Le musée, l’artiste et l’identité comme marques : Le cas du musée d’art latino-américain de Buenos Aires (MALBA)

The Museum, the Artist and Identity as Brands: the Case of the Museo de Arte Latinoamericano de Buenos Aires (MALBA)

DOI : 10.52497/kairos.830

Résumés

Le musée d’art latino-américain de Buenos Aires (MALBA) pourrait être considéré comme un cas paradigmatique de ce que Robert Fleck (2014) a appelé « les musées du xxie siècle » : un nouveau type de musée fondé sur l’image de marque. Ce concept est en phase avec les débats qui, à partir des années 1980, ont proposé la fin du musée conçu comme un lieu élitiste de préservation du canon, pour laisser place à une institution muséale conçue comme un média de masse qui adhère aux logiques du spectacle. C’est ce que postule Andreas Huyssen (1994) lorsqu’il analyse le phénomène de muséalisation observable dans l’augmentation des inaugurations de musées et l’intérêt croissant du public pour l’expérience muséale.
Cet article propose d’analyser le musée latino-américain de Buenos Aires (MALBA), comme un cas paradigmatique dans lequel deux catégories conceptuelles coexistent puisqu’il s’agit d’un musée du xxie siècle conçu comme un média de communication de masse. De ses propositions d’expositions à ses campagnes de diffusion, le musée s’approprie la logique du spectacle, constituant un star-system de l’art latino-américain, variable selon les objectifs du branding. Nous nous intéressons non seulement à la manière dont le MALBA se construit en tant que marque, mais aussi aux mécanismes discursifs par lesquels certains artistes latino-américains et certaines idées de « latino-américanité » servent le positionnement institutionnel. Ces stratégies de marque sont basées sur le modèle du MoMA de New York. Cet article présente donc : a) une étude des stratégies de communication institutionnelle des deux musées ; b) une analyse de quatre organisations de la collection du musée (de 2010 à 2022) pour observer les différentes manières de présenter l’histoire de l’art latino-américain et la latino-américanité ; et c) une analyse de la construction de la marque MALBA à partir des artistes qui composent sa collection.

The Museo de Arte Latinoamericano de Buenos Aires (MALBA) illustrates what Robert Fleck (2014) calls the "21st Century Museum": a new type of museum built on branding. This concept is aligned with the debates that, since the 1980s, have proposed the end of the museum as an elitist place for the conservation of the canon, to make way for a museum institution conceived as a mass medium that adheres to the logic of the spectacle, as Andreas Huyssen (1994) postulates. The author describes the phenomenon of musealisation, which is evident in the increasing number of museum openings and the public’s growing interest in the museum experience.
This article studies the MALBA as a paradigmatic case in which two conceptual categories coexist: a 21st-century museum conceived as a mass media. From its exhibition proposals to its communication strategies, the museum appropriates the logic of the spectacle, constituting a "star system" of Latin American art, variable according to marketing objectives. We are interested in how the institution constructs itself as a brand, and in the discursive mechanisms through which certain Latin American artists and ideas of "Latin Americanness" serve institutional positioning. We also observe how MALBA adopts some of the positioning strategies of the Museum of Modern Art (MoMA). This article therefore presents a) a study of the institutional communication strategies of the two museums; b) an analysis of four curatorial discourses of the museum’s collection (from 2010 to 2022) in order to observe the different ways in which MALBA presents Latin American art history and Latin Americanness; and c) an analysis of the construction of the MALBA brand based on the artists that make up its collection.

Index

Mots-clés

sémiotique de l’espace, musées d’art moderne, artiste comme marque, star-system, image de marque du musée, analyse du discours, MALBA

Keywords

semiotics of space, modern art museums, artist as a brand, star system, museum branding, discourse analysis, MALBA

Plan

Texte

Introduction

À partir de la fin du xxe siècle, les institutions muséales ont commencé à être considérées non seulement comme des espaces de pouvoir, de préservation du canon, d’éducation, de conservation et de diffusion des arts, mais aussi comme des moyens de communication de masse et des entreprises ayant des intérêts économiques propres. Le musée était déjà pensé comme mass media en 1983 par Eliseo Verón lors d’une analyse de terrain qu’il avait réalisée au Centre Pompidou (2013). Son étude propose une typologie des visites, développée à partir d’une approche sémio-ethnographique, et révèle les liens que les visiteurs établissent avec le musée. Andreas Huyssen (1994) a également étudié les transformations du musée à partir des années 1980. Il s’intéressait aux raisons du phénomène de muséalisation qui soulevait la question d’une sensibilité muséale généralisée apparue en même temps que l’expansion des lignes câblées de télévision. Selon lui, le musée se serait aussi constitué comme un média de communication et aurait intégré dans son fonctionnement les logiques du spectacle de masse, visibles dans l’exploitation de sa façade et de son esplanade (lumières et bannières).

Selon l’auteur, le musée en tant que lieu élitiste et de haute culture a cédé la place au musée en tant que média de masse, qui répond aux « attentes changeantes » du public et à sa recherche constante de « grands événements », au lieu de proposer une appropriation laborieuse des connaissances (Huyssen, 1994 : 2-3). Ces grands événements sont annoncés depuis l’extérieur des musées selon les logiques du spectacle de masse : présence de banderoles, de longues files d’attente et d’immenses panneaux publicitaires. L’application de ces logiques a également entraîné des changements dans les modes de gestion et de diffusion des expositions par le biais de mécanismes basés sur des bénéfices économiques (Huyssen, 1994 : 10). Cette transformation du musée a permis le succès des expositions temporaires, notamment celles présentant des artistes modernes célèbres.

Ces caractéristiques manifestent de plus en plus les similitudes entre le cinéma et le musée, le star-system hollywoodien et le star-system d’avant-garde (Rosso, 2022). En 1999, Barker a analysé l’incorporation du modèle du cinéma d’Hollywood dans le phénomène appelé blockbuster exhibitions, qui a émergé à partir des années 1990 et a transformé les manières dont les musées conçoivent et promeuvent les expositions : l’objectif est d’attirer les masses et d’obtenir des profits financiers provenant des sponsors et de la vente de marchandises. Ces transformations ont placé le musée au cœur des débats sur le post-capitalisme (Krauss, 1990), la mondialisation (Smith, 2009), les industries touristiques (Canclini, 2010), et les politiques néolibérales (Preciado, 2017). Ces dernières années, la polémique a mis l’accent sur le travail de marketing des institutions (Fleck, 2014 ; Bishop, 2013), leur administration et leur financement (Mairesse, 2013).

Cependant, le travail de Huyssen reste un point de départ important pour analyser la manière dont les musées construisent leurs discours curatoriaux. En décrivant le musée comme un média de masse, Huyssen a mis en évidence une compréhension du désir du public de visiter les musées : la raison de cette « sensibilité muséale » semble être la reconfiguration du musée en un espace de socialisation qui offre « des expériences et des événements hors de la quotidienneté », impliquant la présence d’objets auratiques dans un cadre collectif. Alors que regarder la télévision est un acte privé et quotidien, une exposition est toujours un acte public qui rompt la routine quotidienne et fournit des récits multiples lorsque les métarécits de la modernité ont perdu leur pouvoir, précisément au moment où les gens ont le plus besoin d’entendre de nouvelles histoires, d’établir de nouvelles métaphores et de voir de nouvelles images (Huyssen, 1994 : 21-25).

L’essor de cette sensibilité muséale, étudiée par Huyssen dans les années 1990, s’est traduit par l’inauguration de nouveaux musées dans le monde entier. Ce phénomène a continué à se développer jusqu’à devenir ce que Robert Fleck (2014) a appelé « les musées du xxie siècle » :

Dans ce nouveau type de musée fondé sur l’image de marque, les décisions internes concernant le programme d’exposition et d’autres questions fondamentales sont plus ou moins explicitement motivées par des intérêts marketing plutôt que par d’autres facteurs (2014 : 32)1.

Ce type de musées s’est développé sur le modèle du MoMA et de la Tate Modern, et a émergé, par exemple, en Amérique latine. Nous analysons le MALBA, Museo de Arte Latinoamericano de Buenos Aires, en suivant les postulats des deux auteurs : le musée argentin semble s’aligner sur les caractéristiques du musée compris comme média de masse (Huyssen, 1994) et être conçu comme « un musée du xxie siècle » (Fleck, 2014), ce qui impacte la conception de l’expérience muséale, en général, et la conception des expositions, en particulier.

Le MALBA, musée du xxie siècle

Le moment historique au cours duquel le MALBA a été inauguré coïncide avec une période clé dans l’émergence de ce que l’on appelle « les musées du xxie siècle ». Il s’agit de musées fondés selon les stratégies de branding, qui prennent comme modèle l’exposition du musée MoMA « The MoMA in Berlin ». Lors du réaménagement de ses salles d’exposition en 2014, le musée de New York a déplacé une partie de sa collection à la Neue Nationalgalerie de Berlin et a mis en place des stratégies de communication et de diffusion inédites pour le monde de l’art. Ce « musée temporaire », comme l’affirme Fleck (2014 : 29), « a été délibérément et consciemment promu comme une marque, incluant dans la publicité du MoMA à Berlin des concepts marketing issus du domaine des biens de consommation2 ».

Un autre cas important pour la consolidation des musées du xxie siècle est celui de la Tate Modern, ouverte dans les années 2000. Son positionnement a été strictement conçu comme celui d’une marque. Sa publicité est fondée sur la promesse d’une expérience culturelle complète qui comprend, sur un même niveau, la contemplation d’œuvres d’art moderne et contemporain et l’offre de nombreux cafés, restaurants et boutiques (Fleck : 2014). Le paradigme de la Tate Modern apparaît également dans le succès de l’organisation thématique de ses galeries. Bien qu’il existe des précédents de grandes expositions thématiques – en remontant jusqu’aux surréalistes –, peu d’entre elles avaient été aussi percutantes que le discours curatorial de la collection de la Tate Modern. Il a introduit un tournant d’époque dans la présentation de l’art du xxe siècle (Fleck, 2014 : 34). L’organisation de sa collection faisait partie des différentes stratégies appliquées pour attirer, spécifiquement, deux types de public : les visiteurs britanniques et les touristes d’Amérique latine, d’Asie et du Moyen-Orient. Les changements dans les critères de conservation reposaient sur l’hypothèse que ces publics « ne connaissent pas l’histoire chronologique de l’art moderne du xxe siècle3 », de sorte que des concepts tels que le cubisme, le constructivisme, le surréalisme « auraient un effet inconfortable sur l’expérience du musée pour ces groupes de clients ». C’est pourquoi on a opté pour une organisation thématique « facilement compatible avec les exigences du marketing et du développement de la marque4 » (Fleck, 2014 : 36).

Fleck a indiqué, justement, que les « musées du xxie siècle » seraient le résultat d’une « vague de fondations muséale » survenant principalement en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient. Ils seraient la continuation d’un processus historique qui a eu lieu à la fin du xixe siècle aux États-Unis, lorsque la deuxième génération de dynasties industrielles a construit des institutions culturelles pour cimenter la nouvelle société qui émergeait dans ce rapide processus de modernisation. Ainsi, les musées du xxie siècle se positionnent rapidement comme des fondations bien établies (avec un financement assuré par les dynasties industrielles et financières) et sont dirigés par des professionnels et des conservateurs prestigieux. Mais leur principale différence réside peut-être dans leur « public avide de culture » qui leur permet d’appliquer des stratégies de positionnement sans avoir à verser dans l’excès avec le musée comme marque (Fleck, 2014 : 48).

Le musée MALBA correspond à cette description : fondé par Eduardo Constantini, un homme d’affaires de la finance et de l’immobilier, et dirigé dès le début par des conservateurs de renom (tels Marcelo Pacheco et Agustín Pérez Rubio), le MALBA s’est immédiatement positionné parmi les musées les plus visités de Buenos Aires et d’Amérique latine. Selon les statistiques officielles, de 2001 à 2014, il a reçu plus de 4 millions de visiteurs, a augmenté ses fonds à 520 œuvres, a fait plus de 250 prêts à d’autres institutions (dont le MoMA) et a organisé plus de 150 expositions avec plus de 900 artistes. En 2015, il a également été désigné comme l’un des 25 musées les plus visités au monde par les utilisateurs de Tripadvisor.

La création de la marque MALBA comprenait la conception de produits et de services parallèlement aux expositions (cafétéria, boutiques, promotions, partenariats avec des entreprises), mais aussi la programmation d’expositions et d’activités (conférences d’auteurs et de théoriciens de renom, ateliers, débats, cinéma) susceptibles d’attirer un public avide de grands événements. Pour ce faire, les logiques du star-system ont été appliquées dans sa communication, qui met en exergue les figures clés de sa collection, principalement Frida Kahlo, Tarsila do Amaral et Antonio Berni. Cependant, cette stratégie n’a pas toujours coïncidé avec les discours de ses commissaires d’exposition qui organisent les collections, ce qui montre un décalage entre le positionnement de la marque du musée et les voix curatoriales.

Dans cette analyse, nous cherchons à comprendre quelles relations les conservateurs proposent entre l’espace d’exposition et les œuvres (hiérarchies, dialogues, échelles, mécanismes figure-fond, par exemple), et quel type d’expériences le musée propose à ses visiteurs (divertissement familial, éducation à différents niveaux, service de la vie quotidienne, etc.)5. Notre objectif de recherche est, d’une part, d’étudier les manières dont le MALBA a été historiquement construit comme une marque, mais aussi comment certains artistes, ainsi que l’identité latino-américaine, ont été positionnés comme faisant partie intégrante de cette marque. D’autre part, il s’agit d’analyser comment les « stars » de la collection ont varié en fonction des discours des commissaires et, enfin, de réfléchir à la tension entre le discours institutionnel et celui de chaque curateur.

Le musée en tant que marque : la consolidation de la marque MALBA

L’impact croissant du branding dans le processus décisionnel des musées est un phénomène mondial qui touche tous les genres et styles muséaux. Cet effet museum-branding s’est manifesté au cours de la dernière décennie du xxie siècle et a engendré non seulement la réorganisation des bâtiments (afin d’inclure davantage d’espaces de consommation), l’expansion de l’utilisation des réseaux sociaux des musées et des canaux de communication en ligne, mais aussi, et surtout, un changement de leur identité institutionnelle.

Ainsi, de nombreux musées des beaux-arts et d’art contemporain ont changé leurs logos et raccourci leurs noms. On peut citer à titre d’exemple le Metropolitan Museum de New York, désormais positionné sous le nom de The Met, ou le Rijks Museum dAmsterdam, devenu Rijks, ou encore le Museo Nacional de Bellas Artes de Buenos Aires, désormais désigné « Bellas Artes ». Dans chacun de ces cas, une tendance à la simplification, aux synecdoques, au monochrome et au synthétique a été relevée (figure 1).

Figure 1 : Les logos des musées et leurs modifications.

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©Aluminé Rosso.

Le MALBA a également reconfiguré son image institutionnelle. Si la logique du surnom semble avoir été immédiatement adoptée par le public, elle s’est renforcée depuis 2013 avec la modification du logo et de la manière de nommer le musée. En principe, l’acronyme n’est plus présenté dans une police de caractères arrondie avec des lettres minuscules, mais en lettres majuscules dans une police de caractères droite et compacte. Le sous-titre « Fundación Constantini »/« Colección Constantini » a également été supprimé ; si le nom complet du musée est utilisé, il convient de se référer à la Fundación MALBA ou au Museo de Arte Latinoamericano de Buenos Aires. En outre, les logos représentant l’Amérique du Sud et Buenos Aires ont été éliminés. Enfin, la palette, qui se déclinait dans une échelle de noir à gris, a été remplacée par du noir et blanc intégral.

Autre changement, lorsqu’une section est ajoutée (par exemple, la presse, les amis ou la boutique), la même typographie et la même taille de police sont utilisées, avec le mot MALBA en noir intégral, et le reste des mots composés de lignes diagonales espacées (figure 2). Cette stratégie rhétorique fonctionne comme une synecdoque de son bâtiment, qui applique le même motif linéaire sur certains murs du hall d’entrée, et s’articule avec l’architecture du musée et ses grands panneaux en verre et la grille de blocs de calcaire de sa façade. Ainsi, à travers la distance entre les lignes droites, le logo évoque en filigrane les idées d’ouverture et de transparence présentes aussi au cœur des missions du musée.

Figure 2 : Modification du logo du MALBA.

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©Aluminé Rosso.

Dans la construction de son image, le MALBA a repris des rhétoriques similaires à celles utilisées par le MoMA sur son site web (les deux sont achromatiques, minimalistes, imitant un cube blanc) et dans le design de son nouveau logo. Nous observons l’acronyme du musée dans un format boîte/bloc solide qui fonctionne comme une synecdoque des deux bâtiments métaphorisant l’idée de white cube. Les deux logos utilisent des variations de la même typographie, caractérisées par leur solidité, leur symétrie, leur compacité et leurs angles droits marqués. S’ils utilisent tous deux un format gras, seul le MoMA joue avec les majuscules et les minuscules, le « o » étant le centre du cube blanc composé des deux « M » qui le suivent et le précèdent (figure 3).

Figure 3 : Logo du MALBA et logo du MoMA.

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©Aluminé Rosso.

La modification du logo du MALBA a affecté non seulement le graphisme institutionnel situé dans l’espace public, mais aussi sur les dépliants, les écrans et la signalétique dans le hall d’entrée, ainsi que sur le site web et les réseaux sociaux, mais également la façon dont la façade du musée est présentée. En incluant ce logo dans une taille plus grande que le précédent, il permet une reconnaissance immédiate de l’institution : l’acronyme suffit pour savoir que l’on se trouve devant le Museo de Arte Latinoaméricano de Buenos Aires. Ces modifications ont révélé un changement profond dans le repositionnement du musée.

En 2016, lors des célébrations du quinzième anniversaire de sa fondation, le MALBA a connu une nouvelle période de repositionnement institutionnel. Ces célébrations comprenaient une rétrospective de l’artiste japonaise Yoko Ono, et une modification de l’organisation de sa collection par Andrea Giunta, historienne et conservatrice argentine, qui l’a intitulée, avec le conservateur en chef Agustín Pérez Rubio, Verboamérica. De 2016 à 2018, l’exposition a occupé les salles du premier étage et bouleversé la tradition d’exposition de la collection du musée, car elle impliquait l’abandon de la chronologie en faveur d’un discours politico-historique, ancré dans les productions latino-américaines comprises comme des « avant-gardes simultanées », un concept développé par Giunta67.

Le MALBA a accompagné ce repositionnement à partir des textes institutionnels qui soulignaient son caractère dynamique, ouvert et participatif, ainsi que sa contribution à la production de connaissances sur l’art latino-américain. Cela s’est concrétisé par la publication d’un glossaire, précisément, dans le cadre du catalogue de Verboamérica, qui comprend des termes artistiques, historiques et sociaux se référant à la région, auquel le public peut collaborer, à travers la page web, en proposant d’autres concepts à étudier par l’équipe de spécialistes du musée. Cette volonté du MALBA de se positionner en tant qu’espace de socialisation et producteur de connaissances met en évidence les influences que le modèle MoMA exerce sur le musée, observables non seulement dans son style communicationnel, mais aussi dans son discours institutionnel.

Sur son site internet, le MoMA alterne dans son discours institutionnel entre un ton relevant du domaine des affaires lors de la présentation de son organisation générale, un ton accueillant et inclusif dans les sections de bienvenue, d’achat de billets ou de présentation d’événements, et un ton académique lors de la présentation de son histoire. Le ton académique souligne l’importance de son centre de recherche et d’éducation qui est soutenu par l’image de son premier directeur, Alfred Baar Jr. dont la figure a été importante tant pour l’histoire du MoMA que pour l’histoire de l’art. Cette présence intellectuelle continue de fonctionner pour son positionnement actuel : le MoMA a un esprit visionnaire, qui le distingue des autres institutions, car il expose, étude et archive la culture visuelle de « notre temps » qui va de la peinture au cinéma, en passant par la musique, l’architecture, le design et toutes les manifestations de la culture de masse, en créant des archives de tous ces langages artistiques.

Le musée d’art moderne de New York est né comme un projet privé, à caractère « public8 », de l’idée de trois femmes qui, lors d’un déjeuner, ont décidé de créer un musée à New York pour l’art de leur temps. Sa fondation a été un acte de courage, car elle a eu lieu en 1929, pendant la crise économique majeure du pays. Le discours sur les origines du MoMA s’articule autour des idées d’invention, de projection, de vision, d’innovation et d’investissement, autrement dit, toutes les caractéristiques que doit posséder un homme ou une femme d’affaires. Ces valeurs ressortent de son organisation spatiale, qui s’apparente à celle d’une institution financière tant dans le hall que sur la façade et semble faire davantage référence aux actions négociées en bourse qu’à l’art moderne et contemporain qu’elle contient. Ainsi, son entrée avec portes tournantes ressemble davantage à l’entrée d’une grande société financière qu’à celle d’une institution artistique. Ce cube de verre noir se dresse devant nous comme un coffre-fort inviolable dans lequel on peut confier les richesses les plus précieuses de New York et du monde.

Dans le cas du MALBA, c’est Eduardo Constantini qui raconte l’histoire du musée9. Comme les femmes du MoMA, cet homme a parié sur l’art moderne latino-américain quand personne d’autre ne le faisait et, comme les trois pionnières américaines, il a fondé un musée en 2001, l’année de l’une des crises économiques les plus dures que l’Argentine ait jamais traversées. Le discours de Constantini adopte une tonalité émotionnelle et personnelle superposée à un autre ton s’apparentant au domaine des affaires. Il souligne ainsi son effort personnel, son énergie et sa passion, son rêve réalisé, la solidarité, l’harmonie et la conception du musée comme « la maison de tous ». Cependant, dans la manière dont il construit rhétoriquement cette « maison » et ce qu’il appelle « mon pays », il établit des limites et des distances entre « les siens » et « un autre ». Et c’est précisément cette altérité qui correspond à l’Amérique latine, observable dans la mission du musée dont l’objectif est de « co-créer un espace de rencontre pluriel, inclusif et participatif qui favorise la relation affective et cognitive du public avec l’art et avec l’Amérique latine10 ». L’Amérique latine étant construite comme un « autre », le musée doit « éveiller l’intérêt pour les créateurs latino-américains ; contribuer à la connaissance des productions culturelles latino-américaines en favorisant la reconnaissance de la diversité culturelle et artistique de cette région11 ».

Dans ce discours transparaît non seulement une distance entre le MALBA et le continent où il se trouve, mais aussi entre le MALBA et l’Argentine. Constantini insiste sur l’incapacité des organismes publics argentins à se préoccuper de sa collection par manque de fonds, comme « cela arrive dans les pays en développement », dont le MALBA ne fait apparemment pas partie, étant donné qu’il possède des qualités d’exposition « de niveau international ». Cet intérêt à se positionner au niveau international est souligné dans l’énoncé de ses missions, dans les textes de son fondateur, et également dans la manière dont l’architecture du musée est décrite : architectes choisis lors d’un concours international, salles équipées au niveau international, architecture d’un standard international (figure 4).

Figure 4 : La façade du MALBA.

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©Aluminé Rosso.

Le repositionnement du MALBA a inclus la modification du hall d’entrée, dont l’espace a été réduit, ce qui a rendu moins visibles les salles où étaient présentées les petites expositions temporaires. Sur la rampe-escalier menant aux expositions d’art contemporain, le MALBA a placé la boutique de souvenirs qui se trouvait auparavant à côté de l’entrée du bâtiment. Depuis la fin 2017, le musée accueille ses visiteurs avec une structure en bois qui sert de boutique et de librairie. La cafétéria est davantage intégrée au centre du bâtiment et les billetteries sont situées à droite de l’entrée. La nouvelle disposition du hall renforce la proposition multi-expérientielle du MALBA : plusieurs salles, cafétérias de cinéma, terrasses, boutique et différents types d’activités.

Ces espaces intermédiaires12 du musée (qui fonctionnent comme médiateurs entre l’extérieur du musée et ses expositions) configurent une scène énonciative entre pairs, personnes passionnées par le design, l’art, mais aussi la mode et les dernières tendances en matière de décoration et de gastronomie. Ces caractéristiques sont normalement associées au lifestyle des habitants du quartier dans lequel il est situé : Barrio Parque, l’une des zones les plus prisées de la ville de Buenos Aires, où vivent certaines des familles économiquement les plus puissantes d’Argentine (l’importance du site où est construit le MALBA, de grande valeur immobilière, est également soulignée dans le discours institutionnel du musée argentin). Bien que le MALBA se présente comme « la maison de tous » dans le discours de son fondateur, son positionnement s’adresse à ceux qui partagent le même style de vie et les mêmes passions, ce qui implique de partager les mêmes imaginaires sur l’art latino-américain : un voyage exotique à travers les couleurs du continent, principalement, du Mexique et du Brésil.

Ainsi, le visiteur du MALBA « quitte » l’Argentine pour entrer dans un musée (de « niveau international ») qui présente l’histoire de l’art latino-américain racontée à travers son star-system : Frida Kahlo ; Diego Rivera, Tarsila do Amaral, Antonio Berni, Joaquín Torres García, entre autres. Cependant, les artistes mis en exergue par les discours des conservateurs ne répondent pas nécessairement aux stratégies de branding du musée. Dans les sections suivantes, nous étudierons les changements curatoriaux de la collection afin d’observer la place que les artistes ont occupée et occupent dans les différents récits de l’histoire de l’art, selon les différents moments du positionnement du MALBA. L’intérêt d’analyser ces opérations énonciatives est de mettre en évidence la construction des artistes comme marque ou comme support de la construction de la marque MALBA.

L’Amérique latine selon le MALBA ou l’artiste comme outil de positionnement

Au cours des dix dernières années, le musée a considérablement augmenté le nombre d’œuvres d’art qui composent sa collection, lesquelles ont été exposées selon différents discours curatoriaux. Pendant cette période, nous avons identifié quatre moments centraux dans la narration et la présentation de l’art latino-américain qui correspondent à quatre stratégies de positionnement du MALBA : la période académique-esthétique, la période académique-sociopolitique, la période américaniste-révisionniste et la période marque MALBA-star-system.

Le premier moment (2012-2016), celui de l’étude des langages et des formes, correspond à une exposition chronologique centrée sur les langages et les mouvements artistiques développés sur le continent, en se concentrant sur les influences européennes. Dans ce discours, les débuts de l’art latino-américain sont compris comme des « versions » des avant-gardes historiques. Le deuxième moment (2016-2018), celui de l’étude des contenus des œuvres latino-américaines s’est concentré sur les thématiques abordées dans les manifestations artistiques latino-américaines. Au cours de cette période, la collection a été exposée selon une grille sociopolitique et selon le prisme de la notion d’« avant-gardes simultanées » développée la commissaire Andrea Giunta.

Le troisième moment (2018-2022), celui du tournant indigéniste, correspond à une hybridation entre la lecture chronologique et la lecture thématique de la collection reposant sur des débats allant de l’écologie à l’identité régionale. L’idée de « l’éternel retour » est évoquée pour soutenir les thèmes choisis. Dans ce sens, la présence de l’art brésilien et de l’anthropophagie (en tant que mouvement qui valorise les origines latino-américaines) acquiert une plus grande importance avec un parcours parallèle appelé « Itinéraire Brésil ». Le quatrième moment, celui du « Marca MALBA star-system » correspond à l’organisation actuelle de la collection (août 2022 à septembre 2023), présentée en dialogue avec la collection privée de son fondateur. Cette proposition est centrée sur la figure de Frida Kahlo, nonobstant le fait que seulement deux œuvres de l’artiste sont exposées sur 220 œuvres d’autres artistes latino-américains. Ce moment soulève de nombreuses questions sur la conception d’expositions basées sur les logiques de branding des musées du xxie siècle et ses influences et tensions dans le développement du travail curatorial.

Au-delà des spécificités de chaque discours curatorial, émergent dans chacun d’entre eux le débat historique sur le centre et la périphérie dans le domaine artistique, ainsi que le problème de la construction de l’identité et l’altérité. Parallèlement à l’approche de ces thèmes apparaît aussi la construction de l’identité argentine en relation à celle d’autres pays comme l’Uruguay, le Brésil et le Mexique. La première (centrée sur Buenos Aires) est liée aux révolutions artistico-urbaines, avec la campagne conçue comme passé et périphérie, tandis que dans les seconds cas, la ruralité et les pratiques indigènes sont mises en avant comme caractéristiques fondamentales dans la construction des identités latino-américaines. Ainsi, il existe une tendance à l’exotisation des « autres » représentés selon l’imagerie de l’argentinité (liée à son passé européen). L’analyse de ces quatre moments considérés permettra d’observer comment les différentes façons d’exposer l’histoire de l’art de la région ont été utilisées par les stratégies de branding du musée en visant à créer son propre star-system.

Des différentes Amériques latines à travers le prisme des collections du MALBA (2012-2022)

« Arte latinoamericano siglo XX » (2012-2016)

Cette collection, dont le commissaire en chef était Marcelo Pacheco proposait une vision linéaire de l’histoire de l’art, progressant au fil des salles à travers les périodes et les écoles du début du xxe siècle jusqu’à l’art contemporain. Le concept de « versions » était primordial dans ce discours curatorial pour expliquer l’inscription des productions artistiques latino-américaines dans leur contexte global et la participation d’artistes régionaux à des mouvements artistiques en Europe. Tout au long de la visite, les regroupements et les divisions stylistiques proposés soutenaient l’idée directrice de la succession linéaire des mouvements, chacun étant présenté comme le résultat de son prédécesseur, ainsi que la conception de l’art régional comme version ou appropriation de ce qui s’est passé dans les grandes capitales mondiales.

Ainsi, l’exposition progressait en regroupant les œuvres « par affinités de style, d’idéologie ou par leurs approches alternatives13 » qui, pour la plupart, étaient présentées comme des réponses à des tendances et manifestations internationales : continuité avec la tradition européenne jusqu’en 1950, et américaine après 1950. Ce parcours chronologique et linéaire commençait avec les œuvres des artistes locaux ayant participé aux avant-gardes européennes du début du vingtième siècle. Ce parcours mettait en évidence les tensions entre l’art traditionnel et les nouveaux styles qui se sont manifestées lors du retour des artistes latino-américains dans leurs pays d’origine.

Selon les textes curatoriaux, cette tension a donné naissance aux « avant-gardes caractéristiques des modernités régionales latino-américaines14 » telles que le néo-créole de Xul Solar (Buenos Aires), l’antropophagie de Tarsila do Amaral (São Paulo), ainsi que le vibrationnisme et l’universalisme constructif de Rafael Barradas et Joaquín Torres García (Montevideo)15. Bien que présentant un panorama des artistes du continent relativement homogène géographiquement, le commissariat avait tendance à mettre l’accent sur les œuvres de l’Argentine, de l’Uruguay, du Brésil et du Mexique. Les œuvres qui font partie des mouvements de ces pays étaient présentées comme des « piliers » de la collection, mais aussi comme des œuvres clés dans l’émergence des avant-gardes latino-américaines. La mise en scène illustrait cette thèse en plaçant les œuvres de ces artistes dans des panneaux qui construisaient des espaces relativement fermés consacrés à chaque période ou mouvement.

Certaines œuvres avaient une place centrale, par exemple Abaporu (1928) de Tarsila do Amaral, localisée au centre des grands panneaux du premier groupement expliquant les origines des avant-gardes artistiques de l’Amérique latine, établissant le lien entre le cubisme de Diego Rivera (Mexique) et Emilio Pettoruti (Argentine), d’une part, le surréalisme de Lino Enea Spilimbergo (Argentine) et l’abstraction de Joaquín Torres García (Uruguay), d’autre part. D’autres œuvres fonctionnaient comme des passages entre les axes chronologiques : Autoportrait avec singe et perroquet (1942) de Frida Kahlo et Composition symétrique (1931) de Torres García cédaient ainsi la place à l’art politique, dont Manifestation (1934) d’Antonio Berni constituait l’une les œuvres principales.

L’art argentin était particulièrement mis en avant dans cette organisation de la collection. L’artiste argentin Xul Solar avait sa propre salle où toute une série d’aquarelles était exposée, mettant en exergue sa « panlengua » (un langage qu’il a inventé et voulu universel, fondé sur des bases mathématiques et astrologiques). Antonio Berni bénéficiait aussi d’une place centrale dans l’exposition, comme les artistes du groupe Madi (art concret et invention). Même si les hiérarchies devenaient moins évidentes entre les œuvres produites à partir des années soixante, les travaux des artistes argentins León Ferrari, Guillermo Kuitca, Oscar Bony et Víctor Grippo étaient particulièrement mis en valeur.

Il faut mentionner qu’en 2011, le MALBA avait célébré son Xe anniversaire en positionnant Buenos Aires comme point de référence de l’Amérique latine (comme on peut le percevoir dans son logo déjà analysé) et de la scène artistique contemporaine internationale. Jusqu’en 2016, date des 15 ans du MALBA, sa communication institutionnelle était basée sur la diffusion et la mise en valeur de la programmation des expositions qui accompagnait le développement de la collection du musée constituée d’œuvres centrales de l’art du continent mais, surtout, de l’Argentine. Ce discours change à partir de 2016 avec l’inauguration de l’exposition Verboamérica. Accompagnant ce repositionnement, la Tienda MALBA (la boutique du musée) intégrait alors une grande librairie spécialisée dans l’art et avait son propre programme d’activités culturelles qui comprenait principalement des présentations de livres et des événements de lancement d’objets conçus par des designers locaux. La sélection d’objets-souvenirs du musée proposait des carnets et des cartes postales représentant les œuvres des artistes du star-system de l’époque : Xul Solar, Berni, Petorutti, Rivera, Lam, Kahlo, Torres García et do Amaral.

« Verboamérica » (2016-2018)

Organisée par Agustín Pérez Rubio (directeur artistique du musée) et Andrea Giunta, cette exposition inédite de la collection permanente a été inaugurée à l’occasion de la commémoration du XVe anniversaire du MALBA16. Ce nouveau discours proposait de lire l’histoire de l’art de l’Amérique latine comme une partie de l’histoire sociale et politique du continent. L’exposition offrait plusieurs parcours thématiques « possibles » qui, n’étant plus guidés par des questions stylistiques ou chronologiques, étaient consacrés au développement des villes d’Amérique latine. Chaque noyau thématique accordait une attention particulière aux questions politiques et idéologiques qui ont traversé et continuent de traverser le continent. L’exposition, que la mise en scène présentait comme un « jardin borgésien », était organisée ainsi en huit blocs : I Au début ; II Cartes, géopolitique et pouvoir ; III Ville, modernité et abstraction ; IV Ville lettrée, ville violente, ville imaginée ; V Travail, multitude et résistance ; VI Campagne et périphérie ; VII Corps, affections et émancipation et VIII Amérique indigène, Amérique noire17.

L’exposition avait un caractère essentiellement argumentatif, exprimant la position des conservateurs sur les manières d’interpréter l’histoire de l’art18. Elle a donc été étayée par un catalogue comprenant un glossaire présentant les recherches préliminaires. Ainsi, des définitions incluent des concepts issus non seulement du domaine de l’art régional, tels Amauta, Amigos del arte, Arturo, CAYC, Antropofagia, Madí, Belleza y Felicidad, Círculo y Cuadrado, Cinetismo, Invención, Indigenismo, Muralismo ; mais aussi des concepts sociohistoriques tels que l’activisme, la censure, le collectif, la dictature militaire, l’exil, la diaspora, le féminisme, le genre, le métissage, le mouvement LGBT, la migration, le mouvement des travailleurs et le post-colonialisme. D’une certaine manière, ces concepts étaient en conflit avec le guide de la collection MALBA, qui accompagnait l’exposition précédente, dont le glossaire comprenait des termes artistiques principalement ancrés dans les écoles européennes.

Verboamérica proposait un parcours fluide dans lequel certaines œuvres fonctionnaient comme des connexions entre les noyaux. La scénographie créait une sorte de labyrinthe dont la fermeture dans chaque sens (gauche-droite) générait un rebond thématique renvoyant le spectateur au centre de la salle d’exposition. Commençant par « Au début », le Hongo nuclear (2006) de León Ferrari accueillait le visiteur qui devait choisir entre les deux côtés de ce jardin. À droite, les œuvres de Joaquín Torres García inauguraient l’axe thématique consacrée à la géopolitique et au pouvoir et conduisaient aux noyaux III à VI où les travaux de Berni étaient mis en exergue. À gauche, se trouvait Abaporu de Tarsila do Amaral, dont le corps « étrange » et la nudité de cannibale conduisaient à l’axe thématique consacrée aux identités (les noyaux VII à VIII) où l’œuvre de Claudia Andújar, Marcados (1981-1983) dialoguait avec les œuvres nativistes de Figari, le neocriollismo de Xul Solar, le surréalisme de Lam et le célèbre portrait de Kahlo.

Les œuvres d’Antonio Berni occupaient la place la plus stratégique : La gran tentación o La gran ilusión (1962), la dernière œuvre de la salle intitulée « Campagne et périphérie », clôturait le parcours du premier jardin. Ce grand tableau placé juste après Manifestation (1934), le chef-d’œuvre de Berni, fermait le parcours de droite, obligeant le visiteur à faire marche arrière pour visiter la partie gauche de l’exposition. La mise en scène, en organisant cet aller-retour, présentait au visiteur un questionnement sur les conséquences du « progrès », concept clé pour comprendre ce parcours consacré à la modernité en Amérique latine. À l’autre extrémité de l’exposition (où se situait la sortie de Verboamerica), le discours curatorial interpellait encore une fois le public en opposant le paysage urbain dégradé de La gran tentación à celui du Mercado colla (1936-1943), également d’Antonio Berni, qui représente une harmonie rurale contrastant avec la bestialité des frontières entre ville et campagne de la première œuvre.

Dans cette organisation de la collection, le même groupe d’artistes était mis en valeur : Rivera, Lam, Kahlo, Torres García, Tarsila do Amaral et, tout particulièrement, Berni, qui avait acquis encore plus d’importance. L’accent avait également été mis sur des contemporains tels que Ferrari, Clark et García Uriburu. Cependant, l’inauguration de Verboamerica a été accompagnée par une série de changements dans l’organisation de l’institution concernant notamment la manière dont les artistes sont présentés tant dans la salle d’exposition que sur les réseaux sociaux et à travers les produits disponibles en vente à la boutique.

À partir de 2016, les expositions temporaires ont commencé à être accompagnées d’un merchandising conçu spécialement pour l’occasion : ce fut le cas lors des expositions de Yoko Ono (2016), de Jorge Macchi (2016), mais aussi de General idea (2017) et de México Moderno (2018), entre autres. Finalement, en 2017, la tienda MALBA a été déplacée au milieu du hall d’entrée et a commencé à commercialiser une quantité considérable d’objets liés à la collection du musée. Ainsi, les œuvres de Kahlo, do Amaral, Berni, Xul Solar et Torres García ont été mises en valeur par la vente de carnets, de cartes postales et d’affiches, entre autres objets. Par ailleurs, le musée a lancé sa série de produits comportant le mot « latino-américain » comme abréviation du nom du musée.

Le MALBA a alors réalisé un virage dans son positionnement institutionnel en se présentant comme une institution spécialisée dans l’art de la région, valorisant aussi les œuvres du Mexique et du Brésil. Avec ce virage institutionnel, l’image de Tarsila do Amaral est devenue essentielle : le catalogue de la collection et son affiche exposaient un fragment d’Abaporu, qui représente le « mestizaje » du continent et son esprit révolutionnaire. Ainsi, Verboamérica s’est accompagnée d’une programmation qui a renforcé le positionnement sociopolitique du musée reposant sur l’imaginaire de l’Amérique latine et de ses révolutions. En 2016, l’exposition « Anthropophagie et modernité : L’art brésilien dans la collection Fadel19 » a présenté l’émergence du modernisme au Brésil et a contribué à la mise en valeur de l’œuvre de do Amaral ainsi que des artistes concrets tels Pape, Oiticica et Clark, présents dans la collection du musée.

En 2017 a eu lieu l’exposition « Moderno México. Avant-garde et révolution20 » qui présentait les origines du mouvement mexicain. Même si l’exposition donnait à voir plus de 170 œuvres de 60 artistes, tels Dr. Atl, Miguel Covarrubias, María Izquierdo, José Clemente Orozco, Frida Kahlo, David Alfaro Siqueiros, Diego Rivera et Remedios Varo, il convient également de mentionner la place occupée par le duo Kahlo-Rivera, central dans la communication de l’exposition, mais paradoxalement peu repris dans les discours curatoriaux. La communication de cette exposition soulignait la présence d’œuvres du célèbre couple, ce qui a provoqué une certaine confusion chez de nombreux visiteurs qui s’attendaient visiblement à assister à une exposition sur Frida Kahlo (comme en témoignent les nombreuses questions adressées au personnel à ce sujet).

« Latinoamérica al sur del Sur »

Inauguré en 2020 et conçu par les commissaires Gabriela Rangel, Florencia Malbrán et Verónica Rossi, ce parcours présente une nouvelle organisation de la collection du musée qui reprend les stratégies des discours curatoriaux antérieurs : il s’agit d’une exposition chronologique et thématique faisant revivre l’histoire de l’art latino-américain à travers le prisme de réflexions contemporaines. Selon ses commissaires, cette exposition « est structurée en dix noyaux qui réarticulent le récit de la collection à partir de thèmes clés de l’histoire de l’art latino-américain du xxe siècle, en les reliant à des préoccupations actuelles telles que la préservation de l’environnement, la participation des femmes, les droits des minorités ethniques et sexuelles et l’appropriation de l’héritage culturel dans la construction de la mémoire d’une nation21 ».

La localisation géographique, déjà annoncée dans le titre de l’exposition (« al sur Del Sur ») se focalisait, principalement, sur les productions artistiques d’Argentine, du Brésil et de l’Uruguay, en mettant encore en exergue les artistes argentins. Au sein de cette collection nouvellement organisée, des opérations rhétoriques établissaient une hiérarchie entre des artistes principaux et des artistes « secondaires » en configurant un star-system bien défini de l’avant-garde latino-américaine. Certaines de ces stratégies curatoriales étaient visibles dans les titres des noyaux (qui reprenaient les noms ou les œuvres de certains artistes) et dans la mise en scène qui plaçait certaines œuvres au premier plan.

Le premier noyau, « Art moderne et pensée autochtone », mettait par exemple en évidence la figure de l’artiste uruguayen Joaquín Torres García et son œuvre Composition symétrique universelle en blanc et noir (1931). Le tableau, qui accueillait le visiteur à son entrée dans l’exposition, était exposé sur une sorte d’autel, sur les marches duquel était posé un ensemble d’objets précolombiens. Toutefois, « les objets les plus anciens du musée » étaient mis en avant, de sorte que les poteries et les objets fabriqués par les peuples autochtones étaient mêlés aux œuvres modernes, à la différence des précédentes expositions.

Le noyau « Abaporu et la culture noire » mettait en exergue l’œuvre emblématique de Tarsila do Amaral, exposée cette fois-ci avec des petites reproductions d’autres tableaux et un portrait de l’artiste, mais sans le manifeste écrit par son compagnon. Le discours promouvait l’artiste brésilienne comme la figure principale du mouvement moderniste du pays, alors que le noyau « Avant-gardes » valorisait la carrière de l’Argentin Emilio Petorutti comme un exemple du parcours international des artistes latino-américains.

D’autres titres de noyaux tels que « Xul Solar et la langue des Argentins » et « Antonio Berni et la lutte sociale » explicitaient l’importance de certains artistes argentins dans l’histoire de l’art. « Marco recortado : art concrete et ses discrépances » mettait ainsi en avant tant dans son titre comme à travers la mise en scène les œuvres les artistes concrets du Rio de la Plata, laissant légèrement en arrière-plan les néo-concrets du Brésil. Ces opérations sont moins évidentes lorsque l’on aborde l’art contemporain, où le discours curatorial homogénéise à nouveau l’importance des artistes, même si les artistes argentins étaient, dans ce discours, subtilement privilégiés. Comme dans les exemples précédents, Tarsila Do Amaral, Joaquín Torres García, Antonio Berni, Xul Solar, Emilio Petorutti et les Madi (art concret et invention) sont présentés comme les principales figures de la collection. Ainsi, dans les trois exemples analysés, la similarité observée des artistes promus les intègre de manière évidente au sein d’un star-system de l’art latino-américain.

Dans le cadre du centenaire de la Semana del Arte Moderno, l’exposition propose une série d’audioguides intitulés « Itinerario Brasil », accessibles via un QR code disponible à côté des œuvres exposées des artistes Emiliano Di Cavalcanti, Candido Portinari, Maria Martins, Rubem Valentim, Lygia Clark, Hélio Oiticica, Geraldo de Barros, Mira Schendel ou Waltercio Caldas. Cela souligne l’importance des productions brésiliennes dans la collection du MALBA et renforce la proposition d’un « voyage à travers l’Amérique latine ». Cette phrase a été fréquemment utilisée par les commissaires des expositions du musée et représente l’une des stratégies centrales de positionnement du MALBA.

Bien que les décisions des commissaires d’exposition n’aient pas entièrement répondu aux stratégies de positionnement du musée, ce système d’artistes clés a permis à l’institution d’exploiter certaines figures pour ses stratégies de communication et de marque. Frida Kahlo, Tarsila do Amaral et Antonio Berni, toujours présents dans la communication du MALBA, figurent parmi ces artistes clés, exposés au sein des canaux de communication du musée selon trois stratégies de positionnement mises en œuvre par les musées occidentaux aujourd’hui : les stratégies de spectacularisation, d’internationalisation et de légitimation académique.

À ce titre, Kahlo, qui n’a pas été particulièrement mise en exergue par les discours curatoriaux sur le développement de l’art latino-américain, est continuellement promue dans la communication du musée visant à maximiser les interactions des abonnés sur les réseaux sociaux. Il en est de même pour do Amaral, dont le nom suffit à lui seul pour valoriser la collection, grâce à l’importance d’Abaporu dans l’histoire de l’art latino-américain, participant de son positionnement à l’international. Quant à Antonio Berni, toujours valorisé tant dans la collection que dans la communication du musée, il est l’artiste choisi pour légitimer le MALBA comme espace de production de connaissance : le projet intitulé « Manifestación en foco » étudie l’œuvre la plus emblématique de l’artiste, considérée comme l’une des œuvres les plus importante de l’histoire de l’art argentin. Ce projet inclut une série d’activités pour le public, l’invitation d’artistes et de chercheurs et la diffusion des résultats obtenus.

Cependant, les cas de Kahlo et de do Amaral sont les plus pertinents pour réfléchir au phénomène de la construction de l’artiste comme une marque. Elles représentent deux cas contraires de présentation et représentation des femmes artistes dans l’histoire de l’art. Frida Kahlo est toujours reliée à sa vie, sa souffrance, sa maladie et son histoire d’amour avec Diego Rivera. La construction de la marque mondiale « Frida », à laquelle participe le musée MALBA, a impliqué la consolidation d’une mythologie sur l’artiste qui l’éloigne de son œuvre pour souligner l’aspect tragique de sa vie. Tout au contraire, Tarsila do Amaral est construite comme une des figures les plus remarquables de l’art et de l’identité de l’Amérique latine. L’artiste représente « lo latino-americano », qui implique l’idée de révolution sociale, artistique et intellectuelle que le MALBA célèbre et transforme en une marque.

En ce qui concerne Tarsila do Amaral, elle est présentée, depuis quelques années, comme une femme émancipée de la présence d’Oswald de Andrade grâce à l’importance de son œuvre présentée dans de prestigieuses institutions à travers le monde. L’œuvre Abaporu a été privilégiée au sein de chacun des discours curatoriaux observés et dans la communication du musée. À plusieurs reprises depuis l’inauguration du MALBA, l’œuvre a représenté la collection du musée sur la grande affiche située sur sa façade (figure 5). Elle a été prêtée à des institutions telles que le MoMA à New York et l’Art Institute of Chicago, et a toujours été présente dans les stratégies de branding du musée. Ainsi, dans le cadre des événements liés à l’exposition « Antropofagia revisitada » l’artiste Ivana Vollaro est intervenue à la cafétéria du musée en mettant en exergue la phrase « Devoremos Abaporu » (« Mangeons Abaporu ») imprimée avec un poème sur le mur. Dans le cadre de cette intervention, des biscuits en forme de cannibale ont même été cuisinés pour l’occasion. Le hashtag « Devoremos Abaporu » a été relayé sur les réseaux sociaux afin que les visiteurs partagent leur expérience. Et dans le cadre de la campagne « Mimesis MALBA » qui proposait au public d’imiter une œuvre de la collection et de la publier sur Facebook, Abaporu est apparue comme l’une des œuvres les plus choisies.

Si les discours curatoriaux analysés n’ont pas attribué à Frida Kahlo une importance historique supérieure à celle, par exemple, de Remedios Varo (autre représentante du surréalisme à laquelle une rétrospective a été consacrée en 2021), l’Autoportrait avec singe et perroquet a été d’une grande portée pour la communication et le positionnement du musée. Cette œuvre a toujours été promue sur les réseaux sociaux, au sein des activités pour le public et demeure un pilier de la stratégie de communication du musée. Depuis l’inauguration du musée, la présence d’un autoportrait de « Frida » a été l’une des attractions principales pour le grand public du MALBA. Cela a pu être constaté principalement à deux moments : lors de l’exposition « México Moderno » (2018), déjà mentionnée, et lors de l’exposition « Tercer Ojo. Colección Constantini en MALBA » (2021-2023), deux expositions collectives dont la figure centrale de la communication a été Frida Kahlo.

« Tercer Ojo. Colección Constantini en MALBA »

L’exposition « Tercer Ojo. Colección Constantini en MALBA (26/08/22-30/06/24) » représente un cas sans précédent pour réfléchir au phénomène Frida Kahlo comme marque (ou comme produit). Il s’agit d’une exposition collective qui réunit plus de 220 œuvres emblématiques de l’art latino-américain dans un parcours qui fait dialoguer pour la première fois la collection du MALBA et celle de son fondateur, Eduardo Francisco Costantini. Son titre fait référence à la célèbre œuvre de Frida Kahlo, Diego et moi (1949) qui figure dans cette exposition. Dans les discours qui entourent « Tercer ojo », Kahlo est représentée selon l’image d’une artiste qui remplit toutes les conditions pour être la protagoniste d’un grand spectacle : célèbre pour sa vie pleine de douleurs physiques et sentimentales, mariée à un génie égocentrique et machiste, militante de la révolution mexicaine et représentante du surréalisme, l’un des mouvements modernes les plus populaires. L’histoire du couple mexicain est reprise, expliquant que le titre de l’exposition « représente l’obsession amoureuse du couple d’artistes22 ». À cette lecture malheureuse d’une vie traversée par la violence de genre, le musée ajoute d’autres signifiants au troisième œil : « la vision intuitive » du développement de la collection et « l’illusion que cet œil intérieur guide nos manières d’habiter et de transformer le monde23 ».

À la différence des expositions précédentes, la collection est organisée en deux grands noyaux thématiques : Habiter et Transformer. Selon les critères du commissariat, « ces axes sont en phase avec nos préoccupations actuelles les plus pressantes, comme la durabilité de la planète, les demandes sociales et les divers modes de subjectivité et d’autoreprésentation24 ». Ces deux noyaux reprennent, dans une certaine mesure, les problématiques présentées par Verboamerica en 2016. Cependant, leur assemblage répond à des tendances contemporaines telles la création d’espaces habitables, l’inclusion d’œuvres participatives, les gigantographies spectaculaires et la reconstitution d’archives.

La scénographie exploite deux types de mises en scène : l’exposition s’organise en petites salles blanches et thématiques qui présentent les manières dont les artistes les plus représentatifs du continent ont abordé les sujets proposés. Parmi ces groupements d’artistes, certains sont mis en valeur par la présence de matériel d’archives, de paratextes, d’audioguides, etc. Une fois encore, Abaporu de Tarsila do Amaral est exposée comme l’une des principales œuvres de la collection. Le tableau est accompagné de QR codes qui dirigent vers un court podcast et une description de l’œuvre. Sur le mur situé à gauche, une vitrine expose des documents historiques qui expliquent l’importance de ce tableau : le manifeste anthropophage, des catalogues, une affiche de la Semaine de l’art moderne, ainsi qu’une photo de do Amaral. En outre, un long paratexte intitulé « Viva Tarsila » explique la carrière de l’artiste (figure 5).

Figure 5 : Exposition « Tercer Ojo ».

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©Aluminé Rosso.

Le deuxième type de mise en scène est appliqué dans la salle consacrée aux œuvres de Kahlo. Cette salle isolée fonctionne comme une exposition individuelle, annoncée par une gigantographie de l’artiste surplombant une rampe et, normalement, une longue file de visiteurs. À l’intérieur, deux tableaux de l’artiste et du matériel d’archives (photos, lettres, vêtements) sont exposés dans un cadre théâtral : murs sombres et éclairage dramatique. La présence d’objets intimes comme les paratextes (courts podcasts) qui accompagnent les œuvres soutiennent les imaginaires de la vie douloureuse de Kahlo et de sa relation conflictuelle avec Rivera. Tant par sa scénographie que par la communication institutionnelle reprise par la presse locale et internationale, cette salle est devenue indépendante du reste de l’exposition, participant à ce que les médias de communication argentins ont appelé la « furore de Frida ». Ces derniers ont dû préciser qu’il ne s’agissait pas d’une rétrospective de Kahlo mais d’une exposition d’une collection d’art latino-américain (figure 6).

Figure 6 : Exposition « Tercer Ojo ».

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©Aluminé Rosso.

Les stratégies de communication établies par le musée (les affiches, le titre de l’exposition, les contenus sur les réseaux sociaux) mettent en avant la figure de l’artiste mexicaine pour positionner à l’international le musée et son fondateur. Ces stratégies sont destinées à exploiter médiatiquement l’acquisition du tableau, Diego et moi : en novembre 2021, le dernier autoportrait peint par Kahlo avant sa mort en 1954 (avec le visage de son mari Diego Rivera comme troisième œil, le « Tercer ojo ») a dépassé le record des ventes pour une œuvre d’art latino-américain lorsque Costantini l’a acquise pour sa collection personnelle. L’œuvre est désormais exposée à Buenos Aires. Le titre de cette exposition « Tercer ojo » fait référence à cette acquisition spectaculaire.

Conclusion

La notion de star-system appliquée aux collections de musées permet de réfléchir aux artistes configurés comme marques ou comme produits des musées en tant que marques. Cette notion questionne certaines manières de présenter les vies et les œuvres des artistes (et particulièrement, des femmes artistes) qui alimentent des stéréotypes et de clichés sur le génie artistique moderne qui, s’ils peuvent aider les institutions à remplir leurs salles d’expositions, imposent un discours qui répond plus aux stratégies du branding qu’aux études en histoire de l’art. Le concept de star-system, repris au monde du cinéma d’Hollywood, met en évidence le phénomène de spectacularisation des expositions (et notamment leur cinefication, c’est-à-dire la présentation des artistes selon le modèle narratif des films blockbusters (Rosso, 2022)) qui s’adresse désormais à un public international et, surtout, instagrammeur. Cela pose différentes questions sur le marché de l’art et les institutions, les centres d’intérêts du public, la spectacularisation de la vie des artistes, et surtout, sur les tensions entre les critères curatoriaux et les stratégies de positionnement des institutions.

L’analyse des expositions du MALBA et de ses stratégies de communication et de branding permet de le classer comme un « musée du xxie siècle », tel que Robert Fleck le caractérise (2014). Conformément à la position de Huyssen (1994), le phénomène des expositions conçues selon les logiques du spectacle de masse et du profit économique mérite une attention particulière afin d’analyser à quels intérêts répondent les multiples récits de l’histoire de l’art et quelle place est laissée au travail des commissaires d’expositions lorsque des stratégies de marque sont imposées à l’étude et à la présentation des collections des musées. Ce parcours à travers les dix dernières années de l’histoire de la collection du MALBA vise à présenter une réflexion sur les défis auxquels les institutions culturelles et les commissaires d’exposition doivent faire face dans un monde marqué par le storytelling, l’importance du nombre de followers et l’engagement sur les réseaux sociaux.

1 Traduction de l’autrice.

2 Traduction de l’autrice.

3 Traduction de l’autrice.

4 Traduction de l’autrice.

5 Sur ce deuxième point, cet article ne présente que quelques questions minimales sur lesquelles nous travaillons dans le cadre d’un projet de

6 Voir ROSSO, Aluminé (2017), « Malba Museo del siglo XXI : Una mirada al museo en torno al branding », Jornadas de Investigación de la Facultad de

7 GIUNTA, Andrea (2020), Contra el canon: El arte contemporáneo en un mundo sin centro,Buenos Aires, Siglo veintiuno.

8 Voir le « Mission Statement » du MALBA [En ligne] URL : https://www.moma.org/about/mission-statement.

9 Voir la présentation du MALBA [En ligne] URL : https://www.malba.org.ar/museo/.

10 Traduction de l’autrice.

11 Traduction de l’autrice.

12 ROSSO, Aluminé (2022), « What Do Museum Visitors Leave Behind? The New Experience and the New Visitor in the Twenty-First Century » in Francisca 

13 Voir PACHECO, Marcello et MEZZA, Cintia (2001), Guía de la Colección Malba 2001-2011, Buenos Aires, MALBA, p. 11.

14 Traduction de l’autrice.

15 Voir le texte de présentation de l’exposition [En ligne] URL : https://www.malba.org.ar/evento/arte-latinoamericano-1910-2010/.

16 Voir les textes de présentation de l’exposition [En ligne] URL : https://www.malba.org.ar/evento/verboamerica/.

17 Traduction de l’autrice.

18 Voir GROYS, Boris (2015), En public : Poétique de l’autodesign, Paris, Presses universitaires de France.

19 Traduction de l’autrice.

20 Traduction de l’autrice.

21 Voir les textes de présentation de l’exposition [En ligne] URL : https://www.malba.org.ar/evento/latinoamerica-al-sur-del-sur/. Traduction de l’

22 Traduction de l’autrice.

23 Traduction de l’autrice.

24 Traduction de l’autrice.

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Notes

1 Traduction de l’autrice.

2 Traduction de l’autrice.

3 Traduction de l’autrice.

4 Traduction de l’autrice.

5 Sur ce deuxième point, cet article ne présente que quelques questions minimales sur lesquelles nous travaillons dans le cadre d’un projet de recherche qui a débuté en 2016 et qui est toujours en cours.

6 Voir ROSSO, Aluminé (2017), « Malba Museo del siglo XXI : Una mirada al museo en torno al branding », Jornadas de Investigación de la Facultad de Ciencias de la Comunicación [En ligne] URL : http://dspace.uces.edu.ar:8180/xmlui/handle/123456789/4094.

7 GIUNTA, Andrea (2020), Contra el canon: El arte contemporáneo en un mundo sin centro, Buenos Aires, Siglo veintiuno.

8 Voir le « Mission Statement » du MALBA [En ligne] URL : https://www.moma.org/about/mission-statement.

9 Voir la présentation du MALBA [En ligne] URL : https://www.malba.org.ar/museo/.

10 Traduction de l’autrice.

11 Traduction de l’autrice.

12 ROSSO, Aluminé (2022), « What Do Museum Visitors Leave Behind? The New Experience and the New Visitor in the Twenty-First Century » in Francisca Comunello, Fabrizio Martire, Lorenzo Sabetta (dir.), What People Leave Behind. Marks, Traces, Footprints and their Relevance to Knowledge Society, Cham, Springer, « Frontiers in Sociology and Social Research » [En ligne] DOI : https://doi.org/10.1007/978-3-031-11756-5_6.

13 Voir PACHECO, Marcello et MEZZA, Cintia (2001), Guía de la Colección Malba 2001-2011, Buenos Aires, MALBA, p. 11.

14 Traduction de l’autrice.

15 Voir le texte de présentation de l’exposition [En ligne] URL : https://www.malba.org.ar/evento/arte-latinoamericano-1910-2010/.

16 Voir les textes de présentation de l’exposition [En ligne] URL : https://www.malba.org.ar/evento/verboamerica/.

17 Traduction de l’autrice.

18 Voir GROYS, Boris (2015), En public : Poétique de l’autodesign, Paris, Presses universitaires de France.

19 Traduction de l’autrice.

20 Traduction de l’autrice.

21 Voir les textes de présentation de l’exposition [En ligne] URL : https://www.malba.org.ar/evento/latinoamerica-al-sur-del-sur/. Traduction de l’autrice.

22 Traduction de l’autrice.

23 Traduction de l’autrice.

24 Traduction de l’autrice.

Illustrations

Figure 1 : Les logos des musées et leurs modifications.

Figure 1 : Les logos des musées et leurs modifications.

©Aluminé Rosso.

Figure 2 : Modification du logo du MALBA.

Figure 2 : Modification du logo du MALBA.

©Aluminé Rosso.

Figure 3 : Logo du MALBA et logo du MoMA.

Figure 3 : Logo du MALBA et logo du MoMA.

©Aluminé Rosso.

Figure 4 : La façade du MALBA.

Figure 4 : La façade du MALBA.

©Aluminé Rosso.

Figure 5 : Exposition « Tercer Ojo ».

Figure 5 : Exposition « Tercer Ojo ».

©Aluminé Rosso.

Figure 6 : Exposition « Tercer Ojo ».

Figure 6 : Exposition « Tercer Ojo ».

©Aluminé Rosso.

Citer cet article

Référence électronique

Aluminé ROSSO, « Le musée, l’artiste et l’identité comme marques : Le cas du musée d’art latino-américain de Buenos Aires (MALBA) », K@iros [En ligne], 7 | 2023, mis en ligne le 30 janvier 2024, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=830

Auteur

Aluminé ROSSO

ICAR (Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations), Université Lumière Lyon 2 – Université de Liège

Droits d'auteur

Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)