Entre oubli et mémoire, l’archiviste funambule

Between Oblivion and Memory, the Tightrope Archivist

DOI : 10.52497/kairos.256

Résumés

Résumé : Cet article interroge la notion de « droit à l’oubli » du point de vue de l’archivistique française. Le positionnement de l’archiviste face à l’oubli est de fait ambigu : il doit assumer sa part de responsabilité dans la construction de l’oubli mais il est aussi celui qui, au plus proche des sources, peut en tirer certaines de l’oubli. S’il œuvre pour l’accès aux sources dans un souci de transparence démocratique, il n’en est pas moins le garant de la pacification de la mémoire.

Abstract : This article investigates the notion of “the right to be forgotten” from the viewpoint of archival science in the French context. The positioning of the archivist with respect to oblivion is de facto ambiguous: he has to undertake his own part of responsibilities in the upbuilding of oblivion but he also is the one who, being the closest possible to the sources, could save somebody from falling into oblivion. If he works on the access to the sources motivated by a democracy concern of transparency, he is nonetheless at the same time a warrant of getting memory into peace.

Index

Mots-clés

Archives publiques, archivistique, conservation, droit à l’oubli, communicabilité

Keywords

Public archives, archival science, preservation, right to be forgotten, communicability

Plan

Texte

« Pas trop d’isolement ; pas trop de relations ; le juste milieu, voilà la sagesse. »
Confucius, Livre des sentences

L’archiviste peut-il parler d’oubli ?

Traditionnellement associé à la conservation, l’archiviste est représenté dans l’imaginaire collectif comme le gardien d’un temple où s’accumuleraient des secrets que seuls quelques privilégiés pourraient connaître1. Dans ces conditions, comment peut-il être associé à l’oubli ? Ne serait-il pas plus légitime de l’associer à la transmission d’un savoir ou à l’élaboration d’une mémoire ? D’ailleurs, le concept d’oubli n’apparaît pas en tant que tel en archivistique française2. Il n’est porté, dans un premier temps, que par des personnes extérieures aux archives3. Ce n’est que très récemment, alors que la notion d’oubli devient de plus en plus médiatique et que l’oubli se revendique comme un droit, que les archivistes s’en sont saisis à leur tour4. Le projet de règlement européen relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (janvier 2012)5 en formalisant ce droit à l’oubli a suscité la crainte des archivistes de ne plus pouvoir continuer à conserver des archives complètes6. La notion d’oubli est depuis de plus en plus interrogée7.

Le positionnement de l’archiviste face à l’oubli est de fait ambigu : il doit assumer sa part de responsabilité dans la construction de l’oubli (en sélectionnant les sources à conserver, il en laisse d’autres sombrer dans l’oubli) mais il est aussi celui qui, au plus proche des sources, peut en tirer certaines de l’oubli. En priorisant celles à décrire et inventorier, il contraint certaines sources à être moins accessibles et donc certains pans de l’histoire à rester moins dévoilés. S’il œuvre pour l’accès aux sources dans un souci de transparence démocratique, il n’en est pas moins le garant de la pacification de la mémoire. À ce titre, les délais de communicabilité des archives permettent de laisser temporairement dans l’oubli les archives les plus sensibles.

Le champ de cet article se circonscrira principalement à la sphère des archives publiques en France (l’existence d’une législation propre aux archives publiques donnant un cadre au travail de l’archiviste), même si quelques exemples seront choisis hors de nos frontières.

L’archiviste, organisateur de l’oubli ?

L’oubli, un horizon insurmontable ?

Tout comme la mémoire, l’oubli est construction, le résultat d’une sélection naturelle ou forcée d’événements qui sont amenés à disparaître et des traces de ces événements. L’archiviste est un acteur quotidien de cette construction dans le monde de l’écrit.

Parfois l’archiviste ne peut que subir l’oubli qu’entraîne l’état de destruction définitive d’archives. Si, comme on le verra plus bas, dans certains cas, il peut lutter contre la disparition de toutes traces écrites, dans d’autres son action est proprement impossible : face au corpus de sources disponibles sur le Moyen-Âge, qui est par définition clos, il lui est par exemple difficile d’ajouter quoi que ce soit, tout juste peut-il, parfois, retrouver des sources méconnues et organiser la connaissance autour de ce qui existe8.

Au mieux, l’archiviste peut alors tenter de lister les archives détruites, tombées à jamais dans l’oubli, pour sensibiliser ses contemporains à la perte subie et espérer qu’à l’avenir tout sera fait pour que les sources soient mieux préservées. C’est l’objet par exemple du programme « mémoire du monde » mené par l’UNESCO. Le recensement des bibliothèques et archives détruites au xxe siècle montre que « le patrimoine documentaire des bibliothèques et des archives du monde entier [est] toujours menacé. Abordons le xxie siècle avec la volonté renouvelée de protéger la “Mémoire du monde”, en dressant des plans de lutte contre les catastrophes, en faisant preuve de vigilance et en œuvrant pour la paix dans le monde9. »

L’archiviste est aussi confronté à une autre impossibilité : il ne peut transmettre un document qui n’existe pas. C’est bien sûr un truisme mais pour autant il n’est pas rare qu’il doive faire face à des demandes de ce genre10. Or rien n’est plus difficile que de prouver que l’on n’a pas un document qui n’existe pas : point de bordereau d’élimination ni de bordereau de versement, aucune trace : tout alimente le demandeur dans l’illusion que l’archiviste désire lui cacher quelque chose11.

Les archives : une arme à double tranchant

Satius erat ista in oblivionem ire, ne quis postea potens disceret, invideretque rei minime humanæ.
Sénèque, De brevitate vitae12

Par leur valeur informationnelle et leur valeur symbolique, les archives sont une arme à double tranchant. S’en emparer revient à s’emparer du savoir, les détruire revient à nier l’identité de son ennemi, à le faire tomber dans l’oubli.

Élément de pouvoir pour ceux qui les détiennent, les archives peuvent être l’objet d’une destruction volontaire par leur propriétaire dès lors que celui-ci n’est plus en mesure de les protéger. Cette mesure extrême a pour objectif d’éviter que des éléments d’information confidentiels ou compromettants tombent dans des mains malveillantes. À ce titre, les archives de la police ont souvent fait l’objet de convoitise, comme le rappelle l’historien Jean-Marc Berlière13. Celui-ci souligne par exemple que :

Fin août 1914, alors que le gouvernement quitte discrètement Paris pour Bordeaux par la gare du bois de Boulogne, le Préfet de police Hennion, fait procéder, par prudence avant l’entrée jugée imminente des Uhlans dans la capitale, à la destruction, dans un four des Halles, des archives accumulées par la police parisienne entre 1871 et 1914.

Plus récemment, en décembre 2011, les archives de l’ambassade de France à Téhéran ont fait l’objet d’une incinération dans la piscine de l’ambassade, pour éviter qu’elles ne tombent dans les mains de manifestants, après l’attaque d’autres postes diplomatiques. Dans de tels cas, les archives sont considérées comme une arme potentielle, l’oubli volontaire, assumé, issu de la destruction est un moyen de protection.

Élément d’identité d’une nation, les archives sont aussi à ce titre un enjeu de destructions mémorielles lors des guerres. Priver son ennemi de ses archives, c’est le priver de repères, de ses droits, le couper de ses racines, détruire son identité voire nier son existence. Cette importance symbolique des archives a perduré dans le temps et même lors des conflits les plus récents, pillages et destructions des archives ne sont pas rares. Prenant acte de cette valeur des archives, comme des autres biens culturels, à la fois pour le peuple qui les a créées et pour l’humanité tout entière, la convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (1954) tente de mieux garantir la préservation d’un patrimoine commun. Pour autant, les archives, comme les autres biens culturels, restent des cibles particulières. Cela a été notamment le cas lors de la guerre en ex-Yougoslavie. À propos de la destruction délibérée du patrimoine bosniaque en 1992, qui a porté notamment sur les archives de nombreux villages, Bernard Gauthier14 parle ainsi de « mémoricide » : le génocide s’est accompagné d’un mémoricide afin qu’il ne reste rien de la population bosniaque15.

L’oubli voulu par l’agresseur peut être défié ensuite par la volonté de reconstruction de l’agressé. La reconstruction de la mémoire passe alors par une phase de reconstitution des archives. Si cette phase est nécessaire pour des fins administratives et juridiques (prouver ses droits, gérer les affaires courantes), elle a aussi pour objectif principal de lutter contre l’oubli et de redonner son identité à celui qui en avait été privé. C’est dans ce cadre qu’intervient par exemple la reconstitution des archives des communes de l’Aisne après la Première Guerre mondiale. Département occupé par les troupes allemandes pendant toute la guerre, dont les villages ont été parfois totalement détruits, l’Aisne sort traumatisée de la guerre. De nombreuses communes de l’Aisne décident d’une reconstitution de l’état civil à partir de 1790 alors que la loi du 15 décembre 1923 relative à la reconstitution des actes et archives détruits dans les départements par suite des événements de guerre n’impose une reconstitution que pour les actes postérieurs à 1839, qui concernent des personnes potentiellement encore vivantes. On voit par là qu’il ne s’agit pas uniquement de faire valoir des droits mais plutôt de faire revivre des familles, des communautés. Le soin apporté à l’aspect matériel des registres reconstitués, reliés et conservés précieusement, montre la valeur du symbole. Le second exemplaire, conservé au greffe du tribunal puis au service départemental d’archives, s’il est suffisant pour l’histoire, ne l’est pas pour la mémoire qui passe par une présence physique des documents en commune.

L’archiviste, artisan de l’oubli ou passeur de mémoire ?

L’archivistique se présente comme une science auxiliaire de l’histoire mais peut-elle pour autant prétendre à une sélection scientifique des sources à conserver ? Longtemps, l’archiviste n’a pas eu un rôle « pro-actif » dans cette sélection : la conservation était le résultat des circonstances et l’archiviste intervenait plutôt en aval de la sélection, par le biais de transcriptions, d’éditions et de publications. Mais, en étant présent de plus en plus en amont, auprès des producteurs de documents, l’archiviste a désormais un rôle plus délibéré dans la construction des sources à conserver. Ce rôle trouve son fondement légal dans la loi du 3 janvier 1979 sur les archives, qui précise pour la première fois que les documents sont « archives » dès leur naissance16 : dès lors, l’intervention de l’archiviste dès le stade de l’élaboration des documents se trouve pleinement justifiée. Depuis les années 1980, l’habitude est prise de proclamer que le conservateur est avant tout un éliminateur. On estime globalement, même si ces chiffres sont difficiles à corroborer, que l’on élimine 80 à 95 % de la masse documentaire produite17. Cela signifie-t-il pour autant que ces archives tombent à jamais dans l’oubli ? En fait, il n’en est rien. Toute élimination doit être accompagnée d’un bordereau listant succinctement les documents éliminés et leurs dates extrêmes18. Ainsi, pour des raisons de traçabilité juridique, et dans la mesure où les administrations respectent la réglementation, on conserve une trace de tout ce qui a été produit. L’oubli est donc tout relatif : la trace de l’élimination empêche un oubli intégral. Parfois, cette élimination intégrale d’une série de documents est aussi documentée par la conservation d’un spécimen. Trace qui peut paraître dérisoire, le spécimen est « conservé à titre de témoin comme illustrant sa catégorie19 ». C’est la décision de conservation prise notamment pour un certain nombre de documents sériels très volumineux au contenu informationnel très faible.

La sélection : un oubli difficile à décider

D’où ce regard muséal porté sur ce qui nous environne. Nous aimerions préparer, dès aujourd’hui, le musée de demain et réunir les archives d’aujourd’hui comme si c’était déjà hier, pris que nous sommes entre amnésie et volonté de ne rien oublier.
François Hartog, Régimes d’historicité : présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003

Chacun semble avoir son idée sur ce qui mérite d’être conservé : l’état civil, les hypothèques, le cadastre viennent à l’esprit de tous. Pour autant, il ne s’agit là que de quelques typologies banales qui cachent le foisonnement de la production documentaire de l’administration. Comment évaluer des documents plus techniques, correspondant à des processus de production souvent complexes ? L’archiviste, professionnel polyvalent, doit opérer une sélection qui ne préjuge pas des futurs usages des documents ni des futurs usagers (historiens, sociologues, sémiologues, géographes, généalogistes ou grand public au sens large, etc.). En tant que représentant de la puissance publique, l’archiviste prend une décision de nature régalienne qui, une fois exécutée, n’est plus susceptible de recours, ni de repentir. Sa sélection doit donc être la moins orientée possible. Sa démarche passe par un processus d’évaluation des archives qui se concrétise par une décision de conservation intégrale ou partielle ou d’élimination des documents. L’oubli est plus ou moins profond suivant que l’on décide d’éliminer à tous les échelons concernés par le processus administratif étudié ou seulement à certains de ces échelons, que l’on décide l’élimination totale ou simplement partielle d’une série de dossiers. Pour formaliser cette réflexion sur l’évaluation, le comité interministériel aux archives de France a réuni un groupe de travail rassemblant archivistes et statisticiens. Le texte produit a ensuite été soumis à un appel à commentaires avant d’être publié en juillet 201420. Il ne s’agit pas d’une méthode automatique permettant de prédire quel sera le sort final d’un document à l’issue de sa durée d’utilité administrative mais plutôt de s’attacher à l’ensemble des questionnements pesant sur une série de documents avant d’en décider la destinée. Cet effort de formalisation de la pratique de la sélection montre que celle-ci n’est pas arbitraire. Certes, l’archiviste a une part de marge de manœuvre mais il est aussi contraint par des réalités qui lui échappent (contraintes juridiques ou technologiques par exemple).

a/ Oubli ou conservation : tout dépend de l’échelon de production

Pour être plus concret, prenons un exemple dans une série de dossiers produits par une administration de l’État : quel serait le sort final pour les dossiers d’autorisation d’exercer des professions paramédicales ? Plusieurs échelons administratifs interviennent, les processus diffèrent suivant les professions, le processus évolue dans le temps21. Les dossiers de demande d’autorisation d’exercer une profession paramédicale sont déposés par des professionnels ne disposant pas du diplôme conforme à la réglementation en direction régionale de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), pour décision du préfet de région sauf pour deux types de professions (professions de l’appareillage et profession de radiophysique médicale) pour lesquelles le dépôt se fait à l’échelon départemental (direction départementale de la cohésion sociale), pour décision du préfet de département. Dans ce cas, ainsi que pour deux autres spécialités (conseillers génétiques et préparateurs en pharmacie), les dossiers remontent ensuite au ministère de la Santé pour un examen devant une commission nationale. Mais, en pratique, le dépôt des demandes pour ces deux professions « départementalisées » n’est pas exclusif d’une remontée à l’échelon régional. Ce n’est que la compréhension fine du processus qui permet de choisir le bon échelon de conservation. En l’occurrence, dans l’exemple développé ici, on choisira l’échelon régional, même dans le cas d’un examen par une commission nationale, les autorisations d’exercer une profession paramédicale étant délivrées uniquement localement d’autant plus qu’il est très probable que leurs informations, utiles en cas de manquement grave du professionnel mettant en cause l’autorisation délivrée par l’État, ne se retrouvent pas ailleurs.

b/ Conservation ou sources de substitution ?

Déterminer le bon échelon de conservation n’est qu’une des étapes. Encore faut-il déterminer si la série de dossiers considérée comme la plus complète mérite une conservation à titre définitif. Les finalités de cette conservation à titre définitif sont prévues par la loi :

La conservation des archives est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche22.

On voit par là que l’aspect historique auquel on réduit parfois les archives n’est pas exclusif. Les archives sont aussi, et avant tout, un moyen de faire valoir des droits, droits qui peuvent être limités dans le temps ou non. Dans le cas des dossiers d’autorisation d’exercer une profession paramédicale, l’aspect purement juridique ne dure que pendant la période d’exercice ; si conservation à titre définitif il y a, la finalité en sera donc historique. S’agissant d’un moyen d’appréhender la mobilité géographique des professions paramédicales en Europe, à une époque où on constate une désertification médicale dans de nombreux territoires tant français qu’étrangers, et ipso facto d’un enjeu de politique publique, la question mérite d’être posée.

Une fois le principe de l’intérêt d’une conservation à titre historique posé, encore faut-il évaluer si des informations similaires mais plus synthétiques ne se trouveraient pas ailleurs. Pour des raisons de maîtrise des coûts (la conservation mobilise des espaces, dont la construction et le maintien aux normes coûtent cher23), et pour faciliter les futures recherches, il est en effet souvent préférable de conserver des documents synthétiques plutôt que les séries de dossiers elles-mêmes. Dans notre cas, les procès-verbaux des commissions régionales, dans la mesure où ils mentionneraient au moins l’identité du demandeur, sa profession et le lieu de ses études, pourraient être considérés comme des sources suffisantes. On peut également prendre la décision d’y adjoindre une sélection qualitative de dossiers, par exemple pour des professions qui, dans la région considérée, sont particulièrement en tension.

Cette décision sur le sort final des dossiers est souvent prise très en amont, quand on a encore tous les éléments de compréhension du processus administratif. Elle n’est mise en œuvre que plus tard, quand la durée d’utilité administrative (DUA) des documents est échue24. On peut dès lors avoir des remords et réévaluer les documents à tout moment avant la mise en œuvre du sort final. Le temps de la DUA est ainsi en quelque sort le purgatoire des archives avant que l’oubli ou la conservation définitive ne s’impose.

c/ L’archiviste face à l’amnistie

Reflet des processus de production documentaire dans les administrations, l’archivistique a été confrontée à la question de l’amnistie. Organisée dans un but de pacification, l’amnistie fait l’objet d’un article du Code pénal :

Il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdictions, déchéances et incapacités effacées par l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit ou d’en laisser subsister la mention dans un document quelconque. Toutefois, les minutes des jugements, arrêts et décisions échappent à cette interdiction. En outre, l’amnistie ne met pas obstacle à l’exécution de la publication ordonnée à titre de réparation25.

Cette interdiction de laisser mention dans un document de faits amnistiés n’est pas comprise par l’archiviste comme l’obligation de supprimer les documents incriminés. La question est particulièrement détaillée dans la circulaire AD 95-1 du 27 janvier 1995 relative au tri et à la conservation des dossiers de personnel des services déconcentrés de l’État et des collectivités territoriales26. Cette circulaire rappelle que l’administration n’a pas l’obligation « de détruire les pièces du dossier disciplinaire. La destruction des pièces du dossier mettrait le juge administratif, saisi d’un recours contre une sanction dont l’amnistie n’aurait pas fait disparaître tous les effets, dans l’impossibilité d’exercer son contrôle de la légalité de ladite sanction. Il ne pourrait, en conséquence, que condamner l’administration ». L’amnistie passe donc non par une élimination des pièces mais par leur extraction du dossier, pour un classement à part. Il est intéressant de remarquer que cette circulaire insiste sur la responsabilité du service ayant en charge le processus administratif dans cette extraction. Si l’archiviste reçoit des dossiers pour lesquels l’opération n’aurait pas été réalisée, il ne doit en aucun cas la réaliser lui-même : son rôle consiste à conserver les dossiers tels qu’ils lui ont été transmis, reflets de l’organisation plus ou moins efficace de l’administration productrice.

d/ L’organisation, une solution contre l’oubli

Même quand l’archiviste a pris une décision de conservation, les documents concernés sont-ils pour autant préservés de l’oubli ? Pour poser la question dans d’autres termes, peut-on oublier ce que l’on ne sait pas ? L’archiviste ignore tout du contenu précis des archives qu’il conserve comme le bibliothécaire n’a pas lu tous les livres qu’il propose aux usagers de sa bibliothèque. Dès lors, seule la phase de traitement des archives (description et classement) garantit réellement qu’elles ne resteront pas dans l’oubli, l’existence d’un instrument de recherche permettant que chacun prenne connaissance de leur contenu. Mais là aussi, aucun choix archivistique n’est neutre : certains choisissent de décrire très précisément un fonds d’archives quitte à y passer une vie et à laisser de côté mille autres fonds qui restent dans l’oubli ; d’autres choisissent des descriptions si sommaires qu’elles reflètent difficilement le contenu des documents et ne sont pas suffisantes pour susciter des consultations. On voit qu’il est difficile de savoir où mettre le curseur dans le niveau de description archivistique.

En tout état de cause, l’organisation des archives (description, cotation, etc.) et la diffusion des instruments de recherche permettent de mieux faire connaître les sources et de favoriser leur utilisation.

De l’oubli à la mémoire : vers la fabrique personnalisée du souvenir

Et, quelque part dans la pénombre des siècles écoulés, ils avaient inventé l’instrument essentiel, que l’on ne pouvait ni voir ni toucher : la parole. Ainsi, ils avaient remporté leur première grande victoire sur le Temps. Désormais, la connaissance d’une génération pourrait être transmise à la suivante et chaque âge profiterait de tous ceux qui l’avaient précédé. Contrairement aux animaux, qui ne connaissaient que le présent, l’Homme avait conquis le passé, et il commençait à ramper vers l’avenir. 
Arthur C. Clarke, 2001 : L’Odyssée de l’espace.

Le fantasme de la maîtrise du contenu de l’histoire

Une fois les sources historiques constituées au terme de ce processus de sélection consciente, il reste à les explorer. De même que le choix de conserver tel ou tel document n’est jamais neutre, puisqu’il est forcément en partie subjectif, de même le choix de ce que la société va mettre en lumière à partir de ces sources est parfaitement conscient et révélateur : la démarche même de la commémoration d’un événement est déjà un choix, forcément subjectif, de ce que la société souhaite à un instant donné garder en mémoire, en y attachant une dimension symbolique particulière. À titre d’exemple, en 2014, la puissance publique célèbre le cinquantenaire du film Les Parapluies de Cherbourg (Demy, 1964), élevé au rang de patrimoine cinématographique de la Nation et digne à ce titre d’apparaître dans le Recueil des commémorations nationales de 201427, mais laisse de côté le cinquantenaire du film Le Gendarme de Saint-Tropez (Girault, 1964). En quoi ce dernier anniversaire serait-il moins digne d’être célébré que le premier, si ce n’est parce que la société fait à un moment donné le choix très conscient de privilégier une œuvre par rapport à une autre, et ce, indépendamment du succès populaire que connaissent les deux œuvres ? Toujours à titre d’exemple, mais de façon plus dramatique, la société française célèbre en 2014, et pour quatre ans, le centenaire de la Première Guerre mondiale. Le traumatisme généré dans la société par ce conflit majeur explique la place que prend aujourd’hui sa commémoration dans l’imaginaire collectif. De la même manière que l’archiviste opère une sélection et détermine ce qui va devenir le matériau de l’Histoire, la société choisit, parmi les monceaux de sources documentaires conservées, parmi les myriades d’événements passés, ce qui accédera au rang d’objet historique consacré par la mémoire collective. L’histoire est une construction collective ; sans entrer dans le détail de problématiques régulièrement évoquées28, l’idée d’une histoire parfaitement neutre, objective, retraçant avec exactitude et équité tous les événements de la société humaine, accordant autant de place à tous, relève bien évidemment du mythe. L’histoire est toujours et avant tout un regard, résultat d’une multitude de choix, ainsi que le souligne Paul Veyne :

Si tout ce qui est arrivé est également digne de l’histoire, celle-ci ne devient-elle pas un chaos ? Comment un fait y serait-il plus important qu’un autre ? Comment tout ne se réduit-il pas à une grisaille d’événements singuliers ? La vie d’un paysan nivernais vaudrait celle de Louis XIV ; ce bruit de klaxons qui monte en ce moment de l’avenue vaudrait une guerre mondiale… Peut-on échapper à l’interrogation historiste ? Il faut qu’il y ait un choix en histoire, pour échapper à l’éparpillement en singularités et à une indifférence où tout se vaut29.

Ce sont donc ces choix qui guident les actions de commémorations menées par la société, tout comme les actions de valorisation des archives : expositions, publications, numérisation des fonds pour diffusion en ligne sont autant de manifestations de choix délibérés mis en place par la puissance publique qui opère une mise en valeur – forcément – sélective.

Or, cette problématique du choix de ce qui fait l’Histoire, qui s’opère au niveau de la société, est parfaitement transposable à l’individu, dans le domaine des archives particulièrement : l’enjeu est alors de décider ce qu’on souhaite laisser de soi à la postérité. Jusqu’à une date extrêmement récente, l’individu ne se posait pas cette question : il apparaissait en tant qu’objet dans les archives publiques qui retraçaient des épisodes de sa vie (actes d’état civil, dossiers d’imposition…) sans que cette présence, tout à fait subie et passive, ne soit remise en cause. Or, on constate une volonté sociale de plus en plus forte de déterminer le jour sous lequel on apparaît. Cette volonté tend à dé-neutraliser les sources, dans la mesure où elle implique un choix subjectif, là aussi, de l’image que l’individu accepte de voir conservée de lui. Directement issue de l’univers du numérique, la préoccupation de l’e-réputation en est un parfait exemple. La pratique d’entrer son nom dans un moteur de recherche sur Internet, afin de vérifier les éléments qui y sont rattachés, et d’éventuellement noyer les aspects jugés indésirables sous des références plus alléchantes est entrée dans les mœurs : un métier nouveau est apparu, celui de « nettoyeur de web-réputation », chargé de polir une image parfois dépolie, ou parfois simplement jugée insuffisamment ceci ou cela30. Toute proportion gardée, voilà qui nous évoque le « droit à l’honneur » espagnol31, déclinaison du droit à la vie privée, ce droit qui est aujourd’hui le fondement de la revendication du « droit à l’oubli32 ».

Cette tendance au blanchiment de réputation se manifeste également dans le monde des archives : les archivistes sont parfois confrontés à des personnes désireuses de voir supprimées les informations les concernant, qui se retrouvaient dans des documents d’archives publiques, de crainte de voir ces informations connues de tous. Ce mouvement traduit un désir de plus en plus fort de protection de la vie privée, en même temps qu’il illustre l’individualisation du rapport de l’individu à la mémoire, non plus perçue comme le résultat d’un choix collectif, mais comme une revendication. On voit donc poindre l’idée selon laquelle le choix de ce qui est transmis au nom de l’histoire ne devrait plus se faire au niveau de la société, mais devrait relever uniquement de ce que chaque individu accepte de transmettre. L’individu passe alors d’une présence subie dans les documents d’archives à une présence choisie ; il n’est plus objet passif de l’histoire, il en devient le sujet actif ; chacun veut créer son histoire, en être maître.

La tentation de la réécriture : vers une mémoire sélective

La suite logique de cette volonté de se réapproprier le contenu des sources historiques est la tentation de réécrire les faits afin qu’ils correspondent davantage au souvenir qu’on en a, ou mieux, à l’image que l’on souhaite transmettre. Les archivistes sont aujourd’hui confrontés à des demandes émanant de particuliers d’effacement d’un passé jugé comme non désirable, dans une logique de réécriture de l’histoire en parfaite bonne foi, au nom du respect de la vie privée. C’est ainsi, par exemple, que la question suivante est arrivée au Service interministériel des Archives de France en 2012, formulée dans ces termes :

Un ancien pupille [de l’Aide sociale à l’enfance], âgé aujourd’hui de 81 ans, a consulté son dossier en 1997 puis en septembre dernier [2012]. Il demande aujourd’hui le retrait d’un document contenu dans son dossier personnel. Il s’agit d’une lettre d’une jeune femme, avec laquelle il avait eu un projet de mariage alors qu’il était âgé de 18 ans. Ce projet ne s’est pas réalisé. L’homme en question s’est marié en 1955. Son épouse est décédée en 2010. Il évoque le « droit à la vie privée » et explique qu’il fait cette démarche « en mémoire de sa femme ».

Une réflexion interne aux Archives de France se déroule alors dans ces termes : « On ne “révise” pas l’histoire, qu’il s’agisse de la grande Histoire ou de nos petites histoires. Cette lettre fait partie d’un épisode de sa vie qui a eu lieu, qu’il le veuille ou non… […] je continue à trouver étrange d’expurger un dossier, dans la mesure où il s’agit d’une pièce intégrante de ce dossier (je suppose que si la lettre est là, c’est parce qu’il y avait projet de mariage alors qu’il était encore mineur, et à ce titre il était tout à fait légitime que l’ASE soit au courant…) », et la réponse finalement apportée est la suivante :

Si l’usager dispose effectivement d’un droit de rectification, il ne s’agit pas d’un droit de suppression, d’autant que la lettre qui se trouve dans ce dossier témoigne de quelque chose qui s’est réellement passé : cette information n’est donc pas erronée33.

Cette démarche fait peser de réels risques sur la fiabilité et l’authenticité des sources conservées, alors que la déclaration universelle de l’UNESCO de 2011 sur les archives rappelait la nécessité d’organiser la conservation de sources historiques fiables et authentiques.

Cette tentation finit par remonter le temps et ne plus concerner uniquement le principal intéressé : non seulement on souhaite créer sa propre histoire, maîtriser ce qui restera de soi, mais on souhaite également, de plus en plus, maîtriser l’image de sa famille, de ses ancêtres. La jurisprudence de la Cour de cassation s’est fait l’écho d’une demande de cette nature émanant de particuliers souhaitant l’effacement d’informations concernant leur ancêtre, au motif de l’atteinte à la vie privée que cette information constituait pour eux-mêmes ; la Cour de cassation a toutefois donné tort aux demandeurs, estimant que dans la mesure où l’information se retrouvait dans un texte à vocation historique qui s’appuyait sur des documents dont la consultation était libre, et que cette information ne concernait que des personnes décédées, « sans que soit cité aucun des consorts Z… présents dans la procédure, […] aucune atteinte à la vie privée dans sa dimension familiale n’était établie34. » On voit bien là ce désir d’oubli, de réécrire une histoire qui ne serait pas « convenable », au détriment de la neutralité du fait historiquement avéré.

Cette tentation de réécriture des faits historiques au nom de la vie privée trouve sa source dans le droit informatique et libertés, dans la notion de « droit d’opposition » ou à la « rectification35 » : ces revendications sont liées à l’exercice par les intéressés de ce « droit de rectification » qui leur permet d’exiger la mise à jour ou la rectification en cas d’erreur de toute information les concernant. L’expansion actuelle de ces revendications est à relier directement à la place croissante qu’occupe le droit informatique et libertés dans la conscience collective. Ce droit de rectification a été prétexte à une jurisprudence célèbre : en 2013, la cour d’appel de Caen a ainsi donné raison au diocèse de Coutances qui refusait d’effacer du registre des baptêmes la mention du baptême d’un particulier qui, l’ayant renié, ne souhaitait plus y figurer36. Or la cour a estimé que le droit de rectification de ce particulier avait été préservé, dans la mesure où le diocèse avait apposé à cet effet une mention marginale à l’acte litigieux : le droit de rectification était donc préservé, mais ne valait pas droit à l’effacement complet de ce qui restait une vérité historique.

Cependant le droit de rectification laisse peu à peu la place à une autre revendication, celle du « droit à l’oubli », elle aussi directement issue des problématiques informatique et libertés, et qui semble être perçue comme la réponse ultime de protection de l’individu et de sa vie privée face à des pratiques numériques toujours plus invasives. Le choix entre oubli volontaire, programmé, et conservation de sources fiables et authentiques pour l’histoire, se pose donc avec une acuité nouvelle. C’est bien là tout l’enjeu de la problématique du droit à l’oubli, telle que posée par les historiens et les archivistes, à l’occasion de la négociation autour du projet de règlement européen pour la protection des données à caractère personnel37.

Au terme de ce processus, l’individualisation des sources

Parallèlement à cette volonté de réécriture des sources, on observe un glissement sémantique, dû à l’apparition du vocable « donnée à caractère personnel » issu du même droit informatique et libertés. Dans le langage courant, on passe en effet de plus en plus facilement de l’expression « donnée à caractère personnel » à celle de simple « donnée personnelle », alors que ce glissement entraîne un changement de signification : c’est l’idée selon laquelle une information concernant la vie privée d’un individu appartiendrait à ce même individu, y compris si elle apparaît dans des archives publiques, qui relèvent pourtant du patrimoine commun d’une nation, comme si la domanialité (archives « publiques », appartenant à la puissance publique et relevant de sa responsabilité, par opposition aux archives « privées ») n’était plus déterminée par le service producteur au sens archivistique38, mais par le contenu des informations en question : cela me concerne, donc cela m’appartient. Le droit à l’oubli intervient dans la droite ligne de cette logique : si cette information m’appartient, pourquoi n’en ferais-je pas ce que je veux, y compris la supprimer ou ne plus l’assumer ?

La communication des archives, ou la Grande résilience

– Amis, dit-il, au nom de l’histoire, qui trouvera dans ces archives la condamnation des tyrans, assez de dévastation comme cela, je vous en supplie, démolissez la Bastille pierre à pierre, qu’il n’en reste point trace, qu’il n’en reste point vestige, mais respectez les papiers, respectez les registres, la lumière de l’avenir est là.
À peine la foule eut-elle entendu ces paroles, qu’elle les pesa avec sa suprême intelligence.
– Le docteur a raison, crient cent voix ; pas de dévastations ! À l’Hôtel de Ville tous les papiers ! 
Alexandre Dumas, Ange Pitou, chapitre XIX

La fabrique de l’histoire « collaborative »

Ainsi, l’individu change de positionnement et devient non plus simple objet des archives, mais sujet : à la lecture du droit « informatique et libertés », il revendique désormais un rôle actif dans l’élaboration et la conservation des archives publiques qui le concernent, par le biais de ce qu’il accepte ou non de voir figurer au panthéon du patrimoine digne de conservation, dans un élan d’histoire « collaborative », ou selon les termes d’un nouveau contrat social. Ceci entraîne la question du rôle de la puissance publique en matière de conservation et de communication des archives : est-ce toujours à elle de proposer des sources à la conservation définitive, et donc au statut d’archives historiques, ou le collaboratif a-t-il également touché cette sphère d’activité ? En d’autres termes, la puissance publique, qui reflète la société selon les termes du contrat social rousseauiste, et chargée à ce titre de l’élaboration des sources à conserver pour l’histoire, est-elle en train de s’effacer du domaine de la construction de l’histoire au profit d’une multitude d’individualités ? Les rôles traditionnellement dévolus changent. En effet, à titre d’exemple, en droit, les notions d’authenticité des sources ou d’accès à l’information publique se retrouvent très souvent associées au champ de compétence de la liberté d’expression et du droit de la presse, ces deux champs étant ontologiquement liés, davantage qu’à celui de la recherche historique ; la presse est perçue comme le garant parfait de la fiabilité de l’information, bien davantage que l’archiviste dont le rôle reste méconnu. Pourtant, ces deux domaines ont de multiples points communs, à commencer par la mise à disposition de tous de l’information publique. Ainsi, de même qu’il revendique un rôle actif dans la constitution des sources le concernant, l’individu s’approprie également des sources mises à sa disposition : l’accès à l’information publique constitue un enjeu majeur dans une société qui se saisit de plus en plus de la chose publique ; c’est l’étape ultime de la réconciliation de la société avec son passé.

L’oubli temporaire, outil d’une réconciliation collective ?

De même, un peuple qui ne connaît pas sa propre histoire est borné au présent de la génération actuelle : il ne comprend ni sa nature, ni sa propre existence, dans l’impossibilité où il est de les rapporter à un passé qui les explique ; il peut moins encore anticiper sur l’avenir. Seule l’histoire donne à un peuple une entière conscience de lui-même.
Arthur Schopenhauer, « De l’histoire », Le Monde comme volonté et comme représentation.

La communication des archives publiques est régie en France par des dispositions spécifiques permettant de concilier la protection des intérêts visés par la loi avec les exigences d’accès à l’information publique. Ces dispositions sont matérialisées par le biais des délais de communicabilité, qui permettent une désensibilisation de l’information : c’est la « fabrique de l’histoire » au sens propre, ce qui permet à l’information de passer du statut d’actualité au statut de source historique, avec le recul intellectuel que cela suppose. Au-delà de ces délais, la possibilité d’accéder ainsi à l’information en partie désensibilisée permet la réconciliation collective de la société autour de sujets traumatisants, comme la guerre d’Algérie ou la Seconde Guerre mondiale, par exemple. L’ouverture programmée des archives publiques s’apparente à une catharsis collective.

Il arrive pourtant que cette réconciliation ne se manifeste pas par le souvenir, mais au contraire, par l’oubli programmé : dans ce cas, au lieu de conserver les informations relatives à un événement, c’est par l’amnésie organisée que l’on transcende les crispations. Cette amnésie peut être institutionnelle : c’est ce qui se pratique dans le domaine de la justice, avec la pratique de l’amnistie, évoquée plus haut, qui pose de réels problèmes déontologiques aux archivistes lorsqu’il s’agit de communiquer les procédures qui ont fait l’objet d’amnisties. En effet, peut-on faire état de faits historiquement avérés, mais qui auraient donné lieu à une amnistie ? Le Conseil constitutionnel a eu en 2013 l’occasion de se pencher sur cette question39, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution du 6e alinéa de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, qui précise que l’exception de vérité40 n’est pas invocable lorsqu’il s’agit de faits amnistiés41. Le Conseil constitutionnel, estimant que, « par son caractère général et absolu, cette interdiction porte à la liberté d’expression une atteinte qui n’est pas proportionnée au but poursuivi ; qu’ainsi, elle méconnaît l’article 11 de la Déclaration de 1789 », place la liberté d’expression au-dessus du droit à l’oubli incarné par l’amnistie.

La fameuse incommunicabilité perpétuelle très controversée chez les archivistes et les historiens, pour les documents portant sur les armes nucléaires, biologiques, et chimiques, ou toutes autres armes de destruction massive ayant des effets analogues42, est un autre cas d’amnésie institutionnalisé. Cette incommunicabilité perpétuelle pour une catégorie d’archives spécifique résulte du choix de la représentation nationale à travers le vote de la loi sur les archives en 2008, motivé par le souci de la sécurité publique. Il s’agit bien là d’un oubli programmé, volontaire, que la société souhaite s’imposer à elle-même, de façon paradoxale, alors même que le consensus autour du souvenir des conflits qui ont vu l’apparition de ces armes ne fait absolument pas débat. Ce paradoxe en entraîne d’autres : ainsi, du fait de cette incommunicabilité permanente, certains documents relatifs à l’utilisation du gaz moutarde pendant la Première Guerre mondiale ne sont pas accessibles et ne le seront jamais, et ce, alors même que les commémorations autour du centenaire de ce conflit battent leur plein. L’oubli volontaire et décidé des archives concernant ces armes semble ainsi l’emporter sur l’intérêt scientifique ou social de la connaissance du passé.

Entre oubli contraint et oubli désiré : le vertige de la société numérique

La réflexion et la pratique archivistiques en matière de construction de l’oubli et construction de la mémoire se sont donc consolidées au fil des dernières décennies parallèlement à l’avancée de la société sur ces sujets. Toutefois la formalisation récente du droit à l’oubli a provoqué une accélération soudaine dans ce processus. Le développement du numérique a profondément transformé la société, qui, dans un premier temps, y a vu une formidable opportunité de diffusion et de partage des connaissances. Mais la rapidité de la société de l’information alliée à la fragilité des supports et à l’obsolescence des formats informatiques fait que jamais l’information n’a été plus volatile et fragile. La société risque, faute d’une prise de conscience suffisante, de se trouver une nouvelle fois confrontée à un oubli contraint : lors de la phase de sélection, l’archiviste est d’ores et déjà confronté à la capacité technologique que l’on peut avoir d’extraire des données, en vue de les conserver, d’applications qui n’ont pas été prévues pour cela ; au coût de cette extraction ; à la question de la pérennisation des données d’autant que certains formats ne sont pas suffisamment documentés pour être exploités. Faute d’anticipation suffisante de ces questions, la société contemporaine risque donc de perdre ces données, de subir une amnésie contrainte au moins partielle.

Parallèlement, au nom du droit à la vie privée, élevé comme un droit absolu, la notion de droit à l’oubli gagne du terrain. L’oubli voulu viendra donc s’associer à l’oubli contraint, d’autant que les décideurs hésiteront à investir massivement pour la préservation et la pérennisation des sources numériques quand celles-ci seront susceptibles à tout moment de faire l’objet de demandes d’effacement. Après un xxe siècle confronté au vertige des masses documentaires de plus en plus volumineuses et envahissantes, le xxie siècle sera-t-il face au vertige d’un oubli de plus en plus prégnant ? Après être passés de l’oubli contraint à l’oubli voulu et réfléchi, reviendrons-nous à une nouvelle forme d’oubli contraint du fait de notre incapacité à assurer la sauvegarde des sources numériques ? La construction de la mémoire est un processus fragile : il appartient à la société de déterminer, en pleine conscience, ce qu’elle souhaite conserver et transmettre aux générations futures, en confiant aux archivistes le soin d’être médiateurs entre l’oubli et l’histoire.

1 Sur la notion de secret dans les archives, la bibliographie est abondante. Voir notamment Sonia Combe (1994), Archives interdites. Les peurs

2 Aucune mention dans l’index du Manuel d’archivistique de 1970, dans l’index de la Pratique archivistique française de 1993, dans l’index du Droit

3 Tout particulièrement, Derrida, Jacques (1995), Mal d’archive, Paris, Galilée.

4 Précurseur en la matière, Yves Pérotin disait déjà en 1961 « le pilonnage, enfin, c’est l’oubli irréversible » (Pérotin, Yves (octobre 1961), « L’

5 Proposal for a REGULATION OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on the protection of individuals with regard to the processing of personal

6 L’Association des archivistes français a été à l’origine en mars 2013 d’une pétition contre la suppression totale ou l’anonymisation des données à

7 On peut citer parmi les manifestations récentes, la conférence de Yann Potin à l’IMEC le 18 septembre 2014 « Des antidotes à la mémoire ? Les

8 Le corpus de documents médiévaux parvenus jusqu’à nous étant déjà très limité, la question d’éventuelles éliminations ne se pose même pas.

9 « Mémoire du monde : mémoire perdue. Bibliothèques et archives détruites au xxe siècle », préparé pour l’UNESCO par Hans van der Hoeven au nom de l

10 La commission d’accès aux documents administratifs le précise également : « Les demandes d’accès doivent porter sur des documents existants, c’est

11 Cette suspicion est à rapprocher de celle décrite par Yves Nédelec, conservateur des archives départementales de la Manche expliquant qu’il ne peut

12 « Il valait mieux laisser de pareilles choses dans l’oubli de peur que plus tard quelque homme puissant ne les connût et ne voulût encore enchérir

13 Jean-Marc Berlière, « Archives “interdites”, archives “spéciales” ? Quelques réflexions à propos des Archives policières… », Histoire@Politique.

14 Bernard Gauthier, « La bibliothèque nationale et universitaire de Sarajevo », Bulletin des bibliothèques de France, n° 6, 1997 (http://bbf.enssib.

15 « L’agresseur, ayant éliminé les victimes humaines du groupe cible, peut détruire à loisir toute trace de l’existence du groupe éliminé » (Vesna

16 Cf. la définition des archives, article 1 de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives : « Les archives sont l’ensemble des documents, quels que

17 La Pratique archivistique française, p. 252. En fait, il est quasiment impossible de savoir ce que représente la part de ce qui est conservé à

18 Code du patrimoine, art. R212-14.

19 Comité interministériel aux Archives de France (juillet 2014), Cadre méthodique pour l’évaluation, la sélection et l’échantillonnage des archives

20 Comité interministériel aux Archives de France (juillet 2014), Cadre méthodique pour l’évaluation, la sélection et l’échantillonnage des archives

21 Circulaire n°DGOS/RH2/2011/169 du 11 mai 2011 relative à la mise en œuvre de la déconcentration des procédures d’autorisation d’exercice et de

22 Code du patrimoine, art. L211-2.

23 Dans notre exemple, la production est d’environ 300 dossiers par an pour la seule DRJSCS de Picardie.

24 Durée de conservation d’un document nécessaire à la gestion des affaires en cours ou utile à des fins juridiques (Comité interministériel aux

25 Code pénal, art. 133-11.

26 http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/945

27 Ministère de la Culture et de la Communication (2013), Recueil des Commémorations nationales 2014, Paris.

28 À titre d’exemple, Howard Zinn rappelle que « l’histoire est écrite par les vainqueurs » dans son article « Un pouvoir que nul ne peut réprimer »

29 Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1971, p. 50-85.

30 Voir par exemple l’article de Camille Drouet et Marine Haag (2014), « Comment soigner son e-réputation ? », Le Monde, 11 septembre 2014.

31 La constitution espagnole énonce à l’article 18-1 : « Le droit à l’honneur, à l’intimité personnelle et familiale et à sa propre image est garanti

32 Voir l’arrêt de la Cour européenne de justice du 13 mai 2014 dans l’affaire C. 131/12 dite « Google Spain ».

33 Archives de France, échanges de courriels du 19 mars 2012, archives courantes du Bureau de l’accès aux archives et de la diffusion numérique (5_

34 Cour de Cassation, Chambre civile 2, audience du 8 juillet 2004, 03-13.260.

35 Article 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

36 Arrêt de la cour d’appel de Caen du 10 septembre 2013, diocèse de Coutances contre M. René L.

37 Voir entre autres les articles suivants : Éric Pfanner, « Archivists in France Fight a Privacy Initiative », New York Times, 16 juin 2013 ; ou

38 Ce « producteur archivistique » correspond au « responsable du traitement initial des données » en droit informatique et libertés.

39 Décision du Conseil constitutionnel n° 2013-319 QPC du 7 juin 2013.

40 Il s’agit du fait pour une personne poursuivie pour diffamation de s’exonérer de toute responsabilité en prouvant la vérité des faits allégués.

41 Extrait de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée

42 Article L.213-2 du Code du patrimoine, II : « Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner

Notes

1 Sur la notion de secret dans les archives, la bibliographie est abondante. Voir notamment Sonia Combe (1994), Archives interdites. Les peurs françaises face à l’histoire contemporaine, Paris, Albin Michel, 1994 et Sébastien Laurent (dir.), Archives « secrètes », secrets d’archives ?, Paris, CNRS Éditions, 2003.

2 Aucune mention dans l’index du Manuel d’archivistique de 1970, dans l’index de la Pratique archivistique française de 1993, dans l’index du Droit des archives de 1996, dans les tables de la revue Bibliothèque de l’école des chartes pour la période 1940-1989. Pour autant, la notion d’oubli est parfois abordée rapidement. C’est le cas par exemple dans la Pratique archivistique française, p. 235 ou dans le Droit des archives, p. 121 (mais Hervé Bastien évoque là le droit à l’oubli dans un chapitre sur la responsabilité de l’historien, donc sans lien direct avec la responsabilité de l’archiviste).

3 Tout particulièrement, Derrida, Jacques (1995), Mal d’archive, Paris, Galilée.

4 Précurseur en la matière, Yves Pérotin disait déjà en 1961 « le pilonnage, enfin, c’est l’oubli irréversible » (Pérotin, Yves (octobre 1961), « L’administration et les « trois âges » des archives », Seine-et-Paris, n° 20 (cité dans La pratique archivistique française, p. 235).

5 Proposal for a REGULATION OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on the protection of individuals with regard to the processing of personal data and on the free movement of such data (General Data Protection Regulation)
http://www.europarl.europa.eu/registre/docs_autres_institutions/commission_europeenne/com/2012/0011/COM_COM(2012)0011_EN.pdf

6 L’Association des archivistes français a été à l’origine en mars 2013 d’une pétition contre la suppression totale ou l’anonymisation des données à caractère personnel (pétition #EUdataP) qui a recueilli plus de 50 000 signatures.

7 On peut citer parmi les manifestations récentes, la conférence de Yann Potin à l’IMEC le 18 septembre 2014 « Des antidotes à la mémoire ? Les archives, entre vérité et oubli ».

8 Le corpus de documents médiévaux parvenus jusqu’à nous étant déjà très limité, la question d’éventuelles éliminations ne se pose même pas.

9 « Mémoire du monde : mémoire perdue. Bibliothèques et archives détruites au xxe siècle », préparé pour l’UNESCO par Hans van der Hoeven au nom de l’IFLA et Joan van Albada au nom du CIA, 1996.

10 La commission d’accès aux documents administratifs le précise également : « Les demandes d’accès doivent porter sur des documents existants, c’est pourquoi la loi ne permet pas d’obtenir une réponse à une demande de renseignement ou de faire établir un document à son attention » (http://www.cada.fr/l-etendue-du-droit-d-acces,20.html, consulté le 28 septembre 2014).

11 Cette suspicion est à rapprocher de celle décrite par Yves Nédelec, conservateur des archives départementales de la Manche expliquant qu’il ne peut communiquer des documents détruits : « En quarante ans, il m’est arrivé, plusieurs centaines de fois, d’apprendre à un lecteur que les documents qu’il voulait consulter avaient péri en 1944. J’ai senti souvent, dans le regard de mon interlocuteur, un mélange d’incrédulité et de suspicion. Incrédulité devant l’ampleur des dégâts : « Ces documents sont détruits, même pour moi ? », me demande un jour un Français au cartésianisme un peu émoussé. » (NÉDÉLEC, Yves, « Survol provisoire des collections actuelles des archives départementales de la Manche », http://www.archives.manche.fr/archivesDepartementales/iso_album/survol_provisoire_nedelec_2013.pdf, consulté le 28 septembre 2014).

12 « Il valait mieux laisser de pareilles choses dans l’oubli de peur que plus tard quelque homme puissant ne les connût et ne voulût encore enchérir sur ces actes inhumains. »

13 Jean-Marc Berlière, « Archives “interdites”, archives “spéciales” ? Quelques réflexions à propos des Archives policières… », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 8, mai-août 2009, (www.histoire-politique.fr, consulté le 28 septembre 2014).

14 Bernard Gauthier, « La bibliothèque nationale et universitaire de Sarajevo », Bulletin des bibliothèques de France, n° 6, 1997 (http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1997-06-0072-007, consulté le 28 septembre 2014).

15 « L’agresseur, ayant éliminé les victimes humaines du groupe cible, peut détruire à loisir toute trace de l’existence du groupe éliminé » (Vesna Blazina, « Mémoricide ou la purification culturelle : la guerre contre les bibliothèques de Croatie et de Bosnie-Herzégovine », Documentation et bibliothèques, vol. 42, 1996 (http://bmip.info/articles/Memoricide.pdf, consulté le 28 septembre 2014).

16 Cf. la définition des archives, article 1 de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives : « Les archives sont l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de leur activité. »

17 La Pratique archivistique française, p. 252. En fait, il est quasiment impossible de savoir ce que représente la part de ce qui est conservé à titre définitif et de ce qui est éliminé. En effet, les statistiques du rapport annuel des Archives de France donnent le métrage éliminé et le métrage conservé mais un même producteur ne profite pas forcément de la même année pour verser et pour éliminer. Beaucoup éliminent tous les ans mais ne versent que tous les dix ans. Dès lors, le ratio est faussé si on compare des chiffres d’élimination et des chiffres de versement qui ne correspondent pas aux mêmes années de production. D’ailleurs, ce ratio élimination/conservation aurait-il même un sens ? Certains processus administratifs sont conservés intégralement (transcriptions hypothécaires par exemple) tandis que d’autres sont éliminés intégralement (demandes de cartes d’identité) ou font l’objet d’une conservation partielle.

18 Code du patrimoine, art. R212-14.

19 Comité interministériel aux Archives de France (juillet 2014), Cadre méthodique pour l’évaluation, la sélection et l’échantillonnage des archives publiques, [en ligne] http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/7742.

20 Comité interministériel aux Archives de France (juillet 2014), Cadre méthodique pour l’évaluation, la sélection et l’échantillonnage des archives publiques, [en ligne] http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/7742.

21 Circulaire n°DGOS/RH2/2011/169 du 11 mai 2011 relative à la mise en œuvre de la déconcentration des procédures d’autorisation d’exercice et de libre prestation de services (professions paramédicales).

22 Code du patrimoine, art. L211-2.

23 Dans notre exemple, la production est d’environ 300 dossiers par an pour la seule DRJSCS de Picardie.

24 Durée de conservation d’un document nécessaire à la gestion des affaires en cours ou utile à des fins juridiques (Comité interministériel aux Archives de France (octobre 2013), Référentiel général de gestion des archives. http://references.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/Referentiel General de Gestion des Archives R2GA - octobre 2013.pdf).

25 Code pénal, art. 133-11.

26 http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/945

27 Ministère de la Culture et de la Communication (2013), Recueil des Commémorations nationales 2014, Paris.

28 À titre d’exemple, Howard Zinn rappelle que « l’histoire est écrite par les vainqueurs » dans son article « Un pouvoir que nul ne peut réprimer », Le Monde diplomatique, janvier 2004.

29 Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1971, p. 50-85.

30 Voir par exemple l’article de Camille Drouet et Marine Haag (2014), « Comment soigner son e-réputation ? », Le Monde, 11 septembre 2014.

31 La constitution espagnole énonce à l’article 18-1 : « Le droit à l’honneur, à l’intimité personnelle et familiale et à sa propre image est garanti à chacun ».

32 Voir l’arrêt de la Cour européenne de justice du 13 mai 2014 dans l’affaire C. 131/12 dite « Google Spain ».

33 Archives de France, échanges de courriels du 19 mars 2012, archives courantes du Bureau de l’accès aux archives et de la diffusion numérique (5_sdaacr\1_dossiers_courants\05_acces_aux_archives\52_loi_2008\522_communicabilite\5222_cas_particuliers \aide_sociale_enfance).

34 Cour de Cassation, Chambre civile 2, audience du 8 juillet 2004, 03-13.260.

35 Article 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

36 Arrêt de la cour d’appel de Caen du 10 septembre 2013, diocèse de Coutances contre M. René L.

37 Voir entre autres les articles suivants : Éric Pfanner, « Archivists in France Fight a Privacy Initiative », New York Times, 16 juin 2013 ; ou Fabienne Dumontet, « Le “droit à l’oubli numérique” inquiète les historiens », Le Monde, 3 octobre 2013.

38 Ce « producteur archivistique » correspond au « responsable du traitement initial des données » en droit informatique et libertés.

39 Décision du Conseil constitutionnel n° 2013-319 QPC du 7 juin 2013.

40 Il s’agit du fait pour une personne poursuivie pour diffamation de s’exonérer de toute responsabilité en prouvant la vérité des faits allégués.

41 Extrait de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf : […] c) Lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision […]. »

42 Article L.213-2 du Code du patrimoine, II : « Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d’un niveau analogue ».

Citer cet article

Référence électronique

Aude ROELLY et Marie RANQUET, « Entre oubli et mémoire, l’archiviste funambule », K@iros [En ligne], 2 | 2017, mis en ligne le 22 novembre 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=256

Auteurs

Aude ROELLY

Chef du bureau du contrôle et de la collecte des archives publiques du Service interministériel des Archives de France (SIAF)

Marie RANQUET

Chargée de la communicabilité des archives publiques du Service interministériel des Archives de France (SIAF)

Droits d'auteur

Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)