambitions ; ses confrères lui dénieront toujours un talent à l’égal du leur, désireux de la cantonner dans un rôle de muse bien suffisant. Tous l’enferment dans un statut féminin, qu’ils conçoivent comme secondaire et même mineur, et ne savent en conséquence que réduire son œuvre à de la littérature féminine, selon une codification établie par leurs soins.

Venons-en justement au discours que lui tient Flaubert dans une correspondance qui, faute d’être toujours amoureuse, révèle l’état d’esprit de l’époque, bien illustré par cet aveu : « On traite les femmes comme nous traitons le public, avec beaucoup de déférence extérieure et un souverain mépris en dedans 4 ». Flaubert en fera toujours de même. En effet, s’il veut bien considérer en Louise Colet la femme de lettres, c’est pour mieux lui faire ressentir tout ce qui lui manque pour se prétendre artiste à part entière. Ses griefs sont nombreux mais il lui reproche principalement de trop nourrir son œuvre d’un moi obsédant et maladroit qui la pousse à confondre l’art et la vie et l’empêche d’atteindre à l’Idéal, c’est-à-dire au Beau, dès lors confondu avec l’Impersonnalité, élément essentiel du dogme théorique flaubertien. Louise Colet contaminerait les genres littéraires par sa soif d’expansion personnelle : si sa poésie subit l’influence lamartinienne que Flaubert juge malheureuse, parce que trop féminine, ses romans et ses récits viatiques suivent selon lui la même pente et s’éloignent alors du réel tel qu’il voudrait l’atteindre. Il la met en garde par ces mots : « Mais tu ne profites de rien. Tu prends la vie à rebours et tu fais des confusions perpétuelles de la vie et de l’art, de tes passions et de ton imagination, qui nuisent à l’un et à l’autre » (9 au 10 janvier 1854, p. 503). Souvent, il l’accuse d’avoir écrit « avec une passion personnelle qui [lui] a troublé la vue sur les conditions fondamentales de toute œuvre imaginée ». Et de conclure sans réserve : « L’esthétique est absente. […] Tu as fait de l’art un déversoir à passions, une espèce de pot de chambre où le trop-plein de je ne sais quoi a coulé. – Cela ne sent pas bon » (ibid., p. 502).

Dans une répétition qui se veut pédagogique, ses courriers lui reprochent sans fin un sentimentalisme affligeant qui laisse toute la place à l’expansion du cœur selon une « éternelle personnalité déclamatoire » (27 mars 1852, p. 61). De fait, il consacre une kyrielle de lettres à critiquer une inspiration trop personnelle et à chercher à la convaincre « qu’il n’y avait rien de plus faible que de mettre en art ses sentiments personnels » (ibid.). Flaubert en est persuadé : une littérature produite par une femme ne peut donner que des œuvres « lâchées, molles » (10 avril 1853, p. 300). Inscrit dans les stéréotypes de son époque qu’il reprend volontiers et accentue même, Flaubert apparaît alors à la fois, et contradictoirement, en bourgeois phallocrate qui dénie à la femme toute place dans la société et en artiste qui refuse que cette même femme puisse accéder au domaine exclusif, et anti-bourgeois, du Beau. D’ailleurs, le Flaubert du début des années 1850 ne cesse de confronter aux tentatives artistiques de sa maîtresse le modèle sandien conçu comme le modèle malheureux par excellence, et même comme un véritable repoussoir :

Tu arriveras à la plénitude de ton talent en dépouillant ton sexe, qui doit te servir comme science et non comme expansion. Dans George Sand, on sent les fleurs blanches ; cela suinte, et l’idée coule entre les mots, comme entre des cuisses sans muscles (16 novembre 1852, p. 177).

Le prétendu discours esthétique, qui relève d’une absolue misogynie, se grime désormais à peine en procès artistique. Selon un Flaubert féroce, l’œuvre de Louise Colet offre la simple et misérable illustration des défauts de son sexe. Plus rien ne retient alors l’écrivain sur la pente d’une grossièreté méprisante quand il en vient à lui reprocher « le vague, la tendro-manie féminine » : « Il ne faut pas, quand on est arrivé à ton degré, que le linge sente le lait. Coupe donc moi la Verrue montagnarde, et rentre, resserre, comprime les seins de ton cœur, qu’on y voie des muscles et non une glande » (13 avril 1853, p. 304).

Mieux, la définition de son esthétique passe chez Flaubert, dans ses lettres à Louise Colet, par une réflexion qui condamne tout ce qui relève, selon lui, d’une codification du féminin. Par exemple : le manque de lucidité, et il déplore de voir Louise Colet, comme toutes les femmes, « demander des oranges aux pommiers » (18 décembre 1853, p. 482), ou encore une trop grande facilité d’écriture qui la rendrait trop prolifique, et le voilà qui raille encore : « je ne te sais nul gré de faire de beaux vers. Tu les ponds comme une poule les œufs, sans en avoir conscience (c’est dans ta nature, c’est le bon Dieu qui t’a faite comme ça) » (ibid., p. 480). Ou encore cette manifestation permanente du sens commun associé à une défense du peuple qu’il exècre, lui qui appelle au contraire à une aristocratisation de l’écriture5. Ou encore – la liste n’en finit plus – le manque de sincérité, et il dénonce chez les femmes une hypocrisie essentielle6 qui rejaillit sur l’œuvre. En réalité, cette liste est longue de tous les défauts du genre féminin, qui se multiplient d’autant que les femmes se mêlent de littérature.

Si l’on veut en terminer avec le discours flaubertien, rappelons cependant que les lettres à Louise Colet poursuivent au fond un but totalisateur, avoué sans peine : rayer de la carte des sexes la femme en tant qu’idéal. S’il interdit à Louise Colet écrivain de revendiquer la moindre « écriture féminine », comme la définira Hélène Cixous dans Le Rire de la méduse, soit selon Flaubert une littérature de nerfs par opposition à la création masculine, littérature de muscles, c’est pour aboutir à une conclusion plus essentielle encore qui tient dans l’interdiction de se revendiquer en tant que femme. Et de lui répéter sans cesse qu’elle a tort de défendre des positions engagées en faveur de son sexe puisqu’elle n’est pas une femme ; que, selon lui, elle ne doit pas se compter de leur nombre (21 août 1853, p. 401) et qu’il lui faut au contraire « être du côté des forts » (28 décembre 1853, p. 491). Il lui prédit, tout fier : « La nature, va, s’est trompée en faisant de toi une femme. Tu es du côté des mâles. […] Poésie oblige » (27 août 1853, p. 421). Et de poser, sentencieux : « Toi, tu n’es pas une femme, et si je t’ai plus et surtout plus profondément aimée […], c’est qu’il m’a semblé que tu étais moins femme qu’une autre » (27 mars 1853, p. 285). Jusqu’aux déclarations les plus scandaleuses pour nos consciences du xxie siècle lorsqu’il ose enfin : « Ô femme ! femme, sois-le donc moins, ne le sois qu’au lit ! » (4 septembre 1852, p. 150). Derrière le rejet parfois violent d’une écriture féminine, les psychanalystes pourraient-ils déceler une peur du sexe féminin, ce fameux « continent noir7 »dont parle Barbara Vinken et que Flaubert a cherché à éviter en développant un fétichisme avéré ? Satisfait de lui-même, il conclut tout bonnement : « Quelle drôle de chose que les femmes ! » (24 mars 1853, p. 276).

Il faut se rappeler cependant que Flaubert ne manifeste pas là une singularité étrange. Bien au contraire, fidèle à l’esprit de son temps, il tient des propos que d’autres contribuent également à installer dans l’esprit du siècle. Ainsi, dans son petit cénacle, chacun y va volontiers de sa critique acerbe. Dans ses lettres à Flaubert, le poète Louis Bouilhet réduit Louise Colet à n’être qu’une mondaine préoccupée de son salon littéraire ; il en moque les réceptions et se gausse d’un mauvais maquillage de son hôtesse qui l’a pourtant introduit dans le monde littéraire parisien. De son côté, Maxime Du Camp raille l’ambition de cette femme, son sens des manigances et son arrivisme, lui que ses proches ne cessent de critiquer justement pour ces mêmes défauts. Et, en dehors de la gens Flaubert, les choses ne vont pas mieux : Hugo se montre très séducteur envers Louise Colet et peu intéressé par ses œuvres, tandis que nombre de confrères, de Musset à Champfleury en passant par Vigny, n’ont de cesse de la glisser dans leur lit selon le point de vue du trio Flaubert-Bouilhet-Du Camp largement pérennisé par les biographes de Colet.

La misogynie ambiante s’exprime jusque dans la critique littéraire des œuvres de Louise Colet. Prenons le cas d’un Barbey d’Aurevilly, grand ennemi de Flaubert et pourtant pareil contempteur des écrits de femmes. S’il consacre tout un volume aux bas-bleus8, il accorde évidemment une place de choix à Louise Colet à qui il consacre le chapitre XIX. Que lui reproche-t-il ? À l’identique de Flaubert, une littérature trop facile, qui ne cherche pas le mot juste ni la valeur esthétique mais se contente de jouer la carte des sentiments et de donner à entendre ce qu’il souhaite à un lectorat peu exigeant et mal cultivé. Pour le critique, la littérature de Louise Colet prétend à une valeur qu’elle n’atteint jamais ; héritière d’un romantisme de pacotille, l’écrivaine fait entendre un moi criard dont les lecteurs se seraient dispensés ; elle donne des leçons sur des sujets qu’elle ne maîtrise pas, s’autorise à parler d’art, de politique ou de géographie sans jamais pouvoir faire autorité. Louise Colet est même le pire des bas-bleus car elle est dépourvue de la seule qualité que possèdent les femmes, la bonté – c’est l’anecdote fameuse du coup de couteau donné à Alphonse Karr… Le critique prête à Louise Colet les pires défauts, entre autres vanité et haine, et prétend ses œuvres illisibles sinon à travers le seul prisme de ces défauts personnels : « Tels sont les romans de Mme Colet. Je l’ai déjà dit, ce qui les distingue, c’est leur néant comme œuvre, humaine et littéraire ; c’est cet incompréhensible néant dont les passions, qui ont toute honte bue et tout ridicule bu, n’ont jamais pu les faire sortir ». Sans cesse, son œuvre est lue en fonction d’un prétendu déficit d’inspiration : pour écrire, Louise Colet ne saurait recourir qu’à sa vie privée et l’intime constituerait son fonds de commerce.

De la réputation confrontée à l’œuvre

Louise Colet a laissé une production abondante qu’il s’agit d’analyser afin de comprendre une critique aussi sexiste. Avec une question comme leitmotiv : la littérature de Louise Colet serait-elle aussi genrée que ses détracteurs nous le laissent entendre ?

Louise Colet a d’abord écrit et publié de la poésie, à la fois parce que le genre au début du siècle, et dans la conscience romantique, reste majeur et parce que la jeune fille du sud de la France, sous l’influence de la célèbre Julie Candeille, mesure à quel point la création poétique s’accorde, selon les fidèles des salons fréquentés, à sa grâce et à sa beauté. Elle se sent condamnée au genre poétique pour dire justement la féminité et la maternité, seuls thèmes autorisés pour une femme qui prétend à la littérature. Ses recueils sont nombreux, on citera entre autres Fleurs du midi (1836), Penserosa (1839), Les Cœurs brisés (1843) mais aussi ses quatre grands textes poétiques qui lui valurent à quatre reprises d’être distinguée du Prix de l’Académie française : Le Musée de Versailles (1839), Le Monument de Molière (1843), La Colonie de Mettray (1852) et L’Acropole d’Athènes (1854). Elle écrit aussi des romans, par exemple Une Histoire de soldat (1856), Un drame rue de Rivoli (1857) ou Lui (1858), un peu plus tard Les derniers marquis (1866) ; des récits de voyage comme Deux mois aux Pyrénées (1866) ou Les Pays lumineux (posthume, 1879). Son œuvre se complète de biographies : La Jeunesse de Goethe (1839), Les Funérailles de Napoléon (1840) ou la Jeunesse de Mirabeau (1840), ses Enfances célèbres (1856). À cet ensemble il faudrait ajouter des enquêtes mi-sociologiques, mi-historiques, par exemple L’Italie des Italiens (1862). Ses lecteurs et critiques masculins ont choisi de voir dans cette liste, non pas l’expression d’une œuvre complète et variée, mais celle d’une polygraphe qui toucherait à tous les sujets en utilisant sans cesse les mêmes machines.

L’une des seules œuvres de Louise Colet à être lue aujourd’hui encore est son roman Lui. Mais si ce texte n’est pas tombé dans l’oubli, c’est qu’il s’agit d’un règlement de comptes entre l’auteur et son ancien amant Flaubert, un roman à clés assez transparent qui s’inscrit d’ailleurs dans la lignée des textes de Sand et de Paul de Musset, les trop fameux Elle et lui (1859) et Lui et elle avant qu’un écrivailleur facétieux, Gaston Lavalley (à moins qu’il ne s’agisse d’Alexis Doinet) ne propose un Eux (Caen, Gost Clérisse, 1859), et Eux et elles, Histoire d’un scandale par Adolphe de Lescure (Paris, Poulet-Malassis, 1860). Avec Lui, Louise Colet ne trouve sa place dans l’histoire littéraire qu’en tant que maîtresse de Flaubert, une maîtresse qui ne supporte pas d’être chassée et règle ses différends intimes sur la voie publique par un roman, c’est-à-dire en osant dégrader la « sacro-sainte » littérature. Elle confirme là les reproches de Flaubert selon qui elle a toujours confondu vie privée et création littéraire. D’où, aussi, le jugement de Barbey d’Aurevilly qui lit dans Lui « un livre impudique et honteux », « un livre médiocre d’inspiration ». Dès Une Histoire de soldat, Louise Colet s’emparait de la figure de son ex-amant (alors inconnu) pour crier toute sa colère personnelle. Et pareil dévoiement de la littérature se rencontre encore vingt ans plus tard dans Les Pays lumineux puisque le récit de voyage se fait à son tour opportunité pour accabler Flaubert. Barbey d’Aurevilly s’en donne alors à cœur joie pour répéter :

Le Moi est omniprésent dans le livre ou plutôt dans tous les livres de Mme Colet. Parler de Léonard de Vinci la fait penser à elle. Mais si le Moi est désagréable dans Chateaubriand, jugez de ce qu’il peut être dans Mme Colet ! l’égotisme, pire que l’égoïsme et dont il sort, l’égotisme qui est l’égoïsme rapetissé et babillard, est suprêmement le caractère de l’Italie des Italiens, – de ce livre fait sur les autres par une femme qui ne s’oublie jamais et qui informe l’univers de l’état de son catarrhe, tout en lui parlant de son héros, Garibaldi !9

Sa poésie est frappée des mêmes reproches et même Hugo10 l’invite à mieux prendre la peine de viser à la généralisation nécessaire pour que les caractères d’universalité et d’intemporalité frappent son œuvre. Il se trouve que les textes poétiques de Louise Colet s’inscrivent dans deux perspectives héritées d’un romantisme agonisant : soit l’évocation un peu pleurnicharde d’amours malheureuses ; soit un engagement littéraire au service de la défense des femmes, de la veuve et de l’orphelin. Louise Colet en est persuadée : les femmes sont malheureuses, elles sont le parent pauvre d’un siècle qui les maltraite et qui ne les comprend pas. C’est elle qui écrit par exemple :

Femme ! en est-il d’heureuses ici-bas ? Oh ! qui de nous dirait oui dans son âme ?11

On entend résonner encore les rires moqueurs qu’une telle posture peut susciter autour d’elle d’autant qu’elle semble avoir été poussée dans cette direction par Béranger, le poète chansonnier méprisé de Flaubert et de son entourage et souvent considéré comme un auteur trop facile, à cause de son succès trop grand, peut-être. Reproches qui ne manquent pas de rejaillir encore sur Louise Colet. En tout cas, son biographe anglais, Joseph Jackson, note :

Elle voyait, nettement, son nouveau rôle de « championne » des femmes, victimes des hommes. De « la femme spéciale » elle devenait « la femme en général ». Aussi Louise annonça-t-elle en septembre 1852 son intention d’écrire Le Poème de la femme qui devait se composer de six récits : La Paysanne, la Servante et la Religieuse, qui ont paru ; les trois autres furent annoncés à diverses reprises sous les titres de : la Bourgeoise, la Princesse, la Femme supérieure ou la Femme artiste12.

Ses poèmes font « cliché ». La femme y est forcément victime de tous les malheurs qui s’abattent sans limite sur elle. Ainsi de Jeanneton, l’héroïne de sa Paysanne, pauvre orpheline misérable, bientôt abandonnée par son amoureux, conscrit envoyé au front où on le croit mort, tandis qu’elle est bafouée, violée, réduite à la pauvreté la plus dégradante : quand Jean rentre enfin de Russie, prisonnier oublié par la France, il est trop tard, Jeanneton meurt épuisée par l’existence. Autour de Louise Colet, on se moque de tant de pathos. Et puis son engagement en faveur de son sexe un peu grandiloquent finit par agacer. Comment tolérer qu’elle écrive dans les Dévotes du grand monde, pensant plus à elle qu’à celles dont elle parle :

Paris abonde en maris infâmes ! Dans leurs mains que pense-t-on que deviennent les femmes ? Non ! Les galantes mœurs de ce monde futile

Après l’enfantement rend la mère inutile13.

Son engagement est bientôt jugé naïf et inutile ; il devient difficile de publier des poèmes militants comme celui qu’elle écrit à sa fille à l’occasion de la naissance de son petit-fils pour vanter la supériorité de la femme sur l’homme14. George Sand aura beau revendiquer : « Je suis une femme, j’ai des tendresses, des pitiés et des colères. Je ne serai jamais ni un sage ni un savant15 » et Louise Colet s’inscrire dans cette lignée, rien n’y fait. La littérature féminine se trouve réduite à n’être que pleurs ou cris, déploration ou révolte, comme si la cause féminine se prétendait essentielle alors que les hommes n’étaient pas prêts à l’accepter. Et ce que Béatrice Slama appellera bientôt le « logophallocentrisme » a beau jeu de se répandre. Comme cette dernière le constate, en plein « déchaînement incontrôlé du masculinisme à la fin du xixe siècle », tous ces messieurs n’en finissent plus de repérer dans la littérature féminine « une littérature du manque et de l’excès » : « Manque d’imagination, de logique, d’objectivité, de pensée métaphysique ; manque de composition, d’harmonie, de perfection formelle. Trop de facilité, trop de facticité, trop de mots, trop de phrases, de mièvrerie, de sentimentalité, de désir de plaire, trop de ton moralisateur, trop de narcissisme16 ». La littérature de Louise Colet est sans conteste une littérature de passions : elle s’écrit pour dire les sentiments, sans rien masquer de leur impétuosité, de leur violence, de leur fugacité. Garibaldi lui apparaît comme le héros dont l’Europe manque depuis trop longtemps : dans son Italie des Italiens, les portraits de l’homme politique sont remplis de poésie, d’amour et d’admiration. Revenue en France, avant la chute du Second Empire, elle s’en prend, toute anticléricale qu’elle se prétende, à la disparition des valeurs morales et, dans Ces petits messieurs, par exemple, stigmatise ces hommes entretenus par des femmes plus âgées. Au moment de la Commune, elle prend la défense des insurgés : trop de victimes d’une répression impitoyable à son gré, comme si se jouait là, une fois encore, le combat disproportionné entre le faible et le fort, le soumis et le maître, la femme et l’homme. Avec Louise Colet, l’écriture n’est pas faite pour rester raisonnable. Elle se développe en fonction de ses coups de cœur et de ses humeurs, sans souci de l’avis de ses détracteurs. Et tant pis s’il faut que son écriture se fasse politique une fois que le roman, la poésie ou le théâtre17 ne sont plus les lieux idoines à l’expression de son cœur.

En réalité, deux logiques s’opposent. Celle de Flaubert, qui lui faisait dire à sa maîtresse : « On n’écrit pas avec son cœur mais avec sa tête » (25 août 1852, p. 163) et celle de cette femme qui confiait au contraire à son cousin Honoré Clair : « La vie se passe ainsi à aimer, à souffrir, à méditer et à tenter de rendre en langage immortel ce qu’on a senti18 ». Malgré Flaubert et tous les autres, Louise Colet campe sur ses positions.

Littérature féminine ou littérature, tout simplement19 ?

Mais laissons de côté les éternelles rengaines de Flaubert et observons ce que le public et ses confrères apprécient éventuellement dans l’œuvre de Louise Colet. Pour le fameux Béranger, par exemple, ce qui compte, c’est ce « qu’il y a de naturel, de vérité, de grâce simple et naïve20 »dans l’écriture de Louise Colet. Hugo en personne lui a écrit :

Votre Histoire d’un soldat fait en ce moment le tour de notre groupe. C’est à qui le lira et le relira. Après ce livre, on vous connaît mieux, et par conséquent on vous aime plus encore. C’est une triste et charmante chose, et douloureuse. […] L’émotion est là avec la vie, avec l’amour. C’est un ensemble pénétrant. Le ton naïf y ajoute. C’est écrit à ravir. Une sensibilité exquise est sous chaque mot, et une grande douleur dans tout le livre21.

La vérité est donc érigée en valeur essentielle – on peut mieux connaître même l’auteur – mais aussi « l’émotion » ou la « sensibilité », bien sûr, et la simplicité, c’est-à-dire le « naturel »… Béranger et Hugo s’entendent fort bien, en réalité, pour considérer dans la production de leur consœur une littérature sans fard ni trucage, qui ne cherche pas à paraître, qui ne veut pas briller de mille feux pour séduire mais qui se contente de traduire la réalité. Il en va d’une littérature qui exprime les sentiments au plus près de la vérité et qui, pour atteindre son but, ne s’interdit aucun des outils à la disposition de l’artiste, encore moins le premier d’entre eux : son propre moi, son histoire et ses passions.

Louise Colet écrit une littérature de la sincérité. Elle s’en est persuadée : le Beau ne peut naître que du Vrai et, d’ailleurs, le Beau lui apparaît bien secondaire face au Vrai. Louise Colet produit une œuvre qui cherche à annuler tout ce qui, d’habitude, tient la littérature à distance de la vie. Et si ses lecteurs ont à la féliciter, ce serait donc pour le courage démontré dans l’opposition frontale ainsi assumée à ce que la poétique flaubertienne cherche à interdire depuis quelques années déjà. Louise Colet, avec quelques autres – on pense à Maxime Du Camp, notamment – s’impose en chef de file dans le combat esthétique contre la théorie de l’impersonnalité et de l’Art pour l’Art. Son œuvre ne peut rien avoir de commun avec celle de Flaubert quand celui-ci pétitionne de la sorte : « je tâche d’être boutonné et de suivre une ligne droite géométrique. Nul lyrisme, pas de réflexions, personnalité de l’auteur absente22 ». Louise Colet mènerait-elle un combat d’arrière-garde, en protectrice d’un romantisme agonisant qui refuse de mourir ? Rien n’est moins sûr, tant la femme de lettres ne semble pas si isolée que ses confrères ont pu chercher à le faire croire. José-Luis Diaz, par exemple, rappelle la réalité d’une opposition à l’axe Flaubert-Mallarmé-Rimbaud : « Au total, lorsqu’on considère la littérature en ses expressions les plus en pointe, nous voici donc face à un paysage relativement contrasté : un courant de fond d’antiromantisme, qui pousse à clamer l’impersonnalité, et pourtant bien des voix discordantes, qui marquent en sous-main la continuité du paradigme biographique antérieur23 ». Et la critique actuelle – on pense à Michel Brix24 et quelques autres – tente de montrer les excès d’un pareil axe. C’est donc à cette aune qu’il convient de relire Louise Colet et de situer mieux ce que l’on serait trop vite tenté d’appeler une « écriture féminine ». Comme le fait remarquer Annalisa Aruta Stampacchia dans sa préface aux lettres de Louise Colet à son cousin, « Louise Colet a vraiment payé cher sa “différence” et son insoumission aux règles officielles, mais à côté des difficultés, des anxiétés, des insuccès de la femme de lettres émancipée, elle a certainement goûté les satisfactions et les joies d’une certaine renommée poétique, et a pu jouir de ses possibilités d’épanouissement en tant qu’individu autonome. Dans le cas de Louise Colet la solitude, conséquence de sa position de femme engagée s’est transformée en valeur positive, devenant synonyme de la liberté d’être et de devenir soi25 ».

Mais ce qu’il faut entendre par là, c’est d’abord une stratégie qui a trop bien porté ses fruits. En usant de la misogynie de son époque et en la reprenant à son compte, Flaubert réussit avec une habileté sans pareille à assourdir la critique de sa propre poétique. Si Louise Colet écrit autrement que lui, sans plus respecter ses dogmes et si son œuvre peut rencontrer le public, et plaire, et se vendre, il y a péril en la demeure ; en revanche, si on conteste26 à cette œuvre d’être encore artistique et si on la limite à n’être qu’une littérature de la féminité, qui ne pousse qu’arrosée de ces fluides regardés avec circonspection sinon stigmatisés (larmes, lait, sang et autres sécrétions intimes), alors l’esthétique flaubertienne a de beaux jours devant elle. Et Flaubert de fanfaronner auprès de ses amis : « C’est en effet parce que j’étais trop maître de mon foutre que nous nous sommes fâchés ! Je trouvais qu’elle empiétait sur mon sexe. Les couilles peuvent se louer ou se prêter, mais s’aliéner, jamais !27 ». Le débat se situe-t-il à ce niveau ? Nous ne le croyons pas mais tout est devenu dérisoire dans l’acharnement contre la littérature de Louise Colet. De son côté, Barbey d’Aurevilly se croit obligé de tomber dans l’invective insultante quitte à donner dans un acharnement bientôt ridicule : « Parmi les bas-bleus qui pullulent, il en est de si piètres qu’ils ne méritent pas même ce nom de bas-bleus, qui monte trop haut, il faut les appeler des “chaussettes”. Mme Colet n’est qu’une chaussette28 ». Les pourfendeurs de l’œuvre de Louise Colet dérapent les uns après les autres. Et c’est peut-être bien cela qu’il nous faut interroger pour conclure.

Quand Nicole Mozet rend compte de l’ouvrage dirigé par Roger Bellet en 1986 aux Presses universitaires de Lyon, Femmes de lettres au xixe siècle : autour de Louise Colet, elle revient sur la misogynie des confrères de l’écrivaine, sur leur condescendance jusqu’au mépris, et ouvre une explication : et si pareille attitude ne tenait qu’à une forme d’autodéfense ? Autrement dit : dans la société du xixe siècle, soit la société napoléonienne des armes, des conquêtes et de l’héroïsme, soit celle plus bourgeoise de Louis Philippe et de Napoléon III, celle du commerce, de l’industrialisation et de l’argent, la littérature a quelque chose d’essentiellement féminin. Elle occupe les inactifs, elle promeut le rêve et l’imagination, elle tient à l’écart de la vraie vie. Elle relève du monde domestique, donc de l’espace féminin. Et, en cela, nos écrivains masculins se sentent en danger, comme marginalisés, regardés avec circonspection, tous frères du Julien Sorel de Stendhal, tancés pour lire et aimer la littérature. D’où, si l’on suit Nicole Mozet, cette nécessité intériorisée de chasser au plus loin d’eux les femmes de lettres qui viendraient en quelque sorte donner raison au siècle contre ses artistes. Un vrai débat sociologique, donc, et Louise Colet, ballottée au milieu de ces enjeux sociétaux, aurait été en quelque sorte la grande perdante de l’époque par manque de solidarité confraternelle.

1 Par renvoi à notre ouvrage : La Gens Flaubert. La fabrique de l’écrivain entre postures, amitiés et théories littéraires, Paris, Classiques Garnier

2 La première jeune fille reçue au baccalauréat ne l’est qu’en 1861.

3 Voir sur cette question, entre autres : Luce Czyba, La Femme dans les romans de Flaubert, Mythes et idéologie, Lyon, Presses universitaires de Lyon

4 Lettre du 15 avril 1852. Gustave Flaubert, Correspondance, éd. Jean Bruneau, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », vol. 2, 1980

5 Pour une fois, Flaubert se veut positif… À propos de La Paysanne : « Tu as condensé et réalisé, sous une forme aristocratique, une histoire commune

6 Dans une opposition carrée des deux sexes, il écrit : « De notre côté est la franchise, sinon la délicatesse […]. Les femmes gardent tout dans leur

7 Voir Barbara Vinken, « Le continent noir du désir masculin : Colet et Flaubert, encore »,art. cit.

8 On peut en rappeler la définition suivante : traduit de l’anglais alors qu’il désignait les habitués d’un salon littéraire, le mot prend très vite

9 Jules Barbey d’Aurevilly, Les Bas-bleus, op. cit., p. 247.

10 Hugo lui écrit : « Vous m’avez envoyé des vers superbes. Ôtez-leur ce qu’ils ont de personnel ; ils seront plus beaux encore. Ne perdez point

11 Louise Colet, Poésies nouvelles, Ce qui est dans le cœur des femmes,« Envoi : À Mme Chéron », Paris, Librairie Nouvelle, 1852.

12 Joseph Jackson, Louise Colet et ses amis littéraires, New Haven, Yale University Press, 1937, p. 186.

13 Louise Colet, Les Dévotes du grand monde, types du Second Empire, Paris, E. Dentu, 1873.

14 En voici un extrait : « Oh, divine grandeur des femmes En elles s’incarnent les âmes Qui palpitent dans l’infini/ Dante, Goethe, Homère

15 Lettre de Sand à Flaubert le 16 septembre 1871. Correspondance Flaubert-Sand, éd. Alphonse Jacobs, Paris, Flammarion, 1981, p. 349.

16 Béatrice Slama, « De la “littérature féminine” à “l’écriture-femme” : différence et institution », Littérature, no 44, 1981, p. 51-71.

17 On a perdu, par exemple, une pièce de théâtre de Louise Colet intitulée Les lettres d’amour, dans laquelle elle peignait, à peine voilé, le trio

18 Lettre du 3 octobre 1854. Louise Colet, Lettres inédites à Honoré Clair (1839-1871), éd. Annalisa Aruta Stampacchia, Clermont-Ferrand, Presses

19 Christine Planté note : « On peut aujourd’hui aisément s’accorder sur la nécessité de les [femmes écrivaines] redécouvrir, les rééditer, les

20 Cité par Joseph Jackson, Louise Colet et ses amis littéraires, op. cit., p. 228.

21 Victor Hugo à Louise Colet, lettre du 16 août 1856, cité par Joseph Jackson, Louise Colet et ses amis littéraires, ibid., p. 229.

22 Lettre à Louise Colet du 31 janvier 1852, II, p. 40.

23 José-Luis Diaz, L’Homme et l’œuvre : contribution à une histoire de la critique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Les littéraires 

24 Voir Michel Brix, L’Entonnoir ou Les tribulations de la littérature à l’ère de la modernité, Paris, Éditions Kimé, coll. « Détours littéraires »

25 Lettres inédites de Louise Colet à Honoré Clair (1839-1871), op. cit., p. 302.

26 Flaubert condamne encore : « “Il suffit de souffrir pour chanter”, etc. Voilà des axiomes de cette école ; cela vous mène à tout comme morale et à

27 Lettre à Ernest Feydeau du 22 novembre 1859, III, p. 56.

28 Jules Barbey d’Aurevilly, Les Bas-bleus, op. cit., p. 244.

Notes

1 Par renvoi à notre ouvrage : La Gens Flaubert. La fabrique de l’écrivain entre postures, amitiés et théories littéraires, Paris, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèques des Lettres modernes », 2017, qui étudie entre autres les relations de Flaubert à ses confrères.

2 La première jeune fille reçue au baccalauréat ne l’est qu’en 1861.

3 Voir sur cette question, entre autres : Luce Czyba, La Femme dans les romans de Flaubert, Mythes et idéologie, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1983 ; Barbara Vinken, « Le continent noir du désir masculin : Colet et Flaubert, encore », Flaubert, no 3, 2010 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/flaubert.968.

4 Lettre du 15 avril 1852. Gustave Flaubert, Correspondance, éd. Jean Bruneau, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », vol. 2, 1980, p. 71. Nous nous limiterons pour les prochaines citations à une indication dans le texte de la date de la lettre et du numéro de page dans le volume.

5 Pour une fois, Flaubert se veut positif… À propos de La Paysanne : « Tu as condensé et réalisé, sous une forme aristocratique, une histoire commune et dont le fond est à tout le monde. Et c’est là, pour moi, la vraie marque de la force en littérature. Le lieu commun n’est manié que par les imbéciles ou par les très grands » (2 juillet 1853, p. 372).

6 Dans une opposition carrée des deux sexes, il écrit : « De notre côté est la franchise, sinon la délicatesse […]. Les femmes gardent tout dans leur sac, elles. On n’en tire jamais une confidence entière. Le plus qu’elles font, c’est de laisser deviner et, quand elles vous racontent les choses, c’est avec une telle sauce que la viande en disparaît » (27 mars 1853, p. 281).

7 Voir Barbara Vinken, « Le continent noir du désir masculin : Colet et Flaubert, encore », art. cit.

8 On peut en rappeler la définition suivante : traduit de l’anglais alors qu’il désignait les habitués d’un salon littéraire, le mot prend très vite une connotation péjorative en France et vient railler en général les femmes de lettres (Jules Barbey d’Aurevilly, Les Œuvres et les hommes, t. V : Les Bas-bleus, Paris, V. Palmé, 1878, p. 238-239).

9 Jules Barbey d’Aurevilly, Les Bas-bleus, op. cit., p. 247.

10 Hugo lui écrit : « Vous m’avez envoyé des vers superbes. Ôtez-leur ce qu’ils ont de personnel ; ils seront plus beaux encore. Ne perdez point votre temps à maudire un homme. Oubliez vos blessures et ne voyez que la grande plaie. Montez, montez plus haut, encore plus haut ; planez, c’est votre devoir d’aigle » (Lettre du 17 mars 1857). Victor Hugo, Œuvres complètes, Correspondance, t. II (années 1849-1866), Paris, Albin Michel, 1950, p. 268.

11 Louise Colet, Poésies nouvelles, Ce qui est dans le cœur des femmes, « Envoi : À Mme Chéron », Paris, Librairie Nouvelle, 1852.

12 Joseph Jackson, Louise Colet et ses amis littéraires, New Haven, Yale University Press, 1937, p. 186.

13 Louise Colet, Les Dévotes du grand monde, types du Second Empire, Paris, E. Dentu, 1873.

14 En voici un extrait : « Oh, divine grandeur des femmes En elles s’incarnent les âmes Qui palpitent dans l’infini/ Dante, Goethe, Homère, Shakespeare, Ces dieux à l’immortel empire,/ C’est de nos flancs qu’ils sont sortis Et c’est l’essence maternelle/ Qui dans l’humanité ruisselle/ Des plus grands jusqu’aux plus petits ». Louise Colet, Les derniers abbés, Paris, E. Dentu, 1868.

15 Lettre de Sand à Flaubert le 16 septembre 1871. Correspondance Flaubert-Sand, éd. Alphonse Jacobs, Paris, Flammarion, 1981, p. 349.

16 Béatrice Slama, « De la “littérature féminine” à “l’écriture-femme” : différence et institution », Littérature, no 44, 1981, p. 51-71.

17 On a perdu, par exemple, une pièce de théâtre de Louise Colet intitulée Les lettres d’amour, dans laquelle elle peignait, à peine voilé, le trio amoureux constitué de Victor Cousin, Gustave Flaubert et elle-même.

18 Lettre du 3 octobre 1854. Louise Colet, Lettres inédites à Honoré Clair (1839-1871), éd. Annalisa Aruta Stampacchia, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, coll. « Cahiers d’études sur les correspondances du xixe siècle », no 9, 1999, p. 193.

19 Christine Planté note : « On peut aujourd’hui aisément s’accorder sur la nécessité de les [femmes écrivaines] redécouvrir, les rééditer, les réinscrire dans l’histoire littéraire » mais elle convient que c’est bien la valeur de leurs œuvres qu’il convient d’interroger : « il faut aussi traiter les femmes poètes comme poètes, les envisageant dans une histoire commune, souvent conflictuelle de la poésie » (Christine Planté, « La place problématique des femmes poètes », in Les femmes dans la critique et l’histoire littéraire, Martine Reid (dir.), Paris, Honoré Champion, coll. « Littérature et genre », 2011, p. 72).

20 Cité par Joseph Jackson, Louise Colet et ses amis littéraires, op. cit., p. 228.

21 Victor Hugo à Louise Colet, lettre du 16 août 1856, cité par Joseph Jackson, Louise Colet et ses amis littéraires, ibid., p. 229.

22 Lettre à Louise Colet du 31 janvier 1852, II, p. 40.

23 José-Luis Diaz, L’Homme et l’œuvre : contribution à une histoire de la critique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Les littéraires », 2011, p. 194.

24 Voir Michel Brix, L’Entonnoir ou Les tribulations de la littérature à l’ère de la modernité, Paris, Éditions Kimé, coll. « Détours littéraires », 2013.

25 Lettres inédites de Louise Colet à Honoré Clair (1839-1871), op. cit., p. 302.

26 Flaubert condamne encore : « “Il suffit de souffrir pour chanter”, etc. Voilà des axiomes de cette école ; cela vous mène à tout comme morale et à rien comme produit esthétique » (26 juin 1852, p. 117).

27 Lettre à Ernest Feydeau du 22 novembre 1859, III, p. 56.

28 Jules Barbey d’Aurevilly, Les Bas-bleus, op. cit., p. 244.

Citer cet article

Référence électronique

Thierry POYET, « Louise Colet, « écriture féminine » et codification du féminin », Sociopoétiques [En ligne], 4 | 2019, mis en ligne le 08 novembre 2019, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=698

Auteur

Thierry POYET

CELIS, Université Clermont Auvergne

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