Le principe d’indisponibilité et d’immutabilité de l’état des personnes existe incontestablement dans d’autres systèmes juridiques et, comme en France1, il est assorti d’exceptions de plus en plus nombreuses, ce qui permet de s’interroger sur sa véritable valeur. En Belgique, à titre d’exemple, le principe d’indisponibilité signifie que l’état des personnes est soustrait à l’autonomie de la volonté et est imposé par la loi2. Dans de nombreux systèmes juridiques, même si le principe d’indisponibilité de l’état des personnes n’est pas expressément reconnu, le législateur étranger encadre plus ou moins strictement la possibilité de façonner certains éléments nécessaires à l’identification d’une personne3.
Les systèmes juridiques contemporains évoluent et tendent à concilier la sécurité publique et le droit à l’autodétermination. L’on observe aujourd’hui une forte européanisation du droit de la famille et l’internationalisation de la vie des personnes. Ce processus de transformation bouleverse nos conceptions traditionnelles, y compris en matière d’état des personnes. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH), les États disposent d’une large marge d’appréciation « quand il s’agit de questions morales et éthiques délicates au sujet desquelles il n’y a pas de consensus au niveau européen4 ». Ainsi, à titre d’illustration, dans la décision du 31 janvier 2023, concernant l’absence de mention de sexe neutre dans les actes de l’état civil, la Cour EDH a jugé qu’il appartenait à la France de déterminer « à quel rythme et jusqu’à quel point il convient de répondre aux demandes des personnes intersexuées en matière d’état civil5 ».
Des préoccupations fondamentales et parfois contradictoires entrent aujourd’hui en jeu. La protection de l’intérêt général et de l’organisation de la société, qui est fondée sur la fiabilité et la cohérence des registres de l’état civil, impose de préserver l’indisponibilité et l’immutabilité de l’état des personnes. En revanche, le développement de la sphère de l’autonomie personnelle devrait favoriser la possibilité de créer sa propre identité et de modifier librement ses nom et prénom, son sexe et, pourquoi pas, son âge légal6, conformément à une nouvelle logique autodéclarative7.
Le curseur de la mutabilité est positionné différemment dans chaque système juridique. Des variations concernent tant les conditions de fond que les conditions de forme des changements autorisés, ainsi que les effets, plus ou moins limités. Concernant les conditions de fond, certains systèmes juridiques admettent la mutabilité uniquement dans les situations jugées exceptionnelles, pour des motifs sérieux et légitimes. Les procédures de changement peuvent aussi être plus ou moins rigides, variant d’une procédure judiciaire lourde, donc parfois dissuasive, à une simple déclaration individuelle. Concernant les effets, ils sont souvent limités par l’absence de rétroactivité et le caractère irrévocable des changements.
Deux conceptions distinctes de l’état des personnes se profilent dans les systèmes de droit étrangers : l’une qui préserve fortement l’indisponibilité et l’immutabilité, et qui témoigne d’une résistance du principe d’indisponibilité (I) et l’autre qui consacre le droit à l’autodétermination (II).
I. La résistance du principe d’indisponibilité de l’état des personnes
Selon l’adage bien connu, l’exception confirme la règle pour les cas qui ne sont pas explicitement exceptés8. Dans de nombreux systèmes juridiques, même si les exceptions deviennent de plus en plus nombreuses, le principe fondamental reste toujours le même : l’état des personnes est indisponible. Les exceptions sont prévues et encadrées par la loi et concernent aujourd’hui principalement le changement de nom (A) et le changement de sexe (B).
A. Le changement de nom
La libéralisation du changement de nom et de prénom est observée dans de nombreuses législations en Europe. Néanmoins, malgré ce considérable assouplissement, les modifications admises doivent respecter plusieurs conditions.
En France, conformément à l’article 61 du Code civil, toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande doit être adressée au ministre de la Justice ; à l’issue d’une procédure pouvant durer plusieurs mois et prévoyant des vérifications, le changement de nom est autorisé par décret. Lorsqu’il s’agit de porter le nom de son père, de sa mère ou les deux, une procédure simplifiée permet d’effectuer le changement sur demande devant l’officier d’état civil. Dans cette dernière hypothèse, aucun motif légitime ne doit être apporté par le demandeur, qui ne peut toutefois utiliser ce droit qu’une seule fois au cours de sa vie, ce qui permet de préserver notamment la fiabilité des registres de l’état civil9.
En Belgique, une nouvelle loi votée le 7 janvier 2024 et qui entrera en vigueur le 1er juillet 2024 assouplit la procédure de changement de nom10 lorsque le demandeur choisit le nom de son père, de sa mère ou une combinaison des deux. Il suffira dans ce cas de s’adresser à un officier de l’état civil de la commune où le demandeur est domicilié. Dans d’autres cas, la demande de changement de nom doit être adressée au ministre de la Justice et le Roi autorise le changement de nom « après vérification des antécédents judiciaires, si la preuve de motifs graves est apportée et si le nom demandé ne prête pas à confusion et ne peut nuire à l'intéressé ou à des tiers11 ». Il s’agit donc d’une faveur que le Roi accorde et non d’un droit.
En Italie, l’immutabilité du nom résulte de l’article 6 du Code civil qui dispose dans son alinéa 3 que :
Aucun changement, ajout ou rectification du nom n'est autorisé, sauf dans les cas et sous les formes prévus par la loi12.
Le décret du 3 novembre 2000 fixe les modalités et les conditions pour réaliser le changement de nom en ne prévoyant qu’une seule procédure13. La demande doit être adressée au préfet de la province du lieu de résidence ou du bureau de l'état civil où se trouve l'acte de naissance. Un tel changement peut être demandé uniquement pour des raisons sérieuses et justifiées. Le législateur italien exclut, entre autres, l'attribution d’un nom de famille historique ou d’un nom qui pourrait induire en erreur quant à l'appartenance du demandeur à des familles illustres ou particulièrement connues.
En Espagne, pour demander un changement de nom de famille, il faut avoir un motif justifié et la demande doit être adressée à l'état civil où est enregistré l'acte de naissance. Le changement s’effectue par une simple déclaration de volonté14.
En Pologne, le changement de nom est admis uniquement pour des raisons importantes et la demande est adressée à l’officier de l’état civil15. La loi polonaise sur le changement de nom fournit une liste, non exhaustive, de motifs valables, à titre d’exemple lorsque le nom du demandeur est ridicule ou incompatible avec la dignité humaine ou lorsqu’il décide de changer pour le nom ou le prénom qu’il utilise déjà dans son quotidien. En outre, une union de fait n’est pas considérée comme une raison importante et suffisante pour changer le nom de famille pour celui de son concubin. La Cour administrative suprême polonaise a précisé que le besoin subjectif de porter le nom de famille issu d’une relation de fait, bien que justifié par des liens affectifs et une vie commune, ne remplit pas la condition de changement « uniquement pour des raisons importantes » et que cela s’applique aussi bien aux unions entre personnes de même sexe qu’à celles entre personnes de sexe différent16.
B. Le changement de sexe
Concernant le changement de sexe, certaines législations étrangères le conçoivent encore comme une modification exceptionnelle de l’état civil, voire comme une simple rectification d’une mention erronée. Conformément à la conception selon laquelle les éléments d’individualisation d’une personne font l’objet d’une constatation officielle au moyen des actes de l’état civil et qui échappent alors à la volonté individuelle, le « changement de sexe » n’est pas un véritable changement choisi, mais constitue une simple rectification.
Même si certains pays dans le monde, tel l’Iran17, soumettent la modification de la mention du sexe à une stérilisation obligatoire, les États européens, conformément à la jurisprudence de la Cour EDH, ont supprimé l’exigence d’une intervention chirurgicale préalable18. Néanmoins, une certaine conception traditionnelle de l’individu et de la famille persiste et le législateur étranger s’abstient souvent de franchir les étapes suivantes et, en particulier, de renoncer à la catégorisation binaire du sexe. En particulier, dans de nombreux pays, la modification de la mention du sexe dans les documents de l’état civil nécessite un jugement.
Il convient de rappeler à cette occasion qu’en France, certes il n'est pas nécessaire d'avoir suivi un traitement médical ou d'avoir été opéré, mais il faut démontrer que le sexe indiqué sur l’état civil ne correspond pas à celui de la vie sociale19. La demande est présentée devant le tribunal judiciaire et le tribunal constate que le demandeur satisfait aux conditions fixées à l'article 61‑5 du Code civil et ordonne la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l'état civil.
En Italie, la rectification s’effectue à l’issue d’une procédure judiciaire qui attribue à une personne un sexe différent de celui indiqué dans son acte de naissance20. La procédure établie initialement par la loi de 1982 prévoyait l'opération chirurgicale obligatoire. Dans un premier temps, le tribunal devait autoriser une opération de changement de sexe, puis, dans un second temps, et seulement une fois l’intervention chirurgicale réalisée, il délivrait l’autorisation de changer la mention du sexe et le prénom. Le décret législatif de 2011 a rendu les deux demandes cumulatives. La Cour de cassation et la Cour constitutionnelle italiennes ont statué en 2015 en décidant que les personnes transgenres ne peuvent être contraintes à subir une intervention chirurgicale ou un traitement médical si elles ne le souhaitent pas21. Récemment, le tribunal de Trapani dans une décision en date du 6 juillet 2023 a, pour la première fois, permis par le même jugement de changer tant le nom que la mention du sexe sans aucune intervention chirurgicale effectuée ou prévue ni une thérapie hormonale, ce qui est considéré par certains comme un premier pas vers l’autodétermination du genre en Italie22.
En Pologne, l’on considère que le sexe mentionné de manière erronée dans l’acte de naissance doit être simplement rectifié23. Le législateur polonais n’a jamais établi de règles spécifiques applicables au changement de sexe, malgré un projet de loi de 201524. Les personnes transsexuelles utilisent depuis de nombreuses années l’article 189 du Code de procédure civile selon lequel il est possible de demander au tribunal de déterminer l'existence ou l’inexistence d’un droit ou d’une relation juridique lorsqu'il y a un intérêt juridique à une telle constatation. Une action en justice est intentée par la personne concernée contre ses parents ou le tuteur désigné lorsque les parents ne sont plus en vie. Or, dans l’hypothèse où les parents s’y opposent, le changement de sexe devient très compliqué. Ce n'est qu'après le diagnostic et le début de l'hormonothérapie qu'il est possible d'intenter une action en justice. Après le changement de sexe, le nouveau sexe est inscrit sur l'acte de naissance. La mention du sexe sur l'acte de naissance est alors rectifiée au moyen d’une annotation en marge. La Cour EDH considère que le refus de délivrer à une personne transgenre un acte de naissance complet sans mention de sa conversion sexuelle n’est pas contraire au respect de la vie privée25. Le changement de sexe est irrévocable en droit polonais.
Traditionnellement, l’état des personnes est donc conçu par les systèmes juridiques comme une donnée objective, simplement constatée au moyen des actes de l’état civil, mais un certain glissement s’opère aujourd’hui car, avec l’émergence du droit à l’autodétermination, les actes de l’état civil reflètent la volonté individuelle, les données enregistrées sont de plus en plus subjectives. « L’identité statique » tend à être remplacée par « l’identité dynamique26 ».
II. L’émergence de l’autodétermination au détriment du principe d’indisponibilité de l’état des personnes
L’exception devient la règle et le principe d’indisponibilité risque donc, à terme, d’être remplacé par le principe d’autodétermination. L’autodétermination permet aujourd’hui, dans certains systèmes juridiques, de choisir librement son sexe, voire de ne pas le définir (A). Serait‑il alors possible d’étendre cette liberté aux autres éléments de l’état d’une personne, tel son âge (B) ?
A. La liberté de choisir son sexe ou de ne pas faire de choix
L’évolution de la mention du sexe sur les registres de l’état civil témoigne clairement de l’émergence de l’autodétermination. L’Argentine a été le premier pays dans le monde, autorisant en 2012 le changement de genre à l’état civil sur simple déclaration27. D’autres pays latino‑américains ont adopté des lois similaires, tels que la Colombie en 201528, la Bolivie en 201629 et l’Uruguay en 201830. En France, une proposition de loi en vue de faciliter le changement de sexe à l’état civil a été déposée au Sénat le 2 avril 2024. Selon cette proposition, le changement s’effectuerait par une simple déclaration auprès d’un officier de l’état civil31.
En matière de changement de sexe, une logique dite « autodéclarative » est présente dans les récentes réformes en Espagne et en Belgique.
En Belgique, depuis la loi du 20 juillet 2023, entrée en vigueur le 1er octobre 202332, les personnes transgenres peuvent modifier plusieurs fois la mention du sexe et leur prénom. Le principe d’irrévocabilité du changement de sexe, ainsi que la procédure devant le tribunal de la famille, sont désormais supprimés et le changement s’effectue devant l’officier de l’état civil. Il s’agit de modifications de la loi « transgenre » du 25 juin 2017, dont certaines dispositions avaient été annulées par la Cour constitutionnelle dans l’arrêt du 19 juin 2019, car jugées discriminatoires et non conformes aux articles 10, 11 et 22 de la Constitution belge, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme33. Une deuxième phase de la réforme est attendue et elle devrait porter sur la possibilité de reconnaissance du sexe neutre. La Cour constitutionnelle belge avait estimé, en effet, que l’absence de cette possibilité violait le principe d’égalité pour ceux qui ne pouvaient s’identifier dans l’une des catégories « homme » ou « femme ». En droit belge :
L’indisponibilité du corps et celle de l’état ont ainsi perdu leur caractère contraignant de principe général de droit, chacun ayant, dans certaines limites, le droit de disposer librement de son corps et de son état34.
En Espagne, la loi « Trans » du 28 février 2023, entrée en vigueur le 2 mars 202335 reconnaît l'autodétermination du genre (« la autodeterminación de género ») pour les personnes de plus de seize ans. Toute personne peut donc changer de sexe enregistré sans avoir besoin de présenter des rapports médicaux ou psychologiques ni de subir de traitements hormonaux. Le changement s’effectue par une simple déclaration administrative. La loi prévoit qu'au bout de six mois, une personne « trans » peut revenir à son sexe d'origine de la même manière, mais la troisième modification nécessite de passer devant un juge qui vérifiera alors notamment s'il n’y a pas de fraude à la loi. Il convient d’observer que, en effet, des abus ont eu lieu dès les premiers mois de l’entrée en vigueur de ladite loi. La presse espagnole a relaté récemment le cas du changement de sexe effectué par une quarantaine de militaires hommes voulant obtenir des avantages réservés aux femmes36. Puisque certaines mesures ont été mises en place en Espagne pour rendre les carrières dans les forces armées plus attrayantes pour les femmes, certains hommes ont déclaré le changement de sexe pour bénéficier de ces mesures et, en particulier d’une augmentation de salaire et de certains avantages matériels tels qu'une chambre privée avec salle de bains. Par ailleurs, une enquête de l'Institut de sondage Sigma Dos affirmait en octobre 2022 que 65 % des Espagnols jugeaient « problématique » le droit à la libre autodétermination du genre37.
Une autre tendance découle du droit à l’autodétermination, celle à débinariser le genre, d’abord par l’introduction de la mention du sexe neutre, puis par la suppression totale de la mention du sexe dans les registres de l’état civil38. Certains auteurs sont, en effet, favorables à la disparition totale de la mention du sexe dans l’acte de naissance, considéré alors comme appartenant à la sphère privée, au même titre que les opinions politiques ou l’appartenance religieuse, car :
L’indisponibilité de l’état de personnes apparaît désormais comme résiduelle, le modèle émergeant pour penser juridiquement le genre est celui de l’autodétermination39.
Tant la « logique autodéclarative » que la débinarisation du genre rencontrent de nombreuses critiques qui voient dans ce mouvement, entre autres, une atteinte aux droits des femmes40. La reconnaissance du genre neutre ou la disparition totale de la mention du sexe sont perçues comme un obstacle dans la lutte pour l’égalité entre femmes et hommes.
La réalité de l’internationalisation de la vie des personnes met néanmoins à l’épreuve la résistance des systèmes juridiques et constitue un moteur de changement.
À ce propos, il est intéressant d’évoquer le cas d’Andrea Speck, une personne de nationalité allemande, non binaire, résidente à Séville en Espagne. La loi « Trans » votée en février 2023 n’a pas prévu la reconnaissance des personnes non binaires. Néanmoins, l'Espagne autorise aujourd’hui la troisième case « sexe indéfini » dans les documents des résidents étrangers, à la suite d’une bataille judiciaire menée précisément par Andrea Speck41. Tandis que son passeport allemand indiquait le sexe indéterminé, l’administration espagnole refusait pendant longtemps de le mentionner dans les documents. En juillet 2019, la demande d’Andrea Speck de reconnaissance de sexe neutre a été rejetée en première instance par le tribunal de Séville au motif de l’« absence de réglementation légale » en la matière. Mais dans sa décision du 23 janvier 2023, le Tribunal supérieur de justice d’Andalousie a finalement considéré que cette demande était « légitime » et « pleinement acceptable », étant en accord avec la mention qui figurait sur le passeport allemand et, depuis 2019, dans le registre du Service de santé andalou, en vertu d’une loi andalouse.
Il n’est donc pas exclu qu’à l’avenir un résident français originaire d’un État reconnaissant le sexe neutre demande le même traitement en France. Or, en Europe, l'Allemagne42, les Pays‑Bas, l'Autriche, le Danemark, Malte et l'Islande reconnaissent officiellement les personnes non binaires sur les documents d'identité43.
B. La liberté de déterminer son âge légal ?
Le droit à l’autodétermination justifierait‑il la possibilité de choisir ou de modifier librement d’autres éléments de l’état d’une personne, tel son âge légal44 ?
En 2018, le tribunal d'Arnhem, aux Pays‑Bas, a été saisi par Monsieur Émile Ratelband, un Néerlandais de 69 ans qui a demandé la modification de sa date de naissance et le changement de son âge légal à 49 ans45. Monsieur Ratelband soutenait que puisque nous pouvons aujourd'hui choisir notre travail, notre genre, nos orientations politique et sexuelle et que nous avons même le droit de changer de nom, pourquoi ne pas avoir le droit de changer d'âge ? Il prétendait d’être discriminé à cause de son âge, notamment sur le marché du travail et pour l’achat d’une maison. À l’appui de sa demande, il a produit un certificat médical qui attestait que biologiquement il n’avait que 45 ans. En outre, il déclarait renoncer à sa future pension de retraite si sa demande devait aboutir. La demande a été rejetée par le tribunal le 3 décembre 2018, car la modification souhaitée aurait entraîné des conséquences juridiques et sociales indésirables.
Parmi les arguments favorables à une potentielle mutabilité de la mention relative à la date de naissance sur les registres de l’état civil, l’on indique avant tout le droit à l’autodétermination et le droit au respect de la vie privée qui permettrait de voir l’âge comme une « expérience intime et subjective » et non comme une donnée objective. En revanche, les obstacles et les difficultés sont considérables et, pour l’heure, insurmontables. Le critère de l’âge est, en effet, pris en compte dans de nombreuses règles juridiques, fonde la distinction entre mineurs et majeurs et est d’une importance fondamentale dans le fonctionnement de l’État46.
En conclusion, le regard comparatiste invite à s’interroger : dans quelle mesure conviendrait‑il d’assouplir le principe d’indisponibilité de l’état des personnes en droit français, afin qu’il ne perde pas son rôle et qu’il ne disparaisse pas complétement ? Le système juridique français n’est pas isolé, or dans des pays voisins, tels que la Belgique, l’Allemagne ou l’Espagne, la tendance à privilégier l’autodétermination est très forte et la mobilité internationale qui met à l’épreuve la résistance des systèmes juridiques ne peut que la favoriser.