Le traitement de l’hermaphrodite dans la littérature juridique de l’Ancien Régime

Droit, société et idéologie

The Consideration of the Hermaphrodite in Legal Literature of the Ancien Régime: Law, Society and Ideology

DOI : 10.52497/sociopoetiques.1417

Résumés

Résumé : Sous l’Ancien Régime en France, l’individu est inséré dans un système juridique de classification binaire autour de la masculinité et de la féminité déjà connu lors d’époques antérieures. Les juristes romains puis plus tard les canonistes médiévaux réfutèrent l’existence avérée des deux sexes au sein d’un même corps et une telle orientation perdure en Occident sous l’Ancien Régime, période durant laquelle cette particularité physiologique fut assimilée à des pratiques sexuelles déviantes et condamnables. L’étude de quelques procès intentés contre des hermaphrodites montre l’embarras social causé par l’ambivalent sexuel, dont la physionomie étrange suffit à évoquer un criminel en puissance ou un débauché. L’univers juridique contemporain est heureusement plus clément mais demeure toutefois façonné autour de personnes identifiées par un sexe défini et unique tel que mentionné dans l’acte de naissance. Par conséquent le droit positif français méconnaît la notion de troisième sexe et les hermaphrodites n’y sont donc pas intégrés. Une révolution mentale reste donc à accomplir sur ce point.

Abstract: Under the Ancien Régime in France, the individual was inserted into a legal system of binary classification shaped around masculinity and femininity already used in earlier periods. Roman jurists and after them the medieval canonists refuted the proven existence of both male and female sexes in one body and such an orientation continued in the West under the Ancien Régime. During these times, this physiological feature was assimilated to deviant and condemnable sexual behaviours. The study of several trials against hermaphrodites shows the social embarrassment caused by sexual ambivalent. This strange physiognomy was enough to suggest he was a criminal or a debauchee. Nowadays, French legal system is fortunately milder but remains organized around a unique and defined sex as stated in the birth certificate. Therefore it fails to recognize the concept of third gender. A mental revolution has to rise on this point.

Index

Mots-clés

bisexuation, déficience, droit, procès, histoire

Keywords

Bisexuation, disability, Law, Trial, History

Plan

Texte

Introduction

À l’origine du corps hermaphrodite était une dualité réelle ou rêvée, une blessure ou un idéal. Combien de temps l’écriture et les beaux-arts, les lois et les rituels, mirent-ils pour donner à la fusion ou à la confusion des deux sexes en une même créature leurs primitifs visages.

Ce passage extrait de l’avant-propos de l’ouvrage de Patrick Graille1 induit combien les constructions intellectuelles et morales de toutes sortes peinent à intégrer l’être bisexué. Parmi celles-ci, le droit et les institutions jouent un rôle spécifique dans l’approche du phénomène biologique de la bisexuation dans la mesure où ils imposent aux hommes une autorégulation basée sur le respect mutuel de règles communes. Chacun connaît le rôle essentiel des normes juridiques en ce qu’elles autorisent, entérinent ou prohibent les comportements humains et produisent ainsi une trame institutionnelle dans laquelle la vie et l’identité s’inscrivent. On sait moins que ces normes sont le résultat du travail technique d’une caste spécifique, à savoir celle des juristes, qui brodent sur un héritage conceptuel susceptible de traverser plusieurs contextes. Le droit n’est cependant pas indépendant de son environnement d’application car son élaboration est propre à chaque époque et à chaque espace comme l’indiquent les approches récentes sur la question du champ juridique qui replacent le phénomène de juridicisation dans une perspective sociologique, historique et politique totale2. Aussi des anthropologues tels Clifford Geertz on fait du droit un vecteur culturel pur3. De cette idée s’infère que le droit n’est pas un phénomène naturel et préexistant. Il est donc toujours une histoire sociale, façonnée à partir d’images mentales communes au groupe et mises en forme par ses opérateurs.

Dans les matières relatives au sexe, les idéologies collectives qui ont présidé à la confection normative, et en amont aux catégories juridiques, se sont beaucoup nourries du paramètre biologique qu’il faut comprendre par la norme la plus communément observable dans une espèce. Parmi ces lieux communs culturels de nature sociobiologique, un des plus notables est celui de l’unicité sexuée4, au sens où un individu est soit un homme soit une femme. Un autre, non moins prégnant, est celui d’une correspondance avérée entre le sexe génétique, hormonal, anatomique, psychologique et comportemental sur le long terme5.

Cette harmonie obligatoire est parfois remise en cause par certaines anomalies physiologiques ou discordances ; c’est notamment le cas en matière de syndrome de dysphorie de genre (transsexualisme6) ou encore de bisexuation7. L’ambition de ces quelques lignes est d’évoquer comment les juristes réagissent face à ces cas limites, à la fois dans un cadre doctrinal et donc théorique, mais également dans un environnement processuel, donc davantage juridico-social, à l’époque de l’Ancien Régime. Le contenu des sources permet de mesurer l’essence même du travail du juriste évoqué plus haut, à la fois dépendant d’une tradition antérieure dans la mesure où celui-ci reprend les arguments développés dans l’Antiquité romaine mais aussi au Moyen Âge, mais également les données médicales et sociales du temps, en particulier lors des approches judiciaires. Tout ceci a généré un substrat important dans l’imaginaire contemporain.

L’impossible entre-deux ou la déviance de l’hermaphrodite

La nature duale de l’hermaphrodite, au sens médical moderne de l’hermaphrodisme vrai d’un individu affublé à la fois d’ovaires et d’utérus mais aussi d’un pénis et d’une prostate, c’est-à-dire d’un double appareil reproducteur, demeure niée par les médecins, les encyclopédistes et les juristes sous l’Ancien Régime8. Nombreux sont ceux qui rangent l’idée d’une telle configuration physique du côté de la superstition ou de la mythologie antique. Ce procédé de rationalisation n’est pas sans conséquences car il vient plier les particularités organiques aux modèles exclusifs du mâle et de la femelle qui se prolongent en des attitudes sociales renvoyant à des rôles masculins et féminins spécifiques. Aussi les littératures juridiques descriptives ou doctrinales sous-tendent que l’hermaphrodite doit nécessairement être rattaché à l’un ou l’autre sexe. Jean Domat9 distingue bien les deux sexes chez l’individu hermaphrodite mais pour indiquer ensuite qu’il ne peut en avoir qu’un seul. Il en est de même pour Jean Baptiste Denisart10 ou encore Joseph Nicolas Guyot11 qui, au début d’une assez longue notice, affirme que pour les physiciens, le véritable hermaphrodite est une « supposition » et que la « nature… montre à la fin ce caractère qui distingue le sexe » même si au cours de l’enfance la chose peut être voilée ; elle s’affirmera à l’adolescence. Dans son Dictionnaire de droit et de pratique12, un professeur de droit nommé Claude-Joseph Ferrière résume parfaitement ces positions et leur alloue une légitimité historique et théologique en s’appuyant sur le De generatione animalium d’Aristote, le De animalibus d’Albert le Grand (vers 1200-1280) ou encore l’idée, déjà bien connue aux temps médiévaux, que le Dieu créateur a nécessairement voulu distinguer le mâle et la femelle en termes d’engendrement. En ce sens, Ferrière précise :

On tient qu’il n’y a point de véritables hermaphrodites, & en qui les deux sexes soient parfaits & en qui les parties qui les composent soient parfaitement séparées, qui puissent engendrer en eux comme les femmes, & hors d’eux comme les hommes.

Les mots sont importants. Les sexes doivent être « parfaits » c’est-à-dire une réplique achevée et opérationnelle des modèles masculins et féminins en ce qu’ils permettent chacun la gestation qui lui est propre13. Surtout, est également décrit le rôle de chaque sexe : la femme reçoit et elle est pénétrée ; elle sera l’auberge du fœtus en fournissant la « matière » comme le dit Aristote14, en cela elle génère en elle ; l’homme porteur de la semence pénètre sa partenaire et en cela il génère hors de lui. En fait, transparaît ici l’idée qu’un hermaphrodite serait la somme parfaite d’un homme et d’une femme ; ce qu’il ne peut par définition pas être, en tout cas pas dans le genre humain. L’hermaphrodite n’est jamais considéré ici comme un entre-deux mais comme une somme faisant un tout, une complétude d’homme et de femme.

Un peu plus tard, le même genre d’analyse transparaît chez d’autres juristes de la même époque tels Merlin de Douai (1754-1838)15 qui explique, en suivant les physiciens de son temps, « que l’existence des véritables hermaphrodites est une supposition gratuite. Si la nature s’égare quelquefois dans la production de l’homme, elle ne va jamais jusqu’à des métamorphoses, des confusions de substances et des assemblages parfaits des deux sexes ». Aussi il convient toujours de détecter un sexe unique chez l’individu au plus tard à la puberté. Cette prédominance guide l’octroi d’une identité juridique intangible et unique, et ceci – on l’aura compris – au regard des contingences sociales relatives aux rôles sociaux déterminés mais aussi à leurs prolongements culturo-institutionnels : baptême, état civil ou union matrimoniale. Aussi, ce rattachement à l’un au l’autre sexe guidera l’insertion institutionnelle des ambivalents. Ils devront par exemple nécessairement épouser une personne de sexe opposé à celui qui leur est attribué sinon le mariage sera invalidé16. Cette conception française souffre des exceptions hors de nos frontières. Le juriste espagnol Lorenzo Matheu y Sanz17 affirme sans détour, à la controverse 48 de son traité de droit criminel, que l’hermaphrodisme vrai est une réalité biologique et historique (l’auteur parle d’herma(p)hroditi raro utruque sexu perfecti), au sujet de l’usage indistinct en termes de fécondation du corps de deux époux parfaitement bisexuels ; ceci afin d’insister sur la dépénalisation de pratiques sexuelles considérées comme déviantes. Cette approche est marginale, en particulier en ce qu’elle sous-entend une possible alternance des rôles sexuels, ce que nous appellerions aujourd’hui une double sexualité, mais surtout une gestation qui pourrait s’opérer chez les deux époux. Une telle idée est impensable pour les juristes français car c’est la gestation qui permet précisément de séparer l’homme de la femme en une dichotomie qui est le socle de rôles sociaux spécifiques et définis. C’est d’ailleurs davantage la transgression de ces rôles que l’ambivalence elle-même, qui poserait problème quand on s’intéresse à la pratique processuelle. Celle-ci révèle les préjugés sociaux relatifs à l’hermaphrodisme, que l’on associe presque toujours à des possibles pratiques déviantes, comme le travestissement ou l’accomplissement de relations sexuelles contre nature.

Le procès : l’embarras du juriste et l’expertise du médecin

Dissipons d’abord un possible malentendu que la lecture des sources doctrinales pourrait alimenter : l’hermaphrodisme n’est pas un crime en soi et aucune forme juridique (lois, ordonnances, décrets ou autres…) ne condamne l’état physiologique même de dualité ou d’indétermination sexuelle. Partant, les récits processuels mettent certes en scène l’état physiologique du sujet mais insistent avant tout sur la responsabilité individuelle au regard d’actes réputés répréhensibles : sodomie, travestissement, débauche, tromperie ou encore profanation des sacrements du mariage.

Quelques grands procès permettent de prendre toute la mesure de l’embarras judiciaire face à la question de l’ambivalence sexuelle et aussi du peu de précautions prises lors des expertises médicales qui se révèlent la plupart du temps traumatisantes pour les accusés. L’accusation « d’avoir les deux sexes », rapportée par la plume du médecin Jacques Duval (1555-1615)18, au sujet d’une affaire mettant en scène une jeune fille du pays de Caux, qui sera au final déclarée femme et accordée en mariage au sieur de la ville, Bailly de Vimeur, montre que c’est la nature équivoque, réelle ou supposée, de l’hermaphrodite qui suscite avant tout problème. Une de ces affaires, laquelle fut résolue le 7 juin 160119 met en scène une certaine Marie le Marcis20. Cette dernière naquit dans la région de Caux le 15 octobre 1579 ; elle fut baptisée comme une fille et vécut comme telle jusqu’à l’âge de 20 ans. Considérée depuis toujours comme une femme, elle prit soudainement l’habit masculin et se fit appeler Marin après avoir révélé sa masculinité à celle qui l’employait alors comme chambrière, Jeanne le Febvre, afin d’envisager de se marier avec elle. Les deux protagonistes furent emprisonnés pour paillardise (débauche) et homosexualité. Les premières expertises, au nombre de deux et menées par deux chirurgiens et un médecin, concluent que Marie le Marcis est bien de sexe féminin. Aussi le procureur du roi demande une peine très lourde pour sodomie21 et luxure que l’on aurait voulu couvrir par les sacrements du mariage : le Marcis doit être brûlée vive et son amie Jeanne battue de verges. Les deux accusées interjettent appel de la décision. Le 10 mai 1601, la cour ordonne alors une nouvelle expertise par les médecins les plus expérimentés de Rouen dans les domaines de la chirurgie et de l’obstétrique. L’examen médical se révèle peu approfondi et fondé sur l’observation extérieure du sujet. Jacques Duval, dont nous avons parlé plus haut, fait partie des praticiens examinateurs et, après avoir introduit un doigt dans l’intimité de Marie le Marcis, y découvrit un membre viril. Il réussit à faire insérer cette particularité dans son rapport et la cour, dans le doute, condamna au final l’accusée à faire amende honorable : Marie devait rester Marie, conserver l’habit mulièbre et s’abstenir de tout concubinage ou union maritale avant ses 25 ans, sous peine de vie22. Ce jugement constitue une neutralisation du comportement du sujet autant que la possible négation de la nature de son corps. Le moyen envisagé ici pour conjurer la bisexualité étant de la désexualiser pour un temps et d’interdire au sujet tout rapport charnel qui serait forcément déviant. Par ailleurs, la lecture de l’œuvre de Jacques Duval nous montre qu’il établit trois catégories d’hermaphrodites, ceux qui seraient « parfaits » et ceux chez lesquels s’établit un caractère dominant : soit homme soit femme. Il est toujours ici question d’observation et non de sondage psychologique comme auraient pu le laisser entendre les questions personnelles posées à Marie le Marcis pendant les expertises. En ce sens, l’auteur souligne que c’est au médecin de décider du sexe de l’hermaphrodite et surtout pas à ce dernier de choisir celui qui lui convient23.

Jacques Barthélémy Salgues (1760-1830) nous explique qu’un dénouement moins clément frappa en décembre 1661 une dénommée Angélique de la Motte Vilbert d’Apremont24. Cette prieure au couvent des Filles-Dieu de Chartres fut accusée d’avoir pris des libertés peu conformes à son vœu de chasteté. Elle avait « abusé de l’un et de l’autre sexe avec des hommes et des femmes » et « séduit des jeunes filles25 ». L’auteur nous narre qu’elle sera fouettée puis emprisonnée à vie à Paris au couvent des Madelonnettes. Le polygraphe Edme Théodore Bourg considéra que « ce procès a été un des plus scandaleux et absurdes du xviiie siècle26 ».

Le dénouement sera plus favorable dans le procès intenté à Marguerite Malaure rapporté par François Gayot de Pitaval27. Après avoir vécu 21 ans comme une femme, Malaure fut ensuite considérée, après examen médical, comme hermaphrodite à dominance masculine. Elle fut par conséquent débaptisée et condamnée le 21 juillet 1691 à se vêtir en homme. Après bien des turpitudes et des inspections humiliantes et sordides, les commissaires du roi lui rendirent, après une ultime expertise médicale concluante, son état originel, son nom et sa vie. Cette issue heureuse et conforme à l’identité intime de la jeune femme n’effacera cependant pas les traces laissées par la procédure car elle continuera d’incarner « un réceptacle de fantasmes physiologiques et érotiques28 » dans l’opinion publique.

Le cas Anne-Jean Baptiste Grandjean29, dont nous parle Merlin de Douai dans ses Causes célèbres et intéressantes, est sans doute l’épisode le plus marquant en raison de son retentissement. L’accusée fut baptisée comme fille en novembre 1732 à Grenoble, puis après que la puberté eut entraîné l’apparition d’attributs virils, prit femme à Chambéry le 24 juin 1761. Après une expertise clinique et malgré ses protestations, elle fut déclarée hermaphrodite femelle et condamnée à trois jours de carcan avec un écriteau portant la mention « profanateur – et non profanatrice – du sacrement de mariage » puis à subir la peine du fouet et du bannissement perpétuel. Cette sanction sévère doit peut-être se comprendre dans un contexte général de rejet de l’homosexualité, vue comme une subculture néfaste, qui porterait atteinte à l’ordre social30. L’appel de cette sentence devant le Parlement de Paris aboutira, après une plaidoirie maladroite de l’avocat Vermeil qui place l’accusé(e) du côté des hermaphrodites neutres et stériles (ni homme ni femme), à un arrêt rendu le 10 janvier 1765 qui infirma l’accusation en profanation de sacrement du mariage mais déclara ce dernier abusif. Le tribunal enjoignit à l’accusé(e) de prendre des habits de femme, de ne plus hanter Françoise Lambert et autres personnes du même sexe31 : une décision qui ruine la vie maritale du protagoniste et l’empêche de construire son existence conformément à son identité intime.

Voltaire32 dira de ce jugement qu’il reflète assez bien le fanatisme religieux du temps dans la mesure où les individus affublés de défauts corporels majeurs à l’image des aveugles, des manchots, des borgnes ou encore des galeux, étaient exclus de l’autel.

Corrélativement, d’autres témoignages permettent de confirmer implicitement une atmosphère sociale véritablement hostile aux ambivalents sexuels. Au rebours de cette idée, traiter injustement quelqu’un d’hermaphrodite est un acte méritant réparation, ce qui montre combien la seule accusation marginalise. Aussi un autre litige33 rapporté par Jean Albert34 dans ses Arrêts de la cour du Parlement de Toulouse est parti d’une rumeur, émanant des Calvinistes et du prébendier de l’église cathédrale de Chartres, selon laquelle un certain Rafanel, lequel occupait la fonction de précenteur (maître de chœur) au sein de cette même institution, était hermaphrodite. La cause fit l’objet d’un appel devant le Parlement de Toulouse en juin 1652. Une expertise médicale attesta l’absence du sexe féminin chez Rafanel ; le délateur fut alors condamné à payer 300 livres d’amende et à demander pardon publiquement pour la calomnie. Toutefois, l’humiliation subie par Rafanel en raison de la visite intime qu’il supporta fut difficile à effacer des esprits35. Un autre arrêt du Parlement de Bordeaux en date du 12 janvier 1691 obligea une jeune fille qui avait usé avec malveillance du terme « hermaphrodite » pour en désigner une autre, à demander pardon à cette dernière en présence du juge et de six témoins, avec défense de réitérer de telles façons de faire36. Plus dramatique fut l’histoire de l’archevêque de Brême qui fût accusé par un diacre d’être hermaphrodite et qui ne se remettra pas, bien que cela permit de confondre son accusateur, de la honte causée par l’examen de son corps : « il abdiqua son archevêché pour pleurer, non pas son péché mais son malheur37. »

Tous ces récits induisent que, pour conjurer l’embarras et la difficulté sociétale posée par l’hermaphrodisme, cette configuration corporelle fut implicitement rangée du côté du crime ou du péché. La notion de dénonciation est en ce sens probante : traiter quelqu’un d’hermaphrodite, c’est vouloir le marginaliser, lui porter préjudice au point de déclencher des poursuites judiciaires, le couvrir d’infamie d’après le juriste François Richer38.

Avoir les deux sexes pose problème et c’est la configuration physique qui est sanctionnée alors même que la loi est muette à ce sujet. La solution retenue par les tribunaux est de donner un sexe immuable à celui qui est ambivalent et de lui intimer de se comporter en conformité avec l’identité fixée par une expertise. Au plan symbolique, la peine d’emprisonnement ou le bannissement correspondent à une extraction de l’ambivalent sexuel du monde social au sein duquel il n’a plus sa place. L’idée comportementale est prégnante. L’acte déviant n’est pas considéré a priori comme isolé car la configuration corporelle du sujet fait que celui-ci devrait récidiver ; c’est pourquoi il faut l’extraire du périmètre social pour en maintenir l’ordre sexué.

Repères historiques en matière d’identité sexuelle

Nous avons dit plus haut que le droit est contextuel, et les conceptions au sujet de l’hermaphrodisme montrent bien une influence sociale, religieuse et institutionnelle du moment, mais il est aussi le résultat d’une tradition. Or quand on parcourt la littérature d’Ancien Régime, il est frappant de constater que les sources antiques (souvent de seconde main) sont un référent important. Ils constituent des arguments intellectuels autant qu’ils ont façonné certaines images mentales qui construisent la société de cette époque.

Pour comprendre l’exclusion sociojuridique de l’hermaphrodite, il n’est pas donc pas inutile de faire un détour historique vers ce qui serait un possible point d’ancrage, à savoir l’ancienne Rome et son droit. Les juristes impériaux, dont l’œuvre aura un incroyable retentissement sur presque tous les systèmes juridiques postérieurs en Occident, s’interrogèrent sur l’identité sexuelle de l’ambivalent. Au plan psychosocial, il faut rappeler que les hermaphrodites ou androgynes ont longtemps été perçus comme une grave transgression par les Romains39, au point qu’ils furent regardés comme des prodiges funestes40, des signes divins porteurs de sens appelant expulsion physique du sujet, le plus souvent vers le milieu aquatique41, de même qu’une cérémonie religieuse expiatoire42. Ils faisaient ainsi l’objet d’une élimination jusque vers la fin de l’époque républicaine avant que ne s’ouvre, avec l’avènement de l’empire, une période de tolérance et d’acceptation de ces anormaux sexuels43. C’est à l’époque sévérienne, plus précisément dans le premier quart du iiie siècle avant notre ère., que le célèbre jurisconsulte Ulpien (mort en 223 ou 228) pose la question suivante, dont la mémoire nous a été conservée par les compilateurs du Digeste, le grand recueil de jurisprudence classique achevé à l’époque de l’empereur Justinien :

Ulp. 1 Sab. D.1.5.10 Quaeritur : hermaphroditum cui comparamus? Et magis puto eius sexus aestimandum, qui in eo praevalet.
Trad : il se demande : à qui doit être assimilé l’hermaphrodite ? J’incline à croire qu’il doit faire partie du sexe qui prévaut en lui.

De manière toute pragmatique, Ulpien propose implicitement de prendre appui sur des schémas biologiques existants, à l’évidence le mâle ou la femelle, que le droit élève au rang de catégories juridiques comme homme ou femme, ainsi que le suggère l’emploi du verbe comparare44. Ce terme concentre tout le problème posé par l’hermaphroditus, repéré comme un individu en marge des catégories sociales et juridiques existantes. L’être bisexué remettait en cause la différenciation fondamentale entre l’homme et la femme, laquelle était enfermée dans un lien de dépendance et de subordination, ainsi que les rôles comportementaux très stricts qui en découlaient. Le premier se caractérise par son rôle actif et la seconde par son attitude passive. D’où l’assimilation à l’androgyne, au sens d’intermédiaire sexué, à la fois de l’homosexuel passif et également de l’homosexuelle qui se comporterait en homme. Pour faire court, le mâle adulte est avant tout un paterfamilias et un guerrier tandis que la femme est une mère dans le cadre marital, une materfamilias45. Le renoncement à ces codes impliquait pour le contrevenant le risque de se retrouver situé à l’autre bord : la mulier refusant le mariage échappe à sa condition tandis que le combattant pusillanime désavoue la virilité de son sexe. Suivant cette distinction sociale précise qu’il revient à la loi d’institutionnaliser, Ulpien postule que l’identité sexuelle de l’hermaphrodite doit reposer sur la définition d’un sexe unique. Cette vérité légale conduit naturellement à repousser la création juridique d’un « troisième genre46 », ni homme ni femme, expression employée sensiblement à la même époque par Alexandre Sévère dans un passage de l’H. A47 à propos de l’eunuchisme. Est rejetée également la vue de Pline l’Ancien qui qualifie les hermaphrodites de « demi-hommes48 ». D’après le juriste Paul contemporain d’Ulpien, c’est vraisemblablement une expertise (aestimatio) menée sur les organes reproducteurs, sexus désignant précisément les organes sexuels49, qui devait déterminer laquelle des parties mâle ou femelle prédominait chez l’individu. D’une telle opinion du juriste découlent au moins deux inconvénients majeurs : d’abord, elle nie la nature duale de l’être bisexué en le rattachant nécessairement à l’un ou l’autre sexe d’une manière que l’on peut présumer immuable. Ensuite, elle occulte la dimension psychologique ou comportementale : il n’est pas ici question de genre – genus –, car l’expertise est menée au seul plan physiologique. Cela n’aurait rien d’étonnant dans un système juridique qui n’envisageait pas l’estimation de ce que nous appelons préjudice moral50. Ce cheminement illustre l’approche spécifique et persistante de la dogmatique juridique usuelle au sens où le droit questionne seulement le sexe et non le genre, il élabore une identité objectivée par les seules données anatomiques visibles et n’authentifie qu’une bipartition sexuée reposant sur la différence biologique ordinaire, en repoussant par là toute discordance. L’hermaphroditus, bien que nommé comme sujet est une personne juridique indéfinie et il ne peut exister comme tel dans les taxinomies du droit. Malgré ses défauts, ce procédé d’identification binaire de l’intersexué connaîtra une postérité remarquable car les systèmes législatifs en vigueur aux temps médiévaux, sous l’Ancien Régime et même à l’époque moderne reproduiront les grandes lignes de ce carcan législatif dualiste et contraignant au sein duquel le principal intéressé n’a pas son mot à dire.

Rarissimes sont les positions institutionnelles ou doctrinales qui intègreront d’autres paramètres que celui de l’examen des parties génitales ou qui laissent un tant soit peu le choix à l’intersexué51 concernant l’établissement de son statut.

Il faut signaler à ce sujet plusieurs approches marginales. D’abord, celle d’un juriste canoniste tel Hugues de Pise (vers 1210) qui fait converger paramètre médical et attitude sociale du protagoniste. Huguccio insiste en effet sur l’importance du comportement public comme révélateur du sexe dominant52. Si l’hermaphrodite préfère les activités masculines et la compagnie des hommes, le droit le considèrera comme tel. L’examen des parties génitales peut se révéler opportun mais il convient surtout d’apprécier l’aspect extérieur le plus directement visible et observer si l’individu possède ou non de la barbe. La référence à cette dernière est fondamentale car c’est elle qui « fait » l’homme53. L’expertise préconisée par les juristes de Rome sur les seuls organes sexuels s’efface ici devant un examen corporel plus global et laisse entrevoir la prise en compte du sexe psychologique ou psychosocial de l’intersexué : c’est sa propre conduite qui détermine avant tout son identité sexuelle. Un tel raisonnement favoriserait l’attribution d’un sexe juridique en adéquation avec la construction identitaire dans sa trajectoire de vie réelle. On peut donc, au passage, affirmer sans hésiter que certains canonistes médiévaux ont intégré la notion de genre dans leur définition de l’identité sexuelle.

La mention de choix comportemental existe également, à un degré moindre puisque considéré au regard des seuls rôles lors de l’acte sexuel, chez l’auteur d’un traité de théologie morale (Verbum abbreviatum, opus morale) du xiie siècle appelé Pierre le Chantre (mort en 1197)54. Ce dernier expose que l’hermaphrodisme recèle par essence des implications sérieuses dans la mesure où cette configuration corporelle inhabituelle remet en cause l’ordre voulu par Dieu des rôles dévolus à l’homme et la femme dans l’accouplement. En principe, les hommes ne peuvent avoir de rapports sexuels avec les hommes ni les femmes avec les femmes, mais seulement les hommes avec les femmes et réciproquement ; or l’être pourvu des deux appareils reproducteurs est susceptible de remplir à la fois les rôles actif et passif. Cette alternance, laquelle est à rapprocher à l’occasion de l’homosexualité et donc de la sodomie, vice contre nature par excellence, pose évidemment problème. L’Église autorise cependant l’usage de l’organe – et de lui seul – qui procure à l’androgyne les émotions les plus vives et elle autorise le mariage dans le cas où ce dernier adopte le rôle inverse de son partenaire matrimonial. Cette position qui venait fixer l’identité sexuelle de l’individu devait rester constante. Au plan casuistique, l’Église médiévale préconisait à l’intersexué qui n’avait pas de préférence de rester chaste toute sa vie, c’est-à-dire de se priver de toute vie sexuelle et matrimoniale, afin d’éviter toute forme d’inversion. Nous avons ici affaire aux prolongements d’une conception dualiste calquée sur le critère binaire du droit romain, laquelle fait écho aux opinions des philosophes et médecins médiévaux qui nient, en suivant les conceptions aristotéliciennes qui définissent l’hermaphrodisme comme un simulacre de bisexualité, l’existence d’un intermédiaire parfait entre l’homme et la femme55. La raison en est que la nature résidant entre les mains de Dieu, celui-ci ne peut créer des êtres indéterminés.

Un autre exemple plus tardif provient de la législation prussienne composée au milieu du xviiie siècle sur l’ordre de Frédéric II afin d’unifier le droit des différentes villes ou provinces sous son autorité56. Fondée en grande partie sur le droit romain, ce corpus iuris en complète les principes en matière d’intersexuation et laisse à l’hermaphrodite le choix de son sexe lorsque l’observation ne permet pas de déterminer si le masculin ou le féminin l’emporte. En ce cas spécifique, le sujet devra se conformer pour toujours à sa décision car « il lui est défendu, sous des peines sévères et corporelles de faire usage de l’autre sexe. Ainsi un hermaphrodite qui a une fois épousé un homme, ne peut plus se marier à une femme57 ». La variante proposée par la législation prussienne s’inscrit toujours dans le respect du critère dualiste mis en évidence par les juristes de Rome et intègre le principe de l’immuabilité du sexe.

Au-delà des frontières de l’Europe, une telle possibilité laissée au sujet d’avoir un regard sur lui-même existait également dans la tradition orientale des casuistes musulmans58, à travers l’analyse du juriste hanafite Sarahksî (mort en 1106) qui accepte le cas échéant de considérer le propre témoignage de l’hermaphrodite (désigné al-khunthâ al-mushkil : hermaphrodite dont le sexe prédominant n’est pas établi) dans la mesure où le propos d’un homme sur lui-même a valeur légale dès lors qu’il s’agit d’un domaine sur lequel les autres ne peuvent témoigner59. En effet, seul l’ambivalent peut constater l’apparition des signes qui identifient son sexe véritable car il s’agit là d’une matière regardant sa plus stricte intimité. À la différence de l’homosexuel, l’être bisexué n’est pas considéré comme un délinquant mais comme une « aberration temporaire de la nature60 », une situation éphémère qui cessera dès que le sexe de l’individu se dévoilera au bout d’un certain temps, conformément à l’idée défendue par les juristes qu’il ne peut y avoir que deux sexes dans le monde sublunaire. Parmi toutes les législations humaines, c’est sans doute le droit musulman, pourtant fondé plus que tout autre sur une stricte division des sexes, qui recèle le plus grand nombre de règles relatives à l’hermaphrodisme bien que ce thème ne soit pas abordé dans le Coran mais seulement dans la tradition prophétique61. Celles-ci résultent du fait que cette ambiguïté temporaire ne pouvait échapper à la loi, ce qui implique que les raisonnements dégagés par la casuistique concernent des domaines très variés : la circoncision, le pèlerinage, la prière (l’hermaphrodite doit s’exécuter en se plaçant derrière les hommes mais devant les femmes), le droit successoral ou pénal. Pour autant, comme dans la presque totalité des univers juridiques connus, il est difficile d’y déceler une véritable taxinomisation du troisième sexe car « l’ambiguïté sexuelle n’est pas une catégorie de la loi islamique62 » ; le sujet réputé intersexué est régulièrement considéré comme une femme ou un impubère, voire même comme un homme ou en tant que membre d’une catégorie transitoire jusqu’à ce que son sexe définitif soit affirmé, ceci au détriment de toute possibilité d’évolution ultérieure.

Épilogue

Le ruissellement des idées sociologiques romaines s’est opéré sur le long temps dans la société occidentale. Aussi les ambivalents sexuels, souvent réduits à leur sexualité, n’avaient certes pas leur place dans l’espace social communautaire, de même qu’ils étaient ignorés comme tels par le droit et les institutions. Comme les homosexuels, ils ont pu bénéficier récemment en France du mariage pour tous. Il y a quelques années, avec la loi du 17 mai 2013, la France est devenue le 9e pays européen et le 14e pays au monde à autoriser le mariage homosexuel. Cette loi a ouvert de nouveaux droits pour le mariage, l’adoption et la succession, au nom des principes d’égalité et de partage des libertés. En 2014, les mariages de couples de même sexe ont représenté 4 % du total des unions. Est ainsi écartée l’idée que le mariage devrait impérativement intervenir entre deux personnes de sexe biologique opposé.

Pour autant, les restrictions présentes au regard des ambivalents résultent en grande partie des contraintes fort strictes de l’état civil. Ce dernier terme vient d’ordinaire désigner au plan abstrait les éléments retenus pour qualifier juridiquement un individu, permettant ainsi son identification63 et conditionnant également son existence juridique64, ou encore, d’un point de vue plus concret, les services étatiques français qui sont officiellement chargés de conserver ces informations dans des registres publics et de les communiquer au besoin65.

Parmi celles-ci figurent des renseignements précis relatifs à la venue au monde des personnes. En effet, d’après l’article 55 du Code civil, une déclaration de naissance doit intervenir dans les trois jours de tout accouchement ; elle sera suivie de la rédaction d’un acte de naissance qui fonde la vie juridique de l’enfant. La loi en précise le contenu : l’article 57 du CC stipule que tout acte de naissance doit indiquer, outre les nom(s), prénom(s), date et lieu de naissance, le sexe de l’enfant66. Et l’article 288 al. 1 de l’Instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 (cf. JO du 28 juillet 1999 annexe67) complète les dispositions du CC pour les cas atypiques de sexe incertain. Dans cette dernière hypothèse, il est interdit aux officiers d’état civil, sous peine de sanctions civiles68, pénales,69 voire disciplinaires,70 qui viendraient réprimer le cas échéant ceux qui ne respecteraient pas les règles d’élaboration des actes, d’omettre de compléter ou d’inscrire la mention « de sexe indéterminé » au sein du formulaire. Le langage employé se fait l’écho de la forme du document71 autant qu’il est symptomatique de l’ancrage du rejet de l’intersexuation, au sens de catégorie subsidiaire, car l’indétermination visée s’entend implicitement au regard des deux sexes, masculin et féminin72, autour desquels s’organise toute la tradition légale. Le critère de l’observation anatomique directe est toujours prépondérant. L’ancien article 55 du CC exigeait que l’enfant soit présenté à l’officier d’état civil pour constater de visu l’appartenance du nouveau-né à l’un ou l’autre sexe mais cette mesure très critiquée a laissé la place à un usage, en l’occurrence la production d’un certificat médical établi par un médecin ou une sage-femme.

Certes, une circulaire de 2011 relative à l’état civil accepte, à certaines conditions, qu’un enfant intersexué ne soit pas rattaché aux sexes masculin et féminin. Cependant, cette possibilité n’est que provisoire et ne permet dans l’avenir ni le maintien d’un sexe non binaire ni l’affirmation d’une identité de genre duale. En effet, à terme, ce texte incite les parents à inscrire leur enfant comme étant de sexe masculin ou féminin et à procéder à des « traitements appropriés », par exemple des actes chirurgicaux propres à assigner au jeune enfant le sexe masculin ou féminin.

Certaines décisions des tribunaux (TGI Tours 20 août 2015 ; CA Orléans 22 mars 2016) ont autorisé respectivement la mention « sexe neutre » ou l’absence de mention. Mais la Cour de cassation s’est conformée à une lecture stricte de la loi en indiquant que « la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin73 ».

Le chemin à parcourir reste encore long avant que l’hermaphrodisme, et par conséquent une identité liée au genre incluant des configurations corporelles et des trajectoires de vie atypiques, puisse exister en tant que tel dans l’univers du droit et des institutions. Il est certains pays où l’option d’un « troisième sexe » existe : Australie – genre neutre sous conditions – Inde, Malaisie, Népal, Thaïlande ou plus près de nous en Allemagne74, nation pionnière en Europe sur ce point, mais cette création tarde à venir en France. Elle serait une révolution mentale autant que juridique qui reste à accomplir.

1 Patrick Graille, Les hermaphrodites aux xviie et xviiie siècles, Paris, Les belles lettres 2001, p. 11.

2 Cf. par exemple Mauricio García Villegas, « Champ juridique et sciences sociales en France et aux États-Unis », L’Année sociologique, vol. 59, no 1

3 Clifford Geertz, Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 98.

4 Colette Chiland, « Nouveaux propos sur la construction de l’identité sexuée », Journal de la psychanalyse de l’enfant, n° 33, Sexe, sexué, sexuel

5 Sur les problèmes posés par cette convergence identitaire, voir notamment l’ouvrage de Pierre-Henri Castel, La Métamorphose impensable. Essai sur

6 Sur lequel, voir par exemple Denis Salas, Sujet de chair et sujet de droit : la justice face au transsexualisme, Paris, Presses universitaires de

7 Afin de dissiper tout malentendu, il faut évacuer l’idée que l’hermaphrodisme, en particulier si la notion est étudiée dans sa dimension historique

8 Voir la belle synthèse sur la question de Mathieu Laflamme, Le Genre au tribunal : l’hermaphrodisme devant la justice de la France d’Ancien Régime

9 Jean Domat, Les loix civiles dans leur ordre naturel, Paris, 1697, Aubouin, Emery, Clouzier, t. 1, p. 35, p. 36, p. 37 et p. 41.

10 Jean Baptiste Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence présente, Paris, Savoye Leclerc, 1755, t. 3

11 Joseph Nicolas Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Paris, Visse, 1784, t. 8, p.

12 Claude Joseph Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique [1740], Paris, Veuve Brunet, 1769, t. 1, p. 677-678 [En ligne] URL : https://gallica.

13 Sur la gestation, on consultera avec profit les contributions rassemblées dans Luc Brisson, Marie Hélène Congourdeau et Jean Luc Solère (dir.), L’

14 On trouvera un bon aperçu des conceptions aristotéliciennes sur la question dans Christian Andrès, « La nature de la femme : Aristote, Thomas d’

15 Philippe-Antoine Merlin de Douai, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Paris, 1812-1825 (4e éd.), t. 5, p. 698-699 [En ligne] URL :

16 Valerio Marchetti, « Proposition de règlement juridique d’une troisième sexualité », in Droit, histoire et sexualité, Jacques Poumarède et Jean

17 Lorenzo Matheu y Sanz, Tractatus de re criminali sive controversiarum usufrequentium in causis criminalibus cum earum decisionibus, 4e édition

18 Jacques Duval, Des hermaphrodits, accouchements des femmes, et traitement qui est requis pour les relever en santé & bien élever leurs enfants, où

19 Trois documents importants permettent d’en prendre toute la mesure. Outre l’ouvrage de Jacques Duval cité supra, il faut mentionner Jean Riolan

20 Sur cette affaire, voir Jacqueline Vons, « Une expertise médicale qui sauva une vie. Jacques Duval (1555-1615) et le gynanthrope de Rouen »

21 Un tel crime pouvait donc être imputé autant aux femmes qu’aux hommes. Sur l’idée d’un comportement « contre-nature » qui serait imputable à un

22 Jacques Duval, Des hermaphrodits… op. cit., p. 441.

23 Ibid., p. 402-405.

24 Jacques-Barthélemy Salgues, Des erreurs et des préjugés répandus dans la société, Paris, Foucault, 1810, t. 3, p. 252 ; Patrick Graille, Les

25 François Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes, avec les jugements qui ont motivées, Paris, Poirion, 1750, t. 4, p. 353-354 [En ligne

26 Bourg Edme-Théodore Saint-Edme (dir.), Répertoire général… op. cit., p. 48.

27 François Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes […] op. cit., t. 4, p. 454.

28 Philippe-Antoine Merlin de Douai, Causes célèbres et intéressantes, Paris, t. 6, p. 451.

29 Ample exposé par Patrick Graille, Les Hermaphrodites… op. cit., p. 129-144 ; voir aussi Hélène de Courrèges, « Être ou ne pas être. Les

30 Thierry Pastorello, « l’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal », art. cit. p. 207-208.

31 Nicolas-Toussaint Lemoyne, dit Des Essarts, Causes célèbres, curieuses et intéressantes, de toutes les cours souveraines du Royaume avec les

32 Voltaire, Testicules, Questions sur l’Encyclopédie, OCV, Oxford, Voltaire foundation, t. 43, p. 504.

33 Les grandes lignes en sont résumées dans l’ouvrage de Patrick Graille, Les hermaphrodites […] op. cit., p. 118-119.

34 Jean Albert, Arrests de la cour du Parlement de Toulouse, Toulouse, Jean Dominique Camusat, 1686, Article XIII, p. 56-58. L’auteur insiste d’

35 Philippe-Antoine Merlin de Douai, Causes célèbres… op. cit., t. 6, p. 337.

36 Affaire rapportée dans Pierre-Jacques Brillon, Dictionnaire des arrêts ou jurisprudence universelle des Parlements de France, Paris, Cavelier

37 François Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes… op. cit., La Haye, Jean Neaulme, 1735, t. 6, p. 213.

38 François Richer, Causes célèbres et intéressantes avec les jugements qui les ont décidées, Amsterdam, Michel Rhey, 1773, t. 6, p. 401-416 [En

39 Pour un rapide aperçu de la littérature afférente aux anormalités sexuelles chez les Romains, voir Luc Brisson, Le Sexe incertain. Androgynie et

40 Émile Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, 2, Pouvoir, droit, religion, Paris, Les éditions de Minuit, coll. « Le sens

41 Cf. notamment Obsequens. 22 ; 27 ; 32 ; 34 ; 36 ; 47 ; 48 ; 50 : Lunae androgynus natus praecepto aruspicium in mare deportatus ; … in agro

42 L’expulsion de l’indésirable s’accompagne de rites religieux, vraisemblablement une lustratio pour laver le peuple de la souillure et écarter les

43 Il n’est plus question, sous l’Empire, de témoignages concernant les hermaphrodites, ce qui attesterait de leur acceptation sociale. Tout juste

44 Pour l’emploi de ce terme au Digeste, voir par exemple D.34.2.23.2 ; 50.17.209. Ces emplois font bien allusion à une idée de point de référence

45 Luc Brisson, Le Sexe incertain […] op. cit., p. 41.

46 Sur cette notion les contributions rassemblées dans Gilbert Herdt (éd.), Third Sex, Third Gender. Beyond Sexual Dimorphism in Culture and History

47 H. A. Alex. Sev. 23.7 idem tertium genus hominum eunuchos esse dicebat nec videndum nec in usu habendum a viris sed vix a feminibus nobilibus.

48 Pline Hist nat. 11.49 Homini tantum iniuria aut sponte naturae franguntur, idque tertium ab hermaphroditis et spadonibus semiviri genus habent.

49 Le juriste Paul indique que pour savoir si un hermaphrodite peut être admis comme témoin à un testament, il faut examiner quel est le sexe qui

50 Les traces d’un tel concept remontent au début du xixe siècle, cf. Vernon Valentine Palmer, « Dommages moraux : l’éveil français au xixe siècle »

51 Jean Bernard Pontalis « L’insaisissable entre-deux », Nouvelle Revue de Psychanalyse, no 7, 1973, Bisexualité et différence des sexes, p. 29

52 Hugguccio, C. IV, q. 2 et 3, p. 22, ad sexus incalescentis. (B. N. F., ms. Lat. 15 396 f° 136 va). Voir également l’analyse de Maike van der Lugt

53 Helen King, « Barbe, sang et genre : afficher la différence dans le monde antique », in Langages et métaphores du corps dans le monde antique

54 Pierre le Chantre, Verbum abbreviatum, cap. 138, col. 333-335 (éd. Paris, 1855) ; cf. Aussi Summa de sacramentis et animae consiliis, III, 2 a

55 On trouve un exemple de cette négation dans l’œuvre d’un disciple de Pierre le Chantre nommé Robert de Courçon, Summa, De hermafroditis, … ut

56 Code Fréderic ou corps de droit pour les États de S. M. le roi de Prusse, trad. A. de Campagne, Berlin, 1751, dernière édition par Jean-Henri

57 Code Frédéric… op. cit., titre 7 par. 3, 27 : « Les hermaphrodites sont ceux qui ont les marques des deux sexes ; il faut observer à l’égard d’un

58 Les méandres de cette dernière au sujet de l’hermaphrodite ont fait l’objet d’un exposé récent par Mohammed Hocine Benkheira, « Homme ou femme ?

59 Ibid., p. 171-172. À l’inverse, le juriste chiite Tûsi refuse de prendre en considération le témoignage de l’hermaphrodite à la suite d’un

60 Ibid., p. 164.

61 Ibid., p. 166.

62 Ibid., p. 185.

63 L’identification est à distinguer de la logique d’« identité », cf. Xavier Bioy, « L’identité de la personne devant le Conseil constitutionnel »

64 Se reporter à Maryline Bruggeman, « Le contenu de l’acte de naissance », in L’État civil dans tous ses états, Claire Neirinck (dir.), Paris, PUF

65 Rémy Cabrillac (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Paris, Litec, 2002, p. 170. Il faut également rappeler que les premiers registres d’

66 Cf. l’exemple d’acte de naissance vierge dans Marianne Schulz, Filiation et nom, Paris, Berger Levrault, 2008, annexe 5, p. 222-223. Il est à

67 JO 28 juillet 1999 annexe, Sous-section 4, 288 : Lorsque le sexe d’un nouveau-né est incertain, il convient d’éviter de porter l’indication « de

68 La responsabilité de l’officier ou du service peut être mise en cause devant le TGI (Bull. civ. 1., n° 139).

69 Une amende civile peut être infligée par le TGI. Le fautif peut aussi se voir poursuivi pour faux d’après l’art. 441-1 CP. Le faux et usage de

70 L’agent communal responsable peut faire l’objet d’une suspension, le maire encourt la révocation ; sur toutes ces sanctions possibles, cf.

71 La mise en page des documents probatoires en matière de filiation induit cette exclusion et s’agence autour d’une dualité ; l’acte de naissance

72 Et non pas à « mâle » ou à « femelle » puisque qu’il faut distinguer la nature de son artefact légal. Sur ce point, par exemple : Marie Blanche

73 Arrêt de la Cour de cassation, chambre civile 1, 4 mai 2017, no 16.17-189. Voir aussi Marie-Xavière Catto, « Reconnaître un troisième sexe à l’

74 L’Allemagne est le premier pays européen à offrir une alternative à la taxinomie sexuelle imposée à la naissance ; cf. sur ce point Gabrielle

Notes

1 Patrick Graille, Les hermaphrodites aux xviie et xviiie siècles, Paris, Les belles lettres 2001, p. 11.

2 Cf. par exemple Mauricio García Villegas, « Champ juridique et sciences sociales en France et aux États-Unis », L’Année sociologique, vol. 59, no 1, 2009, p. 29-62 ([En ligne] DOI : https://doi.org/10.3917/anso.091.0029) du point de vue historique : Jean-Louis Halpérin, « La détermination du champ juridique à la lumière de travaux récents d’histoire du droit », Droit et société, vol. 81, no2, 2012, p. 403-423 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3917/drs.081.0403.

3 Clifford Geertz, Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 98.

4 Colette Chiland, « Nouveaux propos sur la construction de l’identité sexuée », Journal de la psychanalyse de l’enfant, n° 33, Sexe, sexué, sexuel, 2003, p. 106-121.

5 Sur les problèmes posés par cette convergence identitaire, voir notamment l’ouvrage de Pierre-Henri Castel, La Métamorphose impensable. Essai sur le transsexualisme et l’identité personnelle, Paris, Gallimard, 2003, 551 p. On ne peut qu’être frappé, à la lecture de cet ouvrage, par l’approche du transsexualisme comme un refoulé initial de la raison pour le faire entrer à terme dans le rationnel pensable dans la mesure où il constitue une intuition exorbitante du rationnel. Le parallèle saute aux yeux du juriste : le transsexualisme n’est pas non plus une catégorie « possible » de pensée du juriste dont la raison en matière de sexe s’articule autour d’un schéma binaire et immuable.

6 Sur lequel, voir par exemple Denis Salas, Sujet de chair et sujet de droit : la justice face au transsexualisme, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Les voies du droit », 1994, p. 93-110 ; Marcela Iacub, partie « Transsexualisme et société », Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France, Paris, Haute Autorité de Santé, novembre 2009, p. 25-37.

7 Afin de dissiper tout malentendu, il faut évacuer l’idée que l’hermaphrodisme, en particulier si la notion est étudiée dans sa dimension historique sur le long terme, puisse être rattaché au handicap même si intuitivement les situations d’exclusion sociale frappent sans distinction tous ceux qui sont victimes de configurations physiologiques atypiques. La première raison relève de l’anachronisme. L’expression « hand in cap » date du xvie siècle et son sens ne recoupe en aucun cas au départ le concept de déficience physique, puisqu’elle sert à désigner un jeu de hasard lors duquel les mises du participant sont placées dans un chapeau. Elle est utilisée en France au xviiie siècle et demeure encore en vigueur pour les compétitions hippiques. Le mot « handicap » désigne ainsi un principe repris au Code des courses, lequel permet d’égaliser les chances de victoire de chaque cheval participant, soit en imposant une distance supplémentaire à parcourir pour certains lors d’une course de trot (Code des courses au trot, art. 3-14, Bulletin de la S.E.C.F, n° 23 bis, 7 juin 2018), soit en octroyant une charge supplémentaire à porter lors des courses de galop (code des courses au galop art. 52-4, Boulogne, juin 2018). Cet usage est consacré sur le plan linguistique lors du xviiie siècle au sein du Dictionnaire Littré. L’utilisation glissera vers l’idée de déficience seulement au cours du xxe siècle. Suivant cette idée, la huitième édition du Dictionnaire de l’Académie française, paru en 1935, mentionne les deux sens et précise, à côté de la signification hippique, que handicap « se dit de ce qui met quelqu’un en état d’infériorité. Souffrir, être affecté d’un lourd, d’un sérieux handicap. Son ignorance des langues étrangères sera pour lui un handicap. Spécialt. Infirmité, déficience accidentelle ou naturelle, passagère ou permanente, qui entrave l’activité physique ou mentale. Cette blessure risque d’entraîner un handicap important ». De nos jours, le handicap n’est pas vraiment défini en substance mais surtout par le biais de ses conséquences, envisagées comme un accès limité du sujet aux activités sociociviques de la communauté. Aussi la loi n° 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a, dans son article 114 défini la notion de handicap de la manière suivante : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » La deuxième raison tient au fait que, même à notre époque où la notion de handicap est admise, la configuration corporelle de l’hermaphrodite fait que celui-ci n’intègrerait pas par nature cette catégorie car il n’est pas frappé d’un trouble invalidant. En ce sens ce seraient plutôt les conséquences possibles, au demeurant très variables d’un sujet à l’autre, qui seraient éventuellement à prendre en considération. Certains hermaphrodites ont eu des troubles mentaux sérieux ou ont subi des mutilations au regard de leur état lors d’opération de réorientation sexuelle. Au regard de ces conséquences, certains individus ambivalents ont constitué des dossiers devant la MDPH ou porté plainte contre l’État voire contre le corps médical en raison des mauvais traitements infligés par les médecins qui ont parfois laissé de lourdes séquelles. Pour autant, ce n’est pas l’hermaphrodisme en soi qui justifie ces démarches mais des pathologies adjacentes ou les actes émanant d’un tiers.

8 Voir la belle synthèse sur la question de Mathieu Laflamme, Le Genre au tribunal : l’hermaphrodisme devant la justice de la France d’Ancien Régime, Ottawa, Université d’Ottawa, p. 122-157 [En ligne] URL : https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/35177.

9 Jean Domat, Les loix civiles dans leur ordre naturel, Paris, 1697, Aubouin, Emery, Clouzier, t. 1, p. 35, p. 36, p. 37 et p. 41.

10 Jean Baptiste Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence présente, Paris, Savoye Leclerc, 1755, t. 3, p. 148 in fine-149.

11 Joseph Nicolas Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Paris, Visse, 1784, t. 8, p. 503 in fine-505 [En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k426205f.texteImage.

12 Claude Joseph Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique [1740], Paris, Veuve Brunet, 1769, t. 1, p. 677-678 [En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k24262f/f283.texteImage.

13 Sur la gestation, on consultera avec profit les contributions rassemblées dans Luc Brisson, Marie Hélène Congourdeau et Jean Luc Solère (dir.), L’Embryon. Formation et animation. Antiquité grecque et latine, tradition hébraïque, chrétienne et islamique, Paris, Vrin, 2008, 290 p.

14 On trouvera un bon aperçu des conceptions aristotéliciennes sur la question dans Christian Andrès, « La nature de la femme : Aristote, Thomas d’Aquin et l’influence du Cortesano dans la comedia lopesque », Bulletin hispanique, vol. 91, no 2, 1989, p. 257-259 [En ligne] URL : https://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1989_num_91_2_4672.

15 Philippe-Antoine Merlin de Douai, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Paris, 1812-1825 (4e éd.), t. 5, p. 698-699 [En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5510381z.texteImage  ; idem chez Pierre-Jacques Brillon, Dictionnaire de jurisprudence et des arrêts, Lyon, Aimé de la Roche, 1781-1788, t. 6, p. 63 ([En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111350b.texteImage), très dépendant des sources romaines, mais qui s’interroge toutefois sur le bien-fondé d’une interdiction faite à l’hermaphrodite de participer à une sentence arbitrale.

16 Valerio Marchetti, « Proposition de règlement juridique d’une troisième sexualité », in Droit, histoire et sexualité, Jacques Poumarède et Jean Paul Royer (dir.), Toulouse, Publications de l’Espace Juridique, 1987, p. 131-142, en particulier p. 135.

17 Lorenzo Matheu y Sanz, Tractatus de re criminali sive controversiarum usufrequentium in causis criminalibus cum earum decisionibus, 4e édition, Lyon 1738, Sumptibus Petri Bruyset, & Sociurum, 1738, contr. 48, p. 243-253.

18 Jacques Duval, Des hermaphrodits, accouchements des femmes, et traitement qui est requis pour les relever en santé & bien élever leurs enfants, où sont expliqués la figure du laboureur & verger du genre humain, signes de pucelage, défloration, conception & la belle industrie dont use la nature en la promotion du concept et plante prolifique, Rouen, David Geuffroy, 1612 [En ligne] URL : http://www.babordnum.fr/items/show/110 (ce livre fut saisi par arrêt du Parlement du 4 avril 1612).

19 Trois documents importants permettent d’en prendre toute la mesure. Outre l’ouvrage de Jacques Duval cité supra, il faut mentionner Jean Riolan, Discours sur les hermaphrodits, où il est démontré contre l’opinion commune, qu’il n’y a point de vrays hermaphrodits, Paris, Ramier, 1614, 136 p. ([En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86221306.image) et un autre essai de Jacques Duval : Réponse au discours fait par le sieur Riolan, docteur en médecine et professeur en chirurgie et pharmacie à Paris, contre l’histoire de l’hermaphrodite de Rouen, Rouen, Julian Courant, 1615. 83 p. L’affaire est évoquée en détail par Patrick Graille, Les hermaphrodites aux xviiie et xviiie siècles… op. cit., p. 114-117.

20 Sur cette affaire, voir Jacqueline Vons, « Une expertise médicale qui sauva une vie. Jacques Duval (1555-1615) et le gynanthrope de Rouen », Histoire des sciences médicales, vol.47, no1, 2013, p. 87-94 ; Joseph Harris, « La force du tact : la représentation du corps tabou dans le Traité Des hermaphrodits (1612) de Jacques Duval », Cahiers de l’AIEF, no 57, 2005, p. 445-460 [En ligne] URL : https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_2005_num_57_1_1592.

21 Un tel crime pouvait donc être imputé autant aux femmes qu’aux hommes. Sur l’idée d’un comportement « contre-nature » qui serait imputable à un individu qu’il convient de contrôler : Thierry Pastorello, « l’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no112-113, 2010, p. 197-208 [En ligne] URL : https://journals.openedition.org/chrhc/2151, DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.2151.

22 Jacques Duval, Des hermaphrodits… op. cit., p. 441.

23 Ibid., p. 402-405.

24 Jacques-Barthélemy Salgues, Des erreurs et des préjugés répandus dans la société, Paris, Foucault, 1810, t. 3, p. 252 ; Patrick Graille, Les hermaphrodites… op. cit., p. 119-124 ; voir encore Edme-Théodore Bourg (éd.), Répertoire général des causes célèbres et modernes, Paris, Louis Rosier, 1834, (16 volumes), t. 1, p. 41-48.

25 François Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes, avec les jugements qui ont motivées, Paris, Poirion, 1750, t. 4, p. 353-354 [En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96644187.texteImage.

26 Bourg Edme-Théodore Saint-Edme (dir.), Répertoire général… op. cit., p. 48.

27 François Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes […] op. cit., t. 4, p. 454.

28 Philippe-Antoine Merlin de Douai, Causes célèbres et intéressantes, Paris, t. 6, p. 451.

29 Ample exposé par Patrick Graille, Les Hermaphrodites… op. cit., p. 129-144 ; voir aussi Hélène de Courrèges, « Être ou ne pas être. Les hermaphrodites dans l’ancien droit français », Les annales du droit, n° 3, 2009, p. 58-59.

30 Thierry Pastorello, « l’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal », art. cit. p. 207-208.

31 Nicolas-Toussaint Lemoyne, dit Des Essarts, Causes célèbres, curieuses et intéressantes, de toutes les cours souveraines du Royaume avec les jugements qui les ont décidées, Paris, Lacombe, 1773, p. 184-216 [En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56511g.texteImage.

32 Voltaire, Testicules, Questions sur l’Encyclopédie, OCV, Oxford, Voltaire foundation, t. 43, p. 504.

33 Les grandes lignes en sont résumées dans l’ouvrage de Patrick Graille, Les hermaphrodites […] op. cit., p. 118-119.

34 Jean Albert, Arrests de la cour du Parlement de Toulouse, Toulouse, Jean Dominique Camusat, 1686, Article XIII, p. 56-58. L’auteur insiste d’emblée p. 56 sur l’idée que la rumeur lancée par l’accusateur est infondée.

35 Philippe-Antoine Merlin de Douai, Causes célèbres… op. cit., t. 6, p. 337.

36 Affaire rapportée dans Pierre-Jacques Brillon, Dictionnaire des arrêts ou jurisprudence universelle des Parlements de France, Paris, Cavelier, 1727, t. 3, p. 604 [En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111350b.texteImage.

37 François Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes… op. cit., La Haye, Jean Neaulme, 1735, t. 6, p. 213.

38 François Richer, Causes célèbres et intéressantes avec les jugements qui les ont décidées, Amsterdam, Michel Rhey, 1773, t. 6, p. 401-416 [En ligne] URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k310774x.texteImage.

39 Pour un rapide aperçu de la littérature afférente aux anormalités sexuelles chez les Romains, voir Luc Brisson, Le Sexe incertain. Androgynie et hermaphrodisme dans l’Antiquité gréco-romaine, Paris, Les Belles Lettres, 2008, 172 p. ; Danillo Dalla, L’incapacità sessuale in diritto romano, Milan, Guiffrè, 1978, 348 p. ; Marie Delcourt, Stérilités mystérieuses et naissances maléfiques dans l’Antiquité, Liège, Presses universitaires de Liège, 1938, 112 p. ; du même auteur : Hermaphrodite. Mythe et rites de la bisexualité dans l’Antiquité classique, Paris, Presses universitaires de France, 1958, 144 p. (malgré son intitulé général, ce livre concerne pour l’essentiel le monde grec ancien). Pour l’eunuchisme : Alan Cameron, « Eunuchs in the “Historia Augusta », Latomus, t. 24, 1965, p. 155-158 ; Gaetano Sciascia, « Eunucos, castratos e “spadones no direito romano », Varietà guiridiche. Scritti brasiliani di diritto romano e moderno, Milan, Guiffrè, 1956, p. 111-118.

40 Émile Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, 2, Pouvoir, droit, religion, Paris, Les éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1970, p. 257. Pour un exposé complet au sujet des termes qui s’emploient pour désigner le signe divin, le prodige : omen, monstrum, ostentum, portentum et prodigium, voir p. 255-263. L’auteur indique p. 263 : « À l’origine, le prodigium aurait été le “prodige” d’une voix divine se faisant entendre parmi tant d’autres signes. Telle est la justification de fait qu’on pourrait donner à cette interprétation fondée sur le sens propre de aio ». Sur les prodiges et la terminologie latine les désignant, Voir l’ouvrage de Raymond Bloch, Les prodiges dans l’Antiquité classique (Grèce, Étrurie et Rome), Paris, Presses universitaires de France, 1963, p. 84-85 et p. 115-118 ; « Les prodiges romains et la “procuratio prodigiorum” », Revue internationale des droits de l’Antiquité, 1, 1949, p. 119-131, en particulier p. 130-131. Se reporter également au livre de Bruce Macbain, Prodigy and Expiation : A Study in Religion and Politics in Republican Rome, Bruxelles, Latomus, 1982, 140 p.

41 Cf. notamment Obsequens. 22 ; 27 ; 32 ; 34 ; 36 ; 47 ; 48 ; 50 : Lunae androgynus natus praecepto aruspicium in mare deportatus ; … in agro Ferentino androgyne natus et in flumen deiectus. Virgines ter novenae canentes urbem lustraverunt ; in foro Vessano androgyne natus in mare delatus est ; androgynus in agro romano annorum octo inventus et in mare deportatus. Virgines ter ovenae in urbe cantarunt ; … Saturniae androgynus annorum decem inventus et mari demersus. Virgines viginti septem urbem carmine lustraverunt ; … androgynus in mare deportatus ; … supplicatum in urbe, quod androynus inventus et in mare deportatus erat ;… androginus Urbino in mare deportatus. Tibulle mentionne lui-aussi le cas d’un prodigium jeté à la mer : Tibulle, 2, 5, 79-80 Haec fuerant olim : sed tu iam mitis, Apollo, prodigia ibdomitis merge sub aequoribus. La lecture de ces différents récits indique une homogénéité dans le moyen d’expulser l’anormal : l’eau joue dans tous les cas un rôle purificateur. Sur la particularité du sort réservé à l’androgyne en ce qu’il rappelle celui infligé au parricide (poena cullei) ou à d’autres malfaiteurs enfermés dans le robusteis puis conduits au Tullianum, voir Annie Allély, « Les enfants malformés et considérés comme prodigia à Rome et en Italie sous la République », Revue des Études Anciennes, vol. 105, no1, 2003, p. 127-156, [En ligne] URL : https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_2003_num_105_1_5652 spécialement p. 151-153 et Jean-Michel David, « Du Comitium à la roche Tarpéienne. Sur certains rituels d’expulsion capitale sous la République, les règnes d’Auguste et de Tibère », in Du châtiment dans la cité : supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Rome, École française de Rome, 1984, p. 144-145 [En ligne] URL : https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_79_1_2532.

42 L’expulsion de l’indésirable s’accompagne de rites religieux, vraisemblablement une lustratio pour laver le peuple de la souillure et écarter les influences maléfiques. Ce rituel s’accompagnait d’un sacrifice du suovétaurile. Il est souvent question du carmen des virgines. Julius Obsequens parle aussi d’une supplicatio, terme générique de la prière d’action de grâce demandée par le Sénat en l’honneur d’une divinité. La cérémonie se déroule selon le rite grec devant les statues divines installées sur le pulvinar. Il s’agit sans aucun doute d’une supplication expiatoire (et non propitiatoire ou gratulatoire) qui intervenait régulièrement à Rome pour expier les différents prodiges (phénomènes physiques, sismiques…). Il convenait, en plus d’honorer les dieux, de rétablir la pax deorum.

43 Il n’est plus question, sous l’Empire, de témoignages concernant les hermaphrodites, ce qui attesterait de leur acceptation sociale. Tout juste est-il question dans certains cas de « changement de sexe miraculeux », ce qui forme une catégorie conceptuelle différente des naissances androgynes pour Bruce MacBain, Prodigy […] op. cit., p. 126 notes 238 et 132. Par ailleurs, il faut rappeler que d’autres individus considérés autrefois comme des monstres sont acceptés. Par exemple, le nain était une « curiosité » que les riches romaines aimaient posséder, au même titre que les oiseaux des Indes ou le bichon maltais, cf. Pline, Histoire naturelle, 7.16 au sujet du nain Conapas et de la naine Andromède, affranchie de Julia Augusta. Voir également Suétone, Tib. 61 in fine qui mentionne la présence d’un nanus dans l’entourage de Tibère

44 Pour l’emploi de ce terme au Digeste, voir par exemple D.34.2.23.2 ; 50.17.209. Ces emplois font bien allusion à une idée de point de référence, de comparaison tantôt du point de vue de l’expérience concrète (le vêtement infantile type se définit par rapport à celui que l’on donne à ses propres enfants), tantôt d’un point de vue plus imagé : l’esclavage peut être rapproché d’une forme de mort d’après Ulpien.

45 Luc Brisson, Le Sexe incertain […] op. cit., p. 41.

46 Sur cette notion les contributions rassemblées dans Gilbert Herdt (éd.), Third Sex, Third Gender. Beyond Sexual Dimorphism in Culture and History, New York, Princeton university press, 1996, en particulier le chapitre 1 « Living in the Shadows: Eunuchs and Gender in Byzantium » sur les eunuques byzantins par K. Ringrose, p. 85-110.

47 H. A. Alex. Sev. 23.7 idem tertium genus hominum eunuchos esse dicebat nec videndum nec in usu habendum a viris sed vix a feminibus nobilibus.

48 Pline Hist nat. 11.49 Homini tantum iniuria aut sponte naturae franguntur, idque tertium ab hermaphroditis et spadonibus semiviri genus habent.

49 Le juriste Paul indique que pour savoir si un hermaphrodite peut être admis comme témoin à un testament, il faut examiner quel est le sexe qui domine en sa personne : D.22.5.15.1. Hermaphroditus an ad testamentum adhiberi possit, qualitas sexus incalescentis ostendit. La qualitas sexus incalescentis désigne un examen physique pour vérifier crûment l’apparence que présentent les organes génitaux lorsqu’ils sont échauffés, afin de vérifier la prédominance masculine car la charge de témoin testamentaire constitue un « office viril », réservé aux seuls hommes. Cf. Yan Thomas, « La division des sexes en droit romain », in Histoire des femmes en Occident, L’Antiquité, Georges Duby et Michelle Perrot (dir.), Paris, Perrin, 1991, t. 1, p. 103-157. Voir aussi Pline, Histoire naturelle, 22, 10.

50 Les traces d’un tel concept remontent au début du xixe siècle, cf. Vernon Valentine Palmer, « Dommages moraux : l’éveil français au xixe siècle », Revue internationale de droit comparé, vol. 67, no1, 2015, p. 7-21, en particulier 8-9 et 11 ; dans le même sens : Armand Dorville, The Canadian Bar Review, no9, 1928, p. 670-678.

51 Jean Bernard Pontalis « L’insaisissable entre-deux », Nouvelle Revue de Psychanalyse, no 7, 1973, Bisexualité et différence des sexes, p. 29, affirme que cette obligation pour l’individu de répondre lui-même, de façon réfléchie et personnelle, à la question de son identité sexuelle en fonction de paramètres extérieurs qui lui sont imposés, par exemple ceux renvoyant à la masculinité ou à la féminité, permet de créer un espace de jeu entre l’identité que nous pouvons avoir pour autrui et l’image que nous avons de nous.

52 Hugguccio, C. IV, q. 2 et 3, p. 22, ad sexus incalescentis. (B. N. F., ms. Lat. 15 396 f° 136 va). Voir également l’analyse de Maike van der Lugt, « L’humanité des monstres et leur accès aux sacrements dans la pensée médiévale », in Monstre et imaginaire social. Approches historiques, Anna Caiozzo et Anne Emmanuelle Demartini (dir.), Paris, CREAPHIS, 2008, p. 135-161.

53 Helen King, « Barbe, sang et genre : afficher la différence dans le monde antique », in Langages et métaphores du corps dans le monde antique, Jérôme Wilgaux et Véronique Dasen (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 153-158 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.5433.

54 Pierre le Chantre, Verbum abbreviatum, cap. 138, col. 333-335 (éd. Paris, 1855) ; cf. Aussi Summa de sacramentis et animae consiliis, III, 2 a, cap. 17 par. 254. Voir John Boswell, Christianisme, tolérance sociale et homosexualité. Les homosexuels en Europe occidentale des débuts de l’ère chrétienne au xive siècle, Paris, Gallimard, 1985, p. 469-473.

55 On trouve un exemple de cette négation dans l’œuvre d’un disciple de Pierre le Chantre nommé Robert de Courçon, Summa, De hermafroditis, … ut tradunt physici, non potest contingere quod duo sexus in hermafrodito equaliter vigueant, immo oportet quod semper unus obstineat privilegium.

56 Code Fréderic ou corps de droit pour les États de S. M. le roi de Prusse, trad. A. de Campagne, Berlin, 1751, dernière édition par Jean-Henri Samuel Formey, Whitefish, Kessinger, 2009. Jusqu’à ce moment, l’histoire juridique des contrées allemandes était marquée par une concurrence de diverses législations (droit romain, droit canon, droit « allemand » ou encore droit saxon) qui semait d’importantes confusions, notamment en matière de procédure, puisqu’il existait au sein de chaque province ou ville différentes des statuts spécifiques que les habitants ne connaissaient parfois pas. Pour remédier à tous ces inconvénients, Frédéric II fit un plan de réformation de la justice dont il testa l’efficacité en Poméranie, une région côtière au sud de la mer Baltique, où l’activité processuelle était importante.

57 Code Frédéric… op. cit., titre 7 par. 3, 27 : « Les hermaphrodites sont ceux qui ont les marques des deux sexes ; il faut observer à l’égard d’un hermaphrodite, que l’on doit examiner quel sexe prévaut en lui, et le faire déclarer en conséquence mâle ou femelle. Lorsqu’aucun des deux sexes ne prévaut, il a le choix ; mais le choix fait de l’un… ».

58 Les méandres de cette dernière au sujet de l’hermaphrodite ont fait l’objet d’un exposé récent par Mohammed Hocine Benkheira, « Homme ou femme ? Les juristes musulmans face à l’hermaphrodisme », in Monstre et imaginaire social… op. cit., p. 163-186, p. 175.

59 Ibid., p. 171-172. À l’inverse, le juriste chiite Tûsi refuse de prendre en considération le témoignage de l’hermaphrodite à la suite d’un raisonnement qui peut sembler curieux : « il ne peut savoir sur lui-même que ce qu’autrui sait à son sujet ».

60 Ibid., p. 164.

61 Ibid., p. 166.

62 Ibid., p. 185.

63 L’identification est à distinguer de la logique d’« identité », cf. Xavier Bioy, « L’identité de la personne devant le Conseil constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel, n° 65, 2006, p. 73-95, en particulier p. 74-75 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3917/rfdc.065.0073.

64 Se reporter à Maryline Bruggeman, « Le contenu de l’acte de naissance », in L’État civil dans tous ses états, Claire Neirinck (dir.), Paris, PUF, 2008, p. 114-115. Un individu qui ne pourrait justifier du contenu minimal des actes de l’état civil, tel que défini à l’art. 34 CC. (nom, prénom, profession et domicile), n’a pas d’existence juridique reconnue au sens où il ne pourrait pas exercer les droits dont il est titulaire, profiter de son patrimoine voire jouir de ses droits civiques et politiques. Sur ces questions, voir Solange Mirabail, « Absence d’état civil », in L’identité de la personne humaine. Étude de droit français et de droit comparé, Jacqueline Pousson-Petit (éd.), Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 297 ; déjà : « Une nouvelle catégorie de marginaux : les êtres humains non identifiés », Le Dalloz, n° 33, 10 octobre 1985, p. 431-433. L’auteur montre que la solution retenue par un arrêt de la CA de Colmar du 6 octobre 1995, décision qui refuse d’inscrire un enfant à l’état civil en l’absence de preuves suffisantes, est contraire à l’ordre public tel que défini en droit interne et international.

65 Rémy Cabrillac (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Paris, Litec, 2002, p. 170. Il faut également rappeler que les premiers registres d’état civil d’avant la Révolution correspondaient aux registres paroissiaux tenus par l’Église. La sécularisation fut initiée par l’Édit du 28 novembre 1787 et achevée par la loi du 20 septembre 1792.

66 Cf. l’exemple d’acte de naissance vierge dans Marianne Schulz, Filiation et nom, Paris, Berger Levrault, 2008, annexe 5, p. 222-223. Il est à noter que l’acte d’enfant sans vie ne porte pas la mention du sexe mais seulement du prénom le cas échéant, en plus du triptyque traditionnel : date, heure et lieu de naissance.

67 JO 28 juillet 1999 annexe, Sous-section 4, 288 : Lorsque le sexe d’un nouveau-né est incertain, il convient d’éviter de porter l’indication « de sexe indéterminé » dans son acte de naissance… Pour l’ensemble du document, voir https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000647915.

68 La responsabilité de l’officier ou du service peut être mise en cause devant le TGI (Bull. civ. 1., n° 139).

69 Une amende civile peut être infligée par le TGI. Le fautif peut aussi se voir poursuivi pour faux d’après l’art. 441-1 CP. Le faux et usage de faux peuvent être punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

70 L’agent communal responsable peut faire l’objet d’une suspension, le maire encourt la révocation ; sur toutes ces sanctions possibles, cf. Maryline Bruggeman, « Le rôle de l’état civil »… art. cit., p. 28 et la note 25.

71 La mise en page des documents probatoires en matière de filiation induit cette exclusion et s’agence autour d’une dualité ; l’acte de naissance porte la mention suivante qu’il convient de compléter : « de sexe… », on attend évidemment que l’officier écrive « masculin » ou « féminin ».

72 Et non pas à « mâle » ou à « femelle » puisque qu’il faut distinguer la nature de son artefact légal. Sur ce point, par exemple : Marie Blanche Tahon, « Corps, sexe et genre », Travail, genre et sociétés, vol.10, n° 2, 2003, p. 202-207 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3917/tgs.010.0202.

73 Arrêt de la Cour de cassation, chambre civile 1, 4 mai 2017, no 16.17-189. Voir aussi Marie-Xavière Catto, « Reconnaître un troisième sexe à l’État civil », Délibérée, n° 4, 2018/2, p. 10-14 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.3917/delib.004.0010.

74 L’Allemagne est le premier pays européen à offrir une alternative à la taxinomie sexuelle imposée à la naissance ; cf. sur ce point Gabrielle Houbre, « Un sexe indéterminé ? L’identité civile des hermaphrodites entre droit et médecine au xixe siècle », Revue d’histoire du xixe siècle, n48, 2014, p. 63-75 [En ligne] DOI : https://doi.org/10.4000/rh19.4656. Il faut noter qu’il s’agit ici d’une possibilité d’absence de mention masculine ou féminine et non pas d’inscrire que l’individu est de sexe indéterminé. Cette carence a été réparée depuis fin 2018 car, la loi ayant été considérée comme discriminatoire dans la mesure où l’identité sexuelle est dépendante de la classification sexuelle, les formulaires intègrent dorénavant une mention alternative.

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Référence électronique

Arnaud PATURET, « Le traitement de l’hermaphrodite dans la littérature juridique de l’Ancien Régime », Sociopoétiques [En ligne], 6 | 2021, mis en ligne le 22 octobre 2021, consulté le 21 novembre 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=1417

Auteur

Arnaud PATURET

CNRS UMR 7074 Centre de Théorie et analyse du droit, Campus Jourdan ENS/EHESS

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